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Nouvelle-Espagne, avec le titre de vice-roi; — le lieutenant-général don Moreno Daoix, capitaine-général de l'Andalousie ; le maréchal-de-camp don Francisco Espoz y Mina, capitaine-géné. ral en Navarre, fut transféré en Galice et remplacé dans la province qu'il quittait par le maréchal-de-camp don Miguel Lopez Banoz; enfin le maréchal-de-camp don Philippe Arco-Arguero fut fait commandant général de la province de Tuy, et le maréchal-de-camp don Martin Diez l'Empecinado, gouverneur de Zamora... Ainsi presque tous les emplois militaires les plus importans du royaume étaient réellement dans les mains des chefs de la révolution. Cependant tant de concessions ne satisfaisaient point le parti. Tandis qu'on instruisait le procès de Vinuesa, chapelain du roi, regardé comme le chef d'une conspiration, dont on verra le plan, les orateurs du club de Malte, fermé et bientôt rouvert dans un autre local, insinuaient que cette conspiration se poursuivait toujours, qu'elle avait ses directeurs tout auprès du trône, et des ramifications dans toutes les branches de l'administration; qu'elle était fomentée par une puissance étrangère ( la France ), et qu'elle avait à Madrid ses premiers champions dans les gardes du corps. Le corps municipal (ayuntamento) avait lui-même accrédité ces bruits en disant, dans une adresse au roi, que les ennemis de la constitution étaient dans son palais, dans sa maison et dans sa chapelle... Souvent à la sortie du roi, il se faisait entendre, entre les acclamations ordinaires de vive le roi constitutionnel! des cris menaçans par lesquels on demandait la mort de Vinuesa, le renvoi des gardes du corps et de quelques ministres « qui n'avaient plus la confiance de la nation. » Les choses en vinrent au point que, le 5 février, le roi s'en plaignit au corps municipal, qui recommanda le calme, en reconnaissant « la justice des plaintes du

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peuple, qui ne pouvaient manquer d'être écoutés », et envoya sur-le-champ des corregidors pour maintenir l'ordre et contenir l'effervescence du peuple à la sortie de S. M. Le roi, rassuré par ces précautions, sortit pour la promenade à son heure accoutumée; mais comme les mêmes cris se faisaient entendre à son passage, une trentaine de gardes du corps, sortant de leur hôtel avec leurs épées

d'ordonnance cachées sous leurs manteaux, tombèrent sur ces groupes encore assemblés, blessèrent quelques bourgeois, et même un corregidor à la tête d'une patrouille; bientôt le peuple revenant en force, les gardes du corps rentréreut dans leur hôtel, où l'on fut obligé de placer trois pièces de canon pour les soustraire à son ressentiment. Alors la garde nationale et la garnison prirent les armes toute la nuit se passa dans le désordre; ceux qu'on supposait tenir au parti des serviles, et même une personne attachée à l'ambassade de France, furent insultés. D'un autre côté, des citoyens, des militaires et même des gardes du corps, désavouant l'action de leurs camarades, vinrent offrir leurs services à la municipalité pour concourir au maintien de la tranquillité et à la défense de la constitution. Le corps municipal fit une adresse au roi, qui convoqua le conseil d'État pour délibérer sur le parti à prendre dans ces circonstances. Il y fut résolu que, comme il n'appartenait qu'aux cortès de prononcer le licenciement d'un corps, celui des gardes cesserait provisoirement toute espèce de service auprès de S. M.; que les individus qui le composaient sortiraient de l'hôtel en déposant leurs armes et ne conservant que leurs épées ; qu'ils seraient placés dans d'autres bâtimens, et que, toute affaire cessante, on instruirait le procès des auteurs ou complices de ce déplorable événement. L'ordre fut exécuté avec rigueur, et tous ceux qui ne s'étaient pas prononcés contre leurs camarades furent désarmés, conduits en prison au milieu des huées de la populace. La plupart ont été bientôt relâchés; ceux qui sont restés détenus ont publié un mémoire justificatif, où ils ont prétendu prouver, par des documens authentiques, qu'il existait un plan combiné d'insulter le roi, de jeter des pierres dans sa voiture, s'excusant de Ja violence qu'ils avaient employée sur l'indignation qu'ils avaient éprouvée à voir les excès auxquels se portait la populace, et l'indifférence de la police pour les réprimer (1). A la suite de cette al

