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à le défendre contre les entreprises des étrangers, les prévenant avant qu'elles éclatent, et à résister à celles qu'on n'a pu prévoir. (V. l'art. 2 de la sect. 2 du tit. 2; p. 75, 76, 77, 78, s.)

[La force armée est instituée pour défendre l'état contre les ennemis du dehors, et pour assurer au-dedans le maintien de l'ordre et l'exécution des lois (1).

Le décret du 24 février 1793 ordonna une première levée de 300,000 hommes qui se réunirent aux armées de la république. Ce décret portait, art. rer: Tous les citoyens français, depuis l'âge de 18 ans jusqu'à 40 ans accomplis, non mariés, ou veufs sans enfans, sont en état de réquisition permanente, jusqu'à l'époque du complément du recrutement effectif des trois cent mille hommes de nouvelle levée. (Non compris ceux qui étaient classés dans l'armée navale et les engagés volontaires qui formaient l'armée active d'alors.)

Un autre décret du 23-24 août 1793, déterminait le mode de requisition des Français contre les ennemis de la patrie, portait, art. 1er : Dès ce moment, jusqu'à celui où les ennemis auront été chassés du royaume, tous les Français sont en requisition permanente pour le service des armées.

Les jeunes gens iront au combat; les hommes mariés forgeront les armes, et transporteront les subsistances; les femmes feront des tentes, des habits, et serviront dans les hôpitaux ; les enfans mettront le vieux linge en charpie; les vieillards se feront transporter sur les places publiques, pour exciter le courage des guerriers...

Art. 2. Les maisons nationales seront converties en casernes; les places publiques, en ateliers d'armes ; le sol des caves sera lessivé pour en extraire le salpêtre.

Art. 3. Les armes de calibre seront exclusivement remises à ceux qui marcheront à l'ennemi; le service de l'intérieur se fera avec des fusils de chasse et l'arme blanche.

Art. 4. Les chevaux de selle sont requis pour compléter les corps de cavalerie; les chevaux de trait, autres que ceux employés à l'agriculture, conduiront l'artillerie et les vivres.

Art. 8. La levée sera générale. Les citoyens non mariés, ou veufs sans enfans, de dix-huit à vingt-cinq ans, marcheront les premiers, ils se réuniront sans délai au chef-lieu de leurs districts, où ils s'exerceront tous les jours au maniement des armes, en attendant l'heure du départ.

La loi de Dieu, ne recommande pas moins au corps des nations de travailler à leur conservation, qu'aux hommes en particulier, dit Burlamaqui (2), il est donc juste qu'elles puissent employer la force contre ceux qui se déclarent leurs ennemis, violent envers elle la loi de la sociabilité, leur refusent ce qui leur est dû, cherchent à leur enlever leurs avantages et à les détruire. Il est donc du bien même de la société que

(1) Loi fondamentale du 5 fructidor an 3. 22 août 1795, tit. 9, art. 274 V. la loi du 10 mars 1818, sur le recrutement de l'armée. V. la loi du 9 juin 1824 qui abroge les art. 3, 20 et 23 de la loi du 10 mars 1818, l'ordonnance des 8 avril et 2 août 1818, série de questions publiées par le ministère de la guerre, en date des 15 et 21 octobre, et 6 novembre 1818, 11 juin et 19 juillet 1819; 30 mai 1820, et les dispositions législatives et réglementaires qui sont appliquées aux art. qui suivent. (2) Princip. de droit polit., 4o part., ch. 1, Set suiv.

l'on puisse réprimer efficacement la malice et les efforts de ceux qui en renversent les fondemens; sans cela le genre humain deviendrait la victime du brigandage et de la licence, et le droit de faire la guerre est à proprement parler le moyen le plus puissant de maintenir la paix entre les hommes.

