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Au domicile des personnes indiquées par la lettre de change pour la payer au besoin;

Au domicile du tiers qui a accepté par intervention;
Le tout par un seul et même acte.

En cas de fausse indication de domicile, le protêt est précédé d'un acte de perquisition.

Art. 174. L'acte du protèt contient :

La transcription littérale de la lettre de change, de l'acceptation, des endossements, et des recommandations qui y sont indiquées;

La sommation de payer le montant de la lettre de change.

Il énonce :

La présence ou l'absence de celui qui doit payer; Les motifs du refus de payer, et l'impuissance ou le refus de signer.

Art. 175. Nul acte, de la part du porteur de la lettre de change, ne peut suppléer l'acte de protêt, hors le cas prévu par les articles 150 et suivants, touchant la perte de la lettre de change.

Art. 176. Les notaires et les huissiers sont tenus, à peine de destitution, dépens, dommages-intérêts envers les parties, de laisser copie exacte des protêts, et de les inscrire en entier, jour par jour et par ordre de dates, dans un registre particulier, coté, paraphé, et tenu dans les formes prescrites pour les répertoires.

8 XIII. Du rechange.

Art. 177. Le rechange s'effectue par une retraite. Art. 178. La retraite est une nouvelle lettre de change, au moyen de laquelle le porteur se rembourse sur le tireur, ou sur l'un des endosseurs, du principal de la lettre protestée, de ses frais, et du nouveau change qu'il paye.

Art. 179. Le rechange se règle, à l'égard du mineur, par le cours du change du lieu où la lettre de change était payable, sur le lieu d'où elle a été tirée.

Il se règle, à l'égard des endosseurs, par le cours du change du lieu où la lettre de change a été remise ou négociée par eux, sur le lieu où le remboursement s'effectue.

Art. 180. La retraite est accompagnée d'un compte de

retour.

Art. 181. Le compte de retour comprend : Le principal de la lettre de change protestée; Les frais de protèt et autres frais légitimes, tels que commission de banque, courtage, timbre et ports de lettres.

Il énonce le nom de celui sur qui la retraite est faite, et le prix du change auquel elle est négociée.

Il est certifié par un agent de change.

Dans les lieux où il n'y a pas d'agent de change, il est certifié par deux commerçants.

Il est accompagné de la lettre de change protestée, du protêt, ou d'une expédition de l'acte de protêt.

Dans le cas où la retraite est faite sur l'un des endos. seurs, elle est accompagnée, en outre, d'un certificat qui constate le cours du change du lieu où la lettre de change était payable, sur le lieu d'où elle a été tirée.

Art. 182. Il ne peut être fait plusieurs comptes de retour sur une même lettre de change.

Ce compte de retour est remboursé d'endosseur à endosseur respectivement et définitivement par le tireur.

Art. 183. Les rechanges ne peuvent être cumulés. Chaque endosseur n'en supporte qu'un seul, ainsi que le tireur.

Art. 184. L'intérêt du principal de la lettre de change protestée faute de payement est dû à compter du jour du protêt.

Art. 185. L'intérêt des frais de protêt, rechange, et autres frais légitimes, n'est dû qu'à compter du jour de la demande en justice.

Art. 186. Il n'est point dû de rechange, si le compte de retour n'est pas accompagné des certificats d'agents de change ou de commerçants, prescrits par l'article 181. SECTION II. Du billet à ordre.

Art. 187. Toutes les dispositions relatives aux lettres de change, et concernant :

L'échéance,

L'endossement,

La solidarité,

L'aval,

Le payement,

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Le nom de celui à l'ordre de qui il est souscrit,
L'époque à laquelle le payement doit s'effectuer,
La valeur qui a été fournie en espèces, en marchan-
dises, en compte, ou de toute autre manière.
De la prescription.

SECTION III.

Art. 189. Toutes actions relatives aux lettres de change, et à ceux des billets à ordre souscrits par des négociants, marchands ou banquiers, ou pour faits de commerce, se prescrivent par cinq ans, jour du protêt, ou de la dernière poursuite juridique, compter du s'il n'y a eu condamnation, ou si la dette n'a été reconnue par acte séparé.

