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tions du prince ne soient pas condamnées à rester stériles, et que cependant sa jeunesse soit à l'abri des captations de la cupidité. A sa majorité, l'empereur pourra disposer de son domaine privé; sans être lié par aucune des prohibitions de la loi civile; prohibitions dont les motifs, importans pour les citoyens, sont sans applications aux donations que les affections peuvent conseiller, et quelquefois la justice ou la prudence commander au

souverain.

Cependant, si le monarque abandonnait à la loi le soin de régler sa succession, il pourrait laisser un domaine privé d'une valeur telle que dans des circonstances que l'histoire apprend à prévoir, l'égalité du partage mettrait dans les mains d'un des héritiers, un moyen d'influence trop puissant, une arme peutêtre redoutable.

Ce cas est prévu, et des limites ont été posées avec prudence, quoiqu'avec largesse, au droit de succéder. Tout ce qui excédera ces bornes, rentrera dans le domain de l'empereur régnant.

La distinction du domaine privé mobilier d'avec le domaine mobilier de la couronne, au moment de l'ouverture de la succession, présentait une difficulté, qui a été sentie, examinée et résolue.

La couronne aura toujours un mobilier de 30 millions. S'il en existe pour une somme inférieure à cette valeur, le domaine privé la complettera; si elle est supérieure, le domaine privé recueillera l'excédent, ainsi que l'argent comptant et les valeurs mobilières existantes au trésor de la couronne, le jour de l'ouverture de la succession.

Parmi les héritiers des empereurs, ne seront plus comptés les princes appeles à des couronnes étrangères.

Les affections du souverain, le cœur de tous les Français, toujours si chèrement affectionnés au sang de leurs monarques, répugnent sans doute à cette disposition rigoureuse.

Mais la politique ne pourrait voir avec indifference transporter en un moment sur un territoire étranger une portion im, portante de capitaux, ou extraire annuellement de l'empire des revenus considérables,

Cette sévérité pourtant sera adoucie si les empereurs le jugent convenable; et ils useront souvent de ce droit, si tous mettent à un aussi haut prix que Napoléon, la douceur des liens de famille, Ils pourront rappeler au milieu des Français heureux de les revoir, les princesses devenues veuves ou leș enfans qui ne seront pas destinés aux trônes étrangers, et que l'amour de la France s'empressera toujours de disputer aux na tions voisines.

Vous voyez, Messieurs, comment, dans les dispositions des trois premiers titres du sénatus-consulte, se coordonne le grand

systême de la division de trois propriétés différentes, remises à divers titres aux mains des empereurs français.

Ainsi se trouve réglé noblement, justement, sagement, ce qui appartiendra au trône et à sa magnificence, aux vertus guerrières et civiles, et à leurs services, à l'empire, à sa splendeur, à la personne du monarque et à ses affections privées.

Il reste encore à s'occuper, Messieurs, des épouses des empereurs, de leurs enfans puinés, des branches de la famílle impériale; c'est la matière du titre quatre du sénatus consulte.

QUATRIÈME PARTIE.

Du douaire des impératrices et de l'apanage des princes. Parler du douaire des impératrices, Messieurs, c'est retracer à la fois et nos regrets, et nos espérances, et les vœux unanimes par lesquels la France appelle le moment où il sera donné au sénat de régler une des conditions du plus auguste des contrats, d'une manière digne de la plus grande des nations, du plus cher des souverains, et du premier trône du monde.

Puisse ce trône être entouré de nombreux rejetons de cette tige sacrée de princes, dont la naissance appelle la prévoyance prochaine sur la constitution des apanages dont allons vous

entretenir.

Les seuls princes descendans en ligne directe des empereurs, auront droit aux apanages. C'est suivre l'antique législation: politique de la France.

Dans la manière de pourvoir à leur dotation vous reconnaîtrez, Messieurs, ce soin constant de l'empereur d'éviter à ses peuples toutes les charges qui ne sont pas commandées par une justice rigoureuse, ou une impérieuse nécessité.

Les apanages se formaieut sous la dernière race de nos rois, de provinces, pour ainsi dire, détachées de la monarchie, et où les princes percevraient tous les droits régaliens, indépendamment des droits féodaux, et de la jouissance des domaines fonciers.