Il faut donc tenir pour constant, que le souverain, entre les mains duquel on a remis l'intérêt de toute la société, a le droit de faire la guerre; mais si cela est ainsi, il faut par une conséquence nécessaire, lui donner en même temps le droit d'employer tous les moyens nécessaires pour cela. En particulier il faut lui accorder le pouvoir de lever des troupes, d'enrôler des soldats et de les obliger à remplir toutes les fonctions les plus périlleuses, et même au péril de leur vie; et c'est là une branche du droit de vie et de mort, qui appartient incontestablement au souverain. (Sans doute pour les monarchies absolues, mais non dans les monarchies constitutionnelles où les souverains ne peuvent réguer que par la loi, et où les citoyens ne peuvent être distraits de leurs juges naturels.)

Mais comme la force et la valeur des troupes dépend en bonne partie de l'habitude où elles sont des exercices militaires, le souverain doit, même en temps de paix, former les citoyens à ces exercices, afin qu'ils soient plus propres dans l'occasion à supporter les fatigues de la guerre, et à en remplir les différentes fonctions.

L'obligation où sont à cet égard les sujets, est si rigoureuse et d'une si grande force, qu'il n'y a, à parler à la rigueur, aucun citoyen qui puisse s'exempter de prendre les armes dans l'occasion; et le refus de le faire serait un juste sujet de ne plus tolérer dans la société, ceux qui voudraient se dispenser de cette charge; si donc pour l'ordinaire il y a dans les états quelques citoyens que l'on exempte des exercices militaires, cette immunité n'est point un privilége qui leur appartienne de droit, c'est une tolérance qui n'a de force qu 'autant que l'on a d'ailleurs assez de troupes pour la défense de l'état, et que les personnes à qui on l'accorde remplissent quelques autres fonctions utiles et nécessaires; mais à cela près et dans un besoin, tous ceux qui sont en état doivent marcher à la guerre, et personne ne saurait s'en dispenser légitimement. C'est par une conséquence des mêmes principes que la discipline militaire est très-rigoureuse; la plus petite négligence, la moindre faute est souvent de la dernière conséquence, et pour cela peut être punie très-rigoureusement. Les juges pardonnent quelque chose à la faiblesse humaine ou à la violence des passions, mais dans un conseil de guerre n'a pas tant d'indulgence, et on punit souvent du dernier supplice un soldat à qui la crainte d'une mort prochaine fait abandonner son poste. Il est donc du devoir de ceux qui sont une fois enrôlés de tenir ferme dans le poste où le général les a placés, et de combattre vaillamment, lors même qu'ils courent vraisemblablement risque d'y perdre la vie. Vaincre ou mourir, est la loi de ces sortes de combats, et il vaut sans contre dit mieux perdre la vie glorieusement, en tâchant de l'ôter à l'ennemi, que de périr tout seul avec lâcheté. Tout Français est soldat, et se doit à la défense de la patrie (1).]

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2. Ce besoin de forces pour prévenir les entreprises des étrangers ou les arrêter, oblige ceux qui ont le gouvernement souverain de pourvoir à la sûreté de l'état, non-seulement par des

(1) Loi du 19 fructidor an 6, art. 1. V. cette loi.

places fortes et bien gardées sur les frontières, mais aussi par la facilité d'avoir promptement des troupes, ou d'en avoir même qui soient toujours prêtes, si on a besoin d'une telle précaution. Ce qui doit dépendre de la prudence de ceux qui gouvernent, et qui ont à prendre les mesures nécessaires pour ne pas obliger leurs voisins à se défier de leur part et à se mettre sous les armes, ce qui pourrait attirer des guerres; et pour ne pas négliger aussi de prévenir les entreprises qui pourraient surprendre (1). (Charte, 14.)

3. C'est aussi de cette même prudence de ceux qui gouvernent que doit dépendre l'usage des forces en guerre ouverte. Car selon les causes des guerres, les actes d'hostilité des ennemis, les violences, les inhumanités, et les autres manières dont ils peuvent de leur part user de leurs forces, on peut user de différentes manières de se défendre ou d'attaquer avec plus ou moins de modération. Ainsi, quand on vient à former un siége, on ne commence pas par des attaques violentes et par un assaut, mais on somme celui qui commande dans la place assiégée de la rendre, et s'il le refuse on vient aux attaques, et si on vient à quelque composition, on en rend les conditions plus ou moins dures, selon que l'état des assiégés et leur conduite peut y obliger (2).

