Page images
PDF
EPUB

EXTÉRIEUR.

Pétition présentée à leurs nobles Puissances,
Messieurs les membres de la seconde Chambre
des Etats-Généraux du Royaume des Pays-
Bas, par M. CAUCHOIS-LEMAIRE;
Avec cette épigraphe :

Ah! ne blâmez pas cette persévérance; elle appartient à
des hommes qui veulent euseigner à leurs concitoyens les
routes de la véritable liberté, plus encore par des exemples
et par des expériences faites sur eux-mêmes, que par des
théories. Vous auriez eu bien plutôt sujet de vous indi
gner, si nous nous étions laissés aller à un lâche découra-
gement, qui aurait annoncé que nous désespérions de votre
justice et de votre indépendance. Oui, je ne le dissimule
pas, nous espérons le succès, puisque nous avons pour
nous la loi et la raison, et que nous vous estimons assez
pour croire qu'il n'est aucune autorité, aucune considé-
ration, quelque puissante qu'elle soit, qui puisse dominer
et maîtriser vos consciences.

M. ODILLON-BARROT, pour MM. COMTE et DUNOYER.

Nobles et puissans seigneurs, la pétition que j'ai eu l'honneur de présenter à vos nobles puissances, dans le cours do la session dernière, a été pour elles l'objet de graves et longues discussions.

Cette pétition n'a point été accueillie; mais son rejet n'a pas été motivé, et c'est à la suite de discussions nouvelles, qu'il a été formellement énoncé que ce rejet ne serait point motivé.

Vous avez également refusé de souscrire à l'invitation

1

qui vous était faite, d'intes prêter l'art. 4 de la loi fondament.le, contre la violation duquel je réclamais, et de dé¬ clarer qu'il n'y avait pas eu de violation de l'art. 4.

Ce n'est pas forcer le sens de ce double refus, que d'en induire cette double conséquence. La première, que de droit toute interprétation des articles de la loi fondamentale vous est interdite, comme de fait toute interprétation de l'art. 4, en particulier, est inutile pour quiconque sait faire usage de ses yeux et de sa raison; la seconde, que vous avez reconnu par-là implicitement que l'attentat était manifeste, puisque autrement, il était de votre diguité, autant que de votre devoir, de venger par l'expression de toute votre indignation, et le fonctionnaire éminent que j'aurais calomnié, et le Gouvernement, dont la loyauté se trouve en quelque sorte compromise.

La justice de ma réclamation est bien démontrée encore par le silence de celui que j'ai hautement accusé, et surtout les par moyens qu'ont fait valoir ses défenseurs.

En effet, on s'est cru obligé de soutenir dans l'intérêt de sa cause, que les crimes d'Etat étaient quelquefois licites: un cri d'horreur s'est élevé du sein de votre assemblée contre cette affreuse doctrine.

C'est donc bien réellement un crime que j'ai signalé à vos nobles puissances, un crime notoire attesté par des témoins Belges, dans une protestation authentique qui vous a été soumise, un crime avoué enfin, dont la repression. importe à la sûreté des individus et à l'honneur de la nation.

Cependant ma demande n'a point été admise.

Comme le principe n'a pas été dénié, comme le fait est constant, comme vous ne pouvez pas être les fauteurs du crime, je dois conclure qu'un vice de forme dans ma pétition ne vous avait pas permis d'y faire droit.

Il est pénible qu'un vice de forme ait été, pour les auteurs

d'actes arbitraires une sorte d'égide d'impunité qui les a encouragés à poursuivre leur carrière inconstitutionnelle; pour leurs victimes et en particulier pour moi, une source nouvelle de persécutions.

Ces persécutions doivent-elles se perpétuer éternellement? Doivent elles survivre au ministère qui a succombé lui-même à la clameur publique? Doivent-elles être sanctionnées par votre silence?

Telles sont, nobles et puissans seigneurs, les questions

que

la loi fondamentale m'autorise à vous adresser, et que vous adresse du fond de la retraite où il languit dans l'isolement le plus absolu, un homme injustement opprimé depuis dix-huit mois, violemment arraché à son domicile, privé de sa propriété industrielle et de tous les droits qui lui sont garantis par les lois et par l'humanité.

Je vous les adresse au moment où de toutes parts s'élèvent des millions de voix contre les abus du pouvoir, contre les proscriptions.

