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ces dangereux parasites. Sans doute, une disposition du Dahir de procédure autorise le magistrat à exiger la comparution personnelle de la partie, ce qui fait au mandataire une figure d'assistant inefficace qui n'est pas favorable au développement de sa clientèle; sans doute, un autre article du même dahir permet d'écarter de nos alentours certains repris de justice; mais ce ne sont là que des palliatifs à une situation un peu plus périlleuse en fait qu'elle ne l'avait paru au législateur en théorie.

» La constitution de cet état de choses et des dispositions de l'esprit public, franchement hostile aux mandataires, nous a conduits à étudier les moyens de remédier au mal. Nous avons cru les rencontrer dans l'éloignement complet et absolu des mandataires autres que les avocats; mais pour que ceux-ci ne soient pas tentés d'abuser du quasi-monopole qu'on leur créera, si on adopte nos propositions, nous resserrons encore plus que dans le système du dahir le lien de contrôle et de surveillance par la Cour d'appel qui avait été jugé nécessaire dans le début » (1).

Conformément aux conclusions de ce rapport, un dahir en date du 18 novembre 1916 donna définitivement aux avocats une situation prépondérante près de la justice. En voici le texte :

« ARTICLE PREMIER. A partir de la promulgation du présent dahir, les avocats autorisés à exercer au Maroc leur profession, conformément aux articles 34 et suivants du Dahir de procédure civile, pourront seuls être choisis comme mandataires, par les justiciables, devant les juridictions françaises et dans leurs secrétariats, dans les localités où il existe un barreau constitué.

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» ART. 2. Dans les autres localités, des mandataires non avocats pourront être tolérés, si la Cour d'appel, par une décision qu'elle prendra en assemblée générale, le Procureur général entendu, décide que cela est nécessaire pour la bonne marche des procédures.

>> ART. 3. A titre transitoire, les mandataires non avocats constitués par un acte ayant date certaine antérieurement au présent dahir, pourront être reçus par les juridictions françaises et dans leurs secrétariats, pour l'accomplissement de leur mandat, sans que cette faculté puisse s'étendre aux opérations qui seraient la conséquence directe ou indirecte dudit mandat, sans en être l'exécution stricte elle-même.

» ART. 4. La Cour d'appel établira, pour chacun des barreaux du Maroc, par des décisions qu'elle prendra en assemblée générale, le Procureur général entendu, un règlement de la profession d'avocat.

» ART. 5. — Les infractions par un avocat au règlement professionnel qui lui est applicable, en vertu de l'article qui précède, seront poursuivies conformément aux articles 40 et 41 du Dahir de procédure civile.

» ART. 6. — Les dispositions du présent dahir ne font pas obstacle à ce que, exceptionnellement, les parties se fassent, avec la permission du juge, remplacer en justice par un de leurs parents ou alliés, en ligne directe ou en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclusivement »>.

(1) Rapport au Gouvernement en date du 24 mai 1916.

Voici donc les avocals rapprochés de la magistrature et faits plus complètement ses collaborateurs intimes; en même temps, leur dépendance au point de vue disciplinaire et réglementaire est devenue plus étroite; ils ne s'en plaindront assurément pas, assurés qu'ils sont que leur indépendance professionnelle, en tant qu'avocats, défenseurs du droit et des droits privés, n'en souffrira pas (1).

Il suffit d'ailleurs, pour s'en convaincre, de lire un des règlements élaborés par la Cour; on y rencontrera le souci de faire aux avocats une situation de dignité et d'honneur, distante du monde des spéculateurs et des brasseurs d'affaires.

Voici, au surplus, le texte du règlement du barreau de Casablanca (2) :

« ARTICLE PREMIER. Les avocats inscrits au barreau et les avocats stagiaires prennent le titre d'avocat au barreau de Casablanca.

» ART. 2. Les avocats stagiaires sont tenus de fréquenter les audiences, d'assister régulièrement aux conférences du stage et à toutes les réunions pour lesquelles ils seront convoqués par le bâtonnier.

» ART. 3. --- Les avocats inscrits au tableau et les avocats stagiaires sont autorisés à placer, à l'extérieur de leur cabinet, des plaques indicatrices, ainsi que sur leurs lettres, cachets et dossiers des inscriptions portant, en langue française seulement, le titre d'avocat au barreau de Casablanca.

>> Lesdites inscriptions ne devront comprendre aucune mention, sauf celles de docteur en droit, de bâtonnier ou d'ancien bâtonnier, s'il y a lieu.

» ART. 4. Les avocats prennent rang, sur le tableau ou sur la liste des stagiaires, à dater du jour de leur admission ou, s'il y a lieu à prestation. de serment, du jour où elle s'accomplit.

>> Ils perdent leur rang définitivement, dès qu'ils sont rayés pour une cause quelconque, et leur réinscription ultérieure ne les replace pas dans le rang qu'ils occupaient avant leur radiation.

» ART. 5.

