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seil d'État considérait comme tout à fait exceptionnel l'arrêt du 31 mai 1913 qui a fait de la tour de Sourdaras une balise phare, au lieu de lui reconnaître, comme le demandait l'Administration, le caractère d'un phare balisé.

Une ampliation de l'arrêt vous sera prochainement adressée par les soins du Conseil d'État.

Veuillez agréer, etc.

[15 mars 1918.]

Ch. BERNIER.

Au nom du peuple français, le Conseil d'État statuant au Contentieux,

Sur le rapport de la première sous-section du contentieux,

Vu la requête présentée pour le sieur Carr, armateur, demeurant à Marseille, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant des sieurs Van Nievelt, Gondrieu et Cie, armateurs à Rotterdam, propriétaires du vapeur Alkaïd et du sieur Dateine, capitaine dudit vapeur, ladite requête enregistrée sous le n° 56007, le 9 mai 1914, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler une décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre des Travaux publics sur sa demande d'indemnité représentative des intérêts des sommes qu'il avait dû consigner à raison des avaries occasionnées par le navire Alkaïd à l'ouvrage de Sourdaras dans la rade de Marseille;

Ce faisant, attendu qu'à la suite des dommages causés par l'Alkaïd, le 5 novembre 1910 à l'ouvrage Sourdaras, un procès-verbal de contravention de grande voirie fut dressé; que le 15 décembre 1910, les requérants durent, sous peine de saisie du navire, acquitter le montant des frais de réparation s'élevant à 26.000 francs; que le Conseil de Préfecture du Département des Bouches-du-Rhône par un arrêté, en date du 12 mai 1911, puis le Conseil d'État par une décision du 31 mai 1913 ont reconnu que l'ouvrage endommagé était une balise et non un phare, et que c'était à tort qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie avait été dressé; qu'à la suite de la décision du Conseil d'Etat, le Ministre des Travaux publics remboursa la somme de 26.000 francs, mais sans intérêts; que, pour se procurer cette somme, les requérants avaient dû contracter un emprunt à la Banque de Dépôts et d'Administration de Rotterdam; que lorsqu'ils purent en effectuer le remboursement les intérêts s'élevaient à 4.439 fr. 30; que l'État doit réparer intégralement le préjudice résultant de la faute commise par ses agents, en dressant, à raison de l'accident qui s'était produit un procès-verbal et en exigeant des requérants la consigna

tion du montant des réparations à faire à l'ouvrage public, réparations qui n'étaient pas à leur charge;

Condamner l'État à payer aux requérants avec intérêts et intérêts des intérêts la somme de 4.439 fr. 30; mettre des dépens à la charge de l'État:

Vu la demande de capitalisation des intérêts échus, présentée pour le sieur Carr, ladite demande enregistrée comme ci-dessus, le 18 mai 1915;

Vu le mémoire en défense présenté au nom de l'État pour le Ministre des Travaux publics, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus, le 14 juin 1915, et tendant au rejet de la requête par les motifs que l'Administration n'a commis aucune faute en dressant contre le sieur Dateina un procès-verbal de contravention de grande voirie et en lui faisant consigner le montant des dommages causés à l'ouvrage de Sourdaras; qu'en effet, la question de savoir si cet ouvrage était un phare ou une balise était des plus douteuses; qu'il appartenait, d'ailleurs, au requérant de réclamer le remboursement de ladite somme dès que fut intervenu l'arrêté du Conseil de Préfecture; qu'en cas de renvoi des fins d'un procès-verbal de contravention, l'État ne saurait être condamné au paiement d'une indemnité lorsque, comme en l'espèce, aucune faute ne peut être relevée à la charge de l'administration;

Vu le mémoire en réplique présenté pour le sieur Carr, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus, le 26 juin 1916, et tendant par les mêmes motifs que la requête aux mêmes fins et à la capitalisation des intérêts échus;

le

Vu les nouvelles observations présentées au nom de l'État pour ministre des Travaux publics, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus, le 8 août 1916, et tendant aux mêmes fins que les précédentes pour les mêmes motifs;

