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ARRETS DU CONSEIL D'ÉTAT

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(N° 62)

[17 juillet 1903]

Voirie (Grande). Tramways. Concession. Funiculaire de Belleville (Ville de Paris).

Avant-projet pouvant contenir des défectuosités pratiques. Obligation de la ville de les réparer. - Insuffisance des produits de l'exploitation avant la correction de l'avant-projet. Indemnité.

En se chargeant de l'étude et de la rédaction du projet d'exécution d'un avant-projet de funiculaire acquis par elle d'un ingenieur, la ville a assumé l'obligation d'apporter à cet avant-projet toutes corrections nécessaires pour le mettre en état d'exploitation pratique et, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle a rempli ses engagements, à l'égard de la société concessionnaire, en lui remettant une ligne construite conformément aux dispositions de l'avant-projet. Condamnation de la ville à payer une indemnité correspondant au supplément de dépenses et à la dimi. nution de recettes supportés par le concessionnaire, par suite des défectuosités révélées par la pratique, depuis la date de la remise jusqu'au jour où la ville a opéré toutes les corrections à sa charge (I).

Si, pour la fixation de cette dernière date, la société concessionnaire a, par des conclusions déposées au conseil de préfecture, accepté un jour déterminé, elle ne peut être admise à la critiquer devant le Conseil d'Etat et à demander l'adoption d'une date plus reculée (I).

Travaux avancés par la société concessionnaire. Prétendue insuffisance dans la remunération des avances. Rejet : l'arrêté attaqué a fixé exactement le départ des obligations de la ville et de celles de la société pour les travaux exécutés (II).

Les intérêts des fonds avancés pour paiement des travaux exécutés pour le compte d'une ville par une société concessionnaire de tramways doivent-ils être alloués seulement à partir du jour de la demande, ou à partir du jour des avances constatées, conformé

ment aux termes de l'article 2001 du Code civil sur le mandat? Rés. dans le premier sens (II).

Une société concessionnaire qui a avancé le prix de travaux à la charge de la ville, a-t-elle droit au remboursement des frais qu'elle a dù faire pour se procurer l'argent nécessaire auxdites Rés. nég., alors qu'elle ne justifie pas s'être trouvée dans la nécessité de contracter un emprunt pour faire ces avances (II).

avances?

Retard dans le versement du cautionnement. Non-lieu à l'application d'une pénalité : l'article, qui prévoit pour toute inexécution du contrat une amende, laquelle sera prise sur le montant du cautionnement, ne pouvait, évidemment, et par ses termes mêmes, viser le retard dont il s'agit (III).

Retard dans le paiement des redevances à la ville pas d'amende, la ville ayant admis le principe de la compensation pour les dettes réciproques, et la société étant, au jour du premier paiement, créancière de la ville d'une somme supérieure au montant des redevances échues joint à celui des autres sommes dues par la société à la ville (III).

Décidé que celle compensation doit, d'ailleurs étre opérée aux dates où les sommes dues par la société seraient devenues exigibles en cas d'exploitation normale (III).

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...I. Sur les conclusions de la ville de Paris et sur celles de la Société touchant l'indemnité allouée à cette dernière pour l'exploitation du tramway du 25 août 1891 au 1er juin 1893 : Considérant qu'en se chargeant de l'étude et de la rédaction du projet définitif d'exécution ainsi que de la construction du tramway funiculaire de Belleville, suivant les données générales indiquées au titre I du cahier des charges annexé au décret du 24 janvier 1889, la ville de Paris a assumé l'obligation d'apporter aux avant-projets, acquis par elle du sieur Fournier, les modifications et corrections nécessaires pour mettre le tramway du système adopté, qui n'avait pas reçu d'application pratique en France, en état d'être exploité d'une façon régulière et normale; qu'elle a d'ailleurs, par l'organe de ses représentants légaux, reconnu à diverses reprises que cette obligation lui incombait et payé en conséquence ou pris à son compte une partie importante des dépenses que ces modifications ou corrections ont occasionnées; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle avait rempli complètement ses engagements à l'égard de la société défenderesse en lui remettant la ligne de tramway construite conformément aux disposition de l'avant-projet Fournier, quelles que fussent les défectuosités ré