Desormais, des propriétés foncières substituées et inaliénable comme la dotation de la couronne et comme les majorats, formeront les apanages des princes.

L'état les leur doit; mais l'empereur n'entend admettre le recours au domaine public, qu'autant que le domaine extraordinaire et le domaine privé seraient épuisés; rendant ainsi commune aux siècles futurs, l'œuvre de sa généreuse sagesse, qui a pourvu naguère à tant de besoins, de sa justice, de ses affections, de sa bienfaisance, uniquement avec les résultats de ses économies, de ses négociations ou de ses conquêtes.

L'ordre de transmission des apanages est conforme à la tradition constante de l'hérédité de ces royales dotations.

Leur concession exigera le concours de l'empereur et du sénat.

L'époque où elle aura lieu, sera celle de la majorité ou du mar riage des princes. Elle pourra être graduelle selon la volonté de l'empereur, juge naturel des besoins successifs de ses enfans, des convenances de sa famille.

L'empereur prononce sur l'époque de la concession; il doit aussi prononcer sur la quotité; en fixant toutefois une propor tion qui ne pourra être dépassée.

Les charges, les conditions de possession de chaque apanage sont les mêmes que pour la dotation de la couronne, et si la branche apanagère vient à s'éteindre, le droit de réversion, ce principe régénérateur, s'appliquera aux biens de l'apanage, qui retourneront à leur source primitive, selon qu'ils proviendronta en tout ou en partie, du domaine extraordinaire, du domaine privé ou du domaine public.

Les princes du sang impérial, envers lesquels la dette de la nation aura été acquittée, pourront avoir des propriétés parti-, culières, comme l'empereur aura un domaine privé; et les biens partageables, selon les règles de la loi civile, assureront le sort des puînés, sauf au monarque et à l'état même à suppléer selon les conjonctures, à leur insuffisance.

La propriété de ce domaine privé des princes ne sera pas cependant maintenue sur leur tète, s'ils sont appelés à une couronne étrangère.

Ils seront obligés d'en faire le sacrifice, en recevant toutefois leur valeur sur le domaine privé de l'empereur, auquel ils seront réunis.

La sévère prudence de S. M. lui a prescrit cette mesure, tempérée pourtant par une disposition émanée d'un inaltérable sen timent de famille..

Les empereurs pourront faire les donations aux enfans des princes de leur sang, qui bien que couronnés hors de l'empire, seront toujours précieux au pays qui les a vus naître, et qui ne cesseront pas d'être les enfans naturels et chéris de la France, en devenant les pères adoptifs et adorés de leurs nouveaux peuples.

Cet ensemble, Messieurs, paraît ne rien laisser à désirer sur l'établissement constitutionnel des apanages. Les détails d'exécution appartiendront aux statuts impériaux, qui y pourvoiront à mesure que le tems et les circonstances en ameneront le besoin.

Il reste à parler des princesses nées ou descendues des empereurs. Les dispositions qui les concernent, complectent l'acte, important qui vous est soumis.

CINQUIÈME PARTIE.

De la Dotation des Princesses.

Si tous les membres de ces royales familles, placés à la tête des nations par le besoin des sociétés, sont condamnées par leur

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grandeur même à des sacrifices de tous les genres et de tous les momens, c'est surtout aux princesses que peut s'appliquer cette vérité. L'ancienne législation de la France n'avait rien fait pour adoucir leur destinée.

Du règne de l'empereur, du jour où vous adopterez le sénatus-consulte qu'il vous fait présenter datera, pour les princesses du sang impérial, une législation nouvelle, plus équitable et plus généreuse.

Les princesses impériales françaises recevront une dot, réglée d'après les principes établis sur les apanages.

Mais si les chances de la destinée ou leur propre volonté les éloignent des liens du mariage, elles auront droit à l'âge de dixhuit ans à une pension annuelle.

Sa fixation résultera comme celle des apanages de la proposi tion de l'empereur et de l'assentiment du sénat, et sa quotité des circonstances trop susceptibles de varier, pour permettre d'avance aucune indication.

