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Ainsi, il nous a paru démontré: 1° que la fixation de l'intérêt conventionnel est dans le domaine du législateur;

2° Que l'expérience du passé commande cette fixation;

3° Que les circonstances ne peuvent être plus favorables.

Il reste peu de choses à dire sur le taux à déterminer.

Parlons d'abord de l'intérêt civil, ou entre non marchands.

La nation avait exprimé son vœu dans les assemblées bailliagères.

L'Assemblée constituante l'avait converti en loi en autorisant la stipulation de 5 p. 0/0.

Le projet actuel diffère seulement des décrets de l'Assemblée constituante, en ce que, d'après les décrets, la retenue avait lieu, si l'exemption n'était pas stipulée; au lieu que, d'après le projet, les 5 p. 0/0 sont de droit libres et affranchis de toute retenue, sauf la convention contraire.

Ce taux est rapproché du revenu des terres. A l'égard du commerce, on a trouvé juste de fixer l'intérêt pour prêt à un demi p. 0/0 par mois.

Dans beaucoup de places, l'intérêt est au-dessous de 6 p. 0/0.

Mais le législateur a dù laisser une certaine latitude.

Le commerce aura tout ce qu'il peut désirer pour ses opérations.

Celui qui prête à un intérêt plus fort s'éloigne de la marche des affaires ordinaires.

Celui qui emprunte à un taux plus élevé a déjà dans sa maison le germe de sa destruction. Montesquieu l'avait dit :

"

Pour que le commerce puisse se bien faire, il « faut que l'argent ait un prix, mais que ce prix « soit peu considérable; s'il est trop haut, le né<«<gociant qui voit qu'il lui en coûterait plus en <«< intérêts qu'il ne pourrait gagner dans son com"merce, n'entreprendra rien. »

Le taux de 6 p. 0/0 remplit donc tous les vœux du commerce.

Et dans quelles circonstances cette fixation a-telle lieu?

Lorsque l'escompte est au-dessous à Paris, ainsi que dans la plupart des autres grandes places du commerce,

Et lorsque tout annonce qu'il doit s'améliorer partout.

Les sages mesures que le Gouvernement a prises, et dont le ministre de l'intérieur vous a fait part hier, Messieurs, dans son Exposé de l'état de l'empire, doivent nécessairement y contribuer.

La Banque de France aura aussi la gloire d'y concourir.

Si les ressources qu'elle offre au commerce paraissent spécialement se distribuer à Paris, le bien qu'elle opère circule de proche en proche.

L'augmentation de ses moyens réels doit nécessairement multiplier pour elle les occasions d'être utile elle saura les employer pour continuer de mériter la protection du Gouvernement, sans jamais s'éloigner du but de son institution, de la nature de ses affaires, et sans compromettre l'intérêt des actionnaires, qui ont, au contraire, le droit d'exiger que leur propriété soit améliorée. Nous n'aurions pas besoin d'avertir, Messieurs, que la loi nouvelle ne doit point avoir d'effet rétroactif.

Il aurait suffi de se référer à l'article du Code Napoléon, qui porte que la loi ne rétroagit jamais. Mais, pour éviter toute interprétation indiscrète

et prévenir toutes alarmes, le projet contient un article qui déclare qu'il n'est rien innové aux stipulations d'intérêt par contrat ou autres actes antérieurs.

En ce qui concerne l'intérêt légal, le projet dit qu'il ne pourra excéder 5 p. 0/0.

Dans l'état présent la retenue a lieu.

Mais on a pensé que le débiteur qui se laissait poursuivre en justice devait au moins être condamné à payer un intérêt égal à celui qu'il est permis de stipuler.

Cette innovation a paru utile, en ce qu'elle empêchera le débiteur de mauvaise foi de créer des incidents pour gagner un cinquième au préjudice du créancier.

Tels sont, Messieurs, les motifs que nous avons cru devoir exposer pour soutenir un projet auquel grand prix. le cœur paternel de Sa Majesté attache le plus

Nous vous le présentons avec la conviction intime qu'il ne peut causer aucune commotion dans les transactions; que le commerce, loin d'en éprouver une gêne, en sentira un grand avantage, et que surtout l'ordre social y gagnera beaucoup.

Nous vous l'avouons aussi, nous espérons un grand appui dans l'expérience que vous avez des maux que le projet doit faire cesser, et dans la satisfaction que vous devrez trouver à sanctionner par votre approbation une mesure aussi conforme à la morale publique.