(1) Par un jugement définitif rendu plus de quinze mois après (fin d'avril 1822), tous les gardes du corps inculpés ont été acquittés et mis à la suite. de divers régimens de cavalerie.

faire, la garde de la personne de S. M. fat confiée aux hallebardiers. Elle reprit ses promenades, elle fut accueillie par des acclamations et des vive le roi! auxquels peu de voix ajoutaient l'épithète d'usage, constitutionnel, et la tranquillité se maintint pour quelque temps... Tout le monde attendait dans des vues différentes l'ouverture de la session ordinaire des cortès, où il se trouvait cinquante députés du Mexique.

(1er mars). S. M. l'ouvrit en personne au jour indiqué par la constitution, et dans le cérémonial accoutumé.

Le discours qu'elle prononça à cette occasion mérite d'être médité comme un témoignage évident de ses sentimens. Dans la première partie, laquelle avait été communiquée à ses ministres, S.M. témoignait son attachement aux institutions constitutionnelles, son intention de les maintenir; elle rappelait les travaux de la session précédente, elle indiquait ceux de la session actuelle. Quant aux relations extérieures, après avoir exprimé sa sollicitude pour Ja famille royale des Deux-Siciles et sur l'intervention du congrès de Laybach, le Roi disait que, pour l'Espagne, elle ne reconnaîtrait rien qui fût contraire aux principes du droit positif des gouvernemens sur lequel reposent « la liberté, l'indépendance et la

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prospérité des nations, principes que l'Espagne respectera invio<«<lablement envers les autres, et que les souverains avaient re<< connus relativement à l'Espagne. >>

Dans la seconde partie de son discours, S. M., revenant sur scs intentions de tenir fidèlement ses sermens, se plaignait des insinuations répandues par des malveillans sur la sincérité de ses vues, des outrages publics de plusieurs espèces contre sa dignité, contre le bon ordre, contre le respeet qui lui était dû, comme roi constitutionnel..., disant que « ces insultes ne seraient pas répétées si le pouvoir exécutif avait toute l'énergie que la consti<< tution demande »; que le peu de vigueur et d'activité de plusieurs autorités avait donné lieu au renouvellement de coupables excès, et ajoutant « qu'on ne devrait pas s'étonner, s'ils conti«nuaient, que la nation espagnole se trouvât accablée de malheurs « innombrables... »

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Plusieurs fois, au milieu de ce disconrs inattendu, S. M. fut obligée de s'interrompre et de réclamer l'attention de son auditoire, émnu de sensations diverses. Des applaudissemens éclatérent à la fin avec enthousiasme dans une partie de la salle; les ministres en parurent interdits : le président, surpris comme eux, n'y répondit qu'en termes vagues et généraux, d'où M. le comte de Torreno prit occasion de proposer que dorénavant, à l'imitation de ce qui se pratique en France et en Angleterre, il fût nommé une commission chargée de présenter aux cortès un projet de réponse au discours du roi, ce qui fut adopté : et le soir même, en sortant de cette séance, tous les ministres, excepté celui de la marine (M. Jabat), donnèrent ou recurent leur démission. (Voyez la composition de ce ministère, Annuaire pour 1820, p. 419).

Une révolution si subite répandit l'agitation et l'inquiétude dans les autorités, dans les clubs, dans la capitale. Personne n'en prévoyait le résultat. Il ne transpirait rien des déterminations ultérieures de S. M.... Les Cortès se rassemblèrent le lendemain pour entendre le rapport de la commission permanente sur ses travaux. On donna des éloges à la manière dont elle avait remplie ses devoirs mais on était tout à l'intérêt des circonstances présentes. Il se manifestait des inquiétudes sur l'influence étrangère; le soir il se rassembla des groupes où des gens de la lie du peuple parlaient de jeter des pierres aux croisées des ambassadeurs d'Autriche, de Russie et de Prusse. Cependant la garnison et la garde nationale parvinrent à empêcher le désordre, et la nuit se passa plus tranquillement qu'on ne l'avait espéré.