Néanmoins, les prétendus débiteurs seront tenus, s'ils en sont requis, d'affirmer, sous serment, qu'ils ne sont plus redevables; et leurs veuves, héritiers ou ayants cause, qu'ils estiment de bonne foi qu'il n'est plus rien dû.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera communiqué aux sections du Tribunat.

CORPS LÉGISLATIF.
PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 3 septembre 1807.

Le procès-verbal de la séance d'hiver est adopté. MM. Ségur, Treilhard et Redon, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Ségur présente un projet de loi intitulé: Code du commerce (Livre III).

En voici le texte et l'exposé des motifs :

MOTIFS

Du projet de loi contenant le Livre III du Code du commerce, sur les faillites et banqueroutes. Messieurs, l'EMPEREUR a rétabli et porté au plus haut degré la réputation de nos armes ; il a fait renaître la justice dans nos lois, l'ordre dans notre administration; il veut plus encore, il veut ressusciter la morale publique, parce qu'il sait que sans elle les nations qui jettent le plus d'éclat n'ont point de grandeur réelle, de puissance solide, de prospérité durable : nous avons assez de gloire, il nous faut des mœurs.

C'est dans cette vue qu'il nous charge de vous présenter une loi sévère son titre suffit pour vous faire connaître son importance; c'est une loi sur les faillites et les banqueroutes.

Malheureusement, cette loi répressive est devenue un besoin public; l'indignation générale l'appelle,le vœu universel l'attend; tout ce que la France renferme de négociants honnêtes la réclament, et peutêtre, pour la première fois, on serait tenté de croire que la vigilance infatigable de notre souverain, qui, jusqu'à présent, a prévenu tous les vœux du peuple français, n'a fait aujourd'hui qu'y répondre.

Mais vous le savez comme nous, Messieurs, celui qu'on n'oubliera jamais et qui jamais n'a rien oublié, s'est occupé sans relâche, depuis plusieurs années, de cette partie importante de la législation.

Un projet de Code du commerce, rédigé en l'an IX, par des hommes habiles, contenait déjà des remèdes salutaires pour les maux dont on se plai

gnait, et semblait offrir un frein suffisant pour arrêter le scandale public de ces banqueroutes audacieuses et répétées, qui laissent tant de coupables sans honte et tant de victimes sans ressources et sans vengeance; cependant la voix publique y demandait plus de sévérité.

Mais personne ne sait mieux que SA MAJESTÉ combien il faut de rapidité pour faire de grandes conquêtes et de lenteur pour faire de bonnes lois plus les maux sont grands, plus il faut que le législateur se méfie de l'indignation qu'ils lui inspirent. Un acte d'administration peut être rigoureux sans danger; cet acte n'est que pour un temps: la loi est pour toujours; elle doit s'appliquer non à une circonstance, mais à toutes, non à une capitale où le luxe relâche la morale, mais à l'étendue des provinces d'un immense empire, où les bonnes mœurs sont encore respectées; cette loi doit encourager la probité, secourir le malheur, corriger l'inconduite et punir le crime; elle doit être indulgente pour les uns, inexorable pour les autres, juste pour tous.

Pour mieux connaitre la vérité, l'EEMPEREUR a voulu nous environner de lumières : le projet de Code a été envoyé à toutes les chambres, à toutes les cours, à tous les tribunaux de France; leurs observations sur ce projet ont été imprimées. Le Code a été modifié par les premiers rédacteurs, d'après ces observations, et depuis plusieurs années, le conseil d'Etat s'est occupé, pour obéir aux ordres de Sa Majesté, à comparer ensemble ce projet de Code et ces observations avec les anciennes ordonnances et les lois des nations les plus commerçantes de l'Europe.

Nous vous offrons aujourd'hui le résultat de ce travail, avec d'autant plus de confiance, qu'il est le fruit de longues discussions éclairées par l'expérience de tout ce que notre pays renferme de négociants honnêtes et d'habiles magistrats.

