Page images
PDF
EPUB

vaient prendre l'un ou l'autre sens, et plutôt le dernier. L'article fut ommuniqué en ces termes au Tribunat. Là on aperçut de suite la contradiction résultant des mots moyennant un capital en argent; leur suppression fut demandée pour ce motif et réalisée par le Conseil (Ibid., p. 72 et 73). Donc si le Tribunal avait entendu dans un sens présentant une contradiction semblable les mots pour le prix, il en aurait également demandé la suppression. Donc les mots rente établie pour le prix de la vente ont été votés, décrétés, et doivent être entendus dans ce sens rente établie comme formant le prix de la vente. Et ce sens, en effet, est bien plus naturel que cet autre rente étublie par conversion du prix de la vente.

D'ailleurs, M. Duranton avoue que si ces mots avaient le sens qu'il leur donne, la rente dont ils parlent serait et aurait été dans les anciens principes une simple rente constituée; or, et dans l'exposé des motifs devant le Corps législatif, et dans le rapport fait à ce Corps au nom du Tribunat, il est dit et répété que l'article (dans lequel on avait compris d'abord, par inadvertance, les rentes constituées) n'est relatif qu'aux rentes foncières.

IV. 389. Au reste, notre article ne déclare rachetable que la rente foncière établie à perpétuité ; et d'après l'art. 1911, la rente constituée n'est également rachetable que quand elle est en perpétuel.

Ainsi, 1o la rente viagère, qu'elle soit foncière ou simplement constituée, ne peut jamais être rachetée par le débiteur, quand même il offrirait, en remboursant le capital, de renoncer à la repétition des arrérages payés (art. 1979); 2° si je vous livre un immeuble moyennant une redevance annuelle en argent ou en fruits, pour 50, 60, ou 80 années; soit que l'immeuble doive vous rester après ce laps de temps, soit qu'il doive demeurer mien, vous ne pourrez pas vous libérer, par le versement d'un capital, de l'obligation d'acquitter les redevances pendant le temps déterminé. Dans le premier cas, c'es'-à-dire quand l'immeuble vous est abandonné en propriété, c'est une vente qui a pour prix la rente temporaire; dans le second, quand l'immeuble reste mien, c'est la concession d'une emphytéose, ou d'un usufruit, ou d'un simple bail, selon l'intention qu'ont eue les parties (et qui se manifesterait par les termes du contrat et les circonstances de l'acte). Dans tous les cas, la rente ou le prix du bail doivent se payer jusqu'à la fin, pourvu que la redevance ne doive pas durer plus de 99 ans (L. 18-29 décembre 1790, art. 1). Une rente pourrait aussi être établie sur plusieurs têtes, pourvu que ces têtes n'excédassent pas le nombre de trois (Ibid.).

Mais si la rente excédait trois têtes ou le terme de 99 ans, elle serait remboursable; sans quoi on pourrait eluder la loi, en établissant la rente pour 30 ou 40 existences d'homme, ou pour 1 000 ou 1,400 ans... Notre article est la reproduction et la confirmation de la loi de 1790 ; il entend donc par rente établie à perpétuité, celle dont la durée devrait dépasser 99 ans ou trois existences d'homme.

533. - Le mot meuble, employé seul dans les dispositions de

la loi ou de l'homme, sans autre addition ni désignation, ne comprend pas l'argent comptant, les pierreries, les dettes actives, les livres, les médailles; les instruments des sciences, des arts et métiers; le linge de corps, les chevaux, équipages, armes, grains, vins, foins et autres denrées; il ne comprend pas aussi ce qui fait l'objet d'un commerce.

534. Les mots meubles meublants ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à l'ornement des appartements, comme tapisserics, lits, siéges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature.

Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d'un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières.

Il en est de même des porcelaines celles seulement qui font partie de la décoration d'un appartement, sont comprises sous la dénomination de meubles meublants.

535. L'expression biens meubles, celle de mobilier ou d'effets mobiliers, comprennent généralement tout ce qui est censé meuble d'après les règles ci-dessus établies.

La vente ou le don d'une maison meublée ne comprend que les meubles meublants.

[ocr errors]

536. La vente ou le don d'une maison avec tout ce qui s'y trouve, ne comprend pas l'argent comptant, ni les dettes actives et autres droits dont les titres peuvent être déposés dans la maison; tous les autres effets mobiliers y sont compris. sy

SOMMAIRE.

1.

Inutilité de ces articles. Dangers qu'il y aurait à les suivre.

II. Division des meubles corporels en choses fongibles et non fongibles; et en choses se consonant ou ne se consommant pas par l'usage. Erreur de Pothier, Toullier, Delvincourt.