vélées par la pratique, et qu'elle a été à bon droit condamnée à indemniser cette société des dépenses supplémentaires et de la diminution de recettes que ces défectuosités non encore corrigées ont entraînées dans l'exploitation de la ligne depuis le 25 août 1891, date de la remise qui en a été faite à la Compagnie concessionnaire; jusqu'au jour où les travaux indispensables pour assurer le fonctionnement régulier du tramway funiculaire ont été exécutés :

Considérant que l'arrêté attaqué a fixé, conformément à l'avis exprimé par la majorité des experts, au 1er juin 1893 la date à laquelle le tramway a été mis en état de fonctionner d'une manière régulière et normale; que d'une part, la Société, qui, par des conclusions prises devant le conseil de préfecture le 26 juillet 1893 et 10 juin 1894, avait elle-même indiqué et accepté cette date, ne peut être admise aujourd'hui à la critiquer et à demander que des travaux exécutés postérieurement soient mis à la charge de l'administration municipale; que d'autre part, la ville ne justifie pas de l'exécution avant le 1er juin 1893 de toutes les modifications et corrections à sa charge;

Mais considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'examen des recettes et des dépenses de la Compagnie exploitant avant et après le 1er juin 1893, que l'indemnité de 111.963 fr. 90 allouée par le conseil de préfecture pour tenir compte du supplément de dépenses et de la diminution de recettes que ladite société a supporté pendant la période envisagée du 25 août 1891 au 1er juin 1893, du fait des défectuosités de la construction auxquelles la ville de Paris était tenue de remédier est exagérée et qu'il en sera fait une juste estimation en la réduisant à 50.000 francs, cette somme ayant été d'ailleurs évaluée de manière à tenir compte des intérêts jusqu'au 26 juillet 1893 et devant porter intérêts à partir de ladite date;

II. En ce qui touche le compte des avances de la Compagnie concessionnaire: Considérant, d'une part, que l'arrêté attaqué a fait un juste départ des obligations de la ville et de celles de la société relativement aux travaux exécutés par cette dernière et fixé exactement le montant de ceux dont le remboursement incombait à l'administration municipale ;

Considérant, d'autre part, que la Société à qui les intérêts des fonds dont elle a fait l'avance ont été alloués à partir du jour où elles les a demandés, n'est fondée à réclamer ni les intérêts de ces fonds à partir d'une date antérieure, ni le remboursement des frais qu'elle prétend avoir eu à supporter pour se procurer le montant de ces avances et au sujet desquels il n'est produit d'ailleurs aucune justification;

III. Sur les conclusions de la Société et sur celles de la ville touchant les pénalités pour retard dans le versement du cautionnement

et le paiement des redevances: Considérant que si le cautionnement qui devait, d'après le contrat, être constitué le 3 septembre 1890, n'a été versé que le 13 juin 1892, la ville n'est pas fondée à réclamer à raison de ce retard l'application de l'amende prévue par l'article 12 de la convention pour toute inexécution du contrat ; qu'en effet cet article qui prévoit le prélèvement de l'amende stipulée sur le montant du cautionnement, ne visait pas, dans la commune intention des parties contractantes, l'inexécution des obligations concernant le cautionnement lui-même :

Considérant que si le paiement régulier des redevances stipulées au profit de la ville n'a commencé que le 16 janvier 1894, il résulte de la présente décision qu'à cette date la Société était créancière de la ville d'une somme supérieure au montant des redevances échues joint à celui des autres sommes dues par la Société à la ville, et que l'administration municipale avait, ainsi que cela résulte des lettres du préfet de la Seine des 16 et 25 juin 1892, admis le principe d'une compensation à opérer entre les sommes dont les parties étaient respectivement débitrices l'une à l'égard de l'autre ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de retrancher des sommes mises par l'arrêté du 7 juin 1898 à la charge de la Compagnie, celle de 23.650 francs, montant des amendes qui ont été à tort appliquées ;