Chargé particulièrement de vous présenter le IIle livre de ce Code, qui traite des faillites et des banqueroutes, je vais, le plus rapidement qu'il me sera possible, vous en développer le système, et vous rendre compte des motifs qui nous l'ont fait adopter.

Pour remédier aux désordres qui depuis quelques années ont si scandaleusement flétri le commerce en France, il fallait d'abord en reconnaître les véritables causes. Il en existe deux principales. La première, c'est la Révolution, qui, par son mouvement violent, bouleversant les hommes, les fortunes, les classes, offrant aux espérances comme aux craintes les plus déréglées des chances sans bornes et des abimes sans fond, mettant à la place de l'argent un papier dont le cours forcé et la chute rapide ne laissait à rien de valeur fixe, et de crédit réel à personne, a ouvert un champ libre aux calculs de l'avidité et aux spéculations de la mauvaise foi.

Les faillites, loin d'être un sujet de honte, étaient devenues un moyen de fortune, dont on prenait à peine le soin de déguiser la source; et si ces nombreuses banqueroutes n'étaient pas toujours l'ouvrage de la fraude, elles étaient au moins celui de l'ignorance, parce que tout le monde voulait faire le commerce, sans rien savoir de ce qu'exige cette profession.

Le remède au mal que je viens de décrire est dans le temps; déjà l'on en ressent les heureux effets le retour de la tranquillité publique, la sage fermeté du gouvernement, la disparition du papier, le rétablissement du crédit, remettent peu à peu les choses dans leur cours ordinaire, et les hommes dans leur ordre naturel; le honteux agio

tage disparaît; les professions se classent; les liens se resserrent, et l'honneur national achevera bientôt de dissiper tout ce qui peut rester encore de cette déplorable anarchie.

Ainsi, Messieurs, cette première cause des désordres de notre commerce w'a dù influer que faiblement sur le travail dont nous étions chargés, puisqu'elle cesse, pour ainsi dire, d'elle-même d'agir.

La seconde cause plus durable du fléau des banqueroutes vient de l'imperfection des lois.

Nous ne prétendons pas ici atténuer la juste estime due aux ordonnances de Louis XIV et aux travaux immortels de Colbert; l'ordonnance de 1673 était une loi sage et suffisante pour le temps où elle a été rendue on commençait alors, en France, à s'occuper du commerce; il était, pour ainsi dire, à son berceau: tout ce qui vient de naître veut des règles simples. Une très-faible partie de la population française se livrait au commerce; les mœurs des négociants étaient pures; la marche des affaires était lente; le cours des spéculations borné. Depuis cette époque, le commerce, par des progrès rapides, a changé les mœurs des hommes et les destins des Etats, et transportant le sceptre de la domination là où il établissait la puissance du crédit, il est devenu un des plus grands objets de l'étude des législateurs et l'ambition des peuples.

Cette étendue, cette importance, cette activité du commerce exigent à présent une législation plus prévoyante et qui offre plus de garantie la réflexion suffit pour le faire sentir, et une triste expérience l'a démontré.

Nos anciennes lois s'étaient bornées à prescrire au débiteur failli des formes dont l'inexécution était sans danger pour lui; la contrainte par corps était la seule garantie des créanciers.

Les transactions se faisaient sans aucune surveillance de l'autorité publique; elle ne se montrait que pour sanctionner des traités surpris par la mauvaise foi, ou arrachés au découragement.

La faillite, qui n'était regardée que comme un malheur tant que la fraude n'était pas prouvée, laissait le failli indépendant pour l'administration de ses biens.

L'insouciance des créanciers, qui étaient sans guide et sans appui, les plaçait forcément dans la dépendance du débiteur.

Les syndics choisis dans les premiers moments de la faillite, quelquefois par des créanciers supposés, souvent par des amis ou parents du failli, presque toujours par un petit nombre de créanciers présents qu'on désintéressait aux dépens des absents, déguisaient les malversations du failli, la vraie situation de la faillite, et forçaient les créanciers découragés à des traités désastreux, dont l'effet était d'ôter au banqueroutier la honte, à ses victimes les trois quarts de leur propriété, et de laisser au débiteur les moyens d'afficher un luxe insultant.