4. Comme l'usage des forces n'est pas seulement nécessaire en temps de guerre, mais qu'il peut l'être aussi dans le temps de paix, soit pour les garnisons, ou pour d'autres troupes dont on ait besoin; la police militaire est nécessaire aussi dans l'un et l'autre de ces deux temps. Et cette police consiste premièrement en quelques règles générales et communes partout, qui regardent les devoirs des soldats et des officiers, et en second lieu aux réglemens particuliers qui se diversifient selon les temps, selon les lieux, et selon les besoins. On expliquera ces règles générales et communes dans les articles qui suivent, et pour les réglemens particuliers il ne serait ni possible ni utile d'en faire un recueil ici, puisqu'on a ceux qui ont été faits jusqu'à cette heure dans les ordonnances, dans les édits, et dans les réglemens de cette matière. (V. les lois citées, p. 24.)

. 5. La première de toutes les règles de la police militaire, et qui est commune aux officiers et aux soldats, est le devoir de l'obéissance aux ordres qu'ils ont à exécuter. Ainsi, le général d'une armée doit cette obéissance aux ordres du souverain, et les autres officiers la doivent au général, et à ceux qui sous lui sont au-dessus d'eux; et les soldats la doivent à tous ceux qui ont droit de leur commander. Car sans cette obéissance, l'usage des forces serait inutile; puisqu'au lieu d'être unies pour la fin unique du souverain, elles seraient divisées aux diverses vues de ceux qui

(1) 2. Paralip. 17. 2. 13. Ibid. 1. Reg. 14. 52. (2) Deuter. 20. v. 10. 11.

12. 13.

par leur désobéissance les tourneraient à d'autres usages. Ainsi, la désobéissance et des soldats et des officiers est justement réprimée par les peines que les réglemens particuliers peuvent avoir établies, et par la peine même de la vie, si la conséquence le demande ainsi. (V. la sect. 2 du tit. 1; P. 75, s.)

[Le décret du 12 mai 1812 détermine les cas où les généraux ou commandans militaires peuvent capituler.... Porte, art 1oa, « il est défendu à tout général, à tout commandant d'une troupe armée, quel que soit son grade, de traiter en rase campagne d'aucune capitulation par écrit ou verbale.

Art. 2. Toute capitulation de ce genre dont le résultat aurait été de faire poser les armes, est déclarée dès ce moment criminelle, et sera punie de mort. Il en sera de même de toute autre capitulation, si le général ou commandant n'a pas fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l'honneur.

Art. 3. Une capitulation dans une place de guerre assiégée et bloquée est permise dans les cas prévus par l'art. suivant.

Art. 4. La capitulation dans une place de guerre assiégée et bloquée peut avoir lieu, si les vivres et munitions sont épuisés, après avoir été ménagés convenablement, si la garnison a soutenu un assaut à l'enceinte sans pouvoir en soutenir un second, et si le gouvernement du commandant a satisfait à toutes les obligations qui lui sont imposées par notre décret du 24 décembre 1811. Dans tous les cas, gouverneur ou commandant, ainsi que les officiers, ne sépareront pas leur sort de celui de leurs soldats, et le partageront.

Art. 5. Lorsque les conditions prescrites dans l'article précédent n'auront pas été remplies, toute capitulation ou perte de la place, qui suivra, est déclarée déshonorante et criminelle, et sera punie de mort.

Art. 6. Tout commandant militaire, prévenu des délits mentionnés aux art. 2 et 5, sera traduit devant un conseil de guerre extraordinaire, en conséquence du rapport que nous en fera notre ministre de la guerre à la suite de l'enquête (1).

