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M. Defermon présente un projet de loi concernant la nouvelle fixation du maximum des pensions des grands fonctionnaires. En voici le texte et l'exposé des motifs :

MOTIFS.

Du projet de loi sur la nouvelle fixation du maximum des pensions des grands fonctionnaires. Messieurs, dans un temps où les revenus publics étaient loin de présenter des ressources équivalentes aux dépenses, la loi du 22 août 1790 avait fixé le maximum des pensions à 10,000 francs. En 1793, il fut réduit à 3,000 francs, et bientôt après, il fallut réduire au tiers le payement de cette nouvelle fixation. Aussi, comme toutes les branches du service, la munificence nationale se ressentit de l'état de pénurie du Trésor.

Ce n'est que depuis l'heureuse époque du 18 brumaire que l'ordre, tout à coup rétabli dans toutes les parties de l'administration, a déjà permis de récompenser les services d'une manière plus digne de la générosité française.

La loi du 15 germinal an XI a fixé le maximum des pensions à 6,000 francs. Cette somme, qu'on a pu alors regarder comme suffisante, ne saurait être considérée comme telle aujourd'hui pour les premiers fonctionaires de l'empire.

Le projet de loi, dont je vais vous donner lecture, a pour but de parer à cet inconvénient; sous plus d'un rapport, il merite de fixer votre attention ce n'est, à la vérité, qu'en faveur d'un petit nombre de fonctionnaires civils et militaires qu'il doit recevoir son application. Oui, Messieurs, mais c'est en faveur de ces hommes que de longs et continuels services, qu'une expérience consommée, et que des preuves multipliées de talent ont porté aux premières fonctions civiles; c'est en faveur de ces hommes qui, affrontant avec une froide intrépédité tous les périls, ne redoutent ni les fatigues de la guerre, ni les rigueurs des climats, et que, dernièrement, sous les neiges de l'Ourse, on a vu à la tête de nós fils, étonner l'Europe autant par leur constance que par leur exploits.

Ainsi, c'est en récompense des veilles de l'homme d'Etat, du dévouement et des privations du guerrier, que Sa Majesté vous propose de sanctionner une disposition nouvelle de leurs pensions.

Vous ne balanceriez pas, sans doute, à adopter cette proposition, lors même qu'elle vous serait présentée sans aucune restriction. Eh! comment, en effet, une grande nation pourrait-elle ne pas reconnaître les services auxquels les grands fonctionnaires civils consacrent toute leur existence et leur repos? Comment se refuserait-elle à récompenser dignement des militaires qui, à sa voix, ont prodigué leur sang pour sa défense? C'est à celui qui à partagé les travaux moins éclatants des premiers, et si souvent servi de guide aux autres, qu'il appartenait, Messieurs, de provoquer en leur faveur la munificence nationale.

Cependant, vous remarquerez que, si SA MAJESTÉ vous propose d'élever à 20,000 francs le maximun des pensions de première classe, la loi ne veut que l'application en soit faite qu'autant que la situation de la fortune de ces fonctionnaires le rendra nécessaire. Vous apprécierez facilement l'objet d'une pareille restriction, dictée moins encore par des vues d'économie que par le désir de rendre plus honorable et plus précieuse la récompense nationale.

Quel espoir pour l'homme de bien dévoué à ses devoirs, et qui consacre tous les instants de sa vie sans songer à sa fortune, que celui de mé

riter à sa famille une récompense qui lui rappellera sans cesse que le sentier de l'honneur est préférable à tous les autres !

Et dans quelles circonstances, Messieurs, venonsnous vous présenter ce projet de loi? Un ministre distingué par ses talents et ses vertus, plein d'amour pour S. M. l'EMPEREUR ET Roi, entièrement dévoué à son service, nous a été enlevé par une mort inopinée sa fortune fut la chose dont ce ministre s'occupait le moins; et à tous les exemples qu'il a laissés, se joint particulièrement celui d'une intégrité trop honorable pour ne pas mériter d'être récompensée.

Nous devons espérer, Messieurs, que l'exemple donné par ce ministre se renouvellera souvent, et que la loi proposée sera un nouveau motif de marcher sur ses traces.

PROJET DE LOI.

Concernant la nouvelle fixation du maximum des pensions des grand fonctionnaires.

