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l'idée vague et désastreuse de l'effusion du sang | humain et des ravages de la terre! Ceux qui flottent sous vos yeux marqueront l'époque de l'un des plus grands progrès dans cet art qui prépare les batailles et qui les gagne; ils attesteront que la guerre ne détruit pas toujours les empires, qu'elle les conserve aussi quelquefois; ils retraceront l'espérance que les nations vaincues par la France ont conçue dans les désastres mêmes de leurs défaites.

« Que d'ennemis vaincus à la fois! que de destinées de peuples changées en un instant!

<< Presque toutes les puissances de l'Europe avaient allié leurs haines déclarées ou secrètes; cette vaste coalition de ressentiments et de projets de vengeance était préparée, entretenue, et dirigée par deux empires, dont l'un dispose des trésors des deux mondes, l'autre de la population d'une grande partie des latitudes et des longitudes du globe. Leurs plans ont été conçus et mûris durant plusieurs années dans le plus profond silence ils ne sont dévoilés et connus qu'au moment où des armées autrichiennes touchent à nos frontières, et où toutes les mers du nord et du midi, chargées des hordes russes, vont les vomir sur nos côtes de l'Océan et de la Méditerranée.

« Absorbé jusqu'à ce moment dans d'autres méditations, dès qu'il a aperçu ces mouvements, et qu'il en a connu le but, Napoléon s'arrache à la vue des côtes de l'Angleterre, comme autrefois Annibal à la terre d'Italie. Rien n'est précipité dans sa marche, tout est disposé par des conceptions profondes, et tout a la rapidité de l'éclair et de la pensée. A peine ses ennemis ont appris qu'il avait quitté Boulogne, et déjà il a passé le Rhin sans obstacle; déjà il est devant eux, et autour d'eux, il les coupe et les enveloppe de toutes parts; la présence seule de Napoléon les a comme étourdis; elle a comme ôté le bon sens au général de l'Autriche, et le courage à ses soldats soixante mille Autrichiens viennent les uns après les autres déposer leurs armes à ses pieds, et lui ouvrir les chemins de la capitale de leur empire.

« Les Russes déjà battus plusieurs fois dans cette marche où il y a eu tant de triomphes avant qu'il y ait une seule bataille, lorsqu'ils le croyaient occupé dans Vienne à recevoir les tributs de l'admiration et de la soumission des peuples, les Russes le voient devant eux près d'Olmutz à l'instant où toutes leurs colonnes venaient aussi d'arriver et de se réunir. Les regards de toutes les nations de l'Europe, leurs craintes et leurs espérances sont fixés sur un seul champ de bataille; mais Napoléon n'a pas fait seulement les dispositions de son armée, il semble faire encore les dispositions de l'arméé ennemie. Il commande à ses mouvements par ceux qu'il fait devant elle; il la fait venir où il lui convient qu'elle soit; il la place dans des lieux où des Russes ne pourront longtemps déployer ce genre d'héroïsme qu'on leur connait, celui de se faire tuer. Il avait vaincu les Autrichiens sans avoir eu besoin d'une seule bataille; il gagne cette décisive bataille contre les Russes sans que la victoire puisse être un seul instant incertaine et flottante toutes les puissances ennemies sont dans la consternation, et le monde entier dans l'étonnement.

<< Ainsi triomphe toujours et partout ce rare et indomptable génie, tantôt en exaltant cet invincible courage de nos armées, qui depuis douze aus promènent leurs victoires dans l'Europe; tantôt, ce qui est sans doute le sublime de l'art

et du talent, en rendant les combats mêmes impossibles et inutiles pour ses ennemis; en leur montrant et en leur faisant avouer qu'ils sont vaincus, lorsqu'ils ont vu ses plans de campagne et de batailles: ainsi il élève bien plus haut encore la place qu'il occupait depuis longtemps parmi les premiers capitaines de tous les siècles. « Un officier français, à qui peut-être il n'a manqué pour remporter des victoires que de commander des armées, et qui, ne pouvant gagner des batailles, écrivit avec éloquence des livres qui enseignaient à vaincre; un juge trèséclairé et très-sévère de tous les modèles et de tous les maîtres de son art, dans un éloge de Frédéric II, où il ne reconnaît le génie de la guerre que dans ceux qui ont préparé leurs triomphes par de nouvelles créations dans la tactique, parmi tant de généraux, de rois et d'empereurs, dont les noms et les victoires fatiguent les pages de l'histoire ancienne et moderne, semble d'abord n'en apercevoir aucun qui puisse soutenir un parallèle avec son héros; il fait ensuite avancer le seul nom de César, et il croit l'élever encore en le plaçant à côté de celui de Frédéric; devant ces deux noms tous les autres s'anéantissent à ses yeux; il ne voit plus que Frédéric et César se donnant la main à travers le désert des siècles.