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Le 3 mars, le seul ministre resté à son poste, M. Jabat, ministre de la marine, communiqua d'office aux cortès la destitution de ses collègues, et un message où S. M. demandait aux cortès << une liste d'individus dignes de la confiance de la nation pour «< composer un nouveau ministère. »

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« Voulant, dit S. M., donner à la nation un témoignage irrécusable de la sincérité et de la rectitude de mes intentions, et désirant vivement que les personnes les plus recommandables par leurs connaissances, leur expérience et leur probité, de toute la monarchie espagnole, coopèrent avec moi à détruire tout prétexte de discorde et de mécontentement, j'ai décidé de m'a

dresser, dans cette circonstance, aux cortès, et de profiter de leur zèle et de leurs lumières pour recomposer un nouveau ministère. Je sais bien que cette nomination est ma prérogative; mais je sais aussi que, dans son exercice, rien ne s'oppose à ce que les cortès m'indiquent, et même me propɔsent les personnes qui mériteront le plus la confiance publique, et qui leur paraîtraient les plus aptes à remplir d'une manière satisfaisante des fonctions aussi importantes.

« Les cortes étant composés des représentans de toutes les provinces, personne mieux qu'eux ne peut m'éclairer dans une action aussi délicate, ni avec plus de certitude, afin qu'elle réponde à mes désirs. Les éclaircissemens que chaque député en particulier ne me refuserait pas si je les lui demiandais, ne me seront pas non plus refusés par eux tous réunis, car je compte qu'ils feront taire toutes les considérations de délicatesse et de circonspection devant celles du bien public. »

De longs et d'intéressans débats s'élevèrent sur une question si nouvelle. Nous ne pouvons en donner qu'une idée.

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Les conseillers de S. M., dit le comte de Torreno, n'ont pas jugé à propos de consulter confidentiellement les cortès sur la destitution des ministres, par conséquent, ils n'ont pas voulu savoir si ces ministres avaient ou non leur confiance. Ces conseillers ne pouvaient pas douter qu'ils la méritaient au moins antérieurement, et qu'il était question de savoir si l'on continuerait à la leur accorder; or les cortès n'ayant pas été consultés sur un point sur lequel leur opinion devait être de quelque poids, je pense qu'ils doivent se borner dans cette occasion à observer le texte littéral de la constitution, et s'abstenir de s'occuper, sous aucun prétexte, d'une affaire qui n'est pas de leur ressort. Notre situation, d'ailleurs, est critique, car si nous désignons ou conseillons de nommer telles ou telles personnes pour ministres, nous répondons en quelque sorte de leur conduite; et ne mettrionsnous pas S. M. dans une perplexité désagréable, par la contrariété qui existerait entre sa royale résolution et l'opinion du congrès, si nous pensions que les ministres qui viennent d'être renvoyés étaient les plus capables de remplir ces fonctions?

« Voilà la situation critique ou les conseillers qui ont insinué cette mesure ont placé S. M. Ce sont les mêmes qui, depuis douze ans, à chaque époque où ils ont pu se faire écouter, on conduit le roi de précipice en précipice. Il serait à désirer qu'ils eussent d'aussi bons désirs pour la conservation du trône et de la patrie que les ministres renvoyés, alors ils n'auraient jamais vendu ni leur nation, ni leur roi. Quant à moi qui, jusqu'à présent, me suis exposé pour soutenir ees ministres que j'ai cru intimement identifiés avec le système constitutionnel, je les défendrai mieux désormais, devenus simples particuliers.

Depuis trois mois on essaie, sous le masque d'un libéralisme outré, sous d'autres déguisemens, de miner le système constitutionnel. Nous savons qu'il y a des documens d'où résulte la preuve complète que les auteurs des outrages contre la personne du roi ne sont pas des hommes constitutionnels......... Nous marchons avec franchise, avec fermeté; mais les conscillers secrets du

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