Si le traité n'avait pas lieu par la résistance de quelques créanciers indignés, l'union se formait; mais les liquidations étaient livrées à des hommes qui trouvaient leur intérêt à les éterniser: aucune autorité ne les surveillait, et les créanciers, fatigués par des lenteurs interminables, finissaient par renoncer à un espoir qu'aucune répartition ne soutenait.

Je ne parlerai pas des droits divers et souvent opposés des créanciers, de ceux des femmes qui, après avoir favorisé le luxe et le désordre de leurs maris, plaçaient sous leur nom, à l'abri de toutes poursuites, les dépouilles qu'ils avaient enlevées

à leurs victimes: un orateur plus savant et plus éloquent que moi s'est chargé de vous exposer les lacunes de nos lois sur cette matière, et les moyens que nous avons cru devoir prendre pour remédier à ces abus.

L'ordre public n'était pas plus garanti que la propriété particulière. La loi ne connaissait que le malheur ou la friponnerie; elle présumait le malheur, il fallait prouver la fraude : le créancier en était chargé à ses frais; il était naturel qu'il s'occupât plus de sa propriété que de sa vengeance; aussi, malgré la sévérité de la loi contre les banqueroutes frauduleuses, rien n'a été plus rare que son application, et certes, rien n'était plus encourageant que cette impunité.

Après avoir exposé, Messieurs, le tableau fidèle des abus qui existent, tableau dont nous ne croyons pas qu'on puisse contester la vérité, je dois vous expliquer le système de la loi nouvelle que nous proposons, afin de vous mettre à portée de juger si, comme nous osons nous en flatter, elle offre un remède suffisant à ces désordres, une protection assez vigilante aux créanciers, un frein assez redoutable pour l'inconduite et la fraude, et une garantie assez solide pour l'ordre public.

Le législateur, en s'occupant d'une loi si grave, se trouve d'abord placé entre deux écueils qu'il doit également éviter celui d'être trop sévère pour le malheur, ou trop indulgent pour la mauvaise foi aussi, la première question qui nous a occupés, et celle dont la solution sert de base à tout le système de la loi, est celle-ci :

Un négociant qui manque à ses engagements et qui fait faillite, doit-il être, par sa faillite, présumé frauduleux ou considéré comme malheureux, jusqu'au moment où l'examen de tous ses livres et de toutes les créances aura fait reconnaître la vérité?

Nous vous avons démontré tous les abus nés de l'ancienne loi, qui, ne regardant le failli que comme malheureux, le laissait dans l'indépendance, lui conservait presque l'impunité, et forçait presque toujours les créanciers à signerà son gré son absolution et leur ruine.

D'un autre côté, il aurait paru bien rigoureux de considérer toute faillite comme un crime, et de traîner devant les tribunaux criminels tout négociant que le malheur du temps ou la force des circonstances auraient mis dans l'impossibilité de remplir ses engagements.

:

Très-souvent la faillite est un naufrage dont on ne peut accuser que le sort le commerce a ses orages comme l'Océan ; les événements du monde, les mouvements de la politique, la guerre, la paix, la disette, l'abondance même apportent des changements imprévus, donnent des commotions subites au commerce, et trompent ses combinaisons les plus sages; souvent, enfin, un négociant trompé par sa confiance, et accablé à la fois par plusieurs banqueroutes qu'il éprouve, est contraint lui-même de manquer à des engagements qu'il se croyait certain de pouvoir tenir.

Ces considérations justes et puissantes, Messieurs, doivent fixer fortement l'attention du législateur, et l'éloigner également, et d'une sévérité trop inflexible, et d'une indulgence trop dan

gereuse.

On a donc cru qu'il fallait considérer tout failli, non comme un coupable, non comme un homme innocent, mais comme un débiteur dont la conduite exigeait un examen rigoureux et une solide garantie.

Il existe un délit, puisqu'il y a eu violation d'en

gagements et de propriétés. Celui qui a commis ce délit peut y avoir été conduit par le malheur, par l'inconduite ou par la mauvaise foi.

Si c'est par malheur, il doit être protégé; si c'est par inconduite, il doit subir une correction; si c'est par fraude, il doit être livré à toute la sévérité de la justice criminelle.

