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Beaucoup plus rares, mais plus probantes, sont les désagrégations, n'apparaissant souvent qu'au bout de plusieurs années, des briquettes de mortier sableux.

Divers moyens ont été essayés en vue d'activer ces altérations. et de révéler rapidement les liants plus particulièrement décomposables par l'eau de mer. Ils sont basés, pour la plupart, sur l'emploi de mortiers maigres à sable fin, où le liant se trouve à un état de division favorable aux actions chimiques, et de procédés d'attaque plus énergiques que le simple contact de l'eau de

mer.

Une méthode appliquée dès le début au laboratoire de Boulogne consiste à opérer sur des mortiers contenant respectivement 150, 250, 350 et 450 kg. de liant par mètre cube de sable de dune fin, avec lesquels on moule des blocs cubiques, d'environ 7 centimètres d'arête, où l'on encastre, jusqu'en leur centre, un tube de laiton d'environ 10 mm. de diamètre. Après deux semaines de durcissement des mortiers, ce tube est mis en communication avec une canalisation d'eau de mer à pression constante; de la sorte, l'eau filtre à travers la masse poreuse en s'y renouvelant constamment, et peut être recueillie et mesurée après diverses durées échelonnées. Dans les intervalles, les cubes, tout en continuant à être soumis à la filtration, sont maintenus dans l'eau de mer et examinés de temps en temps.

Ces essais ont été décrits en détail dans une publication antérieure (1); il y a été dit notamment que la perméabilité diminue rapidement et ne saurait être considérée comme une caractéristique des divers liants; mais, bien qu'elle arrive tôt ou tard à devenir à peu près nulle, les mortiers n'en continuent pas moins à se décomposer, et l'on note les divers stades de leur désagrégation.

Certains des résultats, correspondant à l'état des cubes au bout de 6 ans, ont été résumés sous forme numérique dans les premières colonnes du tableau V; on n'y a pas relaté les mor

(1) Annales des Ponts et Chaussées, juillet 1892, pp. 90 et suivantes.

tiers très maigres à 150 kg. de liant par mètre cube de sable, qui, toujours très friables, se désagrègent ordinairement sans qu'on puisse distinguer si ce résultat provient d'une véritable décomposition chimique ou simplement de l'usure par frottement de leurs arêtes. On remarque que, pour certaines catégories de jiants (chaux hydrauliques, ciments de grappiers, portlands divers, ciments de laitier ordinaires), les altérations sont d'autant plus marquées que le mortier est plus maigre, tandis que, pour les autres, il ne semble y avoir aucune relation entre la désagrégation et la teneur du mortier en liant.

Un grand nombre des cubes ont été maintenus en expérience au delà de 6 ans ; il est rare que leur désagrégation ait beaucoup progressé pendant les années ultérieures.

La plupart des liants essayés par filtration ont été exposés en mer libre dans une galerie à claire-voie construite sous le musoir de l'une des jetées du port de Boulogne. Avec chacun des quatre mêmes mortiers maigres à sable fin, on a fait deux prismes de 4X4 X 16 cm., dont l'un a été immergé dans un bac constamment rempli par l'eau (mais qui s'est souvent envase), et l'autre suspendu dans casier grillagé d'où l'eau se retirait pendant plusieurs heures à chaque marée.

Pour les chaux hydrauliques, les prismes immergés d'une manière continue ont, en général, manifesté des altérations plus marquées que ceux qui subissaient les alternatives de la marée; pour divers autres types de liants, c'est le contraire qui s'est produit. En tout cas, les différences d'action ont toujours été très faibles; aussi, en vue de simplifier le compte rendu, n'a-t-on noté, dans la seconde partie du tableau V, que les résultats moyens des deux modes d'immersion.

On remarque que, contrairement à ce qui a été signalé au sujet des essais par filtration, l'influence de la richesse du mortier sur son aptitude à la désagrégation a toujours été bien nette. D'autre part, on a constaté, en prolongeant les essais, que bien des mortiers encore intacts au bout de 6 ans se sont désagrégés dans la suite.

Les deux méthodes basées, sur l'emploi de mortiers maigres à sable fin rangent les divers types de liants à peu près dans le même ordre; mais aucune ne fournit rapidement d'indications assez sûres pour faire prévoir nettement le classement final.

Un autre mode d'essai, décrit dans une publication antérieure spéciale (1), consiste à opérer sur des pâtes pures où l'on taille, après durcissement, de petits parallélipipèdes rectangles à faces nettes, que l'on immerge aussitôt dans une solution de sulfate de magnésie et que l'on observe ensuite de temps en temps. Le durcissement préalable doit être d'au moins. 12 semaines, pour que la majeure partie de la chaux libérable dans le dédoublement des composés actifs initiaux, notamment du silicate tricalcique, se soit déjà séparée; la surface des blocs doit être usée suffisamment pour ne plus présenter de parties carbonatées; enfin la solution, contenant par litre 5 grammes de sulfate calculé anhydre, doit être faite dans de l'eau bouillie et maintenue, autant que possible, à l'abri de l'air, afin qu'il ne se produise aucune nouvelle croûte superficielle, susceptible de retarder l'attaque. Grâce à ces précautions, qui facilitent l'action des éléments destructifs de l'eau de mer en atténuant celle de ses éléments protecteurs, on peut espérer apercevoir des altérations d'autant plus rapides que les liants sont plus attaquables.

