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Nous n'insisterons pas davantage sur quelques difficultés d'application que peut faire naître l'art. 1013 C. Pr., ainsi qu'il est rédigé. Il nous reste le regret de ne pouvoir donner à nos lecteurs quelques développemens puisés dans l'exposé des motifs de la loi au Corps-Législatif, ou dans la jurisprudence actuelle.

Nous terminerons par deux observations.

La première est que si, lors du décès d'un des com promettans, l'instruction de l'affaire était terminée, et que les points de la contestation eussent été arrétés, datés et signés par les arbitres, même à l'insu des parties intéressées, l'arbitrage serait terminé, et le compromis aurait ses effets envers les héritiers du décédé, majeurs ou non; car il a été décidé par des arrêts, ainsi qu'on le verra, qu'une décision arbitrale a une existente légale par sa date et sa signature, sauf aux parties intéressées à s'inscrire en faux contre la date.

La seconde est que si l'autre compromettant, après le décès, était parvenu à s'entendre avec tous les héritiers majeurs du défunt pour annuler le compro mis et ce qui a pu en être la suite, cette convention serait valable, et le compromettant n'aurait point à s'occuper de la question de savoir si, par cette annulation, les héritiers ont pu faire acte d'héritier et se trouvent déchus du droit de renoncer; ce qui lui importe, c'est qu'ils soient tous majeurs et qu'ils consentent tous à rendre sans effet le compromis.

QUESTIONS ET DÉCISIONS.

1 DÉCÈS D'UNE PARTIE, DATE DE LA SUSPENSION DE L'ARBITRAGE.) Puisque le décès d'un des compromettans, quand tous ses héritiers sont majeurs, ne met pas fin au compromis; que seulement le délai pour instruire et juger est suspendu pendant celui pour faire inventaire et délibérer, est-ce du jour même du décès qu'on doit faire partir la date de la suspension, ou est-ce du jour que cet événement est valablement connu des arbitres?

Nous devons préalablement dire qu'avant la publication du Code de procédure civile, les pouvoirs des arbitres volontaires cessaient aussi par le décès, même non notifié, de l'une des parties, et que dèslors le jugement arbitral rendu après le décès était nul. Nous en trouvons un exemple dans un arrêt de la cour de Paris, du 15 décembre 1807, D., t. Ier; p. 712, où elle fit l'application de ce point de droit, d'après les principes qui régissaient la matière à l'époque du jugement arbitral attaqué. Mais aujourd'hui que les pouvoirs des arbitres ne sont que suspendus par le décès d'un des compromettans, si tous les héritiers de celui-ci sont majeurs, pourrait-on décider que cet événement, qui ne serait pas connu des arbitres, suspendrait de plein droit leurs pouvoirs, en telle sorte que les actes d'instruction qu'ils auraient faits, que même le jugement qu'ils auraient prononcé dans l'ignorance dudit événement, seraient frappés de nullité?

D'un autre côté, pourrait-on décider que la date de la suspension de l'arbitrage doit remonter au jour

la

du décès non connu, afin de la calculer avec ce qui restera du délai réglé par le compromis ou fixé par loi, après l'expiration de ceux accordés aux héritiers pour faire inventaire et délibérer ?

Sur ces deux parties de la question principale cidessus posée, nous pensons, dès que l'art. 1013 exige que le délai pour instruire et juger soit suspendu par le décès d'une des parties, quand tous les héritiers sont majeurs, qu'il est nécessaire, pour satisfaire au vœu de cet article, que le décès soit notifié valablement aux arbitres. Dans le cas contraire, ceuxci, étant dans l'ignorance de cet événement, procéderaient légalement, et le délai de leur mission continuerait à courir, c'est-à-dire que la suspension de l'arbitrage ne pourrait s'effectuer que du jour de la notification du décès par celle des parties qui aurait intérêt, à moins donc que, par un fait quelconque, il fût prouvé que les arbitres n'avaient pu ignorer ce décès.