Le malheur doit être démontré par le failli; l'inconduite, prouvée par les créanciers ou la partie publique; la fraude, poursuivie par l'autorité.

Dans tous les cas, le failli ne doit plus disposer de l'administration de ses biens; ils sont le gage et la propriété de ses créanciers; il ne doit même avoir la liberté de sa personne que lorsque l'examen de sa conduite offre la présomption de son innocence.

Tant que ses créanciers sont inconnus, ne sont pas vérifiés; tant que les créanciers absents n'ont pas été mis à portée de faire valoir leurs droits, l'administration de ses biens, l'examen de ses papiers, la conduite de ses affaires, doivent être confiés à des mains désintéressées, nommées par le tribunal de commerce, et surveillées par un juge de ce tribunal. Les créanciers, dès qu'ils sont connus, doivent intervenir dans le choix des hommes chargés de leurs intérêts; on leur donne connaissance de toute la marche, de tous les détails de l'administration de la faillite; le com. missaire accélère leur réunion, leur vérification; aucun traité ne peut être conclu entre eux et le débiteur qu'à la majorité des voix, combinée ayee une majorité en sommes égales aux trois quarts de leurs créances.

S'il n'y a pas de concordat, les créanciers, tous réunis, tous vérifiés, éclairés par les comptes que leur rend une administration impartiale, nomment des syndics, qui, sous la surveillance du commissaire et l'autorité du tribunal, font une liquidation prompte et des répartitions égales.

Pendant toute la marche de ces opérations, le commissaire, les agents, les syndics, sont tenus de faire connaître au magistrat de sûreté toutes les circonstances de la faillite; il peut, par lui-même, prendre les renseignements nécessaires, et dès qu'il lui apparaît quelque indice ou d'inconduite ou de fraude, il doit appeler le failli devant le tribunal correctionnel, où le traduire devant le tribunal criminel.

Tel est, Messieurs, l'esprit général du système de la loi que SA MAJESTÉ nous ordonne de vous présenter; nous croyons que ses utiles résultats seront :

Premièrement, d'offrir aux créanciers une garantie solide, une protection active et surveillante, une certitude ou de terminer leurs affaires par un juste concordat, ou d'obtenir une prompte liquidation.

Deuxièmement, de réprimer le luxe scandaleux et l'imprudence des spéculations hasardées par la crainte du nom de banqueroutier et des peines correctionnelles appliquées à la banqueroute d'inconduite.

Troisièmement, d'assurer le châtiment de la mauvaise foi, et de l'effrayer par d'utiles exemples. Quatrièmement, enfin, d'offrir à tout négociant honnête et malheureux les moyens de se tirer de la position incertaine et cruelle où l'ancienne législation le laissait, et de conserver au moins son honneur en perdant sa fortune; car la rigueur même de la loi offre une garantie certaine pour la probité, et tout négociant que des circonstances forcées auront réduit à la nécessité de ne pas remplir ses engagements, ne sera plus confondu

avec l'imprudent qui a joué l'argent de ses créanciers, ou fe fripon qui l'a volé. Le négociant probe, mais infortuné, après avoir subi toutes les rigueurs de la fortune dont je viens d'indiquer l'ensemble, et après avoir vu ses livres, ses créances, ses papiers, sa conduite, soumis à une surveillance si active, si impartiale, si rigide; sa liquidation opérée sans que les agents, les syndics, les commissaires, les créanciers, la partie publique aient pu trouver la moindre cause de le conduire devant les tribunaux, pourra exiger hautement l'estime et la pitié; il pourra même conserver l'espoir, en complétant ses payements, si quelques circonstances lui en offrent les moyens, d'obtenir une réhabilitation d'autant plus honorable que nous avons cherché à la rendre plus difficile.

Je viens, Messieurs, de vous faire connaître l'esprit du système de la loi nouvelle; je vais à présent en suivre la marche, et vous exposer sommairement les motifs des principales dispositions qu'elle renferme.

