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N° 3

LA PRODUCTION ET LA TRANSMISSION

DE

L'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE

AUX ÉTATS-UNIS

Par M. Henri ISSARTE
Ingénieur des Ponts et Chaussées.

Au lendemain de la guerre, les pouvoirs publics ont compris la nécessité de développer l'aménagement des sources d'énergie dont notre pays dispose, et les moyens de répartir méthodiquement cette énergie sur l'ensemble du territoire. Un vaste programme ayant pour objet d'organiser de grands réseaux de transport d'énergie électrique à haute tension, destinés à relier entre eux et aux centres de consommation les différents centres de production, est à l'étude, et a déjà reçu un commencement d'exécution.

C'est ainsi que, dans les régions libérées, l'Etat a établi à ses frais un réseau de 1.200 km. de lignes (à 30.000, 45.000, 65.000 et 120.000 volts) dont la construction a été autorisée par la loi du 11 août 1920. Une ligne de transport d'énergie à 120.000 volts, de l'usine de Beaumont-Monteux à Saint-Etienne et à Saint-Chamond, vient d'être concédée à la société « l'Énergie Électrique de la Basse-Isère », par décret délibéré en Conseil d'Etat, en date du 29 juin 1921. D'autres concessions de même nature ont été demandées et ne tarderont pas à être accordées.

Enfin le Gouvernement a prévu la création d'organismes collectifs, qui auront pour but de construire ou d'exploiter les réseaux à haute tension dont nous venons de parler; un projet de loi sur ce sujet a déjà été voté par la Chambre des Députés le 2 septembre 1919, et est actuellement soumis au Sénat.

Au moment où va commencer dans notre pays un tel dévelop

pement de nos ressources en énergie et de nos installations électriques, il est intéressant de voir ce qui a été fait dans ce domaine à l'étranger, notamment aux États-Unis où, depuis quelques années, et principalement dans les États de l'Ouest, les installations hydro-électriques et les lignes de transport à très haute tension se sont multipliées.

Nous avons eu l'occasion de visiter, pendant les mois d'avril et mai derniers, un certain nombre de centrales et de sous-stations en Amérique. Nous nous sommes intéressé surtout aux installations récentes, de façon à nous rendre compte des idées qui guident actuellement les ingénieurs américains, et des résultats qu'ils ont obtenus en adoptant des tensions bien supérieures à celles que l'on emploie couramment en Europe. Nous avons pu noter à ce point de vue un certain nombre de tendances nouvelles, notamment en ce qui concerne la construction des lignes à très haute tension (jusqu'à 220.000 volts); nous les signalerons au cours de la présente étude.

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Ou trouve surtout les centrales thermiques dans les États de l'Est, tels que la Pensylvanie, plus riches en houille, et moins abondamment pourvus en ressources hydrauliques.

Nous n'entrerons pas dans les détails de l'organisation intérieure de ces centrales; l'outillage est naturellement très perfectionné, mais malgré tout, à ce point de vue, certaines de nos centrales modernes n'ont rien à leur envier. Nous signalerons par contre un point qui est tout à fait général : c'est la tendance de plus en plus marquée à employer de grosses unités. Les avantages que l'on trouve à une pareille façon de procéder sont : un prix de revient plus faible, un appareillage moins compliqué, un matétiel plus robuste; un trouble quelconque sera en effet moins sensible sur une grosse unité que sur une petite. Un tel dispositif rend donc moins probable l'immobilisation d'une machine, et d'autre part, en admettant qu'une unité soit indisponible, l'inter

connexion des lignes, qui est pratiquée aux États-Unis sur une grande échelle, fait qu'un tel accident se fera peu sentir, la puissance d'une unité étant malgré tout faible par rapport à la puissance totale du réseau. A titre d'exemple, nous signalerons :

·24,00

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La Commonwealth Edison Co, à Chicago, dont les deux stations North-West et Fisk comportent des unités G. E. Co et Westinghouse de 25,000, 30.000 et 35.000 K.V.A; la New-York Edison Co, à New-York, dont la station de Waterside comprend 2 turbines G. E. Co de 35.000 kw; et enfin, la Duquesne Light Co, à Pittsburg, qui vient d'installer, dans sa station de Colfax, une unité Westinghouse de 60,000 kw. et doit en installer 5 autres semblables. Cette turbine (fig. 1) est une unité compound à 3 cylindres, l'élément à haute pression étant disposé au milieu et les deux éléments à basse pression de part et d'autre. La consommation moyenne de vapeur est 4 kg. 7 par kwh.; en cas de nécessité, on pourrait fonctionner avec une charge de 30.000 kw. soit avec un seul élément à basse pres sion, soit sans l'élément à haute pression, la consommation de vapeur augmentant dans ce cas de 30 à 40%. Chacun des éléments est muni d'un régulateur spécial qui commande l'arrivée de la vapeur. On espère arriver avec ce matériel et pour une charge de 50.000 kw. à une consommation par kwh. de 0 kg. 62 de charbon.