Vu: 2o la requête présentée pour le sieur Carr, ladite requête enregistrée comme ci-dessus, sous le n° 58795, le 24 juillet 1914, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler une décision, en date du 6 juillet 1914, par laquelle le ministre des Travaux publics a rejeté explicitement la demande d'indemnité qu'il avait formée;

Ce faisant, par les motifs développés à l'appui de la précédente requête ;

Condamner à l'État à payer une indemnité de 4.439 fr. 30, avec intérêts et intérêts des intérêts;

Mettre, en toute hypothèse, les dépens à la charge de l'État, attendu que l'introduction du présent pourvoi a été motivée par la faute commise par le ministre des Travaux publics en prenant la décision attaquée après qu'il eût reçu communication de la requête enregistrée sous le no 58007;

Vu la décision attaquée;

Vu le mémoire en défense présenté au nom de l'État pour le ministre des Travaux publics, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus, le 14 juin 1916, et tendant au rejet de la requête, par les motifs que la décision attaquée est purement confirmative de la décision déférée au Conseil par la requête précédente; que cette nouvelle requête était inutile ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu la loi du 29 floréal an X;

Vu les décrets des 16 décembre 1811, 10 avril 1812;

Vu la loi du 27 mars 1882;

Vu la loi du 24 mai 1872;

Ouï M. Sélignan, auditeur, en son rapport;

Ouï Me Morillot, avocat du sieur Carr, et Me Bernier, avocat du ministre des Travaux Publics, et leurs observations;

Ouï M. Blum, Maître des Requêtes, Commissaire du Gouvernement, en ses conclusions;

Considérant que les deux requêtes susvisées tendent aux mêmes fins; que, dès lors, il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision;

Considérant que si, par suite de son inexacte appréciation du caractère propre de l'ouvrage de Sourdaras, qu'elle a considéré comme un phare auquel aurait été applicable la législation protectrice de la grande voirie, alors que cet ouvrage constituait, ainsi que cela a été jugé par la décision du Conseil d'État, statuant au contentieux du 31 mai 1915, une balise, à laquelle cette législation ne pouvait être appliquée, l'administration, après avoir fait dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie contre le capitaine du navire Alhaïd qui avait heurté et, en partie, démoli cette balise, a exigé, avant d'autoriser le départ de ce navire, la consignation d'une somme représentant le montant des réparations nécessaires pour remettre en état l'ouvrage public, c'est-à-dire des dépenses qui eussent été à la charge de l'auteur de l'accident, si la contravention relevée avait été effectivement une contravention de grande voirie, l'erreur que ses agents ont commise ainsi de bonne foi, dans l'exercice des pouvoirs. qui leur ont été donnés pour assurer la répression des contraventions de grande voirie et la réparation, aux frais des contrevenants, des dommages causés par le fait de ces contraventions au domaine public, n'est pas de nature, en l'absence d'un texte spécial, à engager la responsabilité de l'État ;

Décide:

Article premier.

Les requêtes du sieur Carr sont rejetées.

Article 2.

Expédition de la présente décision sera transmise au ministre des Travaux publics.

N° 48

[15 mars 1918.]

Abordage survenu dans le port Saint-Nazaire entre le porteur no 5 des Ponts et Chaussées et le bateau le Cygne (sieurs Cogan et Laléous).

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'État statuant au Contentieux,

Sur le rapport de la première Sous-section du Contentieux, Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour les sieurs Constant Laléous, Frédéric Serveaux, Pierre Carlu, Pierre Monier, Francis Merlet, Pilotes, demeurant à Saint-Nazaire, agissant en tant que propriétaires de navires, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, les 31 mars et 30 mai 1913, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un arrêté du Conseil de préfecture de la Loire-Inférieure, en date du 30 janvier 1913 qui a rejeté leur enquête tendant à rendre solidairement responsables le sieur Cogan et l'État français de l'abordage du 19 janvier 1910 survenu entre le porteur no 5 et le bateau le Cygne.

