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par le ministre de Grâce et de Justice. Cette loi qui bouleversait et anéantissait la juridiction ecclésiastique, l'immunité locale et l'observance des fêtes religieuses, était un commentaire éloquent des injures impunies que la presse adressait tous les jours au sacerdoce. Cette loi, relative au foro ecclesiastico (tribunal ecclésiastique) déférait aux tribunaux civils ordinaires les procès civils entre ecclésiastiques et laiques, et même entre ecclésiatiques des deux côtés. Elle abolissait le droit d'asile et annonçait une réforme du mariage dans le sens civil. Elle ne faisait enfin que précéder une loi apportant des restrictions nombreuses aux donations faites à des couvents ou sociétés religieuses.

C'était là, disaient les constitutionnels, une simple conséquence et un développement logique du statut fondamental du 4 mars 1848. Rien dans tout cela ne justifiait la déplorable légèreté avec laquelle on portait cette loi devant les chambres sans même entamer des négociations sérieuses avec le saint-siége. Le cardinal Antonelli protesta vivement contre cette singulière attitude du gouvernement sarde. Les droits d'ailleurs qu'on arrachait au clergé étaient fondés sur les sanctions canoniques et garantis par des traités solennels. Attenter en pays italien et profondément religieux à l'asile des saints temples, empiéter sur l'autorité de l'Eglise et restreindre les jours fériés, enlever à l'Église la liberté d'acquérir, au moment où l'on proclamait solennellement le principe du respect de la propriété, tout cela c'était une persécution véritable, la persécution de l'esprit religieux par le libéralisme voltairien. Les chambres adoptèrent le principe des lois rédigées par M. le comte Siccardi et s'arrogèrent ainsi le pouvoir inouï de résilier des conventions passées avec le saint-siége apostolique, sans même consulter celui-ci. Le 9 mars, la Chambre des députés vota la loi Siccardi par 130 voix contre 26: le 8 avril, le Sénat l'adopta par 51 voix contre 29. Le lendemain, 9 avril, la loi fut publiée au milieu de la plus profonde émotion. Elle fut acceptée avec douleur par la masse des catholiques, avec joie, et comme une promesse, par les révolutionnaires.

Le 12 avril, le nonce de Sa Sainteté, monseigneur Antonucci, s'éloigna de Tnrin, laissant entre les mains de l'auditeur de la nonciature les affaires de la légation.

Le vénérable archevêque de Turin, monseigneur Fransoni donna à ses diocésains des instructions sur la législation nouvelle. La Cour royale, appelée à se prononcer sur ce fait, décréta des poursuites contre l'archevêque. Monseigneur Fransoni fut arrêté, conduit à la citadelle et frappé d'une peine civile pour ce seul fait d'avoir indiqué aux curés la manière de pourvoir à leur conscience et à celle de leurs ouailles. L'autorité civile s'arrogeait ainsi le droit de prononcer sur des mesures que les pasteurs de l'Eglise avaient dû prendre pour la direction des consciences. Ges indignes procédés commentaient éloquemment la loi Siccardi.

Un déplorable événement vint ajouter encore à ces brutalités. Le comte Rossi de Santa Rosa avait été, dans le conseil des ministres, un des plus ardents soutiens de la législation nouvelle. Le 5 août, à son lit de mort, après avoir reçu l'absolution, le comte. fit demander le saint-viatique. L'archevêque avait ordre de la cour de Rome, de faire, en pareil cas, refuser les derniers sacrements aux ennemis de l'Église. Le comte de Santa Rosa ayant décliné une rétractation de sa conduite, l'extrême-onction ne put lui être accordée. Toutefois, monseigneur Fransoni permit la sépulture du corps à la paroisse. Là, le 7 août, se passèrent des scènes de désordre. La lie de la populace avait été travaillée sourdement par les révolutionnaires. Des menaces furent adressées aux personnes et aux habitations du clergé. La répression fut lente et molle.