[ocr errors]

I. 390. Ces articles nous paraissent parfaitement inutiles dans le Code. Ce n'est plus là du droit, c'est de la grammaire. Or, le législateur ne doit pas se faire grammairien, et un Code n'est pas un dictionnaire de la langue. C'est toujours d'après l'intention de la personne qui a parlé qu'on doit interpréter ses paroles; et cette intention se découvrira par l'usage reçu, par l'ensemble et la comparaison des diverses parties de l'acte, par l'examen des circonstances, beaucoup mieux que par l'application de règles posées à priori. Nos quatre articles reviennent à dire qu'il faudra toujours rechercher l'intention, la pensée (1). Or,

(1) Voir : Paris, 21 juin 1806; Bruxelles, 9 mars 1813; Bordeaux, 11 juin 1828; Rejet, 28 févr. 1832; Rejet, 1er août 1832; Rejet, 3 mars 1836; Rejet, 3 mai 1837;

cette proposition, qui résume à elle seule les articles, était elle-même inutile à écrire, tant est évidente l'idée qu'elle exprime. Les quatre articles peuvent donc être rayés du Code.

Et non-seulement il est inutile de vouloir ainsi préciser le sens des mots par des règles absolues posées à l'avance; mais c'est dangereux. Ainsi, par exemple, le tuteur d'une petite fille encore au berceau doit faire vendre les meubles de la succession qui échoit à cette enfant, pour transformer en capitaux productifs des choses dont la conservation en nature ne donnerait aucun bénéfice et serait peut-être à charge (art. 452). 'Or, d'après notre art. 533, « le mot meubles, ainsi employé seul, ne comprend pas les livres, les médailles, les instruments des sciences et arts, les chevaux et équipages, les vins et autres denrées. » Douc, le tuteur ne devra pas vendre ces différents objets; il devra payer à grands frais la location de granges, d'écuries, caves et autres bâtiments, de palefreniers et autres domestiques, pour conserver en nature les nombreux chevaux, les foins, les vins, les équipages et autres objets du vieux parent qui vient de mourir, lesquels, après ces dépenses faites, n'auront pas le quart de leur valeur actuelle quand la jeune fille les recevra à sa majorité!!! C'est-à-dire que, pour suivre l'idée de l'art. 533, il faudrait aller en sens diametralement contraire au but que s'est proposé l'art. 452... Ainsi encore, sur le point de quitter Paris pour aller me fixer en province, et pour éviter un déménagement coûteux, je vends à un tapissier tout mon mobilier. Or, l'art. 535 déclare que l'expression mobilier signifie tout ce qui est censé meuble, d'après les règles de notre chapitre. Donc, mon tapissier va se trouver propriétaire de mes rentes, de mes capitaux placés sur hypothèques, de mes actions dans des compagnies de finance, etc., etc.: je lui ai tout vendu, sans m'en douter, en lui vendant mon mobilier!

C'est-à-dire que non-seulement les règles posées dans nos quatre articles ne serviront jamais à rien; mais qu'il est même des cas où l'on devra prendre grand soin de s'en écarter. Il est vrai qu'on les suivra quand aucune circonstance n'indiquera une pensée différente; mais on fera alors ce qu'on ferait également si ces textes n'existaient pas.

II. 391. Avant de passer au chap. I, donnons, sur notre chapitre, un dernier mot d'explication, rendu nécessaire par une erreur assez généralement répandue.

Il est des auteurs qui, après avoir indiqué la division des biens en meubles et immeubles, et celle de chaque espèce en biens corporels et incorporels, subdivisent les meubles corporels en choses fongibles et non fongibles et présentent cette subdivision comme le complément de ce chap. I de notre titre (Voy. Delvincourt, I, p. 142).

Il y a en cela inexactitude profonde. Car il s'agit ici des biens considérés en eux-mêmes, dans leur nature; or, en elles-mêmes et d'après leur nature, les choses ne sont ni fongibles, ni non fongibles.

Caen, 17 nov. 1847; Caen, 14 dée. 1847 (Dev., 32, 1, 246 et 797; 36, 1, 760; 37, 1, 718; Dall., 48, 2, -180 et 182).

En effet, une chose ne devient fongible ou non fongible que dans le cas particulier où elle est livrée à quelqu'un pour être rendue plus tard; et la même chose peut être tantôt fongible, tantôt non fongible, selon la volonté des personnes.

Ce qui a fait dire, à tort, que les meubles sont fongibles ou non fongibles, c'est la confusion qu'on a faite entre deux qualités trèsdifférentes l'une de l'autre, celle d'être fongible et celle de se consommer par l'usage. Les anciens auteurs, notamment Pothier (Obligations, no 624), et plusieurs auteurs modernes, notamment Toullier (VI, 143), sur l'inexactitude duquel les notes de M. Duvergier gardent le silence, définissent les choses fongibles, celles qui se consomment par le premier usage qu'on en fait; et les rédacteurs du Code ont accepté cette même idée, d'après Pothier (art. 587, 1892). Mais c'est là une grave erreur il y a une grande différence entre les choses fongibles et les choses de consommation.

