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laissant peser toute la responsabilité sur les associés responsables et solidaires, qu'on appelle complimentaires, ou plus ordinairement commandités, ne perd jamais au delà de ce qu'il a hasardé, il n'est passible des pertes que jusqu'à concurrence de sa mise. (Art. 26.) Par cette société les entreprises commerciales sont permises à toutes les fortunes, à tous les courages. On a l'espoir d'un gain considérable, et non la crainte de perdre au delà des sommes sacrifiées pour l'intérêt de la société. Les effrayés consentent à lancer dans une spéculation, dont ils ne redoutent pas la solidarité, des capitaux qu'ils avaient serrés; ils mettent en circulation des sommes qu'ils n'auraient jamais livrées aux coups de dés d'une société en nom collectif, et qui, par suite, auraient été mortes pour le commerce. Dans la société en commandite tout est avantage pour le simple bailleur de fonds, et le commerce en général y trouve son profit. ·

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2. Dans la société en commandite les associés responsables et solidaires peuvent seuls administrer, eux seuls doivent avoir la qualité de gérans. Non pas que tous ces derniers sociétaires soient de droit administrateurs, mais c'est parmi eux seuls que l'on choisit pour conférer le pouvoir d'administrer.

3. On ne comprend peut-être pas de suite cette qualification de responsables et solidaires : on ne

voit qu'une inutile redondance d'expressions. Il n'en est pas ainsi. Le législateur a prévu le cas où la société en commandite ne serait composée que de deux membres, un complimentaire et un com→ manditaire. Il n'existe pas alors de solidarité, mais une responsabilité attachée à tous les actes du commandité. Quand, au contraire, il existe plusieurs commandités, il y a alors pour tous leurs faits responsabilité solidaire. i

La société en commandite a aussi un nom social, mais il ne peut être que celui d'un ou plusieurs associés responsables et solidaires.

5. On le voit, la même entreprise, faite en confor mité de l'article 23, présente la réunion de deux so ciétés qui offrent un caractère distinct et des effets propres à chacune. Les obligations de l'une sont bien plus étendues que celles de l'autre. La société est, à la fois, société en nom collectif à l'égard des associés responsables et solidaires, et société en commandite à l'égard des simples bailleurs de fonds. (Art. 24.) Aussi est-il du plus grand intérêt pour les commanditaires de bien faire connaître leur qualité, d'empêcher une confusion qui por terait le plus grand préjudice à leur fortune. Les questions qui peuvent s'élever sur la dénomination d'un sociétaire dans la commandite méritent donc toute notre attention.

Și un acte de société représente le commandité comme commanditaire, les créanciers de cette

société pourront-ils prétendre qu'elle n'a de commandite que le nom, qu'elle doit être à leur égard considérée comme pure et simple, et que tous les sociétaires sont indéfiniment obligés envers eux ?

Toute la question est de savoir si l'intention du législateur, qui a surveillé les intérêts du public, a été remplie. Si le chef visible de la société a traité, d'après les intentions de tous les sociétaires, comme commandité, peu importe la contexture de l'acte : on ne doit pas juger la nature des engagemens d'un associé par sa qualification, mais bien par la nature de ses fonctions, et on jugera la nature de ses fonctions par la substance de l'acte social. Si l'acte, mal rédigé, donne au chef visible de la société le nom de commanditaire, il faudra examiner s'il n'a que le caractère d'un simple bailleur de fonds, ou bien si par ses fonctions, malgré sa dénomination, il possède toute l'importance d'un commandité. Aucune qualification ne peut changer la nature des choses, altérer la force des conventions : les intéressés ont voulu rester inconnus au public, et ils se sont cachés derrière un associé responsable. Ils l'ont mis à la tête de la société avec toute la puissance d'un commandité, quoique l'acte par erreur le nomme commanditaire. C'est lui qui a paru, qui a signé, qui a attaché son nom à toutes les opérations; par conséquent il est de fait, s'il ne l'est

pas

de nom, le seul associé responsable, le seul débiteur, parce que le public n'a pu être induit en erreur, malgré la rédaction de l'acte, et n'a dû compter que sur lui, puisqu'il lui a reconnu la qualité de chef et de directeur suprême, en traitant avec lui.

Les tiers ne pourraient alléguer avoir ignoré sa qualité, car ils devraient s'en prendre à eux de n'avoir pas pris toutes les sûretés nécessaires; puis, en droit, ils ne seraient pas recevables dans leurs plaintes en droit, personne ne doit ignorer la qualité de celui avec qui il traite.

7. Il nous reste à examiner une question que M. Merlin, dans son répertoire de jurisprudence; a traitée avec un soin tout particulier.

Il s'agit de savoir si l'on doit attribuer le caractère de société ordinaire ou de société en commandite à une association arrêtée entre deux négocians sous les conditions suivantes. Le contrat porte 1o qu'un seul des associés administrera les affaires sociales sous la raison un tel et compagnie; 2° que le second associé aura, quand il le jugera à propos, et d'après une nouvelle convention, le droit de joindre sa signature à celle du premier; 3° que ce même associé pourra céder son intérêt à un tiers, et que son cessionnaire prendra part à l'administration de la société; 4° que chacun des associés supportera les pertes proportionnellement à sa mise; 5° enfin que la

société sera dissoute par la mort de l'associé gérant, et qu'elle continuera avec les héritiers de l'associé non gérant.

Toute la question, selon nous, dépend de la manière dont on interprète la dénomination de raison un tel et compagnie. Concluera-t-on que cette société par cela seul qu'elle a pour raison sociale les mots un tel et compagnie, perdl e caractère de société en commandite pour prendre celui de société ordinaire et générale?

M. Merlin prétend, en pure doctrine, qu'une société en commandite ne peut porter une telle dénomination. Il prouve son opinion en remontant à la définition de la société en commandite; il établit que la nature de cette société rejette une pareille raison sociale. Selon ce savant jurisconsulte, les autorités, puisées dans les divers auteurs qui tous sont d'accord dans leur définition de la société en commandite, prouvent invinciblement «< qu'une pareille société ne peut exister » entre deux personnes, dont l'une est, par l'acte » méme qui les associe, autorisée à signer un tel » et compagnie ; et que, par cela seul que l'une de » ces personnes est autorisée à signer un tel et compagnie, la société devient collective, ou, » ce qui est la même chose, générale et ordi

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Mais M. Merlin reconnaît les que usages commerce se sont écartés de ces principes établis

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