Lorsque, par des services distingués, de grands fonctionnaires de l'empire, tels que ministres, maréchaux et autres grands officinrs, auront droit à une récompense extraordinaire, et que la situation de leur fortune le rendra nécessaire, le maximum de leurs pensions, de celles de leurs veuves et enfants, pourra être élevé jusqu'à vingt mille francs.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera communiqué aux trois sections du Tribunat. MM. Maret, Pelet et Corvetto, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Maret présente un projet de loi intitulé Code du commerce (livre IV). En voici le texte et l'exposé des motifs:

MOTIFS.

Du livre IV du Code du Commerce. Messieurs, Sa Majesté nous a chargés de présenter à votre sanction le livre IV du Code du commerce... De la juridiction commerciale.

Ce livre traite de l'organisation des tribunaux de commerce, de leur compétence, de la forme de procéder devant eux, de celle de procéder devant les cours d'appel.

L'organisation des tribunaux de commerce diffère peu de ce qu'elle est depuis plusieurs années. Ils auront des présidents, des juges, des suppléants. La fixation du nombre des juges, ainsi que celui des tribunaux, celle des lieux où ils siégeront, n'ont pas paru du domaine de la loi; et en effet, SA MAJESTÉ peut seule bien juger des besoins des localités. Il n'est à craindre qu'elle diminue le nombre actuel de ces tribunaux, dont, pour la presque totalité, une existence ancienne justifie le besoin elle connait d'ailleurs les services qu'ils ont rendus au commerce; elle compte sur ceux qu'ils lui rendront encore.

Tout Français faisant le commerce est actuellement appelé à l'élection des juges; elle sera confiée seulement à des commerçants, chefs des maisons les plus anciennes et les plus recommandables par la probité, l'esprit d'ordre et l'économie. Leurs noms seront placés sur une liste de notabilité, rédigée par les préfets, et approuvée par le ministre de l'intérieur. Ce mode doit garantir la continuation des bons choix.

La question de savoir si les présidents et les juges pouvaient être réélus indéfiniment a été résolue négativement. La loi dispose qu'ils ne pourront être réélus qu'après un an d'intervalle. On ne s'est pas dissimulé qu'en prononçant ainsi, la loi pourrait quelquefois priver, pendant un an, un tribunal d'un ou plusieurs de ses membres les plus distingués; on ne s'est pas dissimulé qu'ur

tribunal fort rapproché de nous, où préside depuis longtemps la probité et les lumières, pourrait sentir plus vivement cette privation; mais fallait-il mettre tels autres juges également probes et éclairés dans la position de souffrir d'une nonréélection? Car, on ne peut se le taire, si la réélection sans intervalle était permise, tout juge qui ne l'obtiendrait pas se croirait blessé dans son honneur. Or, la loi doit-elle placer dans cette situation des hommes qui abandonnent leurs affaires personnelles pour se livrer à un service pénible et gratuit? If a paru d'ailleurs que si la perpétuité des fonctions, dans les tribunaux civils et criminels, était un bienfait pour les justiciables, il était plus dans l'intérêt du commerce que des commerçants fussent successivement appelés à juger leurs pairs. C'est donc dans l'intérêt du commerce et dans celui des commerçants, appelés par l'estime publique à la fonction de juges, que la loi a prononcé.

Ce méme intérêt réclame des décisions promptes, une exécution rapide; la forme de procéder, tant en première instance qu'en appel, doit être simple: le fait doit être rapporté avec une sorte de naïveté, et, autant que possible, par les parties elles-mêmes, afin que le juge soit plus à portée d'apprécier leur bonne foi. C'est dans cet esprit que les titres III et IV du livre que nous examinons sont rédigés; que l'article 33 du titre IV défend aux cours d'appel d'accorder des défenses, ni de surseoir à l'exécution des jugements des tribunaux de commerce, quand même ils seraient attaqués d'incompétence; c'est dans cet esprit que l'article 13 de la loi que nous vous présentons interdit le ministère des avoués; disposition que vous avez déjà sanctionnée, Messieurs, dans le Code de procédure civile, art. 414, mais dont l'article 13 précité organise l'exécution; c'est dans cet esprit que l'article 11 établit, pour la ville de Paris, des gardes du commerce pour l'exécution des jugements emportant la contrainte par corps. La loi ne fait que redonner la vie à un établissement regretté par le commerce de Paris, parce que les gardes procuraient sûreté dans l'exécution, sans employer des formes trop dures.