:

«Mais avec quel éclat de fortune et de génie Napoléon s'avancé vers ce même parallèle pour l'embellir ou pour l'effacer! Comme toutes les circonstances de sa dernière campagne rendent son rapprochement avec le grand Frédéric inévitable, et le font servir au rehaussement de sa gloire! II a les mêmes ennemis que Frédéric, et ce sont de même presque toutes les premières puissances militaires de l'Europe; il va les chercher dans les mêmes contrées et presque sur les mêmes champs de bataille mais devant Olmutz Frédéric reçoit un grand échec, et Napoléon gagne une grande victoire. Les revers et les triomphes se succèdent presque en égal nombre dans ces immortelles campagnes de Frédéric; se défendre avec succès est toute sa gloire, et ses victoires mêmes détruisent plusieurs fois ses armées : la fortune n'a point avec Napoléon de ces alternatives et de ces incertitudes; là où il commande, la guerre n'a plus de hasards; la victoire ne déserte pas un seul instant les drapeaux de la France; et trois armées de nos ennemis sont dispersées ou détruites lorsque l'armée qui a combattu sous les ordres de Napoléon chante presque tout entière les victoires qu'elle a remportées. Frédéric ne fit renoncer ses ennemis à leurs espérances qu'au bout d'une guerre de sept ans; Napoléon à confondu toutes les espérances des siens dans une campagne de sept semaines. Enfin, lorsque Frédéric rentra avec la paix dans ses Etats, les conserver sans qu'ils eussent été entamés fut l'unique avantage de tant de sacrifices, de tant d'héroïsme, de tant de batailles; et Napoléon, en déposant le glaive, va paraître au milieu des nations de l'Europe comme l'arbitre des destinées humaines, comme celui qui ôte et donne les Etats aux puissances. Quels prodiges! et comme en remplissant d'un bout de l'occident à l'autre les imaginations éblouies, ils reculent et enfoncent, pour ainsi dire dans la nuit des âges, toutes les renommées historiques!

« Cependant toute cette grandeur qui environne le nom de Napoléon, lorsqu'à peine il est arrivé la moitié de la vie humaine, ne peut pas être l'ambition de sa vie : il en a une bien plus digne d'un homme que ses destinées ont appelé à balancer les destinées de tant de peuples. Les monuments élevés à la seule puissance foulent la terre

qui les porte sur son sein; ceux qu'on érige aux seules victoires l'embellissent trop souvent, comme ces illusions qui cachent et enfantent des malheurs; et cette vérité, j'aime à la proclamer devant ces drapeaux mêmes qui font naître tant d'autres pensées que celles de la guerre. Quand les nations sont éclairées, la terre ne peut ni se parer que de ce qui la féconde, ni se réjouir que de ce qui prépare aux générations humaines plus de lumières, de sagesse et de bonheur. La protection accordée à ces arts utiles, unique patrimoine du pauvre qui les cultive, les encouragements prodigués à ces beaux-arts, seules jouissances de la richesse qui soient sans excès et sans remords; tous ces bienfaits, les plus grands que les peuples aient reçus jusqu'à ce jour de la puissance, seraient même désormais pour elle des titres insuffisants et précaires à la gloire des siècles. La première place dans le cœur des hommes, et jusqu'à ce jour elle est restée vacante, appartient à celui qui va se servir de toutes les lumières réunies dans son esprit, et de toutes les forces réunies dans ses mains pour perfectionner cet art social, le plus utile et le plus beau de tous les arts; elle appartient à celui qui fondera sa politique sur les principes de la morale universelle, qui va faire du code de la nature le code de plusieurs empires, et, comme l'éternel géomètre, n'aura pour volontés que des lois éternelles.

