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ceux de la seconde, à 20 fr. dans ceux de la troisième, et à 18 fr. dans ceux de la quatrième.

Le projet de la commission altérait si essentiellement celui du gouvernement, que le ministre de l'intérieur crut devoir faire, avant l'ouverture de la discussion (18 avril), une sorte de réserve, en observant que de tels procédés tendaient à faire passer en d'autres mains l'initiative réservée au roi. Néanmoins, comme S. M. l'avait autorisé à consentir la discussion des amendemens, sauf à prendre une détermination ultérieure, le ministre, entrant dans l'examen de ces amendemens, expliqua en détail l'influence que le seul changement des marchés régulateurs aurait eue sur la fixation du prix moyen des grains, soutenant qu'en temps ordinaire la proposition du gouvernement suffirait pour assurer aux blés de la Saône et de la Garonne une préférence forcée à Marseillé sur les blés de l'étranger. Quant au prix des blés d'Odessa, S. Ex. affirma que, d'après la correspondance du conseil du roi, leur prix moyen était de 12 fr., en y ajoutant le prix du fret ( 3 fri 50 cent.) et le droit (5 fr. 50 cent.); ils revenaient à Marseille à 20 fr.

D'ailleurs, dit le ministre, qu'importe le prix aussi bas qu'on voudra des grains de la mer Noire, s'ils n'entrent plus qu'à de longs intervallés, et lorsque de grands besoins se manifesteront; et si, lorsqu'ils seront entrés, ils font baisser les prix de manière à ce que la porte leur soit de nouveau fermée!........ < Faut-il, pour donner des débouchés aux grains de la Saône et de la Garonne, obliger les départemens qui n'en recueillent pas assez à les acheter cher? Faut-il les priver des secours que la mer leur offre? On veut favoriser les propriétaires de l'intérieur, on a raison, mais faut-il pour cela écraser lá population des côtes et la rendre tributaire de ces propriétaires? Faut-il détruire notre commerce de blé dans le Levant, qui ne peut se faire qu'à Marseille? Faut-il, par des dispositions exorbitantes, détruire les entrepôts qui peuvent être si utiles en temps de disette? Il ne s'en formera bientôt plus, si l'on ne peut espérer de les voir s'ouvrir de temps à autre, et aux jours du besoin on déplorera de s'être privé de cette ressource.... Je suis loin de méconnaitre l'intérêt des propriétaires et ceux de l'agriculture; mais il faut les combiner avec l'intérêt non moins grand et plus essentiel encore des subsistances, La crainte d'un mal ne doit pas nous jeter dans un autre. C'est par essai que l'on doit procéder dans une matière si délicate. Les mesures proposées et celles consenties par le gouvernement peuvent suffire, il en est convaincu : s'il se trompe, il pourra en prendre de nouvelles; mais il aurait à craindre de compromettre sa responsabilité, s'il en proposait d'autres. »

Toutes ces considérations pesées dans l'intérêt général de la France, le ministre n'admet que la première et la seconde mesures proposées par la commission, c'est-à-dire la distribution nouvelle des départemens en quatre classes, et l'élévation de la limite de l'exportation à 25 fr.-D'ailleurs il rejetait l'élévation de la limite proportionnelle de l'importation, qui ne laisserait qu'un frane de différence entre les deux limites, l'augmentation de droits à l'importation et l'établissement du prix moyen des grains, sans égard aux quantités vendues, parce que ces quantités étaient la seule échelle juste, et parce que les mercuriales ne se font que sur les blés indigènes à l'exclusion des blés étrangers. Enfin le ministre consentait à prendre pour régulateur de la première classe les trois marchés de Toulouse, de Marseille, de Fleurance ou de Gray, mais non ces deux derniers ensemble, parce que Marseille, en concurrence avec trois marchés où les grains sont à un prix si inférieur, aurait trop à souffrir de n'être que pour un quart dans le marché régulateur en concurrence avec des pays productifs.....

M. Straforello (des Bouches-du-Rhône), premier orateur inscrit contre le projet, s'attache d'abord à combattre et les considérations, et les amendemens de la commission.