Les avocats peuvent être autorisés à résider ailleurs que dans la ville où siège le Tribunal de première instance, pourvu qu'ils y soient autorisés par la Cour, statuant en assemblée générale, après avis du Bâtonnier et le Procureur général entendu.

» Cette autorisation sera retirée, si elle présente des inconvénients pour la bonne administration de la Justice.

» ART. 6. Les avocats ne peuvent se servir, soit en permanence, soit même accidentellement, d'intermédiaires salariés ou intéressés, pour leurs rapports entre eux et les justiciables. Il leur est aussi interdit de faire, par intermédiaires ou courtiers ou par la voie de la presse, appel à la clientèle.

(1) Voir : La représentation des parties en justice, par J. Rovel, chef du service des Études législatives à la Résidence générale de France au Maroc. 1 broch. in-8, Rabat, Imprimerie officielle.

(2) Ce règlement a été édicté par l'Assemblée générale de la Cour à la date du 19 janvier 1917, et publié au Bull. off., no 222, du 22 janvier 1917, p. 87.

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» ART. 7. Plusieurs avocats ne peuvent s'associer pour la tenue d'un cabinet unique, ni exercer leur profession dans un même local.

>> Toutefois, il n'est pas interdit à un avocat stagiaire ou même inscrit au tableau, de travailler chez un confrère soit moyennant une rémunération, soit à titre bénévole, pourvu qu'il n'y fasse pas de clientèle personnelle.

>> ART. 8. Il est interdit aux avocats de prendre un intérêt quelconque dans les affaires pour lesquelles ils se présentent en justice, de stipuler pour honoraire une quotité du gain d'un procès ou d'une opération judiciaire, de gérer les intérêts de leurs clients en dehors de ce qui constitue leur contentieux.

>> Toutefois, il leur est permis de rédiger des contrats sous seings privés dans les limites où les lois du pays les autorisent; ils peuvent même représenter une partie dans une convention, à condition d'être munis d'une procuration spéciale.

» ART. 9. Les avocats doivent, autant que possible, exiger le paiement d'avance de leurs honoraires et des frais qu'ils sont appelés à exposer. Ils sont tenus de délivrer quittance de toutes les sommes qu'ils reçoivent. » ART. 10. Les avocats doivent prêter gratuitement leurs offices aux indigents soit sur la désignation du bâtonnier, soit sur celle d'un magistrat. » ART. 11. Un avocat ne peut s'occuper d'une affaire confiée antérieurement à l'un de ses confrères, sans avoir fait préalablement auprès de celui-ci une démarche de courtoisie.

>> ART. 12. - Au cas où un justiciable n'est pas d'accord avec un avocat au sujet des honoraires qui lui sont réclamés, le différend est soumis à l'appréciation amiable du bâtonnier de l'Ordre qui, s'il ne peut arriver à une conciliation, renvoie les parties à se pourvoir conformément au droit

commun.

» ART. 13. Toute difficulté entre avocats est portée devant le bâtonnier, et, au cas où elle ne prendrait pas fin à l'amiable devant lui, elle est produite devant le Tribunal de première instance qui statue en chambre du Conseil, le Ministère public entendu, sauf recours devant la Cour.

» ART. 14. Tout avocat inscrit au tableau paie, à la caisse de l'Ordre, un droit d'entrée de cent francs, et tout stagiaire un droit d'entrée de cinquante francs. Les avocats qui auront payé le droit d'entrée de cinquante francs pour admission au stage ne devront plus verser que cinquante francs, lors de leur admission au tableau.

>> Les avocats inscrits au tableau verseront à la caisse de l'Ordre une cotisation de cinquante francs par année judiciaire, et les avocats stagiaires, pour chaque même période, une cotisation de trente francs.

>> Les avocats inscrits antérieurement au présent règlement devront verser, dans le délai de deux mois à partir de son entrée en vigueur, les droits d'entrée ci-dessus spécifiés. Les cotisations dues pour l'année judiciaire 1916-1917 seront abaissées d'un tiers.

» ART. 15. Le bâtonnier est le trésorier de l'Ordre.

» La caisse de l'Ordre sert à l'entretien de la bibliothèque, du mobilier, aux frais de bureau et à la rémunération des employés.

» A titre exceptionnel, le bâtonnier peut en affecter une partie pour secourir une infortune imprévue d'un membre du barreau ou de sa

famille. Toutefois, il ne pourra disposer à cet effet que du cinquième de la somme restant en caisse.

>> ART. 16.

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Le présent règlement entrera en vigueur le 1er février 1917. Il sera affiché dans tous les secrétariats des juridictions françaises.

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Des règlements semblables ont été créés pour les tribunaux de Rabat et d'Oudjda.

SECTION IV

NOTARIAT. DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS. SUCCESSIONS VACANTES.

Les secrétariats des juridictions françaises dont l'organisation a été exposée dans la section 11 du présent chapitre ont été chargés du notariat, des dépôts et consignations et des successions vacantes. Il va être parlé ici de ces attributions spéciales, dans trois divisions différentes.

