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II. 597. Nous avons appelé action en bornage l'action tendant soit à la fixation seulement des limites (déjà déterminées et certaines), soit à la détermination d'abord, et ensuite à la fixation, de ces limites. M. Zachariæ ne donne pas aux mots action en bornage autant d'étendue. Il ne les entend que de l'action tendant seulement à fixer les limites dès lors incontestées ; et il fait de la demande en recherche et en détermination des limites incertaines une action particulière qu'il appelle action en délimitation. « Lorsque la ligne séparative est incertaine, dit-il, l'action en bornage ne peut être formée que cumulativement avec l'action en délimitation ou en règlement de limites. >>

Nous ne voyons pas d'inconvénient à cette manière de parler, si ce n'est qu'elle n'est pas celle de la loi et que dès lors elle rendrait les textes plus difficiles à comprendre. Ainsi la loi de 1838 nous dit que l'action en bornage appartient au juge de paix, s'il n'y a pas contestation sur la propriété, et qu'elle appartient au tribunal civil dans le cas contraire; or, dans le système de M. Zachariæ, il ne faudrait pas s'exprimer ainsi. Une contestation sur la propriété faisant naître ce qu'il appelle l'action en délimitation, il eût fallu dire que le juge de paix est compétent toujours pour l'action en bornage mais qu'il ne l'est que pour elle, et qu'il faut aller au tribunal civil quand il y a action en délimitation.... Il nous paraît plus simple de suivre le langage de la loi.

Il ne faut pas confondre, du reste, l'action en bornage, en placement de bornes, avec celle qui tendrait au rétablissement de bornes déplacées. Cette dernière n'est qu'une demande de remise en possession, une demande en réintégrande, une simple action possessoire qui a toujours dû, même avant 1838, se porter devant le juge de paix, et qui doit s'intenter dans l'année du déplacement (art. 23, C. pr.)

III.-598. Ce n'est pas seulement le propriétaire, qui peut intenter l'action en bornage; l'usufruitier, l'usager jouissant du fonds par lui-même, et l'emphyteote le peuvent aussi; car le droit de jouissance du bien leur appartenant en propre, il est clair qu'ils ont qualité pour faire déterminer et fixer l'étendue de l'objet de ce droit.

Quant au simple possesseur, c'est-à-dire celui qui sans être propriétaire possède cependant à ce titre et est réputé tel, il est bien clair qu'il peut demander le bornage et qu'on ne peut refuser d'y procéder avec lui; puisque, quant à présent et jusqu'à preuve du contraire, il est présumé être le propriétaire. Il en est de même de l'usufruitier ou de l'usager putatifs. Au reste, il est évident que, dans le cas même

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la propriété ou sur les titres qui l'établissent. On a eu tort d'ajouter cette seconde idée. D'un côté, en effet, dès qu'il y a contestation sur des titres en tant qu'ils établissent la propriété, il y a, par là même, contestation sur cette propriété ; et comme, d'un autre côté, il peut y avoir contestation sur la propriété sans contestation sur les titres, il était plus simple et plus exact de ne parler que de contestation sur la propriété. Ainsi, dès que l'un des voisins, soit qu'il invoque ou non des titres et qu'il attaque ou non les titres de son adversaire, se prétend propriétaire au delà du point où cet adversaire prétend placer la séparation des propriétés, c'est le tribunal eivil qui est seul compétent.

d'un usufruitier ayant un titre très-certain, le voisin peut appeler en cause le propriétaire, afin d'éviter des difficultés postérieures.

L'article nous dit que le bornage devra se faire à frais communs ; c'est-à-dire, selon nous et malgré l'opinion contraire de M. Pardessus (no 129), que les deux parties devront payer les frais chacune pour moitié. En effet, si petit que soit votre héritage et si grand que soit le mien, vous avez autant d'intérêt à ce que je n'empiète pas sur vous que j'en ai à ce que vous n'empiétiez pas sur moi, le bornage importe à l'un autant qu'à l'autre. Mais, bien entendu, c'est des frais de l'opération même du bornage qu'il s'agit, et non pas de ceux du procès auquel donnerait lieu le refus d'un des propriétaires, ces frais, ici comme toujours, tomberaient à la charge du perdant.