« S'il est vrai que la France soit agricole, dit-il, elle est plus généralement commerçante et industrielle... Et lorsqu'il y a renchérissement sur les grains, les cinq sixièmes de la France en souffrent, pour un sixième qui en profite... Il faut laisser une liberté entière au commerce et à la circulation des grains. Leur abondance ne saurait jamais nuire, parce qu'elle nécessite indispensablement la baisse de la main-d'œuvre, qui ne vient pas subitement, mais peu à peu. Elle assure au peuple la subsistance, l'aide à supporter le poids des impôts; elle soulage le fabricant dans ses journées, elle entretient un plus grand nombre d'ouvriers dans les ateliers ; et en réduisant le goût des objets manufacturiers, les exportations prennent plus d'activité et d'accroissement; le propriétaire lui-même trouve un dédommagement du prix inférieur de sa denrée première dans la diminution des frais de culture et dans la consommation de ses autres produits. »

Après ce préambule, dont on voit aisément les conséquences, l'honorable orateur établit qu'il y a eu en France, dans l'espace de dix-huit ans, un excédant annuel d'exportation sur les importations de quarante-quatre mille hectolitres de blé....; que si l'importation de 1819 a été d'un million soixante-deux mille quatre

cent soixante-quinze, il en a été exporté les trois quarts pour l'Espagne et le Portugal....; que, quant au prix des blés d'Odessa, ils y sont au moins trois fois plus chers qu'on ne l'a avancé.....; qu'il ne se trouve en ce moment que quarante mille hectolitres de blés étrangers dans l'entrepôt de Marseille..... ; que, de tous les temps, les ports de l'ancienne Provence ont été approvisionnés par les blés étrangers en concurrence avec les nôtres, et que, quand le commerce et la circulation étaient libres, tout s'écoulait, tout se vendait, ou pour le besoin de nos localités, ou pour ceux des nations voisines.

En examinant sévèrement le projet de la commission, et même celui du gouvernement sur la division des marchés régulateurs, M. Straforello y voit que l'un et l'autre mettent entièrement dans la dépendance des départemens productifs ceux qui ne le sont pas.

Le résultat de cette nouvelle loi, dit l'orateur, serait de renchérir, d'une manière excessive, les grains dans nos contrées, par la combinaison ingénieuse de ces nouveaux marchés régulateurs, qui ne leur permettraient pas d'atteindre facilement la limite légale; de rendre par-là à peu près constante la prohibition des blés étrangers, ce qui anéantirait ces entrepôts; et il s'ensuivrait une infinité de conséquences désastreuses, soit dans l'intérêt général du consommateur, soit dans nos relations avec l'étranger, soit enfin dans les débouchés si essentiels de nos autres produits territoriaux et industriels.

< Outre les avantages que la France retire de cette importation, en cas de disette ou de mauvaises récoltes, elle y trouve encore un débouché pour une infinité de ses produits agricoles et manufacturiers.

< Elle donne en échange, dans le levant de l'Italie, ses toiles, ses draps, ses cuirs, ses bonnets, ses soieries, ses dorures, ses sucres et ses soufres raffinés, ses sirops, ses cafés, ses verres en grande quantité; ces exportations sont tellement avantageuses avec Constantinople, que, pour balancer nos envois, il n'est point de navire, arrivant dans nos ports, qui n'apporte des sommes considérables en monnaies étrangères.

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Dans les ports de la mer Noire, surtout depuis qu'Odessa a obtenu la franchise du sien, nous expédions des quantités considérables de nos vins de Provence, du Languedoc, de Bourgogne et de Champagne; des huiles, dest eaux-de-vie, des liqueurs, des épiceries, des drogueries, des clincailleries, des bijouteries, des meubles, et une infinité d'autres articles. Une cargaison de nos produits suffit actuellement pour former, à Odessa, plusieurs chargemens de blés, et les navires qui sont affrétés pour cette place, exportent maintenant des cargaisons fort riches.

De nouveaux établissemens, qui peuvent devenir le centre d'opérations importantes avec les peuples de la Circassie et du Caucase, vont se former sur la côte orientale de la Crimée; coux qui existent déjà sur d'autres points Annuaire hist. pour 1821.

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de la mer Noire sont susceptibles d'un grand accroissement. La France, plus que toute autre puissance, est appelée à prendre une part active à ce riche commerce, où elle trouvera tous les débouchés dont son immense industrie a besoin.