« Ainsi seulement pourra s'arrêter sur ce globe, toujours arrosé de sang et de larmes, ce cercle perpétuel de révolutions, où les lois sont effacées par les lois, les renommées par les renommées, et où, en changeant sans cesse de situation, l'espéce humaine passe incessamment des malheurs aux mal. heurs. A peu près comme dans ces doctrines que l'orgueil des savants appelait les lois de l'univers, les systèmes ont succédé aux systèmes, et les erreurs aux erreurs, jusqu'à l'époque où les Galilée, les Kepler et les Newton ont gravé devant l'esprit humain ces lois de la mécanique céleste, devenues aussi immuables dans nos sciences que dans la nature.

«Les législateurs du monde physique ont paru, et leur gloire, qui ne peut être éclipsée, ne peut même être partagée que par ceux qui confirment et qui étendent leurs découvertes. Le législateur du monde social, de son char de victoire, va se faire entendre à la terre; et la terre ne se taira point devant ce conquérant de toutes les vérités, devant le propagateur invincible de tous ces principes de l'ordre social, qui sont divins puisqu'ils sont vrais, puisqu'ils contiennent les droits des nations et leurs prospérités : la terre retentira de bénédictions; et les siècles, qui ne peuvent recevoir un pareil bienfait qu'une seule fois et d'un seul homme, ne se lasseront point de raconter et de se transmettre sa gloire.

« J'appuie la proposition de mon collègue M. le maréchal Pérignon. »

M. Lacépède, sénateur. Des orateurs éloquents viennent d'exprimer des sentiments que nous éprouvons tous. Ils ont émis des vœux que chacun de nous a formés.

Pourquoi viens-je donc, sénateurs, suspendre les effets de votre dévouement, de votre gratitude, et de votre admiration?

Une grande objection a combattu longtemps, dans ma pensée, le vœu qui vient de vous être présenté.

Elle pourrait arrêter le suffrage de plusieurs de mes collègues.

J'ai cru de mon devoir d'y répondre.

On demande, de toutes parts, que l'on élève des

monuments, et que l'on prépare des pompes triomphales pour le plus grand des héros.

Qui les à mieux mérités que Napoléon ? Mais, ajoutera-t-on, pourquoi les décerner? Quels monuments, quels triomphes manquent à sa gloire?

Il a couvert le monde de ses trophées.

Le Pô, le Tésin, l'Adda, le Mincio, l'Adige, le Nil, les antiques pyramides des sables brûlants de l'Egypte, les rives du Jourdain, la cité Africaine qui vit triompher Alexandre et César, les Alpes, dont le passage aurait seul immortalisé Annibal et Charlemagne, les champs de Marengo, où le génie des batailles déploya toute sa puissance; et pour ne parler que de ce petit nombre de jours dont l'Empereur a fait de longs siècles de gloire, les hauteurs d'Ulm, l'Iller, le Danube, l'Iser, les monts escarpés du Tyrol, l'Inn, la Drave, la Teya, et ce plateau d'Austerlitz, illustré à jamais par le bivouac du plus grand des capitaines, ne sont-ils pas, pour les prodiges de Napoléon, des témoins impérissables comme la nature?

Quelles pompes comparables à celles qui accompagnent ses pas ?

Depuis le moment où le Rhin a vu s'éloigner de ses rivages nos intrépides phalanges et leur chef invincible, quelles acclamations n'ont pas marqué sa marche triomphale?

Quels vœux la Germanie méridionale, délivrée ou conquise avec la rapidité de l'éclair, n'a-t-elle pas adressés vers celui qui a fait asseoir la sainte humanité sur son char de victoire?

Ces concerts de louanges qui, de génération en génération, se propageront jusques à la postérité la plus reculée; ces cris d'amour et de joie que, de toutes les parties de notre vaste empire, les Français élèvent vers leur Empereur, retentissent depuis les colonnes d'Hercule jusqu'à ces plages hyperboréennes où expire la puissance des czars.

