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pant de la nature de la donation. L'article 1840 établit cette ressemblance entre la donation et la société universelle. En effet, que dit cet article? Nulle société universelle ne peut avoir lieu qu'entre personnes respectivement capables de se donner ou de recevoir l'une de l'autre, et auxquelles il n'est point défendu de s'avantager au préjudice d'autres personnes. Or, comme la donation de biens à venir est prohibée, il était juste de rejeter de la société universelle de tous biens ceux qui pouvaient avenir par legs, donations, ou suc

cessions.

Société universelle de gains.

16. Cette société nous représente celle que les Romains appelaient societas universorum quæ ex questu veniunt.

La société universelle de gains renferme tout ce que les parties acquerront par leur industrie, à quelque titre que ce soit, pendant le cours de la société les meubles que chacun des associés possèdent au temps du contrat, y sont aussi compris; mais leurs immeubles personnels n'y entrent que pour la jouissance seulement (art. 1838).

17. Tout ce que les associés acquièrent, augmente la masse de l'association. Si quod lucrum ex emptione, venditione, locatione, conductione descendit. (L. 7, ff. pro socio.)

18. Les choses, acquises par un des sociétaires dans l'exercice de sa profession, tombent aussi dans la société.

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19. Il faut que tous les gains, pour qu'ils soient admis à grossir le fonds social, portent un caractère licite. Si pourtant, malgré la défense de la loi, on les admettait dans la société, l'associé, coupable de ce gain illicite, ne pourrait pas réclamer contre sa fusion avec la fortune sociale, parce que, pour prouver que les sociétaires n'avaient aucun droit de participer à ce gain illicite, il serait obligé d'alléguer sa propre turpitude. Ce qui est impossible, car en droit nemo auditur allegans propriam turpitudinem.

20. Mais toutes les fois que le gain sera licite il appartiendra à la société. Les biens même qui ́surviendraient à l'associé par des causes accidentelles, entièrement indépendantes de son fait, deviendraient la propriété de la société. S'il poursuit en justice un individu qui l'a injurié, et qu'il obtienne des dommages intérêts, ces dommages intérêts seront rapportés à la société, car la société ne laisse rien de propre à l'associé dans les gains qu'il pourra faire.

Ce principe général a, comme tout principe, ses exceptions. Par exemple, je possède, au moment où commence la société, un immeuble qui, en vertu du texte précis de la loi, n'entre dans l'association que pour la jouissance seulement.

Plus tard j'échange cet immeuble. Il y a là un véritable gain, car selon toute apparence, j'ai consenti à l'échange parce que j'y trouvais un avantage (avantage de convenance ou autre, peu importe). Eh bien, ce nouvel immeuble, véritable gain, augmentera-t-il le fonds social? Non. Car cet immeuble, acquis en contre-échange, est subrogé à celui qui a été échangé, et en prend la nature. (Pothier, société.)

21. Nous avons vu que les biens, échus par legs, donation, ou succession, n'entraient pas dans les sociétés de tous biens présens. Ils n'entrent pas non plus dans les sociétés universelles de gain. Qu'il s'agisse de meubles ou d'immeubles, peu importe : tous les biens, venus par succession, sont exclus de la masse sociale.

22. Quid, pour les dettes des associés ? Pothier décide que tous les meubles de l'associé tombant dans le fond social, la société doit être tenue de toutes les dettes mobilières.

Quant aux charges pesant sur les immeubles, la société n'ayant que la jouissance des immeubles, elle ne doit être tenue que des intérêts.

23. Pour les dettes contractées depuis par les associés, l'association n'en tient compte qu'autant qu'elles sont contractées dans son intérêt. Non aes alienum, quod ex questu pendebit, veniet in rationem societatis. (L. 12, ff. pro socio.)

Règle générale pour les Sociétés universelles.

24. Elle est consignée dans l'article 1840, dont nous avons déjà fait mention. Il dit que nulle société universelle ne peut avoir lieu qu'entre personnes respectivement capables de se donner ou de recevoir l'une de l'autre, et auxquelles il n'est point défendu de s'avantager au préjudice d'autres personnes.

Cet article est interprété diversement par les auteurs. M. Delvincourt, qui assimile complètement la société universelle aux donations, conclut d'une manière absolue que nulle société de ce genre ne peut exister entre l'enfant naturel et son père, entre un père et l'un de ses enfans. M. Delaporte, au contraire, dans ses Pandectes françaises, t. 6, p. 559, soutient que l'article 1840 ne doit pas être pris à la lettre, qu'il n'est qu'une précaution prise contre la fraude, et qu'il n'y a lieu de l'appliquer qu'aux cas où il y aurait lieu de la présumer. M. Dalloz, Répert. v° société, rapporte cette opinion sans y ajouter aucun commentaire, et, par ce silence, paraît l'adopter. Je pense que c'est avec raison qu'il l'a fait sienne. Si l'article 1840 se prenait jamais dans le sens général, étendu, que lui prête M. Delvincourt, il faudrait rayer du Code le titre des sociétés universelles, car il serait impossible de pouvoir ja

mais en former une. Ainsi, deux étrangers ont la faculté d'établir entre eux une société univer selle, quoique tous deux aient des enfans, car ce n'est pas là un acte gratuit et lucratif, mais bien un acte commutatif. Il faudrait que les preuves de fraude fussent convaincantes, pour annuler la société.

25. Si, malgré la prohibition portée par l'article 1840, il existait une société entre personnes auxquelles elle est interdite, le partage s'opérerait comme dans le quasi-contrat de communauté; chacun retirerait sa mise, et les bénéfices se partageraient arbitratu boni viri, au prorata des mises respectives.

Sociétés particulières.

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26. La société particulière est celle qui ne s'ap plique qu'à certaines choses déterminées, ou a leur usage, ou aux fruits à en percevoir (art. 1841). 27. La société particulière porte sur trois choses. Elle peut être 1° d'une chose déterminée, 2o de l'usage seulement de cette chose, 3° des fruits à en percevoir.

28. Il est très-important de bien fixer les choses que l'on veut faire entrer dans la société; car ces diverses branches de la société particulière ont, dans leurs effets, de grandes différences.

Si, par exemple, deux 'individus, possesseurs

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