L'organisation des tribunaux de commerce, la forme de procéder devant eux, était la partie facile de la loi dont nous vous exposons les motifs. Le titre II, De la compétence, a présenté des questions plus importantes.

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Depuis la publication de l'ordonnance de 1673, mais surtout depuis 1789, le commerce est devenu la profession d'un bien grand nombre de Français; la volonté seule donne le droit de faire le commerce. Tel se livre habituellement au négoce, tel autre ne fait qu'accidentellement des actes qui, sous certains rapports, sont de véritables actes de commerce.. De là, on avait conclu que la compétence des tribunaux de commerce se déterminait par le fait qui donnait lieu à la contestation; que si ce fait était un acte de commerce, celui qui y avait pris part, quelle qu'en fut la cause, quelle que fùt sa qualité, était justiciable d'un tribunal de commerce; qu'en définissant les actes de commerce, on réglerait invariablement la compétence des tribunaux de commerce; que passant ensuite à la reconnaissance des actes de commerce, on devait considérer comme tels.... tous actes de trafic et négoce de denrées et marchandises.... toutes signatures données sur des lettres de change, ou billets à ordre.... toutes entreprises de manufactures, etc., etc.... Ainsi, la compétence aurait été déterminée par le fait seul, sans exception.

L'application rigoureuse de ce principe a paru présenter de graves inconvénients, en ce que tous les Français, faisant des actes de trafic plus ou moins étendus, seraient tous, par ce seul fait, justiciables des tribunaux de commerce.

Par exemple, un magistrat achète des denrées pour le besoin de sa maison; quelques circonstances le déterminent à en vendre une partie. D'après le principe que le fait détermine la compétence, comme dans l'espèce, il y a eu achat et vente, et conséquemment trafic de denrées : le jugement des contestations nées sur la vente faite par le magistrat, appartiendrait au tribunal de commerce; cependant, en soi, l'acte de ce magistrat n'est pas un véritable acte commercial; c'est un acte civil quil,en cas de contestations, doit conduire les contractants devant les tribunanx civils.

La loi n'a donc pu admettre le principe dans sa généralité, mais elle a dù considérer que le Français non négociant, que celui exerçant une profession civile ou militaire, que le capitaliste qui achète des marchandises ou des denrées au delà de ses véritables besoins, fait alors un acte commercial de sa nature, puisque la quantité de la chose achetée prouve l'intention de la revendre, ce qui constitue le trafic. Cependant il n'y a encore que présomption; le fait qu'il a acheté au delà de ses véritables besoins n'est pas reconnu; la loi a dû réputer ce marché acte de commerce, et laisser aux juges l'examen du fait et les conséquences à en tirer.

Mais si la loi a dù dire, tel acte est réputé fait de commerce, n'en est-il pas tel autre qui le soit si évidemment, qu'il n'y a point d'examen à faire pour les qualifier?... Oui, sans doute; mais c'est en considérant, comme le fait la loi, la qualité des personnes qui ont contracté... Et, en effet, il est constant que les engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers, sont des actes positifs de commerce, à moins qu'il ne s'agisse de denrées et marchandises achetées pour leur usage particulier; car, dans ce dernier cas, ce n'est plus comme négociants qu'ils ont contracté, mais comme citoyens.

Il suit de ces considérations que la compétence des tribunaux de commerce a dû être déterminée, soit par la nature de l'acte sur lequel il y aura contestation, soit par la qualité de la personne.

Ainsi, les tribunaux de commerce connaîtront... de toutes contestations relatives aux engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers...; entre toutes personnes, des contestations relatives aux actes de commerce... et la loi définit ce qu'elle répute acte de commerce.

Il serait superflu de vous entretenir avec détail de ces définitions comprises aux articles 18 et 19 de la loi; leur clarté paraît devoir nous en dispenser, et nous passons aux dispositions des articles 22 et 23, qui ont des rapports avec ce que dit l'article 18 sur la lettre de change.