On dirait que le souverain de toutes les Russies n'a rassemblé toutes les hordes de ses déserts dans les plaines de la Moravie, que pour qu'il n'y eût ni sous l'Ourse glacée, ni vers les contrées orientales et lointaines où finit l'ancien monde, aucun point du globe qui ne montrât un témoin des exploits de Napoléon et de sa graude

armée.

Pendant que, comme les éclats d'un tonnerre vengeur, ces chants de victoire, mille fois répétés, portent l'épouvante au milieu de ces fiers insulaires, auxquels on veut en vain cacher l'arrêt des destinées, ils traversent les mers, comme autant de présages de paix et de prospérité; et pénétrant jusques au fond des contrées immenses du nouveau monde, partout ils font tressaillir tous les cœurs généreux et amants de la véritable gloire.

Le nom de Napoléon sera à jamais célébré, et sous le toit hospitalier des habitants de l'Amérique, et sous la tente de l'Arabe et du Maure, et sous la cabane de l'Indien qui soupire après un libérateur, et sous les peaux sauvages que déploie le Tartare indompté, près les murs fameux du vieux empire des Chinois.

Dans les régions les plus reculées, son image vénérée ornera les palais des rois, embellira la retraite du sage, et, ce qui est bien plus encore, sera consacrée sous le chaume du pauvre.

Ah! depuis que les progrès de la civilisation ont répandu sur la surface du globe les bienfaits de l'imprimerie, il n'est plus d'obstacle pour la gloire des héros.

Ni le temps, ni l'espace ne peuvent l'arrêter. Lorsque la barbarie régnait, lors même qu'elle ne faisait encore que menacer d'envahir la terre,

de quelle gloire pouvait-on dire qu'elle résisterait au temps?

Qu'on rappelle ces ruines imposantes que le voyageur étonné rencontre au milieu des vastes forêts et des monts agreste de la grande Tartarie. Elles portent l'empreinte d'un vainqueur redoutable; on cherche son nom, il est ignoré à jamais. Telle serait la destinée des héros, sans le progrès des lumières.

C'est maintenant que l'on peut dire que le grand homme est de tous les pays et de tous les âges. Quelle contrée ne rappellera donc pas dans la suite des siècles, Napoléon le Grand, comme celui auquel on essayera de comparer le héros que l'on voudra louer le plus ? Quels triomphes, quels monuments peut-on maintenant demander?

Tout est, aujourd'hui, superflu pour l'Empereur. Mais tout ne l'est pas pour la France ni pour vous. Vous avez, sénateurs, un grand devoir à remplir. La nation vous demande avec impatience un signal éclatant.

Elle a recours à votre sagesse.

Elle veut que vous donniez à l'ardente expression des sentiments qui l'animent et l'entraînent, le sceau de la réflexion et de la durée.

Elle demande que vous imprimiez à ses vœux un caractère sacrẻ.

Elle désire que, du haut de ce palais, une grande et solennelle acclamation se fasse entendre, pour ainsi dire,comme la voix de la patrie reconnaissante. Ne retardez pas ce noble élan de la nation la plus aimante.

Et quel moment pourriez-vous préférer pour ce grand acte national?

L'auguste et digne frère du plus grand des monarques vous préside.

Un prince grand dignitaire, les ministres, de grands officiers et de grands fonctionnaires de l'Empire, siégent dans cette enceinte.

Le Tribunat tout entier, rassemblé pour la première fois dans ce palais, vous environne de votre heureuse famille.

Vous délibérez sous ces drapeaux que la bienveillance impériale et l'affection des braves a décernés au Sénat.

Je crois voir autour de nous la grande armée qui les a conquis; et le jour qui nous éclaire est le premier de l'année qui verra Napoléon donner la paix au monde.

Cependant que pouvez-vous pour le peuple et pour vous?

Proclamez ce qui est :

Montrez aux siècles à venir que Napoléon est aux yeux de la France tel que le verrà l'impartiale postérité.

J'émets le même vœu que les sénateurs qui m'ont précédé dans cette tribune.