Fig. 1.

CHARBON PULVÉRISÉ. Dans un certain nombre de centrales thermiques américaines, on a adopté depuis quelque temps le chauffage au charbon pulvérisé. Parmi les différents systèmes qui ont été proposés pour ce mode d'utilisation du charbon, les plus employés sont le Lopulco System et le Fuller System, qui d'ailleurs ne paraissent différer entre eux que par quelques points de détail.

Avantages. Les avantages de l'emploi du charbon pulvérisé sont nombreux. La combustion est rendue plus facile et plus complète; on peut brûler du combustible de qualité médiocre ; on supprime la fumée; les particules de charbon entraînées dans la flamme

augmentent sa température, et par suite le rendement est augmenté; en cas d'accident, on peut arrêter immédiatement l'arrivée du combustible; le travail du chauffeur est considérablement diminué et est bien moins pénible; enfin les partisans de ce système ont fait des essais d'après lesquels il semble résulter que l'emploi du charbon pulvérisé est plus économique que le chauffage par grilles. Inconvénients. En face de ces avantages, il faut noter certains inconvénients : dépôt de scories et de mâchefer sur les parois du foyer et de la chaudière, ce qui provoque leur détérioration rapide; cendres entraînées par la cheminée; inflammation spontanée des dépôts de charbon pulvérisé; enfin, chose plus grave, explosions de chaudières, ayant entraîné quelquefois des accidents mortels. Les constructeurs actuels prétendent avoir supprimé tous ces inconvénients. On diminue considérablement la formation de mâchefer en réglant convenablement les arrivées de charbon et l'air. Les cendres entraînées par la cheminée (12 à 20% environ) sont à l'état de particules si menues, qu'elles ne se déposent pas dans le voisinage de l'usine, et que même, dans certains cas, on n'a plus, depuis l'emploi du charbon pulvérisé, les plaintes que l'on recevait presque quotidiennement lors de l'emploi du charbon ordinaire (Milwaukee Electric Railway and Light C). Les inflammations spontanées se produisent aussi bien avec du charbon ordinaire ; d'ailleurs, la combustion est très lente et sans danger. Enfin, moyennant certaines précautions, on peut éviter les explosions; on n'a d'ailleurs pas eu d'accident à déplorer depuis qu'on a séparé l'arrivée du charbon de l'arrivée

de l'air.

Manutention du combustible. - Le charbon est envoyé d'abord dans un broyeur où il est écrasé de façon de passer à travers un erible de 1 cm. 2 à 1 cm.8. Au moyen d'un électro-aimant on enlève les particules de fer qui pourraient causer des avaries au matériel de pulvérisation. Le charbon passe ensuite dans un dessécheur, d'où il sort contenant moins de 1% d'humidité; cette opération a pour but de le rendre plus fragile et plus combustible. De là, le charbon va dans une trémie d'où il est déversé dans le moulin; il en sort à l'état de poussière impalpable (95 % pas

sant au tamis de 16 mailles au mm2 et 85 % au tamis de 64 mailles au mm2 ). On range le charbon pulvérisé dans des silos.

Pour la combustion, le charbon est approvisionné par une vis sans fin; il s'écoule par gravité jusqu'à l'extrémité du brûleur, où arrive d'autre part la conduite d'air. Dans certains cas, on a disposé l'appareil de façon à brûler indifféremment du charbon pulvérisé, du mazout, du gaz des hauts-fourneaux, ou même des mélanges de ces différents combustibles.

Les constructeurs ont confiance dans l'avenir de ce système; ils estiment qu'il permet de réaliser, dans une grosse installation, 10 à 15% d'économie par an. Il serait par contre désavantageux pour une installation de moins de 2,000 chevaux.

Il existe actuellement aux États-Unis plus de 250 usines où l'on emploie le charbon pulvérisé; sa consommation annuelle atteindrait 12 à 15 millions de tonnes. Parmi les installations les plus importantes, nous pouvons citer la Milwaukee Electric Railway and Light C dont l'usine d'Oneida est depuis 1918 équipée pour l'emploi du charbon pulvérisé, et qui est en train d'équiper de même la nouvelle station de Lakeside dont la puissance doit atteindre 300.000 kw.

B. LES INSTALLATIONS HYDRAULIQUES.

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Régularisation des cours d'eau. Jusqu'à ces dernières années, il n'y avait pas, en Amérique, de plan bien défini pour la régularisation des cours d'eau et l'utilisation de leur force hydraulique. Il suffisait à un individu d'acquérir des droits sur l'eau (water rights) pour qu'il pût disposer de cette eau comme il l'entendait.

Cette situation a été modifiée l'année dernière par le vote du Federal Water Power Act, approuvé le 10 juin 1920.

Le Federal Water Power Act ne s'applique qu'aux cours d'eau navigables et aux rivières traversant un territoire faisant partie du domaine public (public lands); en fait, la plupart des installations que nous avons visitées rentrent dans ce dernier cas, les

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