§ 1. Notariat.

L'article 26 du Dahir de procédure civile se borne à énoncer que les secrétariats établis auprès de chacun des tribunaux français du Maroc sont chargés du notariat. Dans quelles conditions doivent-ils s'acquitter de cette mission? c'est ce qu'il convient d'expliquer.

D'abord, il a été admis que le texte susvisé donnait aux secrétaires-greffiers la qualité de notaires français, en ce sens que les actes qu'ils passent ont la même valeur que s'ils étaient faits par un notaire de France. Ceci fut contesté par des notaires de la métropole, par un agent de change de Paris, par le service de l'intendance, par celui du Trésor et de la Poste aux armées, par certains consuls, par certaines autorités coloniales.

Cette méconnaissance de la loi mettait en péril sur un point important la nouvelle organisation; il y fut mis bon ordre par deux circulaires ministérielles dont l'importance est telle qu'il paraît opportun de les reproduire ici.

Le texte de la première est annexé à une lettre du 15 avril 1914, adressée par le ministre des Affaires étrangères au Résident général au Maroc, lettre qui indique que le ministre des Colonies a, de son côté, procédé à une notification semblable à l'égard des chefs des services judiciaires de nos possessions coloniales. Elle est ainsi conçue :

« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'un décret du 7 septembre 1913, publié au Journal officiel du 9 du même mois, a institué au Maroc des juridictions françaises remplaçant pour les nationaux et ressortissants français les anciens tribunaux consulaires.

>> En conséquence, la Cour d'appel de Rabat, les tribunaux d'Oudjda et de Casablanca, les justices de paix de Rabat, Casablanca, Oudjda, Saffi et Fez, ainsi que les tribunaux qui pourraient être ultérieurement établis dans la zone française, étant des juridictions françaises, et leurs secrétaires étant

investis de pouvoirs d'officiers publics ou ministériels français, les arrêts, jugements, mandats, décisions et actes qui en émanent doivent être réputés français.

>> Vous reconnaîtrez donc la validité de ces actes; vous exécuterez, d'autre part, les mandats de justice et vous prêterez main-forte à l'exécution des grosses des actes notariés, des jugements et arrêts de ces juridictions dans votre ressort consulaire, sous les conditions et dans la mesure admise pour les mandats de justice décernés par des magistrats français, les grosses d'actes notariés dressés par des officiers ministériels français et pour les jugements et arrêts émanant des juridictions françaises ».

Le Garde des sceaux a écrit de son côté sur le même sujet :

« Il n'a été créé, dans le Protectorat français du Maroc, aucune charge d'avoué, d'huissier, de notaire ni de commissaire priseur et, à l'exception d'avocats, d'interprètes et d'experts, il n'y existe aucun des autres auxiliaires de justice adjoints aux tribunaux de la métropole. Toutefois, aux termes de l'article 25 du Dahir sur la procédure civile, «< il est institué >> auprès de chacun des tribunaux français de notre Empire un secrétariat » chargé du greffe, du notariat, de la perception des frais de justice, de la » comptabilité et, en outre, de tous les actes de sommation, de constata» tion, de notification, d'exécution, de liquidation et d'administration » ordonnés par le juge ».

» J'ai été informé que ces dispositions n'étaient pas encore toutes connues des officiers publics et ministériels de France et que plusieurs d'entre eux avaient soulevé des difficultés à l'occasion d'actes établis par les secrétaires des tribunaux français du Protectorat du Maroc dont ils contestaient la valeur et la force probante en territoire français.

» Or, l'article 26 du Dahir organique dispose que « les jugements, arrêts, » décisions, actes des juridictions ou des autorités judiciaires françaises, métropolitaines ou coloniales sont exécutoires dans le ressort des juri» dictions françaises de notre Empire, sans exéquatur, homologation, >> revision, contrôle ou enregistrement.

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» Les pièces et documents délivrés par les autorités françaises, les offi>> ciers publics ou ministériels français vaudront dans le ressort des juri>> dictions françaises de notre Empire, s'ils sont pourvus ou assortis de » certificats, signatures, légalisations, timbres requis en France pour leur » validité ».

» Ainsi, les décisions et actes des tribunaux de la métropole ou de tout territoire français, les pièces et documents émanant des officiers publics ou ministériels de la métropole ou d'un territoire français ont la même valeur sur le territoire du Protectorat français du Maroc que dans la métropole ou en territoire français et aux mêmes conditions.

» Réciproquement, la Cour d'appel de Rabat, les tribunaux d'Oudjda et de Casablanca, les justices de paix de Rabat, Casablanca, Oudjda, Saffi et Fez, étant des juridictions françaises et leurs secrétaires agissant comme officiers publics ou ministériels français, les jugements, arrêts, mandats, décisions et actes qui en émanent valent dans la métropole ou en territoire français sans avoir besoin d'être pourvus ou assortis de certifications, signatures, légalisations ou timbres autres que ceux qui seraient requis

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