Je ne vous parlerai pas des dispositions générales qui sont placées à la tête de la loi. L'exposé que je viens de faire du système qui les a dictées, vous a, je l'espère, suffisamment expliqué la distinction que nous croyons nécessaire d'établir entre la faillite, la banqueroute et la banqueroute frauduleuse.

Le chapitre le contient les dispositions que les rédacteurs du projet de code et les chambres et tribunaux de commerce avaient jugé convenable d'ajouter aux dispositions de l'ordonnance de 1673, pour fixer avec plus de précision l'ouverture de la faillite, et pour empêcher l'existence de tous les actes frauduleux que le négociant qui prévoit sa faillite pourrait être tenté de faire dans les dix jours qui la précèdent.

L'article 6 de ce chapitre fixera particulièrement votre attention; il déclare que le failli, à dater du jour de sa faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens cette disposition seule, Messieurs, suffirait déjà pour mettre un frein au scandale qui yous a le plus frappés dans les faillites, et pour offrir aux créanciers une juste espérance de ne plus voir disparaitre ce que le malheur ou l'inconduite ont pu leur laisser.

Dans le chapitre II, vous remarquerez le soin avec lequel la loi veille à la promptitude de l'apposition des scellés, précaution salutaire et sans laquelle le sort des créanciers serait si facilemént compromis.

Après avoir dessaisi le failli de l'administration de ses biens, et apposé le scellé sur ses effets et ses papiers, il fallait, premièrement, s'assurer de la personne du débiteur jusqu'au moment où l'on aura reconnu s'il est innocent, imprudent ou coupable; deuxièmement, organiser l'administration de ses biens, qui ne sont, pour ainsi dire, déjà plus sa propriété, et qui doivent servir de gage à des créanciers que l'on ne connaît pas encore. Autrefois, les premiers venus, se disant créanciers, nommaient des syndics, et je crois vous avoir prouvé combien cette première imprudence avait été favorable à la mauvaise foi, et funeste pour ses victimes.

Nous avons pensé que cette administration temporaire devait être confiée à des hommes désintéressés, à des agents nommés par le tribunal de commerce, et quoiqu'il parût difficile de prendre un parti plus sage, et qui offrit plus de garantie à l'ordre public et à l'intérêt privé, on a cru devoir placer ces agents sous la surveillance immé

diate d'un commissaire choisi parmi les juges du tribunal de commerce. Le besoin d'une telle surveillance était si généralement senti, que lorsque les rédacteurs du projet de Code proposèrent d'établir pour les faillites un commissaire du gouvernement près des tribunaux de commerce, la majorité des chambres de commerce approuva cet établissement, dont les inconvénients étaient cependant palpables. L'influence d'un tel magistrat sur des tribunaux de négociants, dénaturait leur institution; et d'ailleurs, nous croyons superflu de démontrer combien il pourrait y avoir de danger à donner constamment aux mêmes hommes des fonctions si délicates, dans lesquelles on se trouve sans cesse exposé aux piéges de la séduction et à la méfiance du malheur.

La durée de l'administration des agents est fixée à quinze jours, et ne peut se prolonger plus d'un mois. Ce terme nous a paru suffisant pour connaitre un grand nombre de créanciers légitimes; et dès qu'ils sont connus, il est juste de les appeler à l'examen et à l'administration de leurs affaires.

L'objet du chapitre IV est de régler les fonctions des agents et la conduite qu'ils doivent tenir à l'égard du failli; presque toutes ces dispositions tendent à assurer le prompt examen des livres et des effets du failli, à reconnaître si le débiteur peut être mis provisoirement en liberté, et appelé pour donner les éclaircissements nécessaires sur sa situation les agents peuvent recevoir les sommes dues, et vendre les denrées sujettes à un dépérissement prochain. On a pris toutes les précautions nécessaires pour la sûreté des sommes perçues, et pour borner les attributions de cette administration provisoire aux mesures d'une urgente nécessité.

Le bilan est l'objet que traite le chapitre V. Les anciennes lois et les usages avaient tout prévu à cet égard; nous n'y avons ajouté que le droit donné au juge-commissaire d'interroger tous les individus qui pourraient lui donner des renseignements utiles pour la formation ou rectification du bilan.