647.

Tout propriétaire peut clore son héritage, sauf l'exception portée en l'art. 682.

648. - Le propriétaire qui veut se clore perd son droit au parcours et vaine pâture, en proportion du terrain qu'il y soustrait.

599. Le droit de parcours et de vaine pâture (auquel se réfère non-seulement le dernier de ces deux articles, mais aussi le premier) est réglé tout au long par la section 4 de la loi du 28 septembre 1791 : les deux idées énoncées par nos articles résultaient déjà, la première des art. 4 et 14, et la seconde de l'art. 16 de cette section.

La vaine pâture est le droit réciproque qu'ont les habitants d'une commune de faire paître leurs troupeaux sur les terres les uns des autres lorsqu'il n'y a ni fruit ni semences: on l'appelle vaine pâture par opposition à la vive pâture, qui consiste à faire manger aux troupeaux les foins des prairies, les herbes des herbages ou autres récoltes. Le parcours est le droit qu'ont plusieurs communes de conduire réciproquement leurs troupeaux en vaine pâture sur le territoire l'une de l'autre (art. 2 et 3 de la section 4 de la loi précitée). La loi de 1791 n'a maintenu que ceux de ces droits qui étaient fondés sur un titre ou sur une possession conforme aux lois et coutumes alors existantes; en sorte que depuis cette époque il n'a pu s'en établir de nouveaux que par titre et non par prescription (art. 23, C. proc.).

Ce droit de vaine pâture, réciproque pour les habitants d'une commune, et le droit de parcours existant entre plusieurs communes, ne peuvent plus, depuis cette époque, faire obstacle au droit que chaque propriétaire a de clore son héritage, sans qu'il y ait à distinguer si ces droits étaient établis par titre, ou seulement par possession; en sorte que tout propriétaire peut, malgré l'existence de ces droits dans la commune où se trouve son terrain, enclore ce terrain et le soustraire par là aux deux droits dont il s'agit, sauf que lui-même perd son droit au parcours ou à la vaine pâture en proportion du terrain qu'il y soustrait (art. 4, 5, 16).

Le droit de vaine pâture peut aussi s'exercer entre des particuliers, et il peut être réciproque ou non réciproque. Dans ce cas, le proprié

nullius tant qu'elle coule sur la voie publique, comme celle tombant du ciel est chose nullius tant qu'elle n'est pas arrivée sur une propriété ; mais une fois qu'elle est recueillie par moi et entrée sur mon fonds, elle n'est certes pas chose nullius, elle est ma chose, mon bien propre; et, dès ce moment, par conséquent, elle est susceptible de toutes conventions et prescriptions, comme celle qui m'est tombée du ciel ou venue de ma source. Quand cette eau coulant sur la voie publique est une fois entrée sur mon terrain, ne puis-je pas l'absorber comme toute autre? au lieu de l'absorber, ne puis-je pas, comme pour toute autre, la transmettre au fonds inférieur que le mien sépare de la voie publique ? ne puis-je pas convenir avec le propriétaire de ce fonds inférieur que je serai tenu de la lui transmettre tant qu'il me sera possible à moi-même de la faire dériver chez moi de la voie publique, et cette convention ne serait-elle pas parfaitement obligatoire ? et si mon voisin peut acquérir ce droit par une convention, ne peut-il pas l'acquérir aussi par une prescription résultant de trente années écoulées depuis les travaux apparents par lui faits? et le même effet ne doit-il pas être attribué aussi à la destination du père de famille d'après l'art. 694? Par quelle raison, par quel prétexte même, en serait-il autrement?

