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vincourt et Locré, l'associé commanditaire qui, d'après les statuts sociaux, a prélevé sa part dans les bénéfices, n'en doit pas le rapport aux créanciers de la société. Selon M. Pardessus, il faut şe décider d'après les circonstances et la bonne foi des opérations. La Cour de cassation donna gain de cause à l'opinion défendue par MM. Delvincourt et Locré, en cassant un arrêt de la Cour de Rouen, qui avait condamné le commanditaire au rapport des bénéfices prélevés.

La cour royale de Paris, devant laquelle l'affaire fut renvoyée, adopta l'opinion de la cour de Rouen, et rendit un arrêt conforme.

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Quant à nous, nous pensons que les deux cours royales sont dans les vrais principes.

L'arrêt de la cour royale de Paris, savamment rédigé, est ainsi conçu :

<< Attendu que, participant à tous les profits en » raison de son intérêt dans la société, le com>> manditaire doit en supporter toutes les pertes » à proportion qu'on n'estime profit réel de so»ciété que ce qui reste de gain, toutes pertes » déduites, sur tous les profits des diverses af» faires ou opérations de la société ; attendu que >> ce n'est qu'en balançant tous les résultats par»ticuliers de chaque année, que l'on trouve le » résultat unique et véritable de toute la durée de >> l'association; résultat final, qui seul apprend s'il y >> a effectivement bénéfice ou perte, et d'après

>>,lequel le commanditaire conserve ou rapporte » ce qu'il a retiré par anticipation de la caisse so>> ciale; que les bénéfices annoncés par des inven» taires partiels ne sont que des bénéfices pré»sumés, reposant sur la supposition de la solidité » et fixité des valeurs qui constituent l'actif, » valeurs qu'un accident peut, d'un instant à »‹ l'autre, altérer ou détruire ; que ce serait aller » contre la nature des choses que d'admettre que >> des sommes touchées par anticipation sont des » bénéfices, quand l'ensemble des résultats dé» montre qu'il n'y a pas eu de bénéfice; qu'enfin, » si le commanditaire, conformément à la règle » stricte, attendait la dissolution de la société » pour avoir des répartitions, il n'en obtiendrait >> ni ne pourrait en obtenir, la société étant en » faillite; qu'il répugne à la raison et à l'équité què sa position devînt meilleure, et celle des » créanciers plus désastreuse, parce que, ne con>> sultant que son avantage personnel, il aurait >> anticipé des répartitions basées sur des béné>>fices incertains;

» Considérant que des principes professés par >> les auteurs qui ont connu le véritable esprit de » l'ordonnance de 1673, il suit que les prélève» mens faits, à quelque titre que ce soit, par les » associés, pendant le cours et avant la dissolution » de la société, sont purement provisionnels et » nécessairement sujets à rapport, en cas de perte

» constatée par la liquidation, et singulièrement » en cas de faillite notoire;

Considérant que c'est dans ce sens que sont »licites les conventions entre associés pour se » répartir bénéfices et intérêts durant la société

qu'attacher le caractère d'irrévocabilité à ces » sortes de répartitions, quel que fût en définitive » l'état de la société, ce serait autoriser les asso>> ciés à épuiser par des prélèvemens successifs ou » sous divers prétextes, non-seulement leurs pro» pres mises, mais même les autres fonds sociaux » de manière qu'il ne resterait rien pour l'acquitte » ment des dettes de la société, et que tout le profit » serait pour les associés, et toutes les pertes pour » les créanciers;

- » Considérant que tous ces principes sont tel»lement incontestables et inhérens à l'essence » des sociétés, qu'ils ne pourraient être mécon >>nus sous l'empire du Code de commerce actuel, » qui s'est servi du mot mise au lieu de part,

employé par l'ordonnance de 1673; qu'en effet, >> ces deux lois, s'accordant sur l'objet principal, » ont également voulu que la mise tout entière »>ine cessât pas d'être le gage des créanciers ; » máis que cette volonté serait évidemment ene >> freinte, si l'on adoptait le système des prélève» mens sans rapport, en cas de déficit; qu'au » surplus, sous l'ordonnance de 1673, qui a assu»jetti l'associé commanditaire au paiement des

» dettes jusqu'à concurrence de sa part, terme qui, dans sa généralité, comprend tout ce que » cet associé a droit de retirer de la société, ca

pital et accessoires quelconques, la question du » rapport n'a jamais souffert ni ne peut souffrir » la moindre difficulté ;

» Considérant que, s'il y a faveur pour les >> commanditaires qui doivent connaître la nature » et l'étendue de leurs engagemens, pour ces » riches capitalistes alimentant le commerce, >> mais toujours avec la perspective d'un gain » illimité contre une perte bornée, la même faveur » est due à plus juste titre à des créanciers hon» nêtes et confians, qui souvent, pour une mo>> dique rétribution, ont donné à la société leur's » fonds, leurs marchandises, leur industrie et leur » travail, etc., etc., etc. -Cet arrêt comporte toutes les raisons que l'on peut donner pour le système du rapport des bénéfices. Ce système est le plus vrai, le plus conforme à l'esprit du législateur et à la justice. Je erois que l'opinion contraire viole le texte pré+ cis de la loi. Que dit l'article 26? il ne condamne le commanditaire que jusqu'à concurrence des fonds qu'il a mis ou dû mettre. Eh bien ! si on l'exempte du rapport des bénéfices prélevés, bien souvent il ne sera pas tenu jusqu'à concurrence de sa mise. En effet, je suppose que pendant six ans la société bénéficie considérablement, que

tous les ans les associés s'enrichissent par le prélèvement de riches capitaux, mais que la septième année la société éprouve des revers supérieurs à tous ses succès passés, tels enfin qu'elle tombe en faillite. Les commanditaires qui n'ont mis que 10,000 fr. chacun dans le fonds social, ont retiré par les prélèvemens annuels 50,000 f. de bénéfice; d'après l'arrêt de la cour de cassation, ils ne perdront après la faillite de la société que les 10,000 f. qu'ils ont apportés. Mais en ce cas, ils ne sont pas tenus des pertes jusqu'à concurrence de leurs mises; car ils ont retiré leurs mises depuis long-temps par les énormes bénéfices qu'ils ont faits. L'article 26 se trouve évidemment violé, puisque des commanditaires ne contribuent pas aux pertes. │Mais, me dira-t-on, il y a erreur dans votre calcul, les commanditaires sont passibles des pertes, ainsi que lé veut le législateur dans l'article 26, puisqu'ils ne peuvent retirer les fonds qu'ils ont mis? Misérable subtilité, indigne de la haute justice du législateur! ils ne retirent pas à mesure, il est vrai, les fonds qu'ils ont mis; mais n'ont-ils pas retiré depuis long-temps des valeurs bién supérieures ? Ils gagnent... leur gain est proscrit par la loi quand la société est en faillite.... Quelle a été le but du législateur en portant les dispositions de l'article 26? Je confesse que, pour favoriser les commanditaires dans l'intérêt du commerce, il a borné leurs chances de pertes;

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