Ce faisant, attendu que le 18 janvier 1910, à 11 heures du soir, par une mer démontée, le bateau le Cygne, d'accord avec les pilotes du bord est venu s'amarrer au quai sud de l'entrée de la petite écluse conformément à l'usage, que le lendemain 19, à 8 heures, le cotre Magenta vint se placer en couple du Cygne, puis en arrière de celui-ci, laissant passer son bout dehors sur la proue; que, vers 9 heures 1/2, le porteur no 5 des Ponts et Chaussées, capitaine Cogan, pénétra dans l'écluse pour sortir, qu'il aborda le Cygne lui causant des avaries; que le sieur Laléous qui avait été condamné à 16 francs d'amende pour contravention de grande voirie paya l'amende mais réclama une indemnité pour le dommage causé; que le tribunal civil, saisi, ordonna une expertise; que devant les conclusions de cette expertise, l'administration éleva le conflit que le tribunal des conflits a par décision du 6 juillet 1912 confirmé l'arrêté du Préfet; que le Conseil de pré

fecture saisi a rendu l'arrêté attaqué, sans ordonner d'expertise, et sans nouveaux motifs que ceux ayant servi de base à la contravention, que le bateau abordeur alors seul en mouvement peut être seul rendu responsable de l'accident; qu'aucun règlement n'interdisait au sieur Laléous d'amarrer son bateau au quai, près de l'écluse, que c'est d'un usage général, qu'aucune affiche n'interdisait le stationnement; que le bateau porteur avait l'espace suffisant pour passer; que l'accident s'est produit en plein jour, que le sieur Cogan voyait très bien la position du Cygne, c'était à lui de l'éviter; que si le vapeur a stoppé, c'est nullement pour éviter d'aborder le Cygne, car il n'avait qu'à continuer sa marche et l'accident ne fût pas arrivé, mais pour ne pas heurter le Saint-Brevin, il y a eu mouvement brusque et l'arrière du bateau a heurté le bout dehors du Cygne, arraché les haubans, brisé le grand mât;

Allouer aux requérants le bénéfice de leurs conclusions de première instance à savoir dire et juger que le sieur Cogan et l'Etat français sont responsables de l'abordage du 19 janvier 1910 et s'entendre condamner conjointement et solidairement à des dommages-intérêts à fixer par justice et à arbitrer par tels moyens que de droit, avec intérêts et dépens, subsidiairement ordonner avant faire droit une expertise;

Vu l'arrêté attaqué;

Vu l'ordonnance de soit communiqué, ensemble l'exploit d'huissier enregistré comme ci-dessus le 10 juin 1913, duquel il résulte que le pourvoi a été communiqué au sieur Cogan, lequel n'a pas présenté d'observations en défense;

Vu le mémoire en défense présenté pour le Ministre des Travaux publics, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus le 20 janvier 1914, et tendant au rejet du recours, par les motifs qu'au moment où le porteur no 5 est sorti du port, le maître de port a prescrit au mousse resté à bord du Cygne d'accoster au quai; que celui-ci ne put le faire, que le porteur engagea son arceau de remorque dans le bout dehors du Cygne qui se cassa, entraînant dans sa chute le mât de flèche qui fut brisé et tomba sur le Magenta amarré immédiatement derrière le Cygne; que le sieur Cogan n'a commis aucune faute; que l'expertise devant le tribunal civil ne parle que d'un manque de décision; que cette expertise est d'ailleurs étrangère au débat, les parties n'en ayant pas réclamé une devant le Conseil de préfecture; que la faute du sieur Laléous est certaine pour avoir amarré son sloop à la sortie même de l'écluse sans l'adhésion du maître de port, que le mousse laissé à bord était trop faible pour l'exécution des manoeuvres, qu'il ne peut être considéré comme répondant au gardien prévu par le

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