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Il y a plus : il peut devenir une cause d'oppression, «< car il a été, dans la main des usurpateurs, un moyen puissant de tenir les propriétaires à rente sous leur dépendance » (1).

Il peut devenir aussi un moyen de surprise: toujours on a vu des hommes habiles s'en servir pour circonvenir les gens simples par l'appât d'avantages imaginaires, s'assurer les fruits de leurs travaux, et ne leur laisser que l'indigence avec le vain titre de propriétaire » (2),

Cette dernière considération n'étoit cependant pas celle sur laquelle on pouvoit le plus insister. Elle a beaucoup perdu de sa force : << dans l'état actuel des choses, les habitans de la campagne entendent trop bien leurs intérêts et y sont trop attachés, pour qu'on doive craindre que le bail à rente devienne un moyen de les circonvenir: on pourroit, avec plus de fondement, concevoir des inquiétudes semblables pour le bailleur » (3).

« On peut du moins se rassurer sur les surprises auxquelles on prétend que le bail à rente donneroit lieu » (4).

(1) M. Crétet, Procès-verbal du 15 ventose an 12, tome V, page 246. — (2) Ibidem. — (3) M. Pelet, ibidem, page 247.(M. M. Bigot-Préameneu, ibidem.

Maintenant, le bail à rente fonciere est-il un un avantage pour le bailleur ?

On invoque, à cet égard, le suffrage des département du midi, et «< cependant l'emphyteose est venu des contrées méridionales » (1).

Dans tous les cas, « si les propriétaires du midi ont besoin, pour mettre leurs terres en exploitation, d'en transférer la propriété aux colons, ils peuvent arriver à ce résultat par une vente à rente rachetable. Ce moyen aura de grands avantages sur le bail à rente foncière. Du moins le colon n'est pas privé de l'espoir de s'affranchir un jour de la redevance, et, dans cette vue, il redouble d'activité et d'efforts pour fertiliser les terres et en obtenir des bénéfices qui, dans la suite, le mettent en état de rembourser la rente » (2).

On soutient, en dernier lieu, que les rentes foncières sont un bien pour l'agriculture.

<< L'expérience n'a pas justifié les résultats avantageux qu'on attribue aux rentes foncières sous ce rapport » (3).

Sans doute « qu'elles peuvent être utiles dans des temps et chez un peuple où il y a beaucoup

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 15 ventose an 12, tome V, page 243.—(2) M. Defermon, ibidem, page 243. (3) M. Tronchet, ibidem, page 243.

n'ont pas

de terres à défricher et beaucoup de desséchemens à faire. Alors elles multiplient les propriétaires, en facilitant les acquisitions à ceux qui de moyens pécuniaires. C'est cette considération qui les a fait établir » (1); mais, J aujourd'hui, la plus grande partie du territoire français est livrée à la culture 5 (2); et, loin qu'en France l'agriculture ait besoin du secours des rentes foncières, les vraies causes de l'amélioration qu'elle a éprouvée sont au contraire la suppression des rentes féodales et le rachat possible des rentes foncières : presque toutes ont été rachetées » (3).

« Il est d'ailleurs certain que le bail à rente foncière ne seroit pas borné aux terres en friches » (4).

III. L'argument tiré du rachat multiplié des rentes foncières a été réfuté de la manière suivante :

« Le fait est incontestable, a-t-on dit, mais il n'est pas concluant.

» Pour juger la loi qu'on rappelle et les résultats qu'elle a eue, il est nécessaire de remonter à l'esprit qui l'a dictée.

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 5 ventose an 12, tome V, page 250. (2) Ibidem.—(3) M. Defermon, ibidem, page 243. -M. Jollivet, ibidem, page 249,

» L'assemblée constituante avoit à lutter contre la classe des privilégiés, qui étoit en même-temps celle des grands propriétaires; elle l'a attaquée en attaquant la propriété d'où cette classe tiroit sa force, et, par ce même moyen, elle s'est attachée le tiers-état qu'elle vouloit opposer aux privilégiés. Ce système a produit entre autres lois, celle qui permet le rachat des rentes fon

cières.

>> Une telle loi n'est pas fondée sur des principes de législation; elle est toute politique, toute de circonstance, et l'effet en est tellement passé, que peut-être ceux qui s'en sont servi pour racheter, donneroient aujourd'hui leurs propriétés à rentes foncières, si la législation les y autorisoit.

» La question n'a donc pas été jugée en principe par l'assemblée constituante. Une loi de circonstance sur les rentes foncières ne peut pas plus être considérée comme un préjugé que ne l'ont paru des lois de la même nature sur d'autres matières. C'est ainsi qu'on vient de rétablir la faculté de tester, et plusieurs autres dispositions qui, comme les rentes foncières, avoient été sacrifiées aux circonstances » (1).

(1) Le consul Cambacérès, Procès-verbal du 15 ventose an 12, tome V, page 245.

Examen de la question dans ses rapports avec les principes généraux de la législation.

En envisageant la matière sous ce point de vue, on s'est demandé,

1o. Si le rétablissement des rentes foncières pouvoit se concilier avec l'abolition de la féodalité;

2o. S'il n'étoit pas une suite naturelle du principe de la liberté des conventions.

I. Sur la première de ces questions secondaires, on a dit « qu'à la vérité, avec la rente foncière, les anciens bailleurs stipulèrent des droits seigneuriaux pour maintenir leur supériorité, mais que ces droits ne sont pas essentiels au contrat et que les Romains ne les connurent jamais » (1). « Ce n'est point la féodalité qui a fait établir les rentes foncières, car il ne faut pas les confondre avec le cens qui n'étoit qu'une marque de seigneurie et une redevance d'honneur, et qui ne représentoit pas le produit de la terre » (2).

Il a été répondu que, si le rétablissement des rentes foncières ne ramenoit pas la féodalité

(1) M. Malleville, Procès-verbal du 15 ventose an 13, tome V, page 241. — (2) M. Portalis, ibidem, page 250.

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