Nous sommes obligés de rappeller l'article 112 du livre er du Code de commerce; il dit : « Sont réputées simples promesses toutes lettres de change contenant supposition, soit de nom, soit de qualité, soit de domicile, soit des lieux d'où elles sont tirées, ou dans lesquels elles sont payables... » Les motifs de cet article sont... que certaines circonstances changent la nature de l'engagement souscrit sous le titre de lettres de change, qu'alors il n'est qu'une obligation civile, dont l'examen appartient aux tribunaux civils; conséquemment. T'article 22 dispose que, sur la réquisition du défendeur, le tribunal de commerce sera tenu de renvoyer au tribunal civil.

C'est dans cet intérêt que la loi accorde aux tribunaux de commerce une action fort étendue dans les faillites, le jugement des oppositions au concordat, lorsque les moyens de l'opposant seront fondés sur des actes ou opérations dont la connaissance leur est attribuée, l'homologation du traité entre le failli et ses créanciers.

Mais il peut arriver que la lettre de change, réputée simple promesse aux termes de l'article 112, porte en même temps des signatures d'individus négociants et d'individus non négociants. L'article 23 veut alors que le tribunal de commerce en connaisse, mais qu'il ne puisse prononcer la contrainte par corps contre les individus non négociants, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occasion d'opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage. Dans ce second cas, il y a, sauf celui d'engagement commercial, obligation civile de la part du signataire non négociant, et obligation commerciale de la part du siguataire négociant; celui-ci a paru devoir entrainer l'autre devant les juges de commerce.

Les mêmes articles 22 et 23, dont nous venons de rapporter des dispositions relatives aux lettres de change réputées simples promesses, règlent encore la compétence des tribunaux de commerce en ce qui concerce les billets à ordre.

On demandait que le billet à ordre fût, en tout, assimilé à la lettre de change, et pour la juridiction, et pour la contrainte par corps, quels qu'en fussent les signataires.

Après de longues discussions, les raisons, en faveur de cette opinion, ont paru plus spécieuses que justes, et conséquemment aux principes suivis pour le règlement de la compétence des tribunaux de commerce, l'on s'est arrêté aux principes suivants :

Le billet à ordre portant des signatures d'individus non négociants et n'ayant pas pour occasion des opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage, est une obligation civile qui ne peut être soumise aux tribunaux de commerce.

Le billet à ordre portant, en même temps, des signatures d'individus négociants et d'individus non négociants, est, tout à la fois, une obligation civile pour les uns et une obligation commerciale pour les autres; l'intérêt du commerce veut, dans ce cas, que les tribunaux de commerce en connaissent; mais il ne faut pas qu'ils puissent prononcer la contrainte par corps contre les individus non négociants, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occasion d'opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage.

L'application de ces principes accorde aux commerce tout ce que son intérêt, bien entendu, exigeait de la loi... Aller au delà, c'était mettre les individus non négociants dans le cas de ne pouvoir plus se servir d'un papier qui, avec un usage modéré, peut leur être utile dans leurs transactions sociales... Aller au delà, c'était étendre la faculté de se soumettre à la contrainte par corps, quand il est dans l'intérêt de l'Etat et dans nos mœurs qu'elle soit limitée... Enfin, cette faculté eût fait prendre une autre direction aux emprunts pour affaires civiles, direction contraire à prunts l'intérêt des familles, en ce qu'elle eùt offert plus de facilités pour mobiliser les fortunes immobi

lières.

C'est donc par des considérations d'ordre public que la loi a refusé d'assimiler, en tout, le billet à ordre à la lettre de change, mais, en même temps, elle a su ménager l'intérêt particulier du commerce; il a toujours été le but que nous avons tâché d'atteindre.

Aussi, c'est dans cet intérêt que la loi dispose, art. 25, que les tribunaux de commerce jugeront, en dernier ressort, toutes les demandes dont le principal n'excedera pas la valeur de 1,000 francs, ainsi que toutes celles où les parties justiciables de ces tribunaux auront déclaré vouloir être jugées définitivement et saus appel.

C'est dans cet intérêt que les tribunaux de commerce connaîtront des actions contre les facteurs, commis des marchands ou leurs serviteurs, pour le fait seulement du trafic du marchand auquel ils sont attachés; qu'ils connaîtront des billets faits par les receveurs, payeurs, percepteurs et autres comptables de deniers publics.