PROJET DE LOI

Sur la fixation du taux de l'intérêt de l'argent. Art. 1er. L'intérêt conventionnel ne pourra excéder, en matière civile, 5 p. 0/0, ni en matière de commerce, 6 p. 0/0; le tout sans retenue.

Art. 2. L'intérêt légal sera, en matière civile, de 5 p. 0/0, et, en matière de commerce, de 6 p. 0/0, aussi

sans retenue.

Art. 3. Lorsqu'il sera prouvé que le prêt conventionnel a été fait à un taux excédant celui qui est fixé par l'article 1er, le prêteur sera condamné par le tribunal saisi de la contestation, à restituer cet excédant, s'il l'a reçu, où à souffrir la réduction sur le principal de la créance, et pourra même être renvoyé, s'il y a lieu, devant le tribunal correctionnel pour y être jugé conformément à l'article suivant.

Art. 4. Tout individu qui sera prévenu de se livrer habituellement à l'usure, sera traduit devant le tribunal correctionnel, et, en cas de conviction, condamné à une amende qui ne pourra excéder la moitié des capitaux qu'il aura prêtés à usure.

S'il resulte de la procédure qu'il y a eu escroquerie de la part du prêteur, il sera condamné, outre l'amende ci-dessus, à un emprisonnement qui ne pourra excéder

deux ans.

Art. 5. Il n'est rien innové aux stipulations d'intérêts par contrats ou autres actes faits jusqu'au jour de la publication de la présente loi.

Le Corps législatif arrête que les trois projets de loi présentés dans cette séance seront communiqués aux sections du Tribunat.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.
Séance du 26 août 1897.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. Dumolard. Messieurs, il est des propositions qui n'ont pas besoin d'être longuement motivées, parce qu'elles ont d'avance l'assentiment de tous ceux qui les écoutent. L'admiration et le dévouement du Corps législatif pour S. M. I'Empereur et Roi et son auguste famille sont connus; nous les avons manifestés à plusieurs reprises et

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Du projet de loi relatif aux droits du trésor public sur les biens des comptables.

Messieurs, le projet de loi que Sa Majesté nous a chargés de vous présenter a pour objet de régler les droits du trésor public sur les biens des comptables chargés de la recette ou du payement de ses derniers.

L'ancienne législation était précise sur cette matière.

Les droits du trésor étaient fixés par l'édit du mois d'août 1669, dont les dispositions avaient été renouvelées par les lois des 24 novembre 1790, 19 juillet et 11 août 1792.

Ces lois accordaient à l'Etat un privilége sur les biens meubles des comptables, et sur les immeubles acquis par eux depuis leur nomination.

A l'égard des immeubles acquis par les comptables avant leur nomination, l'Etat n'avait qu'une simple hypothèque.

Tel était l'état de la législation, lorsque la loi du 11 brumaire an VII établit un nouveau système hypothécaire.

D'après cette loi, le trésor public n'avait plus de privilége sur les meubles,

Et son droit sur les immeubles se réduisait à une simple hypothèque sujette à inscription, et qui n'avait d'effet qu'à la date de cette inscription.

Ce changement a causé au trésor des préjudices considérables dans le recouvrement des débits des comptables.

Les meubles entraient dans une distribution où le trésor n'était admis qu'au marc le franc.

Le trésor n'ayant sur les immeubles, même sur ceux acquis depuis l'entrée en fonctions, qu'une hypothèque sujette à inscription, il se trouvait primé par d'autres créanciers, dont trop souvent loyauté était suspecte.

En sorte que le trésor était réduit à un vain recours, lors même qu'il était évident que les biens provenaient de ses deniers.

Le Code Napoléon ne pouvait laisser le trésor public exclu de tous droits que la loi du 11 brumaire avait fait disparaître. L'article 2098 porte:

Le privilége, à raison des droits du trésor «public, et l'ordre dans lequel il s'exerce, sont « réglés par les lois qui les concernent.

«Le trésor public ne peut cependant obtenir ce privilége, au préjudice des droits antérieu«rement acquis à des tiers. »>

L'article 2098 a donc consacré en principe que le trésor public a un privilége, sauf au législateur à décider dans quel cas ce privilége doit avoir lieu, et comment il doit se régler.