Voulez-vous qu'on dise: l'hospitalité avait été solennellement proclamée par la loi fondamentale du Royaume des Pays-Bas, cette hospitalité a été outrageusement, publiquement violée par quelques agens du pouvoir; ces agens, dénoncés aux Etats-Généraux, ont été protégés par le silence des Etats-Généraux ?

Le tems des prétextes timides et des vaines considérations n'est plus. Le règne de l'impartiale justice commence. L'histoire est à vos portes, et déjà elle cite par leurs noms les contemporains à son tribunal.

2

C'est dans ces circonstances nouvelles que l'une des victimes de la plus barbare inhospitalité vient une seconde fois se réfugier dans le sein des Etats-Généraux: serait-elle repoussée ?

Nobles et puissans seigneurs, je vais me renfermer dans le cercle le plus rigoureusement constitutionnel.

[ocr errors]

Comme étranger, et à plus forte raison, comme habitant, ma personne était sous la garantie de l'art. 4 de la loi fondamentale.

Cependant, par suite d'un ordre extra-judiciaire, j'ai été expulsé de mon domicile et du territoire.

En vertu de l'art. 161, j'use du droit de pétition pour réclamer auprès de vos nobles puissances, contre cette expulsion violente et illégale, c'est-à-dire contre la violation de l'art. 4.

Celui que je vous dénonce comme l'auteur de cette violation, est M. le comte de Thiennes de Lombise, ministre d'Etat, alors chargé de la police dans les provinces méri dionales.

Aux termes de l'art. 177, M. le comte de Thiennes est du nombre des fonctionnaires qui ne sont justiciables que, de la hante Cour.

Aux termes du même article, la poursuite par-devant la haute Cour doit être autorisée par vous. Je demande cette autorisation.

Tel est le cercle qui nous est tracé à vous et à moi, nobles et puissans seigneurs, par la loi fondamentale.

Je crois n'avoir donné lieu à aucune fin de non recevoir; et s'il en existait dans ma première pétition, cette faute a été sans doute assez chèrement expiée. Il est tems que le crime de mon persécuteur soit puni à son tour.

Quant à la preuve de la violence dont je me plains, elle est de toute évidence; nul ne révoque en doute le fait de mon exil arbitraire; mais cette preuve même, je ne suis pas tenu de vous la donner; ma dénonciation nominative vous suffit; un examen plus approfondi est du ressort de la haute Cour. Au reste, puisse l'accusé avoir recours à la dénégation! Je reparais aussitôt, et quelques souffrances que j'aie endurées, je serai trop heureux d'avoir fait désavouer une injustice si honteuse, et d'avoir, si j'ose le dire, rétabli dans

son intégrité morale le droit sacré du malheur et de l'hospitalité.

Une considération qui, assurément, n'est d'aucun poids dans la balance constitutionnelle, mais qui pourrait cependant influer sur l'opinion de quelques personnes ; une considération évasive, si je puis parler ainsi, ce serait la possibilité du rappel plus ou moins prochain des réfugiés français, par le gouvernement de France.

D'abord, le tort qui m'a été fait subsiste en tout état de cause; en second lieu, peut-on m'interdire indéfiniment, soit comme régnicole, soit comme simple voyageur, la faculté de revenir à Bruxelles, où j'ai à terminer des arrangemens suspendus, où j'ai à recueillir les débris d'une fortune confiée à la bonne foi des institutions locales; peut-on me fermer à jamais, et contre toutes les lois, le libre accès d'une ville que j'ai long-tems habitée, où, par suite de cette résidence, j'ai à régler des intérêts qui rendent ma présence nécessaire? Ne résultera-t-il pas ainsi d'une première injustice, une série de dommages et d'injustices. toujours croissante? Quoi donc ? Le retour du Gouvernement français à une politique plus noble et plus généreuse, serait ici un motif pour persévérer dans un systême tout contraire; mais je le déclare, nobles et puissans seigneurs, ce n'est pas uniquement dans un intérêt privé que je réclame, c'est dans l'intérêt de tous, c'est par devoir, et ce devoir, ma situation me l'impose; c'est pour montrer aux citoyens qu'on opprime, par quel chemin ils peuvent parvenir jusqu'à leurs oppresseurs, et pour apprendre à ces derniers qu'ils ont cessé d'être invulnérables, car si une fois leur inviolabilité passe en coutume, c'en est fait de toute liberté publique et individuelle. La nation a subi le joug.

Beureux ou malheureux, libre ou prisonnier, en France ou en Belgique, je poursuivrai avec une égale opiniâtreté la réparation qui, dans ma personne, doit être faite au plus

« PreviousContinue »