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Depuis le rétablissement de la paix, et l'heureux retour de l'auguste famille de France, notre marine emploie avec succès ses navires dans cette mer périlleuse; c'est une nouvelle école où se forment nos matelots. De là, tout s'en ressent: activité dans nos ports, dans nos chantiers, dans nos ateliers...> Après cette énumération des avantages du commerce de la mer Noire pour la France, qui furent encore développés dans la suite (23 avril) par M. Roux, autre député des Bouches-du-Rhône, M. de Straforello oppose à ce qu'on a dit de la misère des propriétaires et des effets de l'importation sur la prospérité de l'agriculture nationale, la situation de Marseille et d'une population laborieuse que le projet de loi et surtout les amendemens de la commission exposeraient à la disette, et réduiraient par l'anéantissement de son commerce à la misère...

Les trois opinions déjà exposées donnent une idée nette de la question, mais la suite de la discussion y présenta souvent des aperçus nouveaux.-Ainsi M. de Saint-Géry (du Tarn), favorable aux intérêts agricoles, citait à l'appui de son opinion l'exemple de l'Angleterre, où l'impôt foncier ( Land Tax. ) est nul en comparaison des taxes qui pèsent sur les consommations. M. de Lastours (du Tarn), regardant comme insuffisans les moyens mêmes de la commission pour concilier les intérêts respectifs des consommateurs et des propriétaires, exposait qu'on y parviendrait mieux par la formation des greniers de réserve pour quatre millions d'hectolitres, dont l'acquisition faite en des temps d'abondance servirait à soutenir le prix des grains, et, en cas de mauvaise récolte, à rendre la subsistance du peuple assurée à des prix favorables aux intérêts de l'agriculture et de l'industrie. « Il faut, disait-il, que leurs travaux soient combinés de manière que les agriculteurs tirent de la terre le plus grand produit possible, et qu'elle consomme en échange la plus grande quantité possible de produits industriels car alors toutes les classes de la société sont dans l'abondance et dans la plus grande activité de travail. »

M. de Castelbajac (de la Haute-Garonne), après avoir fait un

tableau affligeant de la misère où quelques départemens du midi ont été réduits par la dépréciation des grains, exposa que cette dépréciation nuisait essentiellement à l'industrie dans les produits qui ne trouvaient plus de consommateurs dans la classe agricole; et il démontra que l'avilissement du prix des grains, loin de contribuer à l'aisance de la classe manufacturière, en était réellement la destruction, puisqu'elle la privait de trouver du travail, seul moyen qui constitue cette aisance...

(21 avril.) M. de Sesmaisons (Humbert), regardant la surabondance actuelle des grains comme une calamité non moins fâchease que le serait une disette, ajoute aux amendemens de la commission la proposition de faire une distribution nouvelle de départemens en six classes, comme plus juste, plus naturelle et plus conforme à leurs intérêts respectifs et à l'intérêt général...

Une remarque particulière à faire dans cette importante diseussion, c'est que les doctrines professées du côté droit sur la question des grains furent souvent défendues par des orateurs du côté gauche, mais non par les mêmes moyens, ni peut-être dans les mêmes vues. Ainsi le général Tarayre, tout en reconnaissant que le commerce des grains étrangers doit être soumis à des restrictions; qu'en temps d'abondance il ruine l'agriculture nationale; qu'en cas de disette il sert de peu, croit qu'il suffit d'admettre dans les ports de mer un bon système d'entrepôt pour les blés exotiques, dont on ne permettrait l'introduction qu'en cas de disette bien prouvée. Entrant à quelques égards dans les idées développées par MM. de Saint-Géry, de Castelbajac, etc., connaît que le progrès de l'agriculture doit être la mesure de la population et du progrès des autres industries; que chez une grande nation les consommations intérieures plus certaines sont les seules durables, les seules importantes; que plus l'agriculture prospère, plus elle consomme, et que les consommateurs de ses produits, en lui faisant sans cesse des demandes, lui donnent à son tour des encouragemens efficaces. Ainsi que M. de Lastours, il croit qu'il faut favoriser le commerce intérieur et l'emmagasi nement des grains; il propose d'établir des fosses souterraines

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