Ainsi, lorsque nous cherchons à fixer la nature des droits de trésor public sur les biens des comptables, il ne peut s'agir que de déterminer irrévocablement les effets d'un privilége déjà reconnu, dont la justice est évidente, que l'ancienne législation avait si formellement consacré, que toutes les assemblées nationales avaient maintenu jusqu'à l'époque de la loi du 11 brumaire an VII, et dont le rétablissement ne peut être différé sans compromettre la fortune publique.

Lorsque l'article 2098 a laissé au législateur le soin de régler les effets de ce privilége, il n'a apposé qu'une seule limitation :

C'est que les droits antérieurement acquis à des tiers devront toujours être respectés.

Je n'ai pas besoin d'avertir que le Gouvernement ne peut jamais avoir la pensée de dépasser cette limitation, qui est si juste et si conforme à toutes les idées d'ordre et de justice.

La rédaction du projet a donc été faite dans cette double vue, de garantir le trésor public des attaques de l'intérêt particulier, et des tentatives de fraudes, et de laisser intacts tous les droits légitimement acquis.

Pour parvenir à ce but, il suffisait presque de se rattacher à la législation antérieure de la loi du 11 brumaire an VII.

Seulement il devenait indispensable d'établir, dans l'exécution, quelques nouveaux articles réglementaires, à cause des changements introduits par le Code Napoléon dans le système général des priviléges et hypotheques.

La matière se divise naturellement :
Il s'agit de meubles ou d'immeubles.

Le trésor public aura un privilége sur tous les biens meubles des comptables;

Mais ce privilége ne s'exercera qu'après les priviléges généraux et particuliers énoncés aux articles 2101 et 2102 du Code Napoléon.

Le projet de loi aurait été incomplet, si l'on n'avait pas profité de l'expérience du passé pour obvier aux fraudes que commettent trop souvent les femmes des comptables, ou que les comptables commettent sous le nom de leurs femmes.

Qui ignore que, sous prétexte d'une séparation, les femmes habitant avec leurs maris ne manquent jamais de réclamer, au moment de l'exécution, tous les meubles de la maison comme étant leur propriété?

L'ancienne législation avait prévu ce cas.

Le projet suit les mêmes règles en établissant que le privilége du trésor aura lieu sur tous les meubles, même à l'égard des femmes séparées de biens, pour les meubles trouvés dans les maisons d'habitation du mari, à moins qu'elles ne justifient légalement que les meubles leur sont échus de leur chef, ou que les deniers qui ont servi à l'acquisition leur appartenaient.

Ce qui nous rappelle cette fameuse loi romaine d'après laquelle une femme ne pouvait réclamer

un bien dont la propriété n'avait pas pour elle une cause juste et honnête.

Deux modifications ont été néanmoins apposées à l'ancienne jurisprudence.

L'édit de 1669, et l'article 16 de la loi de 1790 obligeaient la femme à justifier que ces mêmes meubles lui appartenaient avant le mariage.

Le projet écarte cette distinction, qui pourrait blesser la justice, au préjudice des femmes qui n'ont pu acquérir la propriété que depuis le mariage, dans le cas, par exemple, où la succession n'est échue que depuis le mariage.

La loi de 1790 n'appliquait non plus la disposition à l'égard des femmes, que lorsque la séparation était postérieure à la nomination du comptable.

Le Gouvernement a pensé qu'il était préférable de ne faire aucune distinction pour les époques de la séparation, afin de prévenir par là une nouvelle espèce de fraude que cette distinction ne manquerait pas de faire naître.

Le projet parle généralement des biens meubles des comptables.

Le cautionnement qu'ils fournissent est sans doute dans la classe des biens meubles.

Mais la nouvelle loi ne s'étendra pas sur cette espèce de biens.

Le privilége sur les fonds de cautionnement doit continuer d'être régi par les lois existantes. Nous passons au privilége sur les immeubles. Il faut distinguer les immeubles acquis à titre onéreux par les comptables postérieurement à leur nomination;

Les immeubles acquis à titre gratuit, aussi depuis la nomination;

Enfin les immeubles des comptables qui leur appartenaient avant leur nomination.

Le trésor public aura un privilége sur les immeubles acquis à titre onéreux par les comptables postérieurement à leur nomination.

La raison est simple.

C'est que la présomption de droitest que ces immeubles ont été acquis des deniers du trésor public.