392. 1o On appelle choses de consommation, celles que l'on ne . peut employer à leur usage naturel sans les détruire, soit matériellement (comme le pain, le vin, le blé, les fruits, etc.), soit civilement, en les faisant sortir de notre patrimoine (comme l'argent monnayé), celles, par conséquent, pour lesquelles le simple usage (usus) est en même temps l'usage définitif (abusus). Les choses de non-consommation sont celles qui sont susceptibles d'un usage répété, et qu'on peut employer plus ou moins longtemps à leur destination naturelle, sans les détruire: quorum usus non est abusus (comme un cheval, des livres, des vêtements, etc.).

On voit que la qualité de se consommer ou de ne pas se consommer par le premier usage tient à la nature même des choses, qu'elle est indépendante de la fantaisie des personnes, et qu'il est très-logique de dire que tous les meubles corporels, considérés en eux-mêmes, se divisent en choses de consommation et choses de non-consommation. 20 Maintenant les choses sont fongibles ou non fongibles, selon que, dans la livraison que j'en fais à une personne qui doit me les rendre, ces choses pourront être rendues par d'autres choses de même espèce, quantité et qualité, ou devront l'être par elles-mêmes. Si (ce qui arrive souvent dans les campagnes) je vous prête un pain de douze livres pour lequel vous me rendrez un autre pain de douze livres quand vous en aurez fait, ce pain est fongible, parce que les deux pains, d'après notre intention, doivent se remplacer l'un par l'autre : Alter alterius vice FUNGITUR; si, au contraire, un boulanger prête au boulanger son voisin une dizaine de pains, dont celui-ci doit seulement garnir sa montre pendant quelques heures, et sans pouvoir en disposer, parce que le premier tient à reprendre les mêmes pains, ces pains sont des choses non fongibles. Si je vous prête mon Code sur lequel se trouvent des notes et auquel je tiens, le livre n'est pas fongible; si, au contraire, un libraire de province, pour satisfaire une pratique, emprunte à son confrère un exemplaire du Code, qu'il lui rendra quand il aura reçu ceux qu'il attend de Paris, le livre est fongible.

On voit donc 1o que la fongibilité, au lieu de tenir à la nature des choses, comme la qualité de se consommer par l'usage, tient uniquement à l'intention des parties; 2o qu'au lieu d'être absolue et continuelle, elle est purement accidentelle et ne se présente que dans un cas tout particulier, celui où la chose est livrée pour être rendue; 3o qu'une chose de consommation (ce que l'on prétend synonyme de fongible) peut fort bien n'être pas fongible, comme le prouve l'exemple du boulanger; 4o qu'au contraire une chose qui n'est pas de consommation peut fort bien être fongible, comme le prouve l'exemple du libraire.

CHAPITRE III.

DES BIENS DANS LEUR RAPPORT AVEC CEUX QUI LES POSSÈDENT.

393. Considérés, non plus en eux-mêmes, mais par rapport à leurs propriétaires, les biens se divisent en cinq classes principales: 1° les biens de l'Etat, ou biens nationaux ; - 20 les biens des communes; -3° les biens des établissements publics; 4o les biens formant les majorats; 5o enfin les biens ordinaires des particuliers.

-

Les deux premieres de ces cinq classes se subdivisent chacune en deux espèces. En effet, parmi les biens de l'État, on distingue 1o ceux qui ne sont pas susceptibles de propriété privée, qui ne pourraient appartenir à des particuliers qu'en changeant de nature, et qui sont par conséquent hors du commerce, inalienables et imprescriptibles : on les appelle specialement biens du domaine public; 20 ceux qui, bien qu'appartenant à l'État, sont de nature à pouvoir appartenir à des particuliers, et par conséquent se trouvent dans le commerce, aliénables et prescriptibles. Cette même distinction s'applique aux biens communaux. On pourrait appeler les uns biens publics de l'Etat ou des communes, et dire que les autres sont leurs biens privés. C'est d'une partie des biens privés de l'État que se constituait la dotation de la couronne, dotation qui n'etait réellement qu'un majorat : c'était le premier majorat de France.

Il existe donc en tout sept catégories de biens, indiquées pour la plupart, mais non pas toutes, par les articles de notre chapitre :

4o Les biens publics de l'État ou choses du domaine public (art. 538 et 540);

2o Les biens privés de l'État (art. 539 et 541);

3o Les biens publics des communes (art. 542) ;

4o Les biens privés des communes (ibid.);

5o Les biens des établissements publics (1712, 2227) ;

6o Les biens, de l'Etat ou des particuliers, formant la dotation d'un majorat (art. 542 et 896);

7° Les biens ordinaires des particuliers (art. 537).

537. Les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent, sous les modifications établies par les lois.

« PreviousContinue »