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TITRE PREMIER.

SOCIÉTÉS COMMERCIALES.

Art. 19. La loi reconnaît trois espèces de

sociétés commerciales :

La Société en nom collectif,

La Société en commandite,

La Société anonyme.

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1. La faculté de se mettre en société n'est pas donnée à tout le monde: elle est refusée à quelques uns parce qu'ils sont incapables de contrac ter, à d'autres parce qu'elle est incompatible avec leurs fonctions.

Dans la première classe se trouvent les mineurs, les interdits, les femmes mariées qui ne peuvent s'engager sans l'autorisation de leur mari ou de justice. Dans la seconde classe on trouve les agens de change et les courtiers. Nous donnerons seulement quelques détails sur ces derniers, car c'est seulement par rapport à eux que l'application de la loi présente quelques difficultés. «

L'article 85 du Code du commerce s'exprime ainsi: Un agent de change ou courtier ne peut, >>> dans aucun cas et sous aucun prétexte, faire » des opérations de commerce ou de banque pour » son compte.

» Il ne peut s'intéresser directement ni indirec

» tement, sous son nom, ou sous un nom inter

» posé, dans aucune entreprise commerciale.

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>> Il ne peut recevoir ni payer pour le compte de ses commettans.

» Art. 86. Il ne peut se rendre garant de » l'exécution des marchés dans lesquels il s'en

tremet. »

2. Ces dispositions générales et absolues présentent le résumé de l'article 10 de l'arrêté du 27 prairial an X ainsi conçu: « Les agens de

change et les courtiers de commerce ne pour>>ront être associés, teneurs de livres, ni caissiers » d'aucun négociant, marchand ou banquier;

ne pourront pareillement faire aucun com» merce de marchandises, lettres, billets, effets >>publics et particuliers, pour leur compte, ni >>endosser aucun billet, lettre de change ou ef

fet négociable quelconque, ni avoir entre eux ≫ ou avec qui que ce soit aucune société de banque ou en commandite, ni prêter leur nom » pour une négociation à des citoyens non com» missionnés, sous peine de trois mille francs d'a» mende et de destitution. » (1)

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(1) Voir, pour les agens de change, l'art. 1er du tit. 2 de l'ordonnance de 1673; l'art. 7 de l'arrêt du conseil de 1720; les art. 34, 35 et 36 de l'arrêt du conseil du 24 septembre 1726; pour les courtiers, l'art. 2 du tit. 2 de l'ordonnance -de 1673; la loi du 19 mars 1801 (28 ventose an 9),

3. De toute évidence, tout acte de commerce est interdit aux agens de change, quand il est pour son compte. Rien de plus sage que cette disposition. Car, s'il était permis aux mêmes personnes de cumuler les fonctions d'agent de change et celles de banquier, elles auraient la libre faculté de créer des monopoles préjudiciables au commerce. Elles seraient, par position, à même de connaître que les lettres de change sur une ville sont très-rares, et elles accepteraient toutes celles qui seraient tirées sur cette ville. Par là elles pourraient se procurer d'immenses béné fices, et ruiner souvent les autres banquiers et négocians.

Quant aux courtiers, il leur serait facile de trahir la confiance des individus qui les emploieraient, et de conclure pour eux le marché qu'ils avaient été chargés de conclure pour un autre.

<< Il ne peut y avoir de sûreté pour les commer» çans, disaient les auteurs du projet du Code de >> commerce, si l'intermédiaire ne conserve pas un >> caractère de neutralité absolue entre les con>> tractans qui l'emploient. Dès que son intérêt » peut être attaché, directement ou indirectement, à la négociation dans laquelle il s'entre» met, il trompe nécessairement une des parties, » et souvent toutes les deux.

» Les fonctions d'un agent intermédiaire con>>sistent à rapprocher l'acheteur et le vendeur, à

>> les accorder entre eux sur le prix de la chose, > sa livraison et son paiement. Lorsque le mar» ché est réciproquement conclu, ses attribu» tions cessent, son mandat est rempli. Lors» qu'un agent intermédiaire devient en quelque » sorte partie dans un traité, lorsqu'il en garan>> tit le paiement, lorsqu'il en effectue l'exécution, » il perd son caractère de neutralité, et son affir»mation ne peut être admise. Un agent inter» médiaire qui fait pour son compte des opé› rations de commerce, viole tous les principes

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qui constituent sa profession; il trahit à la fois >> la confiance publique et la confiance du com>> merce. Ce n'est le plus souvent qu'un rival trom>> peur, un concurrent dangereux qui usurpe des > droits illégitimes, en prenant un caractère qui >> ne lui appartient pas. Les agens de change et >> les courtiers de commerce sont des intermé

«

diaires; la loi, en leur confiant le droit de jus»tifier la vérité et le taux des négociations dans lesquelles ils s'entremettent, n'a dû les consi» dérer que comme des agens absolument passifs : sans quoi leur témoignage n'est plus désinté>>ressé; il ne peut être admis. T

4. Quand on compare l'arrêté du 27 prairial an X avec les articles 85 et 86, on croit, au premier coup d'œil, apercevoir une contradiction qui disparaît bientôt après le plus court moment d'attention. L'article 13 de l'arrêté déclare l'agent

de change responsable de la livraison et du paiement des effets qu'il a reçus de ses cliens pour vendre et des sommes nécessaires pour payer ce qu'il achète. L'article 85 du code de commerce lui défend de recevoir et de payer pour le compte de ses commettans. Pour peu qu'on réfléchisse, on voit de suite que la contradiction n'est qu'apparente, qu'elle existe dans les mots, et non dans le sens de ces deux articles. La disposition de l'arrêté du 27 prairial an X est trop importante pour que le législateur ait songé à changer son principe; car, dit M. Mollot, p. 207, il est de l'intérêt public aussi bien que de l'intérêt des agens de change de maintenir l'article du 27 prairial qui assure l'exécution des transactions; conclues à la bourse, et protège tout à la fois ces officiers utiles, préposés pour en être les intermédiaires.

Quand l'article 85 défend aux agens de change de recevoir et de payer pour le compte de leurs commettans, cette prohibition s'applique à toutes les opérations qui seraient en dehors de la négociation, dont ils sont chargés comme agens de change. Ainsi ils pourront payer comme caissiers de leurs commettans; mais ils ne pourront pas faire des avances de leurs propres deniers, fournir les fonds, ce qui rentre dans les fonctions des banquiers. Cette explication suffit- pour concilier la loi de prairial et l'article 85 du Code de commerce. La loi de prairial suppose que l'agent

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