Il fallait bien aussi dans cette partie se conformer aux anciennes lois, pour ce qui concerne les femmes.

Aussi le projet porte-t-il que le privilége du trésor public aura lieu, même sur les immeubles acquis à titre onéreux, et depuis la nomination des comptables, par leurs femmes, même séparées de biens, à moins qu'elles ne justifient légagalement que les deniers employés à l'acquisition leur appartenaient.

Toutefois il ne serait pas juste que le privilége du trésor public enchainât les comptables.

Il a donc paru nécessaire de concilier l'intérêt de leur crédit avec celui du trésor.

C'est dans cet objet que le trésor public sera assujetti à faire inscrire son privilége dans les deux mois de l'enregistrement de l'acte translatif de propriété.

Le Gouvernement ne pouvait non plus méconnaitre les droits acquis aux tiers.

Et c'est pour leur laisser toute leur force que le projet a soin de déclarer que le privilége du trésor ne pourra préjudicier, ni à aucun des priviléges établis par le Code Napoléon, ni aux créanciers du précédent propriétaire, qui auraient, sur le bien acquis, des hypothques valablement inscrites, ou même des hypothèques légales existantes indépendamment de l'inscription.

Quant anx immeubles acquis par le comptable, autrement qu'à titre onéreux, postérieurement à sa nomination, le trésor public n'aura pas de privilége.

La différence entre les immeubles acquis à titre gratuit postérieurement à la nomination, et ceux acquis à titre onéreux, se fait sentir d'elle

même.

Ce n'est que pour les acquisitions à titre onéreux qu'il peut y avoir présomption qu'elles ont été faites avec les deniers du trésor.

Ce n'est donc que pour ces mêmes immeubles acquis à titre onéreux que le privilége peut avoir lieu.

Pour les immeubles acquis à titre gratuit, depuis la nomination, le trésor ne peut avoir qu'une hypothèque.

Cette hypothèque sera légale.

Mais elle sera sujette à inscription, ainsi qu'il est dit aux articles 2121 et 2134 du Code Napoléon.

Il reste à parler des immeubles des comptables qui leur appartenaient ayant leur nomination.

Le Code Napoléon avait aussi accordé pour ces cas une hypothèque légale à la charge de l'inscription,

Le projet ne pouvait que se renfermer dans ses termes.

Après avoir posé les règles fondamentales, le projet s'occupe de quelques dispositions d'ordre pour assurer l'exercice des droits du trésor, pour ménager le crédit des comptables, pour leur faciliter les transactions, et pour éclairer les tiers qui voudraient contracter avec eux.

C'est pour remplir ces diverses vues que les principaux comptables seront tenus d'énoncer leurs titres et qualités dans les actes translatifs de propriété qu'ils passeront.

Les receveurs de l'enregistrement et les conservateurs des hypothèques seront tenus aussi, au vu des actes, de requérir ou de faire l'inscription au nom du trésor public.

Cette inscription n'aurait pas cependant lieu dans le cas où le comptable aurait obtenu un certificat du trésor public qui l'en aurait dispensé.

De cette manière, un comptable qui ne sera pas en débet, pourra être assuré d'avoir la faculté d'aliéner ses immeubles sans éprouver aucun obstacle.

Pour ne rien négliger dans une matière aussi importante, le projet a prévu le cas où un comptable aliénerait un de ses immeubles. Alors, des deux choses l'une :

Ou le comptable est constitué redevable; dans ce cas, les agents du Gouvernement doivent poursuivre par les voies de droit le recouvrement du débet;

Ou le comptable n'est pas actuellement constitué redevable,

Et alors le trésor public sera tenu de s'expliquer dans le délai de trois mois.

Si, dans ce délai, le trésor public dépose au greffe un certificat constatant la situation du comptable, et qu'il en résulte que le trésor public a des droits à exercer, le trésor conservera le droit d'agir conformément aux lois

Si le trésor laissait passer trois mois sans produire, la mainlevée de l'inscription aurait lieu de droit et sans qu'il fût besoin de jugement.

La mainlevée aurait également lieu de droit, dans le cas où le certificat constaterait que le comptable n'est pas débiteur envers le trésor public.

Nous osons dire qu'il était impossible de prendre plus de précautions pour que le recouvrement des droits du trésor n'entravât pas la marche des affaires.

