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pour revendre des immeubles? Par suite, devraient-ils être obligés solidairement envers les vendeurs et les acquéreurs? Non ; il n'y aurait pas là société de commerce, mais seulement société extraordinaire soumise à toutes les règles portées sur les sociétés en général. (Cassation. Rejet. S. 7. 2. 1205.)

11. Un sociétaire peut faire cesser la solidarité qui pèse sur lui en se retirant de la société, pourvu qu'elle ne se trouve pas en perte au moment où il se retire. Il n'est affranchi que des opérations ultérieures : quant à celles qui ont précédé sa retraite, il en est tenu solidairement jusqu'à leur réalisation définitive.

12. L'article 22 dit: Les associés sont solidaires pour tous les engagemens, etc. M. Locré remarque avec raison que le mot engagemens n'est pas synonyme de dettes: car engagemens comportent beaucoup plus d'étendue que dettes: la disposition de la loi comprend toutes les obligations de la société.

13. Tout ce que nous avons dit jusqu'à présent sur la solidarité existante entre les membres d'une société en nom collectif, ne s'applique qu'à la solidarité passive. Elle est la conséquence inévitable de cette espèce de société. Mais quant à la solidarité active, elle n'existe pas toujours.

Ainsi, quand la masse des associés, se dépouillant du droit d'administrer, se choisit des repré

sentans qu'elle charge exclusivement de l'administration, alors la solidarité active, appartenant, il est vrai, à la société, n'appartient pourtant pas à tous les sociétaires, mais seulement aux administrateurs. Eux seuls on droit de toucher le montant des créances et d'en donner une décharge valable. Aussi, pour que le public ne soit pas induit en erreur, pour qu'il ne paie qu'aux associés gérans, l'article 43 du Code de commerce veut que l'extrait de l'acte social contienne la désignation des sociétaires autorisés à gérer, administrer et signer. Dès lors la solidarité active ne se rencontre jamais dans les sociétés en commandite ou anonymes, puisque dans ces sociétés il doit de toute nécessité exister des gérans.

Mais si l'acte de société ne porte pas la nomination d'un gérant, si postérieurement on n'a pas confié l'administration à un des associés, tous les sociétaires conservent le droit d'administrer, et par conséquent tous ils ont le droit de pousuivre les débiteurs de la société : alors la solidarité active existe de plein droit, et tout débiteur a le choix de payer à l'un ou à l'autre des créanciers solidaires, tant qu'il n'a pas été prévenu par les poursuites de l'un d'eux.

Néanmoins la remise qui n'est faite que par l'un des créanciers solidaires, ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier. (Art. 1198 du Code civil.)

14. Nous avons vu que si la société, être fictif, avait des droits à exercer, elle avait aussi des charges à supporter. Nous avons examiné la nature et l'étendue des droits et des charges. Nous avons vu encore que l'intérêt particulier des sociétaires était entièrement distinct des intérêts sociaux: que si leurs prófits privés n'entraient pas dans la masse, la société était étrangère à leurs dettes. C'est un principe que nous avons posé plus haut, et dont la justice est si évidente qu'il n'est pas besoin de développement pour la faire comprendre. Une simple énonciation suffit pour qu'elle soit saisie.

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15. Mais ce principe présente des difficultés dans son application. De son admission naît une question résolue dans un sens différent par plu sieurs jurisconsultes. Examinons - la avec une scrupuleuse attention, car elle mérite tout notre intérêt. Voici la question :

La femme d'un associé a-t-elle une hypothèque légale sur les immeubles de la société pour ses reprises matrimoniales?

Cette question, débattue avec science devant la cour royale de Toulouse, me semble ne devoir être résolue que par la négative. Si on accordait à la femme une hypothèque légale sur les biens de la société, on lui accorderait un droit sur des immeubles totalement étrangers à son mari. En effet, tant que la société n'est pas dissoute, les

biens qui la composent n'appartiennent à aucun des sociétaires, mais à la masse, à la raison sociale. La société, être à part, être fictif, a des intérêts distincts de ceux de ses membres; elle a ses créanciers et ses débiteurs particuliers; elle ne s'inquiète pas des charges qui pèsent sur les biens des associés, elle ne jouit pas plus de leurs créances personnelles.

Si la femme pouvait exercer son hypothèque sur les biens de la société, l'égalité, qui doît exister entre tous les sociétaires, serait rompue. En effet, les bénéfices ne seraient plus répartispropor tionnellement à la mise ; quelquefois l'individu qui aurait le moins apporté à la masse, serait celui qui retirerait le plus grand bénéfice. Par exemple, au partage des biens composant l'actif de la société, l'associé-mari préleverait, avant toute distribution de parts, une somme capable d'assurer les reprises matrimoniales de sa femme cette somme une fois séparée de la masse, il auráît encore droit à une part proportionnée à sa mise sociale. Quelle iniquité dans une pareille réparti tion! on dépouillerait la société dans l'intérêt d'un seul! Janel

Mais les sociétaires ne seraient pas les seuls qui perdissent par suite de cet injuste privilége. Les créanciers de la société se verraient aussi frustrés par cet abus. Si leurs créances n'étaient que chirographaires, ne seraient-ils pas primés par l'hypo

thèque de la femme? si elles étaient hypothécaires, il faudrait que leur date précédât le mariage de l'associé. Quels résultats produirait une pareille décision! Personne ne voudrait traiter avec les sociétaires, parce qu'il n'y aurait jamais certitude pour les droits à exercer sur la société.

Ne serait-il pas injuste de mettre sur la même ligne les créanciers de la société, et la femme d'un sociétaire, de lui donner souvent la préférence sur ceux qui ont eu des relations commerciales avec la société? Les créanciers ont dû compter, pour assurer leurs créances, sur tous les biens composant la masse, tandis que la femme n'a dû compter que sur la fortune personnelle de son mari.

Une autre considération nous fait rejeter la prétention de ceux qui veulent assurer à la femme, pour ses reprises matrimoniales, un droit sur les immeubles de la société. Il est de principe arrêté, reconnu par toutes les législations, qu'un créancier n'a jamais plus de droit que son débiteur. Le créancier du sociétaire est son représentant par rapport aux biens de la société, il ne peut toucher à l'actif qu'autant que celui-ci pourrait y toucher lui-même. Or, l'associé ne prend une part dans les biens, qu'autant que l'actif dépasse le passif, par conséquent le créancier de la société est préferable au sociétaire. Il résulte de cette préférence que le créancier personnel du sociétaire, n'ayant pas plus de droit que l'associé lui

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