En effet, il nous paraîtrait déraisonnable de croire que le législateur ait eu l'intention de donner au décès d'une partie, qui peut être ignoré tant de ses propres héritiers que de l'autre partic, un effet rétroactif tel que les opérations des arbitres, ignorant eux-mêmes l'événement, fussent annulées à partir du jour qu'il est arrivé. Tout porte donc à conclure que si les arbitres avaient prononcé leur sentence dans le délai fixé, et avant la notification du décès, ou quoique ce soit avant qu'ils aient pu en avoir une connaissance valable, cette décision ne pourrait être attaquée sous le seul prétexte du décès, et les

héritiers ne pourraient prendre la succession qu'à la charge de l'exécuter.

2o (JUGEMENT LU AUX PARTIES, DÉCÈS AVANT LA SIGNATURE.) Lorsqu'il a été constaté par le procès-verbal des arbitres que le jugement a été délibéré et rendu par eux tous, et qu'en outre il a été lu aux parties, y a-t-il chose jugée, encore que tous les arbitres n'aient pas apposé leurs signatures? En conséquence, si l'une des parties venait à décéder, par exemple, le lendemain et avant la signature de tous les arbitres, l'arbitrage se trouveraitil terminé, les autres arbitres ayant ensuite signé? Ou bien le décès suspendrait-il l'arbitrage en cet état de non signature, pendant les délais accordés aux héritiers pour faire inventaire et délibérer ?

Selon nous, la question n'en serait pas une, si le jugement, délibéré et arrêté par tous les arbitres et lu aux parties, n'avait été signé qu'après le décès de l'une d'elles et dans l'ignorance de ce décès, parce qu'alors tout serait terminé.

Toutefois, comme il a été décidé en principe par la cour suprême, arrêt du 17 mars 1806, D., t. Ier, p.754, sur pourvoi d'un arrêt de la cour de Paris du 22 prairial an XIII, qu'une sentence arbitrale n'a d'existence légale que par sa date et sa signature, on pourrait en induire avec raison que si les arbitres n'avaient signé le jugement qu'après la notification qui leur aurait été faite du décès, ce jugement ne pourrait sortir effet, et que ce serait le cas d'appliquer l'art. 1013, en ce sens que l'arbitrage se trouverait suspendu dans l'état où étaient les choses au moment de la notification du décès.

Cette conséquence qu'on devrait tirer, nous conuit à faire connaître les faits de la cause jugée par la cour de Paris, et dans laquelle la cour suprême a fait la déclaration de principe dont il s'agit. Cet exposé pourra éclairer le lecteur.

Un seul arbitre avait été nommé par le compromis; l'instruction de l'affaire étant terminée, cet arbitre écrivit aux parties qu'il était en état de prononcer son jugement, et il leur indiqua le 29 germinal pour leur en donner lecture; mais, par exploit de la veille, 28 germinal, l'une des parties lui fit signifier qu'elle le révoquait; qu'elle le récusait en tant que de besoin, et qu'elle s'opposait formellement à ce qu'il rendît aucune décision arbitrale.

Néanmoins, le lendemain de cette révocation, qui était le jour indiqué pour la lecture du jugement, l'arbitre, sur la réquisition de l'autre partie, seule présente, prononça le jugement, qu'il data de ce jour, et en déposa la minute au greffe du tribunal.

C'est donc d'après ces faits que la cour de Paris déclara, dans son arrêt précité, « qu'une sentence » arbitrale n'a d'existence légale que par sa date et » sa signature, lesquelles, dans l'espèce, sont cons» tatées avoir été postérieures à la révocation des >> po"voirs donnés à l'arbitre.» Aussi la cour suprême confirma-t-elle cette décision.

Mais, lorsque des arbitres, dans la plénitude de leurs pouvoirs, ont tous délibéré et arrêté le jugement, qu'ils l'ont lu aux parties, n'y a-t-il pas chose jugée, encore qu'il n'y ait pas la signature des arbitres? Ainsi, lors même qu'une des parties décéderait

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