Trois mois suffiront. Ce délai peut paraître

court lorsqu'il s'agit d'apurer la situation d'un comptable,

Mais il suffit, à cause de l'ordre qui a été établi au trésor public.

La législation était aussi restée incomplète en ce qui concerne la prescription respectivement aux comptables.

L'article 2227 du Code Napoléon assujettit à la prescription les droits du trésor public comme ceux des particuliers.

Mais il ne désigne point l'époque à compter de laquelle cette prescription court au profit des comptables.

Le projet remplit cette lacune, en disant que la prescription court du jour où la gestion du comptable a cessé.

La prescription ne pouvait courir pendant le temps de l'exercice.

Le Gouvernement a cru nécessaire, en premier, d'avoir des règles claires sur tout ce qui tient à cette partie si essentielle de l'administration.

Mais il a voulu aussi que ces règles ne s'écartassent, en aucune manière, des principes fondamentaux de notre organisation civile.

Il veut se garantir des fraudes,

Mais il veut aussi que la bonne foi et les droits des tiers soins respectés.

Enfin, il veut que des formes simples assurent le recouvrement de ce qui peut lui être dù, sans que le crédit des comptables en soit altéré, ni que les tiers en éprouvent aucune gêne.

C'est à vous, Messieurs, qu'il appartient maintenant de décider si le but sera suffisamment atteint.

Nous avons eu l'espérance que vous resteriez convaincus qu'en accordant votre sanction au projet de loi, vous seconderiez efficacement les vues de SA MAJESTÉ, dont toutes les pensées se dirigent vers les moyens d'établir un ordre parfait dans chaque partie d'administration.

PROJET DE LOI

Relatif aux droits du trésor public sur les biens des comptables.

Art. 1er Le privilége et l'hypothèque, maintenus par les articles 2098 et 2121 du Code civil, au profit du trésor public, sur les biens meubles et immeubles des complables chargés de la recette ou du payement de ses deniers, sont réglés ainsi qu'il suit :

Art. 2. Le privilége du trésor public a lieu sur tous les biens meubles des comptables, même à l'égard des femmes séparées de biens, pour les meubles trouvés dans les maisons d'habitation du mari, à moins qu'elles ne justifient légalement que lesdits meubles leur sont échus de leur chef, ou que les deniers employés à l'acquisition leur appartenaient.

Ce privilége ne s'exerce néanmoins qu'après les priviléges généraux et particuliers énoncés aux articles 2101 et 2102 du Code civil.

Art. 3. Le privilége du trésor public sur les fonds de cautionnement des comptables continuera d'être régi par les lois existantes.

Art. 4. Le privilége du trésor public a lieu 1o sur les immeubles acquis à titre onéreux par les comptables, postérieurement à leur nomination; 20 sur ceux acquis au mème titre et depuis cette nomination, par leurs femmes, même séparées de biens.

Sont exceptées néanmoins les acquisitions à titre onéreux faites par les femmes, lorsqu'il sera légalement justifié que les deniers employés à l'acquisition leur appartenaient.

Art. 5. Le privilége du trésor public mentionné en l'article 4 ci-dessus a lieu, conformément aux articles 2106 et 2113 du Code civil, à la charge d'une inscription, qui doit être faite dans les deux mois de l'enregistrement de l'acte translatif de propriété.

En aucun cas, il ne peut préjudicier, 10 aux créanciers privilégiés désignés dans l'article 2103 du Code civil,

lorsqu'ils ont rempli les conditions prescrites pour obtenir privilége; 20 aux créanciers désignés aux articles 2101, 2104 et 2105 du Code civil, dans le cas prévu par le dernier de ces articles; 30 aux créanciers du précédent propriétaire, qui auraient sur le bien acquis des hypothèques légales existantes indépendamment de l'inscription, ou toute autre hypothèque valablement inscrite. Art. 6. A l'égard des immeubles des comptables, qui leur appartenaient avant leur nomination, le trésor public a une hypothèque légale, à la charge de l'inscription, conformément aux articles 2121 et 2134 du Code civil.

Le trésor public a une hypothèque semblable, et à la même charge, sur les biens acquis par le comptable, autrement qu'à titre onéreux, postérieurement à sa nomination.