A la suite de ce discours, l'orateur propose un projet de décret, qui est mis aux voix et adopté

en ces termes :

« Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions, du 22 frimaire an VIII;

« Après avoir, en séance publique, procédé à la réception et à l'inauguration des drapeaux ennemis, au nombre de cinquante-quatre, apportés aujourd'hui au Sénat par le Tribunat en corps, en vertu des ordres de S. M. l'Empereur et Roi;

Délibérant sur les propositions qui ont été faites par plusieurs membres, relativement au moyen de consacrer le souvenir des événements glorieux qui ont rempli la campagne de deux mois, terminée par la bataille d'Austerlitz;

« Décrète ce qui suit :

« Article 1er. Le Sénat conservateur, peuple français, consacre un phal à Napoléon le Grand.

monun

« Art. 2. Le Sénat en corps ira au S. M. Impériale et Royale, et lui présen mage de l'admiration, de la reconna de l'amour du peuple français. >>

M. Chaptal, sénateur, obtient la pard seconde proposition qu'il développé en

Vous venez de voter par acclamati nument triomphal au héros qui fait la bonheur de l'Empire. La France enti au vou des pères de la patrie; et la nat gueillit de reconnaitre son caractèr transports qui troublent si heureusem vité majestueuse et le calme accoutu délibérations, lorsque les faits ont sur ce que la raison pouvait espérer, tout magination pouvait concevoir, tout ce toire a pu nous transmettre; et le sage ne connaît plus alors que l'enthousi les célébrer.

<< Au monument glorieux que votre sance élève au vengeur de l'Empire, j d'en ajouter un autre qui, dans sa véri plicité, sera l'expression fidèle de vos so et qui renfermera un grand souvenir I toire, un grand exemple pour les pri grande leçon pour nos descendants.

<< Mais avant de vous en soumettre demande au Sénat la permission de relin qui lui fut adressée par Sa Majesté Impér la capitulation d'Ulm.

Sénateurs,

Lettre de l'Empereur.

Je vous envoie quarante drapeaux co mon armée dans différents combats qu lieu depuis celui de Wertingen; c'est un que moi et mon armée faisons aux sages pire; c'est un présent que des enfants for pères. Sénateurs, voyez-y une preuve de tisfaction pour la manière dont vous m'a stamment secondé dans les affaires les portantes de l'Empire. Et vous, França marcher vos frères; faites qu'ils accour battre à nos côtés, afin que, sans effusion sans efforts, nous puissions repousser nous toutes les armées que forme l'or de terre, et confondre les auxiliaires de seur des mers. Sénateurs, il n'y a pas en mois que je vous ai dit que votre Emp son armée feraient leur devoir; il me pouvoir dire que mon peuple a fait le s puis mon entrée en campagne, j'ai dispo armée de cent mille hommes; j'en ai f de la moitié prisonnière; le reste est tué ou déserté, et dans la plus grande conster Ces succès éclatants, je les dois à l'amour soldats, à leur constance à supporter les f Je n'ai pas perdu quinze cents hommes blessés. Sénateurs, le premier projet de la est déjà rempli. L'Electeur de Bavière est sur son trône. Les injustes agresseurs frappés comme de la foudre; et, avec l' Dieu, j'espère, dans un court espace de triompher de mes autres ennemis.

De mon camp impérial d'Elching 26 vendémiaire an XIV.

Signé : NAPOLÉON.
Par l'Empereur,

Le secrétaire d'Etat
Signé: H. B. MA

« Article premier. La lettre de Sa Majesté l'Empereur et Roi, datée d'Elchingen, le 26 vendémiaire an XIV, et par laquelle Sa Majesté fait don au Sénat de quarante drapeaux conquis par son armée, sera gravée sur des tables de marbre qui seront placées dans la salle des séances du Sénat. Art. 2. A la suite de cette lettre sera pareillement gravé ce qui suit :

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Sénateurs, vous êtes profondément émus de ces paroles touchantes, écrites par le vainqueur, sur le champ de bataille, en vous envoyant les drapeaux de l'ennemi : C'EST UN HOMMAGE, vous ditil, QUE MOI ET MON ARMÉE FAISONS AUX SAGES DE L'EMPIRE; C'EST UN PRÉSENT QUE DES ENFANTS FONT A LEURS PÈRES. Jamais la puissance militaire, qui fonde et protége les Etats, a-t-elle honoré davantage la puissance législative qui les affermit? Aviez-vous l'idée d'un conquérant, assez supérieur à la gloire des armes, surtout assez ami de l'humanité, pour s'arrêter au milieu de ses triomphes, et commander à la victoire de rendre hommage à l'autorité pacifique des lois? Mais qui de vous ne connaît le génie du héros qui, pour imprimer à son siècle un caractère particulier, ne se borne point aux conquêtes, ni aux prodiges des beaux-arts? Il veut que son règne soit celui des grandes pensées, des pensées libérales, utiles aux progrès de la raison, et au bonheur des peuples.