L'archevêque avait obéi à des ordres supérieurs, et d'ailleurs l'autorité civile n'avait rien à voir dans ce fait. On ne décrète pas l'extrême-onction, et on ne peut forcer sans doute un ministre de l'Eglise à recevoir ceux qu'il déclare indignes. Pourtant de conseil des ministres demanda à monseigneur Fransoni sa renonciation au siége épiscopal. Sur le refus naturel du prélat, il fut brutalement transféré à Fenestrelles, citadelle à quinze lieues de Turin. Les Pères servites, qui desservaient la paroisse de SaintCharles, furent expulsés de leur couvent et dispersés. Leurs biens furent saisis et administrés par l'État. Le 25 septembre, l'archevêque de Turin fut exilé hors des limites des États sardes, et tous les biens de l'archevêché furent mis sous le séquestre.

Vers le même temps, le 21 septembre, le vénérable archevêque de Cagliari, dans l'île de Sardaigne, ayant déclaré en termes

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généraux que les censures ecclésiastiques avaient été encourues ipso facto, par ceux qui, violant l'immunité de la demeure épiscopale, avaient osé pénétrer de force dans une partie des archives épiscopales pour le récolement des biens des fondations pieuses de l'île, le procureur général de la magistrature requit la mise en prévention de l'archevêque la population prit parti pour le prélat, et il y eut des scènes de désordre assez graves pour nécessiter l'envoi de forces du continent. L'archevêque de Cagliari fut exilé comme l'archevêque de Turin, et les biens et revenus de l'évêché furent mis sous le séquestre. Une allocution papale, prononcée dans le consistoire secret du 1er novembre, flétrit énergiquement ces violences. Mais la philosophie triomphait dans le gouvernement piémontais, et ce n'était là qu'un essai d'athéisme gouvernemental dont le libéralisme saurait développer plus tard toutes les conséquences.

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Lorsque se rouvrirent, le 13 novembre, les séances des Chambres piémontaises, le discours royal annonça, en ces termes, que le gouvernement persisterait dans cette déplorable ligne de conduite.

« Les efforts de mon Gouvernement n'ont pu jusqu'à présent surmonter les difficultés qui se sont élevées entre nous et la cour de Rome, à la suite de lois qu'il n'était pas permis au pouvoir de refuser aux nouvelles conditions polititiques et légales de l'Etat. La règle de nos actes et de notre conduite a été constamment le respect que nous professons tous pour le saint-siége, uni à une ferme résolution de maintenir intacte l'indépendance de notre législation. Fidèles à nos devoirs, persévérants dans l'exercice de nos droits, nous espérons que le temps et l'heureuse influence de l'esprit religieux et de la civilisation nous feront obtenir cette harmonie, l'un des premiers besoins de l'état social. »

Le budget de 4849 fut définitivement approuvé le 2 janvier. Il s'élevait, quant aux recettes, pour la terre ferme, à 158,724,260 fr. 94 c.; pour la Sardaigne, à 4,162,488 fr. 52 c.; en totalité, 162,886,749 fr. 46 c.; et en ce qui touchait les dépenses, pour la terre ferme, à 210,487,240 fr. 98 c.; et pour la Sardaigne, à 8,430,492 fr. 39 c.; en totalité, 218,917,733 fr. 57 c.

Les évaluations pour 1850 montaient à 86,563,536 fr. 95 c., recettes, et à 168,696,322 fr. 89 c., dépenses. Ce déficit de 82 millions de livres environ, élevait le déficit total à 183,147,406 livres.

