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bunaux français, nonobstant les jugemens rendus contre lui en pays étranger, jouit du même privilége relativement aux décisions arbitrales rendues soit en matière ordinaire, soit en matière de commerce?

Cette question est une des plus importantes qui puissent se présenter. Elle a plusieurs fois été soumise aux tribunaux, et presque toujours elle a reçu une solution affirmative.

Dans mon opinion, la décision, rendue par des arbitres étrangers, doit être revisée tout aussi bien que les jugemens rendus par des tribunaux étrangers. Au surplus, cette question a été large ́ment traitée devant la Cour de cassation : je vais rapporter les faits qui lui ont donné naissance, la discussion et l'arrêt. (Voir Sirey, 1. 369.)

FAITS.

« Le 1er mai 1798, M. Lecouteulx de Canteleu, >> le sieur Laurent Lecouteulx et le sieur Chériot, >> formèrent, par acte passé et signé à Paris, une >> association ayant pour objet d'exporter en Amérique des denrées et marchandises d'Europe, » et d'importer en France des denrées améri»: caines.

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» MM. Lecouteulx ne voulurent être que com» manditaires.

» La société devait durer huit années, à partir » du 1o juillet 1793 jusqu'au 30 juin 1799: les » difficultés entre les associés étaient déclarées sou» mises à des arbitres. Le fonds social était de » 120,000 dollars ou piastres effectives, somme égale à 600,000 fr., numéraire de notre monnaie. » Lesieur Chériot se rendit en Amérique pour » y établir la maison de commerce à New-Yorck : » il paraît que, dans l'intérêt de l'association, il » se fit naturaliser Américain.

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>> Le sieur Chériot ne fut pas heureux... Il se >>> trouva forcé de suspendre ses paiemens.

» Les co-associés, résidant à Paris, envoyèrent » au sieur Dupont de Nemours, négociant français, procuration pour faire ce qu'il jugerait convenable à leurs intérêts, etc., etc. Des arbitres fu>> rent nommés en vertu de cette procuration. » Le 8 mars 1802, les arbitres rendirent leur » décision.

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» Entre autres dispositions est celle-ci :

» Et comme il y a plusieurs juge» mens en vertu desquels les propriétés et créances » de la société sont exposées à être saisies et ven» dues à vil prix, et Chériot peut être arrêté, il » est autorisé à tirer, dès à présent, sur M. Le » couteulx de Canteleu, 100,000 piastres effec» tives d'Espagne, à la charge par Chériot de » verser dans la caisse de la société une somme >> proportionnée à celle-ci, le tout pour satisfaire

» aux engagemens les plus urgens de la société. » Quand Chériot youlut exécuter sur Lecou>> teulx, celui-ci forma opposition:

» Le tribunal de la Seine rendit, le 20 août 1806, » un jugement qui, entre autres dispositions, por» tait celle-ci :

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» Attendu que, suivant les lois de l'empire français, tous jugemens rendus en pays étrangers, soit par des tribunaux ordi»> naires, soit par des arbitres, ne sont pas » exécutoires en France, et que le Français » est toujours admis à débattre ses droits, » comme entiers, devant les juges de » son territoire; d'où il suit que le juge>> ment arbitral dont il s'agit, ne forme point » un titre en faveur du sieur Chériot; qu'il » ne lui donné que le droit de se pourvoir >> par action principale pour soumettre les » demandes aux juges de l'empire français, >> seuls compétens pour en connaître :

» Le tribunal, au principal, renvoie les parties à se pourvoir devant les juges de l'empire français, à l'effet, par elles, de débattre devant eux, comme entiers, leurs droits et prétentions.

»27 juillet 1807, la Cour de Paris rend un arrêt confirmatif.

» Le sieur Chériot se pourvoit en cassation, » pour fausse application de l'article 121 de l'or

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» donnance de 1629. — Violation des articles i, » 2, 4 et 6 du titre premier de la loi du 24 août 1790', de l'article 1021 du Code de procédure,

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» du droit naturel et des gens; enfin pour excès >> de pouvoir.

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L'article 121 de l'ordonnance de 1629 porte: « Les jugemens rendus, contrats ou obligations » reçues és royaumes et souverainetés étrangères, » pour quelque cause que ce soit, n'auront au» cune hypothèque, ni exécution en notre » royaume; ains (mais) tiendront les contrats >> lieu de simples promesses, et nonobstant ces jugemens, nos sujets contre lesquels ils auront » été rendus, pourront débattre de nouveau leurs >> droits, comme entiers, pardevant nos officiers. >>> Prenons cette disposition de la loi dans sa plus grande étendue, disait-on pour le sieur » Chériot; écartons les opinions de Boullenois » (Traité des statuts réels et personnels), >> d'autres savans jurisconsultes et commenta» teurs, sur les distinctions à faire entre le cas » où le Français condamné a été demandeur de>> vant le juge de la souveraineté étrangère, et » le cas où il n'a été que le défendeur; entre le cas » où les jugemens ont été rendus en matière pu>>rement personnelle, et le cas où ils ont été » rendus en matière purement réelle ou mixte; >> admettons que la loi ne fait pas d'exception les affaires de commerce de terre et de

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» pour

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» mer: il n'en sera pas moins vrai que la loi ne >> concerne que les jugemens rendus, contrats où » obligations reçues ès royaumes et souverainetés » étrangères, c'est-à-dire les jugemens rendus par » des juges en titre de la souveraineté étrangère, » c'est-à-dire les contrats ou obligations reçus >> par des officiers publics de la puissance étran >> gère.

» Cela résulte du texte de la disposition de la » loi elle-même.

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» En effet, la loi dispose que, nonobstant les jugemens, les sujets français contre lesquels ils >> auront été rendus, pourront de nouveau dé >> battre leurs droits, comme entiers, par devant » les officiers français; ce qui veut clairement » dire qu'on ne pourra opposer au Français con» damné l'exception 'de la chose jugée contre » lui, par le juge tenant son pouvoir de la puis»sance étrangère.

>> Quant aux contrats et obligations, ils tien» nent lieu, en France, de simples promesses, >> et ne doivent conférer aucune hypothèque..

» Aussi l'article 546 du Code de procédure re»> nouvelle-t-il la disposition de l'article 121, de » l'ordonnance de 1629: les jugemens rendus par >> les tribunaux étrangers, et les actes reçus par » les officiers étrangers, ne seront exécutoires en » France que de la manière et dans les cas pré»vus par les articles 2123 et 2128 du Code civil.

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