«Les arcs de triomphes, les statues, les chefsd'œuvre que l'art exécute sur le marbre et sur l'airain ne sont point, disait Pline à Trajan, les monuments les plus durables de la gloire des bons princes le seul hommage que l'adulation même ne peut rendre qu'aux grands hommes, c'est de perpétuer le souvenir de leurs paroles, et de les faire entendre, pour ainsi dire, à la dernière postérité. La parole d'un grand homme est presque toujours le cachet de son âme, l'empreinte de son caractère, la loi de son siècle, et là leçon de l'avenir.

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Quelques générations se sont à peine écoulées, et l'herbe a couvert cette colonne élevée, dans les plaines d'lvry, à la mémoire d'un monarque vainqueur des discordes civiles et des ligues étrangères; sa statue ne frappe plus nos regards au sein de nos cités; tandis que le vœu qu'il forma pour la félicité du laboureur restera éternellement gravé dans le coeur du peuple français.

« Aimer le peuple est sans doute un sentiment commun à tous les rois mais ne jamais perdre de vue ce qui assure son repos et son bonheur; sous la tente, sur le champ de bataille, au milieu des prestiges et des séductions de la victoire, apprendre à la force ce qu'elle doit à la sagesse; rappeler aux guerriers français, vainqueurs des nations, qu'ils sont les enfants du Sénat; prévoir et prévenir l'époque lointaine où des armées triomphantes pourraient croire qu'elles tiennent tout de la fortune; concilier et garantir la majesté du trône, les droits du souverain, l'autorité des magistrats, la gloire des armes, l'ordre, la liberté, la sécurité publique: voilà celui à qui l'empire du monde ne fera jamais perdre l'empire de luimême voilà Napoléon le Grand, tel qu'il s'est montré dans sa lettre mémorable au Sénat français.

«Je demande que cette lettre, gage de tant de sentiments et de souvenirs, monument à la fois mémorable pour le Sénat et glorieux pour l'armée, soit gravée sur des tables de marbre qui seront exposées dans la salle de nos séances. »

Son Altesse Impériale met aux voix la proposition, qui est convertie en décret ainsi qu'il suit:

« Le Sénat, délibérant sur la proposition d'un de ses membres, relative aux moyens de témoigner à Sa Majesté l'Empereur et Roi la reconnaissance du Sénat, pour le gage précieux qu'il reçoit de la bienveillance de Sa Majesté dans les drapeaux dont elle lui a fait don,

Decrête ce qui suit :

Les quarante drapeaux, et quatorze autres ajoutés aux premiers par Sa Majesté, ont été apportés au Sénat par le Tribunat en corps, et deposés dans cette salle le mercredi 1er janvier 1806.»

Son Altesse Impériale donne ensuite la parole au sénateur François (de Neufchâteau), qui s'exprime en ces termes":

M. François (de Neufchâteau), sénateur. « Les voilà, Sénateurs, ces trophées d'une gloire pure, ces trophées de la guerre, que l'humanité même considère avec joie, puisqu'ils honorent le génie, sans être teints de sang! Les voilà, ces trophées, ces drapeaux déposés par une armée autrichienne, défilant prisonnière devant l'Empereur des Français, vingt-quatre jours après son départ de Saint-Cloud! Les voilà, mes collégues, ces superbes trophées, ces drapeaux dont la place, dans l'enceinte de vos séances, a été désignée, à l'instant même du triomphe, par un message du vainqueur, sublime comme sa victoire! Quelle inspiration du ciel qui le conduit, lui a dit qu'il relèverait son glaive triomphant, qu'il lorsqu'il l'aurait baissé devant les magistrats? Quel Français pourra jamais lire sans attendrissement cette lettre au Sénat, écrite d'Elchingen, et présentant, comme un hommage de l'Empereur et de l'armée aux sages de l'Empire, les quarante drapeaux conquis dans les combats déjà rendus à cette époque, depuis celui de Wertingen! Sénateurs, ce message doit être regardé comme le plus beau monument qu'un chef de nation ait jamais érigé lui-même pour son Sénat et son ar

mée.