Parmi les mesures financières importantes, on remarqua une loi fondant en une seule Banque nationale les banques de Turin et de Gênes (1er juillet); l'émission d'une nouvelle rente de 4 millions de livres sur le grand-livre de la dette publique (1er fé vrier); une refonte du régime postal et la fixation à vingt centimes de la taxe pour la lettre simple au delà de vingt-cinq kilomètres, à dix centimes en deçà. Le chiffre proposé de 21 millions de liste civile fut voté malgré un amendement Mellana qui proposait de retrancher 600,000 livres. La Chambre des députés fit,. dans cette occasion, preuve de réserve et de dignité.

Le traité signé avec la France le 28 août 1845 expirait le 20 mai il fut prorogé pour six mois. Le traité attribuait aux deux pavillons les mêmes droits de navigation. Quant aux droits de douanes, ils n'avaient reçu de part et d'autre que peu ou point de réduction. Le traité était défavorable à la France, et cependant le parti protectioniste, à Turin, insistait pour en rendre les clauses encore plus onéreuses. Il fut renouvelé pourtant en novembre sans aggravations nouvelles. Les Chambres auraient à approuver ce traité auquel était jointe une convention pour la protection de la propriété littéraire.

L'histoire intérieure de la famille royale présente un mariage conclu entre S. A. R. le prince de Gênes et la princesse MarieElisabeth de Saxe.

DEUX-SICILES.

Le pouvoir royal, un instant entamé, avait recouvré toute sa liberté d'allure. Seul des gouvernements péninsulaires, il avait trouvé en lui-même assez de ressources pour se sauver sans en appeler à l'intervention étrangère. Il avait même triomphe de la mauvaise volonté de la France en 1848, et de la sourde guerre que lui font sans cesse les intérêts britanniques. Sûr de sa force, le gouvernement napolitain ne reprenait des concessions arrachées par l'esprit révolutionnaire que celles qu'il ne pouvait, sans se compromettre, abandonner après la victoire. En 1850, comme en 1848, il restait fidèle à ses serments : les conspirations anarchiques seules avaient pu momentanément diminuer les libertés publiques.

Le 13 août fut promulguée une loi sur la presse qui rétablissait la censure et le principe de l'autorisation préalable, Les excès inouïs de la presse napolitaine justifiaient amplement cette mesure protectrice. Une autre ordonnance releva le principe de l'autorité en rétablissant l'ancienne formule du serment militaire.

Quant à la Sicile, si violemment troublée par l'esprit révolutionnaire et par les intrigues de l'Angleterre, elle commençait à respirer sous l'énergique et réparatrice administration du prince de Satriano. L'institution d'une dette publique sicilienne, dont les coupons furent facilement négociés, promettait une ère nouvelle de prospérité au budget sicilien.

Le 10 juillet, la princesse Caroline de Naples, sœur du roi Ferdinand, épousa le comte de Montemolin, fils de don Carlos. Ce mariage jeta quelque froideur dans les relations de la cour de Naples avec la cour de Madrid (voyez plus loin Espagne).

GRAND-DUCHÉ DE TOSCANE.

Forcé de fuir ses Etats, malgré l'affection de ses sujets, rétabli sur son trône par les baïonnettes autrichiennes, qui, seules, avaient pu déloger de Florence et de Livourne les soldats cosmopolites de la démagogie. S. A. R. le grand-duc Léopold II dut suspendre, par un décret du 24 septembre, l'exercice de la Constitution du 15 février 1848. Le 22 septembre, un autre décret supprimait la liberté de la presse. Ces actes de rigueur, devenus nécessaires, étaient rendus possibles par la présence des armes de l'Autriche avec laquelle le grand-duc conclut des conventions militaires (voyez le texte à l'Appendice, ainsi que celui des ordonnances).

Le 5 novembre fut conclue une convention postale entre le Gouvernement toscan et l'Empire d'Autriche. C'était là la première application d'une pensée féconde, celle d'une ligue postale austro-italique, destinée à établir des règles uniformes pour la taxation et le traitement des correspondances échangées entre les Etats ligués et l'étranger. A ce vaste projet se rattache un projet moins important, mais décisif pour l'avenir du port de Li

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