Art. 7. A compter de la publication de la présente loi, tous receveurs généraux de département, tous receveurs particuliers d'arrondissement, tous payeurs généraux et divisionnaires, ainsi que les préposés des payeurs divisionnaires, seront tenus d'énoncer leurs titres et qualités dans les actes de vente, d'acquisition, de partage, d'échange et autres translatifs de propriété qu'ils passeront, et ce, à peine de destitution; et en cas d'insolvabilité envers le trésor public, d'être poursuivis comme banqueroutiers frauduleux.

Les receveurs de l'enregistrement et les conservateurs des hypothèques seront tenus, aussi à peine de destitution, et, en outre, de tous dommages et intérêts, de requérir ou de faire, au vu desdits actes, l'inscription au nom du trésor public, pour la conservation de ses droits, et d'envoyer, tant au procureur impérial du tribunal de premiere instance de l'arrondissement des biens qu'à l'agent du trésor public à Paris, le bordereau prescrit par les articles 2148 et suivants du Code civil.

Demeurent néanmoins exceptés les cas où, lorsqu'il s'agira d'une aliénation à faire, le comptable aura obtenu un certificat du trésor public portant que cette aliénation n'est pas sujette à l'inscription de la part du trésor ce certificat sera énoncé et daté dans l'acte d'aliénation.

Art. 8. En cas d'aliénation par tout comptable des biens affectés aux droits du trésor public par privilége ou par hypothèque, les agents du Gouvernement poursuivro. t, par les voies de droit, le recouvrement des sommes dont le comptable aura été constitué redevable.

Art. 9. Dans le cas où le comptable ne serait pas actuellement constitué redevable, le trésor public sera tenu, dans trois mois, à compter de la notification qui lui sera faite, aux termes de l'article 2183 du Code civil, de fournir et de déposer au greffe du tribunal de l'arrondissement des biens vendus, certificat constatant la situation du comptable, à défaut de quoi ledit délai expiré, la mainlevée de l'inscription aura lieu de droit, et sans qu'il soit besoin de jugement.

La mainlevée aura également lieu de droit dans le cas où le certificat constatera que le comptable n'est pas débiteur envers le trésor public.

Art. 10. La prescription des droi's du trésor public, établie par l'article 2227 du Code civil, court, au profit des comptables, du jour où leur gestion a cessé.

Art. 11. Toutes dispositions contraires à la présente loi sont abrogées.

M. Jaubert présente un second projet de loi relatif au mode de recouvrement des frais de justice au profit du trésor public, en matière criminelle, correctionnelle et de police. En voici le texte et l'exposé des motifs :

MOTIFS.

Du projet de loi relatif au mode de recouvrement des frais de justice du trésor public, en matière criminelle, correctionnelle et de police.

Messieurs, SA MAJESTÉ nous a ordonné de présenter à votre sanction un projet de loi sur le mode de recouvrement des frais de justice au profit du trésor public, en matière criminelle, correctionnelle et de police.

Les lois ont ordonné que le trésor public serait remboursé de ses frais.

Il n'y a donc aucune difficulté à l'égard des parties condamnées.

Mais les lois n'ont pas réglé ce qui devait arriver lorsque le trésor public se trouverait en concours avec d'autres créanciers.

Le projet actuel a pour objet de remplir cette lacune.

L'ancienne législation criminelle accordait au trésor public une amende qui lui tenait lieu de frais de poursuite.

Des doutes s'élevèrent sur le rang dans lequel le trésor public devait être colloqué.

Plusieurs déclarations du roi statuèrent sur cet objet, notamment celles des 21 et 24 mars 1671, 13 juillet 1700 et 16 août 1707. Cette dernière déclaration fixera la législation.

Le trésor avait un privilege sur les meubles et effets mobiliers du condamné, à la réserve néanmoins de ce qui était dû pour loyer, gage des domestiques et subsistances.

A l'égard des immeubles, le trésor avait l'hypothèque du jour du jugement de condamnation.

Cet ordre de choses subsista jusqu'en 1791.

Le Code pénal et les lois postérieures ayant supprimé presque entièrement les amendes, avaient laissé à la charge du trésor public tous les frais de procédure, sans aucun moyen de remboursement ou d'indemnité.

La loi du 18 germinal an VII vint avec raison au secours du trésor public.