Je ne puis séparer la présence effective de ces admirables trophées, de la profonde émotion causée dans le Sénat par la lecture de la lettre qui nous annonçait leur envoi. Ce spectacle et ce souvenir pénètrent à la fois mon cœur de tant d'impressions, qu'en brûlant de les exprimer, je désespère de les rendre, et que je suis forcé de prendre la parole, quoique bien convaincu qu'en cette occasion la parole ne peut suffire à ma pensée. « Pardonnez, o mes chers collègues! ces drapeaux! les guerriers qui les portent dans cette enceinte les héros qui les ont conquis! les orateurs qui les présentent! ce grand homme qui les envoie! cet appareil, auquel on dirait que la France assiste tout entière; ce trône qui la sauve, et d'où je crois entendre les promesses toutes récentes de la victoire et de la paix! ce que je vois, ce qui m'écoute, ce que je viens d'entendre, tout me fait craindre de rester au-dessous de l'attente que tant de grandes circonstances doivent vous inspirer, devant cette élite imposante des premières autorités; pardonnez, Sénateurs, je sens que je me trouble, et j'ai besoin plus que jamais de l'indulgence du Sénat, pour continuer mon discours.

Mais ce qui doit me rassurer, c'est qu'il ne s'agit point ici de la palme de l'éloquence. Pour offrir à Napoléon les témoignages d'une gloire que le temps ne saurait fletrir, il ne faut que la vérité; c'est quand on veut flatter qu'on aspire à bien dire. Mais lorsque notre nation'a reçu de son prince le plus grand de ses bienfaits; lorsque la grande armée, digne du chef qui la conduit, a

de quelle gloire pouvait-on dire qu'elle résisterait au temps?

Qu'on rappelle ces ruines imposantes que le voyageur étonné rencontre au milieu des vastes forêts et des monts agreste de la grande Tartarie. Elles portent l'empreinte d'un vainqueur redoutable; on cherche son nom, il est ignoré à jamais. Telle serait la destinée des héros, sans le progrès des lumières.

C'est maintenant que l'on peut dire que le grand homme est de tous les pays et de tous les âges. Quelle contrée ne rappellera donc pas dans la suite des siècles, Napoléon le Grand, comme celui auquel on essayera de comparer le héros que l'on voudra louer le plus ?

Quels triomphes, quels monuments peut-on maintenant demander?

Tout est, aujourd'hui, superflu pour l'Empereur. Mais tout ne l'est pas pour la France ni pour vous. Vous avez, sénateurs, un grand devoir à remplir. La nation vous demande avec impatience un signal éclatant.

Elle a recours à votre sagesse.

Elle veut que vous donniez à l'ardente expression des sentiments qui l'animent et l'entraînent, le sceau de la réflexion et de la durée.

Elle demande que vous imprimiez à ses vœux un caractère sacré.

Elle désire que, du haut de ce palais, une grande et solennelle acclamation se fasse entendre, pour ainsi dire,comme la voix de la patrie reconnaissante. Ne retardez pas ce noble élan de la nation la plus aimante.

Et quel moment pourriez-vous préférer pour ce grand acte national?

L'auguste et digne frère du plus grand des monarques vous préside.

Un prince grand dignitaire, les ministres, de grands officiers et de grands fonctionnaires de I'Empire, siégent dans cette enceinte.

Le Tribunat tout entier, rassemblé pour la première fois dans ce palais, vous environne de votre heureuse famille.

Vous délibérez sous ces drapeaux que la bienveillance impériale et l'affection des braves a décernés au Sénat.

Je crois voir autour de nous la grande armée qui les a conquis; et le jour qui nous éclaire est le premier de l'année qui verra Napoléon donner la paix au monde.

Cependant que pouvez-vous pour le peuple et pour vous?