C'est enfin dans cet intérêt que les billets souscrits par un commerçant sont censés faits pour sou commerce, et que ceux des receveurs, payeurs, percepteurs et autres comptables de deniers publics, sont censés faits pour leur gestion, lorsqu'une autre cause n'y est point énoncée.

Il nous reste à vous entretenir, Messieurs, de la disposition de la loi qui excepte de la compétence des tribunaux de commerce les actions intentées contre un propriétaire, cultivateur ou vigneron, pour vente de denrées provenant de son cru; elle se justifie d'elle-même, car il est évident que ces ventes ne sont point assimilables à celles que fait un commerçant.

PROJET DE LOI

Relatif au Code du commerce.

LIVRE IV.

De l'organisation des tribunaux de commerce. Art. 1er Un règlement d'administration publique déterminera le nombre des tribunaux de commerce, et les villes qui seront susceptibles d'en recevoir par l'étendue de leur commerce et de leur industrie.

Art. 2. L'arrondissement de chaque tribunal de com merce sera le même que cului du tribunal civil dans le ressort duquel il sera placé; et s'il se trouve plusieurs tribunaux de commerce dans le ressort d'un seul tribunal civil, il leur sera assigné des arrondissements particuliers.

Art. 3. Chaque tribunal de commerce sera composé d'un juge président, de juges et de suppléants. Le nombre des juges ne pourra pas être au-dessous de deux, ni au-dessus de huit, non compris le président. Le nombre des suppléants sera proportionné au besoin du service. Le règlement d'administration publique fixera, pour chaque tribunal, le nombre des juges et des suppléants.

Art. 4. Les membres des tribunaux de commerce seront élus dans une assemblée composée de commerçants notables, et principalement des chefs des maisons les plus anciennes et les plus recommandables par la probité, l'esprit d'ordre et d'économie.

Art. 5. La liste des notables sera dressée, sur tous les commerçants de l'arrondissement, par le préfet, et aprouvée par le ministre de l'intérieur leur nombre ne peut être au-dessous de vingt-cinq dans les villes où la population n'excede pas quinze mille ames; dans les autres villes, il doit être augmenté à raison d'un électeur pour mille âmes de population.

Art. 6. Tout commerçant pourra être nommé juge ou suppléant, s'il est âgé de trente ans, s'il exerce le commerce avec honneur et distinction depuis cinq ans. Le président devra être âgé de quarante ans, et ne pourra être choisi que parmi les anciens juges, y compris ceux qui ont exercé dans les tribunaux actuels, et même les auciens juges consuls des marchands.

Art. 7. L'élection sera faite au scrutin individuel, à la pluralité absolue des suffrages; et lorsqu'il s'agira d'élire le president, l'objet spécial de cette élection sera annoncée avant d'aller au scrutin

Art. 8. A la première élection, le président et la moitie des juges et des suppléants dont le tribunal sera composé, seront nommés pour deux ans; la seconde moitié des juges et des suppléants sera nommée pour un an aux élections postérieures, toutes les nominations seront faites pour deux ans.

Art. 9. Le président et les juges ne pourront rester plus de deux ans en place, ni être réélus qu'après un an d'intervalle.

Art. 10. Il y aura | rès de chaque tribunal nn greffier et des huissiers nommés par le gouvernement; leurs droits, vacations et devoirs seront fixés par un règlement d'administration publique.

Art. 11. Il sera établi, pour la ville de Paris sculement, des gardes du commerce pour l'exécution des jugements emportant la contrainte par corps : la forme de leur organisation et leurs attributions seront déterminées par un règlement particulier.

Art. 12. Les jugements, dans les tribunaux de com-. merce, seront rendus par trois juges au moins; aucun suppléant ne pourra être appelé que pour compléter ce

nombre.

Art. 13. Le ministère des avoués est interdit dans les tribunaux de commerce, conformément à l'article 414 du Code de procédure civile; nul ne pourra plaider pour une partie devant ces tribunaux, si la partie, présente à l'audience, ne l'autorise, ou s'il n'est muni d'un pouvoir spécial. Ce pouvoir, qui pourra être donné au bas de l'original ou de la copie de l'assignation, sera exhibé au greffier avant l'appel de la cause, et par lui visé sans frais.

Art. 14. Les fonctions des juges de commerce seront seulement honorifiques.