L'article 1er s'exprime ainsi : « Tout jugement d'un tribunal criminel, correctionnel ou de police, portant condamnation à une peine quelconque, prononcera en même temps au profit de la République le remboursement des frais auxquels la poursuite et punition des crimes et délits aura donné lieu. »

Cette loi ne s'occupa point de l'ordre de collocation; elle ne statua que sur les indemnités accordées à ceux qui auraient souffert un dommage résultant d'un délit.

L'article 5 ordonna que ces indemnités seraient prises sur les biens des condamnés avant les frais adjugés à la République.

Tel était l'état de la législation lorsque le Code Napoléon parut.

L'article 2098 se borna à une disposition générale en ce qui concernait les droits du trésor public.

Il est ainsi conçu « Le privilége à raison des « droits du trésor public et l'ordre dans lequel il << s'exerce sont réglés par les lois qui les concer

❝ nent.

«Le Trésor public ne peut cependant obtenir « le privilége au préjudice des droits antérieure<«ment acquis à des tiers. »

Enfin la loi du 5 pluviôse an XIII, relative à la diminution des frais de justice, porte, article 4, qu'en matière de police correctionnelle ceux qui se constitueront partie civile, seront personnellement chargés des frais de poursuite, instruction et signification des jugements; il décide aussi qu'en toute affaire criminelle, ceux qui se seraient constitués partie civile seront personnellement tenus des remboursements des frais d'instruction, expédition et signification des jugements, sauf leur recours contre les prévenus ou accusés qui auront été condamnés.

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sultant du délit ne peuvent, lorsqu'ils se sont constitués partie civile, prétendre être colloqués pour les indemnités avant les frais adjugés au trésor, envers lequel, au contraire, ils sont responsables de ces mêmes frais;

3o Qu'à l'égard des autres créanciers du condamné qui peuvent se présenter avec le trésor public, aucune loi n'a déterminé le rang de collocation;

4o Que seulement le Code Napoléon contient un principe qui laisse la question' dans le domaine du législateur.

Elle ne peut rester, Messieurs, plus longtemps indécise.

L'absence de toutes règles sur ce point a déjà causé des pertes considérables au trésor public. Il est également important pour toutes les parties qui peuvent avoir des intérêts dans la distribution des biens des condamnés, que tous les droits soient clairement déterminés.

L'article 2098 devait servir de guide.

L'esprit de cet article est que tous les droits acquis à des tiers soient respectés; mais qu'après ces droits, le trésor public ait la préférence.

Tel était aussi l'esprit de la déclaration du 16 août 1707.

A la vérité, cette déclaration n'avait parlée de priviléges que pour les meubles et que de simple hypothèque pour les immeubles.

Mais cette distinction tenait au système hypothécaire alors en vigueur.

Les changements introduits dans cette partie de la législation, et surtout la nécessité de l'inscription, exigeait qu on suivit une toute autre marche.

Mais pour toujours, en partant de la règle, que les droits acquis doivent être respectés.

Voici, Messieurs, l'économie de ce projet : Le trésor public aura privilége sur les meubles et effets mobiliers du condamné.

Ce privilege ne s'exercera qu'après tous ceux désignés aux articles 2101 et 2102 du Code Napoléon.

Aussi le Gouvernement vous propose de ne placer le trésor public qu'après tous les priviléges généraux sur les meubles et tous les priviléges sur certains meubles.

De cette manière, le trésor public sera primé par les frais de justice, les frais funéraires, les frais de la dernière maladie, les salaires des gens de service, les fournitures de subsistances, les frais de pension des enfants, les loyers et fermages, et généralement tous les privilèges créés par la loi civile.

Le projet va même plus loin.

Sa Majesté veut que les crimes soient poursuivis et punis,

Mais Sa Majesté veut aussi que les accusés puissent être defendus et que le défaut de moyens ne les gène pas dans le choix qu'ils voudraient faire d'un défenseur.

C'est pour remplir cet objet que Sa Majesté a ordonné que le projet ne plaçât le trésor public qu'après les sommes dues pour la défense personnelle du condamné.

A l'égard des immeubles, le trésor public aura également un privilége, mais pour cela il sera tenu de faire inscrire sa créance dans les deux mois à dater du jour du jugement.

Passé ce délai, les droits du trésor public ne seraient plus qu'une simple hypothèque, qui ne prendrait date que du jour de l'inscription."

Ce privilége sera aussi primé par tous ceux qui auront pu acquérir un droit antérieur. Ainsi, le trésor public ne pourra être colloqué qu'après:

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