Proclamez ce qui est :

Montrez aux siècles à venir que Napoléon est aux yeux de la France tel que le verrà l'impartiale postérité.

J'émets le même vœu que les sénateurs qui m'ont précédé dans cette tribune.

A la suite de ce discours, l'orateur propose un projet de décret, qui est mis aux voix et adopté

en ces termes :

« Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions, du 22 frimaire an VIII;

« Après avoir, en séance publique, procédé à la réception et à l'inauguration des drapeaux ennemis, au nombre de cinquante-quatre, apportés aujourd'hui au Sénat par le Tribunat en corps, en vertu des ordres de S. M. l'Empereur et Roi;

Délibérant sur les propositions qui ont été faites par plusieurs membres, relativement au moyen de consacrer le souvenir des événements glorieux qui ont rempli la campagne de deux mois, terminée par la bataille d'Austerlitz;

« Décrète ce qui suit:

« Article 1er. Le Sénat conservateur, au nom du peuple français, consacre un monument triomphal à Napoléon le Grand.

« Art. 2. Le Sénat en corps ira au-devant de S. M. Impériale et Royale, et lui présentera l'hommage de l'admiration, de la reconnaissance, et de l'amour du peuple français. >>

M. Chaptal, sénateur, obtient la parole pour une seconde proposition qu'il développe en ces termes:

Vous venez de voter par acclamation un monument triomphal au héros qui fait la gloire et le bonheur de l'Empire. La France entière répond au vou des pères de la patrie; et la nation s'enorgueillit de reconnaître son caractère dans les transports qui troublent si heureusement la gravité majestueuse et le calme accoutumé de vos délibérations, lorsque les faits ont surpassé tout ce que la raison pouvait espérer, tout ce que l'imagination pouvait concevoir, tout ce que l'histoire a pu nous transmettre; et le sage lui-même ne connait plus alors que l'enthousiasme pour les célébrer.

<< Au monument glorieux que votre reconnaissance élève au vengeur de l'Empire, je propose d'en ajouter un autre qui, dans sa véritable simplicité, sera l'expression fidèle de vos sentiments, et qui renfermera un grand souvenir pour l'histoire, un grand exemple pour les princes, une grande leçon pour nos descendants.

« Mais avant de vous en soumettre l'idée, je demande au Sénat la permission de relire la lettre qui lui fut adressée par Sa Majesté Impériale après la capitulation d'Ulm.

Sénateurs,

Lettre de l'Empereur.

Je vous envoie quarante drapeaux conquis par mon armée dans différents combats qui ont eu lieu depuis celui de Wertingen; c'est un hommage que moi et mon armée faisons aux sages de l'Empire; c'est un présent que des enfants font à leurs pères. Sénateurs, voyez-y une preuve de ma satisfaction pour la manière dont vous m'avez constamment secondé dans les affaires les plus importantes de l'Empire. Et vous, Français, faites marcher vos frères; faites qu'ils accourent combattre à nos côtés, afin que, sans effusion de sang, sans efforts, nous puissions repousser loin de nous toutes les armées que forme l'or de l'Angleterre, et confondre les auxiliaires de l'oppresseur des mers. Sénateurs, il n'y a pas encore un mois que je vous ai dit que votre Empereur et son armée feraient leur devoir; il me tarde de pouvoir dire que mon peuple a fait le sien. Depuis mon entrée en campagne, j'ai dispersé une armée de cent mille hommes; j'en ai fait près de la moitié prisonnière; le reste est tué, blessé ou déserté, et dans la plus grande consternation. Ces succès éclatants, je les dois à l'amour de mes soldats, à leur constance à supporter les fatigues. Je n'ai pas perdu quinze cents hommes tués ou blessés. Sénateurs, le premier projet de la guerre est déjà rempli. L'Electeur de Bavière est rétabli sur son trône. Les injustes agresseurs ont été frappés comme de la foudre; et, avec l'aide de Dieu, j'espère, dans un court espace de temps, triompher de mes autres ennemis.

De mon camp impérial d'Elchingen, le 26 vendémiaire an XIV.

Signé NAPOLÉON.
Par l'Empereur,

Le secrétaire d'Etat,
Signé H. B. MARET.

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