Art. 15. Ils prètent serment avant d'entrer en fonctions, à l'audience de la cour d'appel, lorsqu'elle siége dans l'arrondissement communal où le tribunal de comInerce est établi; dans le cas contraire, la cour d'appel commet, si les juges de commerce le demandent, le tribunal civil de l'arrondissement pour recevoir leur serment; et dans ce cas, le tribunal en dresse procès-verbal, et l'envoie à la cour d'appel, qui en ordonne l'insertion dans ses registres. Ces formalités sont remplies sur les conclusions du ministère public, et sans frais. Art. 16. Les tribunaux de commerce sont dans les attributions et sous la surveillance du grand juge miuistre de la justice.

TITRE II.

De la compétence des tribunaux de commerce. Art. 17. Les tribunaux de commerce connaîtront: 1° De toutes contestations relatives aux engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers; 20 Entre toutes personnes, des contestations relatives aux actes de commerce;

Art. 18. La loi répute acte de commerce:

Tout achat de denrées et marchandises pour les revendre, soil en nature, soit après les avoir travaillées et mises en œuvre, ou même pour en louer simplement l'usage;

Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par ean;

Toute entreprise de fournitures, d'agences, bureaux d'affaires, établissements de ventes à l'encan, de spectacles publics;

Toutes opérations de change, banque et courtage; Toutes les opérations des banques publiques: Toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers;

Entre toutes personnes, les lettres de change, ou remises d'argent faites de place en place.

Art. 19. La loi répute pareillement actes de commerce: Toule entreprise de construction, et tous achats, Ventes et reventes de batiments pour la navigation intérieure et extérieure;

Toutes expéditions maritimes;

Tout achat ou vente d'agrès, apparaux et avitaille

ments;

Tout affrétement ou nolissement, emprunt ou prêts à la grosse; toutes assurances et autres contrats concernant le commerce de mer;

Tous accords et conventions pour salaires et loyers d'équipages;

Tous engagements de gens de mer, pour le service de bâtiments de commerce.

Art. 20. Les tribunaux de commerce connaîtront également:

10 Des actions contre les facteurs, commis des marchands ou leurs serviteurs, pour le fait seulement du trafie du marchand auquel ils sont attachés.

20 Des billets faits par les receveurs, payeurs, percepteurs ou autres comptables des deniers publics.

Art. 21. Ils connaitront enfin :

10 Du dépôt du bilan et des registres du commerçant en faillite, de l'affirmation et de la vérification des créances;

20 Des oppositions au concordat, lorsque les moyens de l'opposant seront fondés sur des actes ou opérations dont la connaissance est attribuée par la loi aux juges des tribunaux de commerce.

Dans tous les autres cas, ces oppositions seront jugées par les tribunaux civils.

En conséquence, toute opposition au concordat contiendra les moyens de l'opposant, à peine de nullité; 30 De l'homologation du traité entre le failli et ses créanciers;

40 De la cession des biens faite par le failli, pour la partie qui en est attribuée aux tribunaux de commerce par l'article 901 du Code de procédure civile.

Art. 22. Lorsque les lettres de change ne seront réputées que simples promesses, aux termes de l'article 112, ou lorsque les billets à ordre ne porteront que des signatures d'individus non négociants, et n'auront pas pour occasion des opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage, le tribunal de commerce sera tenu de renvoyer au tribunal civil, s'il en est requis par le défendeur.

Art. 23. Lorsque ces lettres de change et ces billets à ordre porteront en même temps des signatures d'individus négociants et d'individus non négociants, le tribunal de commerce en connaîtra; mais il ne pourra prononcer la contrainte par corps contre les individus non négociants, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occa-ion d'opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage.

Art. 24. Ne seront point de la compétence des tribunaux de commerce les actions intentées contre un propriétaire, cultivateur ou vigneron, pour vente de denrées provenant de son cru, les actions intentées contre un commerçant, pour payement de denrées et marchandises achetées pour son usage particulier.

Néanmoins, les billets souscrits par un commerçant seront censés faits pour son commerce, et ceux des receveurs, payeurs, percepteurs ou autres comptables de deniers publics, seront censés faits pour leur gestion, lorsqu'une autre cause n'y sera point énoncée.

Art. 23. Les tribunaux de commerce jugeront en dernier ressort :

1° Toutes les demandes dont le principal n'excédera pas la valeur de 1,000 franes;

20 Toutes celles où les parties justiciables de ces tribunaux, et usant de leurs droits, auront déclaré vouloir être jugées définitivement et sans appel.