Nous vous avons exposé, Messieurs, toutes les parties de ce grand et nouveau système de législation politique, à-la-fois étendu et concis, qui embrasse et analyse tout ce qui s'y rattache, où S. M. a stipulé toujours les intérêts de la nation et jamais les siens; où elle a oublié son siècle pour ne songer qu'à la postérité, où la tendresse de ses affections de famille, tempère à la peine la sévérité de ses affections nationales.

Ce sera encore, Messieurs, une époque renommée parmi tant d'époques mémorables, que celle qui voit paraître une conception aussi importante que celle qui voit établir et marquer profondément cette séparation neuve, solennelle, et permanente. entre les domaines divers qui concoureront sans se confondre à la splendeur du trône, à la munificence du monarque et à ses jouissances personnelles.

L'histoire rappelera à la reconnaissance et à l'admiration de nos neveux, cette distinction entre les biens de la couronne dotée richement sans prodigalité, entourée d'un éclat durable, parce qu'il repose sur l'inaliénabilité de son domaine, et cet autre domaine, remarquable à-la-fois par son origine, sa destination, sa désignation nouvelle.

Il sera désormais et pour toujours glorieux, cher et sacré pour la France entière; ce domaine extraordinaire, créé par la vietoire et conservé par la sagesse.

Il sera sacré pour les braves qui l'ont conquis et respecté, certain que la reconnaissance et la justice de leur souverain, garde la récompense et la part du courage et de la discipline.

Il sera glorieux pour le souverain, dépositaire désintéressé, distributeur équitable, dispensateur généreux de cette noble partie du domaine public; patrimoine de tous les braves, récompense de tous les services, prix de toutes les vertus, encouragement de tous les talens, élément de toutes les créations,

gage de toutes les prospérités, et qui appartiendra à la fois, au monarque, à l'état, à l'armée, aux citoyens, à la gloire.

Le sénat, après avoir entendu cet exposé des motifs, a renvoyé le projet de sénatus-consulte à l'examen d'une commission.

Le 30 Janvier, le sénat s'est réuni, sous la présidence de S. A. S. le prince archi-chancelier de l'empire.

M. le comte Desmeunier, rapporteur de la commission chargée de l'examen du projet de sénatus-consulte, a porté la parole en ces termes.

Monseigneur, Sénateurs,

Votre commission spéciale a ́examiné tres-attentivement le projet de sénatus-consulte dont il vient d'être donné une seconde lecture, et voici le résultat de son travail.

Nos institutions monarchiques ne sont pas encore complettes sur l'objet important soumis à votre délibération; tout appelle une revision des principes suivis jusqu'à présent, et des dispositions neuves dans des circonstances tout-à-fait nouvelles. La nécessité d'un code précis sur une matière liée de si près aux plus grands intérêts de l'état, nous a paru bien démontrée, et cette première question ne nous a pas arrêtés long-tems.

Le projet reconstitue à la couronne une dotation qui serait inaliénable et imprescriptible; il l'affranchit des contributions publiques; il crée un domaine extraordinaire; il rétablit pour l'empereur un domaine extraordinaire; il rétablit pour l'empereur un domaine privé qui dans aucun tems et sous aucun prétexte, ne se réunira de plein droit au domaine de l'état; mais dont la réunion pourra s'opérer par un sénatus-consulte; au lieu des rentes apanagères, il rétablit des apanages réels.

Deux de ces dispositions changent la législation constitutionnelle qui nous régit; deux antres sont opposées à des lois qui ne sont pas encore révoquées; une cinquième est absolument neuve, et aucune législation n'en a fourni l'idée.

Reconstitution du domaine de la couronne.

Lorsqu' en 1804 on rétablit la monarchié, le sénatus-consulte, quant au moyen de pourvoir aux dépenses du trône et du monarque, suivit mot à mot la loi du 26 Mai 1791; et cependant, il faut en convenir, cette loi était anti-monarchique.

A l'époque de la révolution, la législation doinaniale était un chaos que personne n'avait jamais pu débrouiller; elle reposait sur des principes bizarres ou absurdes, qui, en dernière analyse, menaient à cette conclusion; rien n'appartient à la nation, presque rien n'appartient aux communes, et tout ce qui n'est pas une propriété particulière ou une propriété de corporation appartient au domaine du roi. Ainsi, à proprement parler, il

TOME IV.

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