Ainsi, ne confondons pas les rapports qui existent entre les différents riverains d'un ruisseau pluvial considéré comme tel et sur la voie publique, avec les rapports qui peuvent être établis par convention, prescription ou autrement, entre différents propriétaires à l'égard du ruisseau devenu propriété privée par son entrée sur le fonds de l'un d'eux. Tant qu'il est ruisseau public, tout un chacun a le droit de s'en approprier l'eau par occupation; et la circonstance qu'il entre chez vous depuis quarante ans et plus, même par l'effet de travaux visibles que vous avez exécutés, n'empêchera pas le riverain supérieur, devant lequel il passe avant d'arriver à vous, de le faire dériver chez lui et de vous en priver en tout ou en partie. C'est en ce sens que le ruisseau pluvial coulant sur la voie publique est imprescriptible, et c'est là ce qu'ont jugé les arrêts anciens et nouveaux (1). Mais, du moment qu'il est devenu propriété privée par son entrée dans un fonds, et tant qu'il continuera de couler dans ce fonds, il est clair qu'il sera susceptible de toutes les prescriptions, conventions et arrangements quelconques, dont serait susceptible l'eau provenant d'une source que posséderait ce fonds. Sans doute, ces arrangements deviendront inutiles si le ruisseau se trouve détourné plus tard; mais ce sera comme si la source se trouvait tarie, et cette éventualité ne saurait modifier les règles à appliquer à l'eau tant qu'elle coule sur le fonds (2).

(1) Arrêts du parlement de Besançon, du 5 avr. 1710 (Dunod., Prescript., p. 88); Rejet, 14 janv. 1823; Rejet, 21 juill. 1825; Rennes, 19 févr. 1826; Limoges, 22 janv. 1839; Limoges, 14 juill. 1840 (Devill., 1851, II, 1).

(2) Cette doctrine paraft admise, plus ou moins explicitement, par M. Pardessus (n° 189), par M. Duranton (V, 160), par notre compatriote M. Daviel (11, 803), et surtout par un arrêt de la Cour suprême, du 21 juill. 1845. En effet, M. Troplong

l'on voit que s'élevait ce bâtiment, tout comme s'il existait encore. La preuve qui doit faire tomber la présomption de mitoyenneté ne peut se trouver que dans un titre ou dans l'un des signes que va nous indiquer l'article suivant.

654. — Il y a marque de non-mitoyenneté lorsque la sommité du mur est droite et à plomb de son parement d'un côté, et présente de l'autre un plan incliné ;

Lors encore qu'il n'y a que d'un côté ou un chaperon ou des filets et corbeaux de pierre qui y auraient été mis en bâtissant le

mur.

Dans ce cas, le mur est censé appartenir exclusivement au propriétaire du côté duquel sont l'égout ou les corbeaux et filets de pierre.

I. 603. Les signes légaux de non-mitoyenneté d'un mur sont au nombre de trois: 1o une sommité de mur inclinée d'un seul côté. Ainsi, quand le dessus du mur (au lieu d'être plus élevé au milieu, pour s'incliner des deux côtés, de manière à faire tomber l'égout sur les deux propriétés) a sa partie la plus élevée à l'arête d'un des côtés, et s'incline vers l'autre côté dans toute sa largeur, de manière à rejeter l'égout entier sur un seul héritage, cette circonstance indique légalement que le mur appartient en entier au propriétaire de ce dernier héritage. C'est ce que veut dire la loi quand elle parle d'un mur dont la sommité est d'un côté à plomb du parement, c'est-à-dire en ligne droite avec la paroi extérieure, la surface.

On ap

2° L'existence d'un chaperon ou de filets d'un seul côté. pelle chaperon la couverture du mur, laquelle est tantôt en briques, en ciment, chaux ou plâtre, tantôt en tuiles ou ardoises. Les filets, qu'on appelle aussi le larmier, ne sont rien autre chose que la continuation de la couverture dans la partie qui déborde le mur. Or la couverture, soit qu'elle ait ou non des filets (et il serait bien rare qu'elle n'en eût pas), ne peut guère exister d'un seul côté; car on ne couvre pas un mur dans une partie seulement de son épaisseur. Donc, quand l'article parle de chaperon ou de filets n'existant que d'un côté, il s'exprime inexactement et veut dire un chaperon, avec ou sans filets, incliné vers un seul côté.