Le chapitre VI est relatif à la nomination des syndics provisoires. Lorsque les créanciers connus se sont réunis en certain nombre, ils proposent une liste triple du nombre des syndics provisoires qu'ils jugent devoir être nommés sur cette liste, le tribunal fait sa nomination. On a cru que cette disposition était la seule qui pût concilier le droit et l'intérêt des créanciers avec la certitude d'un bon choix. Après la nomination des syndics provisoires, les agents cessent leurs fonctions, et ces agents ne reçoivent d'indemnités que s'ils ne sont pas créanciers; c'est presque donner la certitude que les agents seront toujours pris par le tribunal parmi les créanciers, hors les cas très-rares où le tribunal aurait eu de justes motifs de suspecter les titres des premiers créanciers qui se seraient fait connaître'au moment de la faillite.

Nous insistons sur ce point, car l'apparente complication qu'offre le système qui crée des agents, des syndics provisoires et des syndics définitifs, doit disparaître dans l'exécution de la loi, et il est plus que probable que les choix faits par le tribunal inspireront une juste confiance aux créanciers, et que presque toujours les mêmes hommes dans une faillite, qui auront été agents, seront confirmés comme syndics provisoires, et deviendront, s'il y a lieu, syndics définitifs.

Les syndics provisoires doivent procéder diligemment à la levée des scellés et à l'inventaire; ces opérations sont l'objet du chapitre VIII; c'est là qu'on a cru devoir placer la disposition impor

tante qui oblige les agents, les syndics à mettre sous les yeux du magistrat de sûreté tous les renseignements qui peuvent lui faire connaître les circonstances de là faillite, et cette mesure sévère sera l'effroi du crime et la sauvegarde de l'inno

cence.

Vous remarquerez encore, Messieurs, dans ce chapitre, la disposition qui ordonne de verser à la caisse d'amortissement tous les fonds perçus par les agents et syndics; vous penserez, sans doute, comme nous, qu'on peut être assuré de la promptitude des liquidations, lorsque personne ne pourra plus avoir d'intérêt à en prolonger la durée.

La vérification des créances est soumise à des formes consacrées par l'approbation de toutes les chambres de commerce; et la surveillance du commissaire que nous y avons ajouté doit donner sur cet objet important, une complète sécurité ; les enquêtes, l'apport des registres, ordonné dans certains cas, doivent rassurer tout créancier légitime, et dissiper toute crainte d'erreur ou de fraude à cet égard. Les créanciers étant tous reconnus et vérifiés, s'assembleront, et recevront les comptes des syndics provisoires; ils pourront faire, avec leur débiteur, un traité, mais ce traité ne peut s'établir que par le concours d'un nombre de créanciers formant la majorité, et représentant, en outre, par leurs titres, les trois quarts de la totalité des sommes dues. C'est par ce moyen, Messieurs, que nous avons cru mettre une digue à ces traités désastreux, que la collusion d'un petit nombre de gros créanciers surprenait à la majorité lorsqu'on ne considérait que la force des créances, ou à ces traités tout aussi désavantageux qu'une majorité en nombre de petits créanciers, pressés par le besoin, pouvait faire contre le vœu et l'intérêt des créanciers auxquels il était dù des sommes considérables: nous croyons, par cette mesure, avoir rempli ce que veut la justice et ce que l'ordre exige. Ce traité ne peut être valable qu'après avoir été homologué, et jamais l'homologation n'aura lieu lorsque le failli se trouvera prévenu d'inconduite ou de fraude.

Si le traité n'a pas lieu, les créanciers formeront un contrat d'union, et nommeront des syndics définitifs, chargés, sous la surveillance du commissaire et l'autorité du tribunal, de rectifier le bilan s'il y a lieu, d'administrer la faillite, de percevoir, de vendre et de procéder à la liquidation de la masse, selon l'ordre des diverses espèces de créances.

C'est ici que, nous reposant du devoir d'exposer les motifs d'une loi sévère, nous pouvons, après tant de mesures dictées par une sage défiance et par une rigueur nécessaire, vous parler de celle que le malheur inspire à l'humanité.

