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peine qu'il mérite pour avoir induit en erreur les tiers, en s'intitulant publiquement commanditaire, eten remplissant, en sous-main, les fonctions d'un associé en nom collectif.

2. De ce changement dans la position du commanditaire, naissent deux questions de la plus grande importance, traitées toutes deux par M. Pardessus avec la justesse et la science qui distinguent cet auteur.

3. Il s'agit d'abord de savoir si on attribuera, à l'associé, commanditaire dans le principe, mais devenu associé pur et simple pour avoir géré, la, qualité de commerçant. On sent toute l'importance de la question pour le commanditaire; car sa posi tion serait menacée au cas où l'affirmative viendrait jamais à prévaloir. Si on le regarde comme commerçant, dans le cas de non-paiement on pourra le faire déclarer en faillite, tandis que s'il conserve sa première qualification, il tombera seule ment en déconfiture.

Je ne crois pas, avec M. Pardessus, que l'on puisse regarder comme commerçant le comman ditaire qui aura usurpé les fonctions d'adminis trateur; je ne le crois pas, pour trois raisons,

I. Le commanditaire, usurpant, contrairement au vou de la loi, les fonctions de gérant, ne prend pas légalement la qualité de commerçant. Il a fait, il est vrai, quelques actes commer ciaux que l'on soumettra aux tribunaux de com

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merce, si quelques difficultés s'élèvent sur leur exécution. Mais ces actes de commerce ne sont pas suffisans pour constituer un individu commerçant il faut plus que quelques actes pour posséder cette qualité aux yeux du législateur. En effet, que dit l'article 1" du Code de commerce? « Sont commerçans ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle. » Ainsi quelques actes isolés ne donnent pas la qualité de commerçant; il faut faire profession habituelle des actes de commerce. Un commanditaire, étranger à la profession de commerçant, pour avoir fait, en se mêlant de la gestion de la société, quelques actes commerciaux, ne sera pas, en dépit de son libre arbitre, érigé en commerçant.

2o. Ce serait ajouter à la sévérité de la loi, que de déclarer commerçant le commanditaire qui a géré. Quelle peine lui inflige la loi pour avoir violé les dispositions qui lui interdisaient tout acte d'administration? L'article 28 le déclare associé en nom collectif, et, comme tel, obligé solidairement pour les dettes et les engagemens de la société. Nulle part on ne voit une autre peine infligée, nulle part on n'aperçoit une disposition qui puisse faire soupçonner que le législateur ait eu l'intention de le déclarer commerçant. Eh bien! donner au commanditaire gérant cette qualité avec tout le cortége de ses rigueurs, c'est arbi

trairement le punir plus que la loi n'a voulu qu'il fût puni; c'est, de plein gré, violer cet axiôme des lois pénales: Pour qu'une peine soit prononcée, il faut que le Code la prononce clairement: elle ne peut jamais étre appliquée par induction.

3. Enfin les tiers seraient frustrés, car les créanciers et les femmes n'ont pas dû considérer les commanditaires comme commerçans. Si ceuxci ne pouvaient pas payer les dettes sociales, et qu'ils fussent déclarés en faillite, alors les droits des premiers changeraient complétement; ils subiraient les dispositions de la loi commerciale applicables aux créanciers et aux femmes des commerçans faillis. Il y aurait souveraine injustice à les priver des garanties sur lesquelles ils devaient compter.

Je le déclare donc avec toute la conviction que prête toujours une cause juste, il ne peut y avoir de différence entre le commanditaire qui ne s'est pas mêlé de la gestion et celui qui, malgré la loi, a voulu faire acte d'administrateur, que celle établie par l'article 28. En d'autres termes, pour le premier son obligation ne dépasse jamais les fonds qu'il a versés ou dû verser ; quant au second, le seul châtiment qu'on puisse lui infliger, est de le condamner solidairement avec les associés en nom collectif au paiement de toutes les dettes et engagemens de la société.

3. La seconde question ne laisse pas d'être

aussi d'une grande importance pour les intérêts: du commanditaire gérant. Il s'agit de savoir si le commanditaire gérant solvable qui, poursuivi par les créanciers de la société, a payé toutes les dettes et satisfait à tous les engagemens, a un recours contre ses co-associés pour tout ce qui excède sa mise, ou s'il doit supporter les dettes sociales pour sa part et portion virile. L'intérêt de la question se fera mieux comprendre par une espèce. Je suppose qu'une société en commandite ait été formée entre Paul, Pierre et Jacques; que les deux premiers soient associés en nom collectif, que le troisième soit commanditaire. Jacques a géré, il devient par ce seul fait associé pur et simple. Les créanciers le poursuivent : il paie toutes les dettes qui s'élèvent à 100,000 fr. Il avait apporté 15,000 fr, dans la société. On demande s'il pourra exercer son recours contre Paul et Pierre pour 85,000 fr. ou seulement pour les deux tiers.

Pour résoudre cette difficulté, il faut voir dans quel intérêt on a défendu au commanditaire de se mêler de la gestion, et on a porté la disposition de l'article 28. Il est de toute évidence que la défense faite au commanditaire d'administrer, que la peine portée contre celui qui ne tient pas compte de cette prohibition, sont dans l'intérêt des tiers. La sanction pénale existe pour punir la tentative qu'on présume avoir été faite de les tromper.

Accordés pour l'avantage des créanciers, ces dommages-intérêts doivent profiter à eux seuls. Les accorder aux co-associés qui n'ont pu être induits en erreur, qui bien souvent ont souscrit, du moins tacitement, à la gestion momentanée du commanditaire, c'est les faire jouir d'un bénéfice que, raisonnablement, le législateur n'a pas eu l'intention de leur concéder. Quand la société s'est formée, les sociétaires connaissaient l'étendue de leurs obligations respectives..., et les obligations n'ont pu changer pour un fait qui ne leur cause aucun préjudice. Au contraire, ils trouvent dans le commanditaire, obligé indéfiniment visà-vis des créanciers, une caution solidaire qui débarrasse l'association de leurs poursuites. Mais la caution, ainsi que le remarque M. Pardessus, t. iv, p. 132, doit être subrogée aux droits des créanciers, sauf aux co-associés à faire valoir les exceptions pour les comptes que le commanditaire avait à rendre de sa gestion, ou les torts causés par lui à la société.

En résumé, je pense que le commanditaire qui a désintéressé tous les créanciers a, dans l'espèce, un recours contre ses co-sociétaires pour 85,000 fr. qu'ils ne peuvent se refuser à payer sans vouloir s'arroger un bénéfice qui n'a pas été créé en leur faveur.

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4. On demande si l'associé commanditaire qui, pour avoir fait un acte de gestion, est de

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