Art. 26. Dans les arrondissements où il n'y aura pas de tribunaux de commerce, les juges du tribunal civil exerceront les fonctions et connaîtront des matières attribuées aux juges de commerce par la présente loi.

Art. 27. L'instruction, dans ce cas, aura lieu dans la même forme que devant les tribunanx de commerce, et les jugements produiront les mêmes effets.

TITRE III.

De la forme de procéder devant les tribunaux de

commerce.

Art. 28. La forme de procéder devant les tribunaux de commerce sera suivie, telle qu'elle a été réglée par le titre XXV du livre II de la première partie du Code de procédure civile.

Art. 29. Néanmoins, les articles 156, 158 et 159 du même Code (1), relatifs aux jugements par défaut rendus

(1) Gode de procedure civile, livre II, Des tribunaux inferieurs. Art. 456. Tous jugements par défaut contre une partie qui n'a pas constitué d'avoné, seront signifiés par un huissier commis soit par le tribunal, soit par le juge du domicile du défaillant que le tribunal aura désigné; its seront exécutés dans les six mois de leur obtention, sinon seront reputes non avenus.

Art. 158, Si le jugement est rendu contre une partie qui n'a pas d'avoué, l'opposition sera recevable jusqu'a l'exécution du jugement.

Art. 159. Le jugement est réputé exécuté, lorsque les meuEls ont été vendus, oa que le condamné a été emprisonné ou recommandé, ou que la saisie d'un ou de plusieurs de ses immenbles ni a été notifice, ou que les frais ont été payés, ou enfin lorsqu'il y a quelque acte duquel il résulte nécessairement que l'exécation di jugement a été connue de la partie défaillante: l'opposition formée dans les délais ci-dessus, et dans les formes ci-après prescrites, suspend l'exécution, si elle n'a pas été ordonnée nonobstant opposition.

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De la forme de procéder devant les cours d'appel. Art. 41. Le délai pour interjeter appel des jugements des tribunaux de commerce sera de trois mois, à compter du jour de la signification du jugement, pour ceux qui auront été rendus contradictoirement, et du jour de l'expiration du délai de l'opposition, pour ceux qui auront été rendus par défaut l'appel pourra être interjeté le jour même du jugement.

Art. 32. L'appel ne sera pas reçu lorsque le principal n'excédera pas la somme ou la valeur de 1,000 francs, encore que le jugement n'énonce pas qu'il est rendu en dernier ressort, et même quand il énoncerait qu'il est rendu à la charge de l'appel.

Art. 33. Les cours d'appel ne pourront, en aucun cas, à peine de nullité, et même des dommages-intérêts des parties, s'il y a lieu, accorder des défenses ni surseoir à l'exécution des jugements des tribunaux de commerce, quand même ils seraient attaqués d'incompétence; mais elles pourront, suivant l'exigence des cas, accorder la permission de citer extraordinairement, à jour et heure fixes, pour plaider sur l'appel.

Art. 34. Les appels des jugements des tribunaux de commerce seront instruits et jugés dans les cours, comme appels de jugements rendus en matière sommaire. La procédure, jusques et y compris l'arrêt définitif, sera conforme à celle qui est prescrite pour les causes d'appel en matière civile, au livre III de la Ire partie du Code de procédure civile.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis aux sections du Tribunat par un

message.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet. de loi concernant la détermination du sens et des effets de l'article 2148 du Code civil, relativement à l'inscription des créances hypothécaires.

Les orateurs du Gouvernement et ceux du Tribunat sont introduits.

M. le Président. La parole est aux orateurs du Tribunat.

M. Grenier, organe de la section de législation: Messieurs, le décret qui vous est présenté a pour objet de faire cesser une difficulté essentielle qui s'est élevée au sujet de l'article 17 de la loi du 11 brumaire an VII, et de l'article 2148 du Code Napoléon, qui ont mis au nombre des formalités de l'inscription hypothécaire la mention. de l'époque de l'exigibilité. Vous savez qu'il n'y a rien qui ne soit important sur cette matière, puisqu'une nullité reconnue donne lieu à la déchéance d'un droit qui fait quelquefois la majeure partie de la fortune d'un citoyen.