Au surplus, de nouvelles dispositions législatives contenant la pénalité militaire, depuis long-temps attendues par la France, seront incessamment promulguées.]

6. La conséquence de l'obéissance dans la police militaire est telle, que le succès même, quelque heureux qu'il soit, ne peut justifier la désobéissance, ni en excuser. Mais, quoique celui qui désobéit ait pris en effet un meilleur parti, et qu'il ait évité ou prévenu des inconvéniens qui devaient suivre l'obeissance, ou causé des avantages qu'on ne pouvait espérer que de ce parti; sa désobéissance ne laisse pas de mériter la punition qui peut y être due, et même de la vie, selon la qualité du fait, et les circonstances. Car tout le bien que le succès d'une désobéissance pourrait causer, ne saurait balancer les maux infinis qui suivraient

(1) V. le décret du 24 décembre 1811, relatif à l'organisation et au service des états-majors des places; la loi des 8-10 juillet 1791; l'arrêté du 16 messidor an 7, du 3 fructidor an 8, et l'avis du conseil d'état, du 22 septembre 1812, et la loi du 10 mars 1818, tit. 5.

de l'impunité de ce renversement de l'ordre. Et la liberté que croiraient avoir de désobéir tous ceux qui pourraient espérer un plus grand bien de leurs vues et de leurs desseins, mettrait tout en confusion, et dans un désordre qui ruinerait toute la police militaire, et qui détruirait l'union en laquelle consiste l'usage des forces (1).

7. On peut mettre pour une seconde règle de la police militaire, la vigilance du général à tout ce qui peut demander l'exécution des ordres du souverain, pour la guerre dont il lui a confié le commandement. Ce qui renferme trois différentes parties de sa conduite, qui en comprennent tout le détail, et d'où dépend le bon usage des forces qui sont en ses mains, comme on le verra par les articles qui suivent.

8. La première partie de la conduite du général est la vigilance à découvrir les desseins des ennemis, à former les siens sur les occasions, et à les cacher jusqu'à ce que l'exécution demande qu'il fasse connaître, ou ses desseins, ou ce qu'il peut y avoir à faire pour y parvenir, sans que les mouvemens qui doivent y conduire les fassent paraître. Et cette vigilance renferme le soin d'observer et d'étudier la contenance, les mouvemens, les démarches des ennemis, et de commander des détachemens pour reconnaître leur situation, leur nombre, leurs forces; l'usage de bons espions pour les découvertes qui peuvent se faire par cette voie, et les autres manières de découvrir leurs desseins et leurs entreprises si on doit en craindre, afin de pourvoir aux moyens de les prévenir ou d'y résister; l'application à prendre les mesures des desseins proportionnés à l'état des forces, et aux avantages qu'on peut espérer sur celles qu'ont les ennemis, soit pour donner une bataille, ou former un siége, ou autre entreprise; s'y déterminant par une sage délibération avec son conseil, et selon les ordres du prince; la modération dans les bons succès, et l'attention à y ménager les avantages, et prévenir le relâchement; une fermeté qui dans les mauvais événemens conserve la présence d'esprit pour diminuer les pertes ou les réparer, rétablir ce qui peut être conservé, rallier les troupes et les affermir, conduire une retraite sans trouble, sans émotion, et avec tout l'ordre qui sera possible, et agir enfin en toute sorte d'occasions avec une prudence, et un courage qui réponde aux besoins présens, et qui inspire aux officiers et aux soldats l'ardeur à s'acquitter de leur part de tous leurs devoirs.

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Qui præest, in sollicitudine. Rom. 12. 8. Quoique ce passage ne regarde pas en particulier les devoirs de ceux qui commandent les armées, ces devoirs sont compris dans ce précepte, puisqu'en général quiconque est chargé d'un gouvernement, d'un commandement, ou autre ministère public, est obligé de veiller à ses fonctions.

(1) L. 3, § 15, ff. de re milit. Deuter. 12. 8.

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