Mais considérant que la ville était autorisée à retenir, sur les sommes qu'elle devait à la Société et qui portent intérêts en vertu de la décision du conseil de préfecture, celles dont la Société était débitrice à titre de redevances ou de taxes de pavage et pour les pièces de rechange; qu'une compensation doit par suite être opérée aux dates où ces dernières sommes seraient devenues exigibles en cas d'exploitation normale, c'est àdire, pour les pièces de rechange le 25 août 1891, pour les sommes dues à titre de redevances au commencement de chacun des trimestres pour lesquels la redevance, payable d'avance, devait être acquittée, et pour les sommes dues à titre de taxes de pavage, à l'expiration de chaque trimestre auquel se rapportent les sommes dues à ce titre ;

--

Sur les intérêts des intérêts réclamés par la Société: Considérant que la Société a réclamé la capitalisation des intérêts les 17 mars 1899, 25 mai 1900, 3 juin 1901 et 7 novembre 1902, qu'à chacune de ces dates il lui était dû plus d'une année d'intérêts sur les sommes dont la ville reste sa débitrice; qu'il y a donc lieu de faire droit à ces demandes ;

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Considérant

que,

Sur les frais d'expertise: dans les circonstances de l'affaire, les frais d'expertise ont été mis à bon droit en totalité à la charge de la ville de Paris;... (Indemnité de 111 963 fr. 90, allouée par l'arrêté du conseil de préfecture du 7 juin 1898, réduite à 50.000 francs. Cette somme portera intérêts à partir du 26 juillet 1893; la Société est

déchargée de la condamnation au paiement de la somme de 23.650 francs mise à sa charge par le même arrêté ; les sommes dues par la Société à la ville à titre de redevances ou de contribution aux frais de pavage et pour les pièces de rechange telles qu'elles ont été liquidées par l'arrêté du conseil de préfecture du 7 juin 1898 seront compensées avec celles que la ville doit à la Société et cette compensation sera opérée aux dates où les premières de ces somines seraient devenues exigibles en cas d'exploitation normale et qui sont ci-dessus déterminées; arrêtés réformés en ce qu'ils ont de contraire; intérêts des sommes restant dues par la ville à la Société capitalisés les 17 mars 1899, 25 mai 1900, 3 juin 1901 et 7 novembre 1902 pour produire eux-mêmes intérêts au profit de cette dernière ; surplus des conclusions des parties rejeté; dépens du pourvoi n° 89.834 mis à la charge de la ville et ceux du pourvoi n° 96.095 à la charge de la Société).

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Action en

de travaux de dragage faits pour le compte de l'Etat. indemnité. Loi du 9 avril 1898. Conventions entre l'État et un dragueur. Interprétation. Caractère de chef d'entreprise. Question préjudicielle. - Compétence. Conflit positif. (Dame veuve Laralle contre sieur Mouysset et l'Etat.)

Décès d'un ouvrier par suite d'un accident survenu au cours des travaux de curage du canal du Midi. Action en indemnité intentée devant les tribunaux judiciaires par les héritiers, en vertu de la loi du 9 avril 1898, contre l'Etat, pour le compte duquel les travaux sont effectués, et contre le dragueur chargé de leur exécution. — Jugement du tribunal civil condamnant l'Etat à payer une indemnité, à titre de chef d'entreprise, et mettant hors de cause le dragueur, en le considérant comme un simple tâcheron, et non comme un entrepreneur. Arrêté de conflit pris en appel par le préfet et fondé sur ce que l'autorité judiciaire ne pouvait interpréter les conventions passées entre l'Etat et le dragueur, en vue de déterminer préjudiciellement si ce dernier avait la qualité de chef d'entreprise. Confirmation de l'arrêté de conflit, par le motif qu'il appartenait au conseil de préfecture, seul juge du sens et de la portée des marchés de travaux publics,

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