Dans ce chapitre, vous trouverez des dispositions qui règlent les secours que la masse doit donner au failli, avec lequel elle n'a point traité: ces secours seront proportionnés à ses besoins, à son état, surtout à sa conduite, et au plus ou moins de perte qu'il fera supporter à ses créanciers. Vos sentiments sont trop conformes aux nôtres pour craindre que vous n'approuviez pas une mesure de bienfaisance, lorsqu'elle est réglée par la justice.

M. Treilhard, mon collègue, vous développera les motifs des dispositions contenues dans les chapitres IX, X et XI, relatifs aux différentes natures de créances.

Je passe au titre II du projet de la loi; il règle les formes à suivre pour la cession des biens; mais comme toutes les dispositions qu'il renferme

sont tirées du Code de procédure civile, il n'exige aucune observation particulière.

Le titre III contient une innovation importante, et mérite par conséquent de fixer votre attention. La revendication était d'usage en France depuis longtemps, et cette faveur accordée au vendeur de reprendre sa marchandise lorsqu'il pouvait en prouver l'identité, lorsqu'il la retrouvait sous balle, sous corde ou sans altération, n'était réglée par aucune loi, et variait suivant les localités : cet usage était la source d'un grand nombre de contestations et le sujet perpétuel des plaintes des créanciers dans toutes les faillites; ils supportaient avec peine ce privilége, et le regardaient comme une injustice. Les rédacteurs du projet de Code avaient supprimé et interdit toute revendication; le plus grand nombre des chambres et des tribunaux de commerce avaient approuvé ce changement par leur silence; d'autres avaient motivé leur approbation, quelques-uns avaient voté pour le maintien de la revendication, s'appuyant principalement sur cette raison, qu'il ne fallait pas changer sans nécessité un usage anciennement établi en France, et suivi dans quelques autres pays.

Après un examen approfondi, on a reconnu que l'usage de la revendication était une source de procès et un moyen de fraude, que la sagesse voulait en vain régler un usage qui n'est fondé ni sur le droit, ni sur l'équité, et que son plus grand inconvénient était surtout de laisser, par ce privilége, le sort des créanciers à la merci de la volonté du failli, qui pouvait à son gré favoriser l'un, sacrifier l'autre en conservant ou dénaturant les signes qui peuvent constater l'identité, el en retardant ou accélérant la vente des effets qui lui auraient été livrés. D'après ces considérations, on s'est décidé à ne permettre la revendication que pour la marchandise en dépôt, pour celles qui sont en route, et qui n'ont pu encore être sujettes à aucune confusion dans les magasins de l'acheteur: nous l'admettons encore pour les remises en effets non encore échus, ou échus et non encore payés, si ces remises ont été faites avec le simple mandat d'en recouvrer et d'en garder la valeur à la disposition du propriétaire.

On espère, par cette décision, rendre un service essentiel au commerce, tarir la source d'une foule de procès et remplir le vou de la majorité des chambres et des tribunaux dont on a consulté l'opinion.

Le titre IV traite de la banqueroute simple; il paraît démontré qu'en en consacrant les dispositions, vous porterez le remède le plus efficace au scandale qui excitait l'indignation générale; car on ne peut se le dissimuler, la fraude n'est pas la cause la plus commune de ce désordre; l'ignorance, le luxe, l'imprudence, en sont les véritables sources, et par l'ancienne loi, l'impunité lear était assurée; dès que la fraude n'était pas démontrée, l'innocence était reconnue, le crime pouvait être puni, mais rien ne réprimait l'immoralité. La nouvelle loi soumet à des punitions correctionnelles le négociant qui a fait des dépenses excessives, qui, malgré la connaissance du danger de sa situation, a compromis la fortune de ses créanciers par des spéculations imprudentes: il sera même accusable de banqueroute s'il n'a tenu régulièrement ses livres et rempli les formalités que lui prescrit la loi. Le nom de banqueroutier que cette loi lui fait craindre, sera, n'en doutons point, un frein puissant, et si elle n'épouvante pas ces hommes coupables, nés pour le crime et que rien n'arrête, elle pré

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