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Il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier. Eh bien ! dans l'espèce, les deux associés sont tous les deux obligés pour la même chose. (Voir un arrêt de la Cour de Bruxelles, Sirey, t. 15, 2, 367.)

53. Les associés, n'étant pas soumis à la solidarité, ne sont-ils tenus que pour la part qu'ils ont dans la société, ou bien sont-ils tous tenus par égales portions à l'acquit des dettes contractées dans l'intérêt de l'association?

Ils doivent tous concourir au paiement des dettes pour une somme et part égales, encore que la part de l'un d'eux dans la société fût moindre, si l'autre n'a pas spécialement restreint l'obligation de celui-ci, sur le pied de cette dernière part (art. 1863).

La raison de cette disposition se fait facilement sentir. Le créancier est censé avoir ignoré toutes les conditions du contrat de société, toutes les formalités qui ont accompagné sa rédaction, la position des associés telle qu'elle existe dans l'acte constitutif; s'il n'a pas vu dans les associés autant de garans solidaires, il a dû présumer qu'ils devaient avoir une part égale dans les bénéfices, comme une répartition égale dans les pertes. Il faut dans ce cas appliquer les principes des obli

gations divisibles, d'après lesquels si une obligation divisible est contractée par plusieurs sans solidarité, chacun des contractans est tenu pour une part égale.

54. Si, par hasard, le créancier consentait à ne réclamer sa créance que dans la proportion des parts attribuées à chacun dans la société, je crois qu'alors la disposition de la loi pourrait ne pas être exécutée. Car elle est toute dans l'intérêt du créancier qui peut renoncer à son droit. Cuilibet licet juri in favorem suum introducto renuntiare.

55. Doit-on préférer les créanciers de la société aux créanciers particuliers des associés? En d'autres termes : les créanciers de la société doivent-ils être admis, à l'exclusion des créanciers particuliers de l'associé, à prélever le remboursement de leurs créances sur les biens de la société?

Nous avons démontré plus haut, la loi à la main, qu'un sociétaire ne pouvait sans mandat spécial obliger ses co-associés. Eh bien! cette règle expresse serait violée si les créanciers personnels de l'associé venaient en concurrence avec ceux de la société. Car l'associé est tout-à-fait étranger à la masse de la société ; celle-ci est un corps moral, intellectuel, distinct des membres qui la composent, et cette personne fictive ne participe point aux obligations individuelles des associés.

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Bien plus, le créancier n'a jamais plus de droits que son débiteur. Or, l'associé n'ayant droit de réclamer que les bénéfices résultant de la société, ne peut transmettre à son créancier que son droit à la part des bénéfices. Si on admettait le créancier personnel de l'associé à récupérer ses créances sur l'actif social, on lui accorderait plus de droits qu'on n'en accorde à l'associé son débiteur, car celui-ci n'a aucun droit à prétendre sur la masse sociale, tant que les associés n'ont pas été admis au partage. Que le créancier personnel de l'associé prenne la part de celui-ci dans les bénéfices, il en a le droit. Mais encore ne jouira-t-il de cette faculté de venir au lieu et place de són débiteur, qu'autant que tous les créanciers de la société auront reçu un paiement intégral, puisqu'il n'y a de benéfice dans une société, qu'après satisfaction complète donnée à tous ses créanciers. Lucrum non intelligitur, nisi omni damno deducto. (L. 30 ff. Pro socio.)

Conventions particulières entre un associé et un tiers.

56. Un associé peut, sans le consentement de ses co-associés, s'associer une tierce personne relativement à la part qu'il a dans la société (art. 1861).

Ce nouveau personnage est entièrement étran

ger

à la société. Celui-là seul qui l'a associé à sa part a mission de le reconnaître entre eux deux se forme une société particulière, distincte de la première. Les sociétaires n'ont aucune action di recte contre ce tiers, car il ne pouvait, sans leur consentement, être associé à la société (art. 1861), De là cette règle: Socii mei socius, meus socius non est. (L. 20, ff. Pro socio.) Pour eux, le seul garant des actions de cet affilié est celui qui, so ciétaire de l'association, admet cet étranger au partage de ses bénéfices. Si le sociétaire, qui a accepté sa coopération, l'a l'aissé présider à quel, que affaire de la société, il répondra de son fait, et devra indemniser les associés de la perte que ce tiers leur aura causée; c'est sa faute s'il a mal choisi. Puto omni modo eum teneri ejus no, mine quem ipse solus admisit, quia difficile est negare culpá istius admissum. (L. 23, ff. Pro socio.)

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57. Si ce tiers fait des bénéfices, quoique ces bénéfices proviennent des choses de la société, les sociétaires n'auront aucun droit pour participer au gain. Il n'en devra compte qu'à celui qui se l'est associé, sauf aux sociétaires à demander compte à leur co-associé des choses par lui remises entre les mains du tiers. (Pothier, Traité de la société, no 92.)

58. Le tiers n'a pas d'action directe contre les associés de son associé. Mais il peut agir contre

eux d'une manière indirecte, du chef de son co-associé, en vertu de l'article 1166. En effet, si la société a fait des bénéfices, il peut en redemander le partage par représentation de son co-associé, auquel la division est due. Si la société est débitrice envers son acolyte pour services par lui rendus à la société, il a droit encore, du chef de ce dernier, en vertu de l'article 1166, de demander le remboursement des avances. Mais jamais il ne lui est accordé d'action directe contre la société; il lui est totalement étranger. S'il agit contre elle, c'est toujours par droit de représentation.

59. Le tiers et l'associé, dans l'administration de leur association particulière, peuvent avoir des comptes à se rendre. Ainsi, si le tiers a occasioné à la société des dommages que l'associé aura été contraint de réparer, il sera responsable à l'égard de ce dernier, qu'il devra indemniser. De même, l'associé sera obligé de faire raison au tiers, non-seulement du dommage causé par sa propre faute, mais encore de celui causé par celle de ses associés dans les biens de la société : car il a associé le tiers à tous les droits qu'il avait contre la société, et il a contre les sociétaires une action au bénéfice de laquelle le tiers doit être admis.

60. Si un sociétaire, au moment de la dissolution de la société, cédait à un étranger tous ses droits dans l'association, les associés pourraient

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