Le défaut de mention de l'époque de l'exigibilité a été considéré par la très-grande majorité des tribunaux, et notamment par la cour de cassation, comme devant donner lieu à la nullité de l'inscription.

On pouvait dire que le défaut de mention ne devait pas produire cette nullité, que l'énonciation de l'époque de l'exigibilité n'empêchait pas que la créance ne fut connue, et que cette connaissance était ce qui intéressait principalement les tiers; qu'enfin, les articles de foi que j'ai déjà cités ne prononcent pas la nullité de l'inscription, à raison de ce défaut d'énonciation.

Mais lorsqu'il s'agit de formalités prescrites par la loi, pour un acte qui ne prend son essence que par ces formalités mêmes, cet acte est toujours présumé n'exister légalement qu'autant que ses formalités ont été remplies.

D'ailleurs les autres formalités sans lesquelles

on ne peut concevoir qu'une inscription hypothécaire puisse avoir un effet, telles que la mention des noms, prénoms et domiciles du créancier et du débiteur, et celle du montant de la créance, ne sont pas plus exigées sous peine de nullité, que ne l'est l'indication de l'époque de l'exigibilité. Si donc, quoiqu'il n'y eût pas cette indication, on eùt prononcé qu'il n'y avait pas de nullité, il semble qu'on aurait été engagé à porter la même décision pour les autres cas énoncés dans la loi. L'uniformité dans la manière de juger semblait être dans les vues de la justice qui repousse l'arbitraire.

Tels sont les motifs des arrêts qui ont été rendus sur la difficulté.

Dans cet état de choses, le législateur ne peut demeurer dans l'inaction. Il n'a pas le pouvoir de réparer tous les maux qu'a produits l'erreur générale qui s'est formée sur le sens des deux articles de loi que j'ai indiqués. Il peut les empêcher de s'accroître, et il s'empresse de le faire.

Une dérogation à la disposition législative qui exige la mention de l'époque de l'exigibilité eût été d'abord fàcheuse en ce qu'on sent combien il est important de maintenir l'unité de la loi, soit pour lui conserver sa dignité, soit pour en faciliter l'intelligence et l'exécution. Mais bien loin que cette dérogation fùt nécessaire, la confirmation de cette formalité devait entrer au contraire dans les vues du législateur.

S'il est incontestable que l'objet de l'inscription hypothécaire est de faire connaître exactement à tous ceux qui y sont intéressés la créance pour laquelle cette inscription est prise, il est également certain que cette connaissance est imparfaite, et que l'inscription ne produit pas tous les effets que le législateur doit en attendre, si elle ne contient pas la mention qui fait l'objet du projet de loi.

On ne peut dire que ce soit la même chose, de pouvoir être contraint de payer sur-le-champ, ou de ne devoir qu'à l'expiration du terme, surtout si le terme est éloigné, et si la somme est considérable. Des conventions peuvent être formées ou ne pas l'être, entre le débiteur et des tiers, postérieurement à une inscription hypothécaire, selon la circonstance d'un délai. En un mot, il ne suffit pas de savoir qu'il existe une créance, on doit encore connaître ce qui la rend plus pesante ou plus légère.

La législation présente d'ailleurs un cas dans lequel la mention de l'époque de l'exigibilité devient une formalité sinon indispensable, au moins très-utile; ce qui seul suffirait pour déterminer à la maintenir.

Vous savez, Messieurs, que la transcription, sous quelques rapports, n'est pas rigoureusement nécessaire. Un acquéreur peut ne pas vouloir payer les hypothèques pour demeurer soumis comme l'était le vendeur aux dettes hypothécaires inscrites. Cette faculté résulte des articles du chapitre vi du titre du Code Napoléon, relatif aux hypothèques et priviléges. Dans ce cas, aux termes de l'article 2167, l'acquéreur jouit des termes et délais accordés au débiteur originaire. Cela arrive surtout lorsqu'il est question de créances, ou payables seulement à longs termes, ou non exigibles, telles que les rentes.

Or, dans cette circonstance, la nécessité de la mention de l'époque de l'exigibilité ou de la nonexigibilité se fait aisément sentir. Cette mention peut seule assurer les engagements d'un acquéreur qui contracte dans cette intention. Ils ne doivent pas dépendre d'assertions de la part du ven

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