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rapport de leur incapacité légale, de leur age ou de leur sexe; ensuite, nous avons examiné s'il y avait également exclusion de certaines autres personnes à cause de leur qualité, de leur position sociale ou de leur caractère.

Maintenant, il nous reste à établir quelques points de jurisprudence concernant le choix d'une classe de personnes sur laquelle on a pu établir des doutes.

QUESTIONS ET DÉCISIONS.

1o (ÉTRANGER.) Un étranger qui ne se trouve pas dans l'un des cas prévus par les art. 11 ct 13 du Code civil, peut-il être choisi pour arbitre?

Suivant l'arrêt de la cour de cassation, du 7 floréal san V, S., I, ire, 104, l'étranger ne pouvait être élu arbitre, et cela résultait des lois constitutives de la République Française et de la loi du 28 thermidor an III. Depuis cet arrêt, on ne rapporte aucune décision de la cour suprême sur cette question assez importante; mais les auteurs s'en sont emparés, et ils se trouvent divisés d'opinion; ceux du Praticien, t. V, p. 348, font observer que l'étranger ne jouissant pas des droits civils, ne peut être témoin dans un acte authentique; à fortiori, il ne peut être choisi pour arbitre. MM. Boucher, Manuel des Arbitres, p. 115, et Carré, Lois de la Procéd, no 3259, prétendent, au contraire, que l'arrêt précité ne peut être considéré comme ayant fixé un point de jurisprudence. « Le » motif qui lui sert de base, dit M. Carré, paraît

» erroné, en ce que l'on argumente du principe que »> nos constitutions n'appellent à exercer des fonctions » qu'elles établissent, que ceux qui jouissent des droits » politiques. Nos constitutions n'établissent point de » fonctions d'arbitre; elles ne font que consacrer et » garantir le droit naturel dont tout homme doit » jouir, de soumettre son différend à des personnes de » son choix, et de régulariser l'exercice de ce droit » dans ses rapports avec l'ordre de l'administration » de la justice. »

Cette critique de l'arrêt précité est une manifestation suffisante de l'opinion de cet auteur, fortifiée, du reste, par celle de M. Pardessus, en son Droit commercial, no 1389. « Quant à l'étranger, dit ce >>> dernier : Nous serions porté à croire qu'en ar» bitrage volontaire, il peut être choisi sans qu'une » des parties eût droit d'attaquer sa décision pour in» capacité, puisque, dans cette sorte d'arbitrage, le >> compromis et la nomination sont l'ouvrage de tous: » volenti non fit injuria. » Mais, M. Pardessus change de manière de voir à l'égard de l'arbitrage forcé, et nous adoptons sa distinction judicieuse, en l'absence d'une décision précise de la cour suprême, rendue dans l'état actuel de notre législation. En effet, l'arbitrage volontaire, n'étant, en général, que le résultat d'une convention libre, doit se renfermer dans le droit des gens, et laisser aux citoyens, pour vider leurs contestations, l'entière liberté de choisir qui bon leur semble, même un étranger, pour arbitre; et du moment que, dans le compromis, il est agréé par toutes les partics, quoiqu'il ne soit pas Français, il y a rai

son de croire que l'une d'elles serait non recevable à attaquer la décision arbitrale, sous le prétexte de l'incapacité de l'étranger. Quant à l'arbitrage forcé, c'est tout autre chose, comme on le verra plus loin: on peut dire que cette institution tient du droit civil puisque le législateur a voulu que toute contestation entre associés fùt enlevée aux tribunaux, pour être déférée à des arbitres, qui, nécessairement, se trouvent substitués aux juges ordinaires.

2o (JUGE DE PAIX.) Un juge de paix, devant lequel des parties comparaissent pour se concilier, peut-il être choisi par elles arbitre de leur différend, même en dernier ressort ?

Résolue affirmativement par la cour de Colmar, arrêt du 21 décembre 1813, D., t. ler, 681.

Cette question rentre dans celle que nous poserons à la section IV, no 6, Questions et Décisions, touchant la faculté qu'ont les juges d'accepter la mission d'arbitre, toutefois avec les observations que nous avons ajoutées. Par exemple, si un juge de paix avait manifesté son opinion sur l'affaire, en bureau de paix ou ailleurs, il ne serait pas délicat de sa part d'accepter la fonction d'arbitre; d'ailleurs, il s'exposerait à la récusation.

3o (TRIBUNAL EN CORPS.) Un tribunal en corps peut-il accepter la mission d'arbitre amiable compositeur? par conséquent, le compromis par lequel des parties donnent à un tribunal le pouvoir de les juger en dernier ressort par forme d'arbitrage, est-il nul?

Cette question a été décidée par arrêt de la cour suprême du 30 août 1813, D., t. Ier, 682.

Les motifs de cet arrêt sont importans; on y remarque, entre autres, ceux-ci : « Que cette réunion >> des fonctions d'un tribunal à celles d'arbitre et » d'amiable compositeur, à laquelle résistent toutes >>> les convenances, est littéralement prohibée par les >> lois romaines, par les anciennes ordonnances et par >> diverses coutumes; que, les lois nouvelles n'auto>> risant pas cette réunion de fonctions aussi essen» tiellement différentes que celles de juger et celles » de faire des transactions, on doit conclure qu'elles » l'ont interdite aux tribunaux en corps, qui, délé» gués par le souverain pour rendre la justice en son » nom, ne peuvent pas dépasser les limites qui leur » ont été tracées, et étendre au-delà de ces limites les pouvoirs qu'il leur a confiés; que, d'ailleurs, les dispositions des Codes de procédure civile et de com>>>merce s'opposent évidemment à ce que cette réunion >> puisse jamais avoir lieu, notamment à raison de la » différence qu'elles établissent entre les juges et les » arbitres, soit dans la forme de leurs jugemens, soit » dans les pouvoirs dont elles les ont respectivement

>> investis. »

SECTION IV.

Du compromis et de ses formes.

L'art. 1005 C. Pr. est ainsi conçu: Le compromis pourra être fait par procès-verbal devant les arbitres, ou par acte devant notaire, ou sous signature privée. Avant de nous occuper des règles sur les formes du

compromis, il est un point essentiel à examiner, qui touche au compromis et lui donne une existence légale. I. On a vu à la section 1re quelles sont les personnes à qui la loi interdit de compromettre; cependant il en est d'autres qui, non pas à raison de leur incapacité personnelle, mais à raison de leur pouvoir ou de la mission qu'on leur a confiée, ne pourraient former un compromis valable.

Ainsi, un mandataire, quel qu'il soit, qui n'aurait reçu de son mandant qu'un pouvoir à l'effet de transiger, ne pourrait faire un compromis valable.

Par exemple (voyez encore la section 1re), une femme que son mari aurait autorisée à transiger et non spécialement à compromettre, bien que la procuration contînt le pouvoir de transiger même par médiation d'arbitres, cette femme, disons-nous, ne compromettrait pas valablement.

Toutefois, il faut ajouter que, s'il résultait de lettres écrites, ou autres pièces, adressées par le mandant au mandataire, la preuve d'une autorisation à compromettre, alors le pouvoir, ratifié par ces voies, suffirait, il importerait peu que l'approbation fût donnée postérieurement au compromis.

La jurisprudence nous offre un autre exemple d'un fils majeur qui signerait un compromis comme représentant son père, mais sans mandat spécial de la part de ce dernier; ce fils, quelques moyens qu'il eût fait valoir, ne donnerait point au compromis un caractère légal; il y a plus, la nullité née de l'incapacité du

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