Beaucoup de nouveaux liants ont été mis en expérience depuis la publication de la note précitée, et il aurait été trop compliqué de rendre compte de leurs résultats individuels dans un tableau analogue au tableau II de cette note. On a préféré représenter par les mêmes cotes numériques que pour les essais précédents, les résultats fournis par les divers liants, et donner, dans le tableau VI ci-après, les moyennes des cotes de tous les liants de chaque catégorie. Dès le premier abord, on s'aperçoit que ces nombres fournissent des indications assez rapides et différencient très nettement certaines catégories les unes des autres.

(1) Annales des Ponts et Chaussées, 1er trimestre 1908, p. 107.

Pour activer l'attaque des liants par l'acide sulfurique, qui est le principal agent nocif de l'eau de mer et de diverses autres eaux naturelles, on peut encore incorporer dans des mortiers poreux de composition bien définie des proportions échelonnées de gypse en poudre très fine, en faire des barrettes de longueur connue, immerger celles-ci après durcissement suffisant, puis les mesurer et les examiner après des durées déterminées. Plus sera faible la dose de gypse à ajouter pour produire un allongement donné ou des altérations en un temps fixé, relativement court, plus il y aura de chances pour que le liant résiste mal à l'action décomposante de l'eau de mer.

Des expériences dans ce sens, répétées dans des conditions. identiques sur un grand nombre de produits, sont résumées dans le tableau VII où, comme dans les précédents, l'expression numérique des altérations a permis d'établir des cotes moyenues pour les diverses catégories de liants. Mais on n'a pu y rendre compte des allongements observés, car ceux des prismes désagrégés, qui auraient généralement été les plus forts, échappent aux mesures, de sorte que les moyennes des autres ne correspondraient pas aux allongements réels de l'ensemble des échantillons essayés.

On peut reprocher à cette méthode de faire intervenir l'acide sulfurique avant que le durcissement ait eu le temps de s'effectuer et, dès lors, de désavantager les liants qui n'atteignent que lentement leur résistance définitive; pourtant on constate que le classement des diverses catégories est sensiblement le même que dans les autres groupes d'essais, et d'ailleurs des mélanges de chaux grasse et de pouzzolanes, qui ont une prise extrêmement lente, se sont relativement bien comportés dans cette épreuve. En tout cas, celle-ci paraît particulièrement indiquée pour la comparaison des liants destinés à être employés sur les chantiers où l'on ne dispose que de sables souillés de sulfates solubles, comme c'est le cas par exemple dans bien des régions de l'Afrique du Nord.

Diverses autres méthodes destinées à déceler rapidement les

degrés d'aptitude des divers liants à la décomposition ont été expérimentées au laboratoire de Boulogne. Elles n'ont été appliquées qu'à des nombres d'échantillons relativement faibles, et les résultats obtenus ne sont pas d'un caractère suffisamment général pour qu'il vaille la peine d'en allonger cette note. On relatera seulement, en raison de leur intérêt tout spécial, les essais en mer libre exécutés sur chacun des liants du tableau III d'après un programme établi par la Commission permanente des Chaux et Ciments pour être appliqué simultanément dans quatre ports de mer français.

Avec un sable tamisé à grains de grosseurs voisines allant de 2 à 0,5 mm., on fait trois mortiers de chantier contenant respectivement, par mètre cube de sable, 400, 350 et 300 kg. de chaux, ou 600, 450 et 300 kg. des diverses autres sortes de liants; un quatrième mortier reçoit 300 kg. de liant (chaux ou ciment) par mètre cube de sable fin traversant une passoire à trous d'un demi-millimètre de diamètre ; trois cubes de 40 cm. de côté sont faits avec chaque mortier, immergés en mer libre, après durcissement d'un mois, sur des plates-formes découvrant à chaque marée, et examinés à époques fixes. Les principaux résultats de ces observations, ainsi que les compositions chimiques des liants et les proportions de résidu laissées par eux sur le tamis de 4.900 mailles, sont donnés par le tableau VIII.

Dans ces essais, c'est généralement le mortier à 300 kg. de liant par mètre cube de sable moyen (de 2 à 0,5 mm.) qui se détériore avant les autres; le plus souvent les premières fissures se montrent aux plans de jonction des lits, bien que les assises successives de chaque bloc aient été introduites à quelques minutes seulement d'intervalle et reliées entre elles aussi soigneusement que possible. Les fissures, d'abord très fines, s'agrandissent plus ou moins vite et, l'une d'elles prédominant, le bloc se sépare en deux parties; en même temps il peut se produire dans d'autres directions des fissures secondaires qui finissent par détacher des morceaux. Dans ce mode de désagrégation, on aperçoit peu de traces de décomposition ailleurs qu'au voisinage des fissures, sous forme de gros grains blancs pâteux disséminés

Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1922-IV.

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