On voit donc que ces deux cas se réduisent à cette idée unique: << quand le mur est construit de telle sorte que l'égout ne tombe que d'un côté ; » parce qu'en effet, s'il était mitoyen, un seul des propriétaires n'aurait pas voulu recevoir cet égout à lui seul.

3. Enfin, l'existence de corbeaux d'un seul côté du mur. Ces corbeaux sont des pierres placées dans le mur et qui font saillie dans le dessein de recevoir des poutres; on reconnaît ordinairement qu'ils ont été placés en construisant le mur quand la pierre dont une partie fait saillie est assise dans toute l'épaisseur du mur. Il ne faudrait pas

5° EDIT., T. II.

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I. 594. Si un propriétaire riverain prétend que l'autre riverain prend plus d'eau qu'il n'en doit prendre, ou si les propriétaires inférieurs trouvent que ceux qui sont au-dessus absorbent une trop grande quantité d'eau, c'est aux tribunaux de juger la contestation ; et comme il était impossible de préciser à l'avance la quantité d'eau qu'il peut être raisonnable d'attribuer à chacun dans les circonstances diverses où peuvent se trouver les parties litigantes, notre article donne aux juges un pouvoir discrétionnaire sur ce point.

Les principes du droit et de la raison présentent ici trois idées (le Code, on va voir pourquoi, n'en indique que deux) que les tribunaux devront combiner pour la solution des diverses espèces qui peuvent s'offrir. Et d'abord, il ne faut pas perdre de vue qu'un cours d'eau est la propriété de celui dont il traverse le fonds, ou de ceux entre les fonds desquels il passe ; d'où il suit qu'en principe, 1° pour ce qui touche deux propriétaires riverains, ils peuvent prendre autant d'eau l'un que l'autre, et 20 pour le rapport des fonds supérieurs avec les fonds inférieurs, les premiers peuvent employer l'eau à tout usage qu'ils voudront, pourvu que ce qu'il en reste soit rendu à sa direction naturelle à l'entrée des héritages inférieurs. Mais deux autres idées apportent une grave modification à ce principe.

En effet, si un cours d'eau est vraiment une propriété, c'est une propriété d'une espèce toute particulière et sur laquelle on a un droit moins absolu : l'eau, par sa nature même, ne doit pas rester la propriété de quelques-uns, sous la possession desquels elle serait en grande partie sans utilité, elle doit se répandre au loin pour favoriser le plus qu'il sera possible les développements de l'agriculture et les besoins de l'industrie : l'intérêt général le demande. Donc, quoique notre article ne parle que de l'intérêt de l'agriculture, parce que lors de la confection du Code, il y a bientôt un demi-siècle, la haute utilité des petits cours d'eau pour des usines de tous genres n'était pas autant sentie qu'aujourd'hui, on ne peut cependant pas hésiter à placer l'intérêt de l'industrie sur la même ligne; l'esprit de la loi est manifeste à cet égard.

II. — 595. Ainsi, si la quantité d'eau qu'un propriétaire veut absorber pour son seul agrément (par exemple, pour le faire jouer en jets et en cascades dans son jardin) est nécessaire à un autre pour l'irrigation d'une prairie ou l'alimentation d'une usine, elle devra être enlevée en bonne partie au premier. Il faudra, en un mot, en toute circonstance, concilier avec le droit de propriété de l'un l'intérêt de l'agriculture ou de l'industrie invoqué par d'autres.

Que si, vu l'exiguïté d'un ruisseau, le propriétaire inférieur se plaignait de voir l'eau absorbée en entier par le propriétaire supérieur, mais que celui-ci prouvât qu'il n'en fait qu'un usage utile en l'employant à une irrigation modérée de ses terres, alors, l'intérêt général se présentant dans l'emploi qu'en fait l'un comme dans l'emploi que voudrait faire l'autre, il n'y a plus de raison de restreindre le droit de propriété du premier: ce n'est pas par sa faute, c'est par la force des

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