Page images
PDF
EPUB

mariage prochain du prince Jérôme avec la princesse Catherine de Würtemberg;

Après avoir entendu le rapport de sa commission spéciale,

Arrête qu'il sera fait au message de S. M. Impériale et royale, en date du 19 de ce mois, la réponse dont la teneur suit:

Sire, Votre Majesté Impériale et Royale a bien. voulu annoncer au Sénat, par un message, le mariage de son auguste frère le prince Jérome avec la princesse Catherine de Wurtemberg.

Le Sénat, Sire, s'empresse de présenter à Votre Majesté Impériale et Royale un nouvel hommage de sa gratitude et de son profond respect.

« La France, Sire, verra avec une satisfaction bien vive le jeune prince qui, sur l'Océan et dans les champs de la Silésie, a mérité de vaincre au nom du plus grand des héros, uni avec une princesse digne du trône sur lequel le modérateur des destinées de l'Europe va élever son auguste frère.

«Elle recevra avec reconnaissance de Votre Majesté Impériale et Royale ce nouveau gage de la perpétuité de la plus illustre des dynasties, de la tranquillité du continent, de la stabilité des institutions européennes, de la félicité des nations confédérées sous vos aigles protectrices; et votre bon et grand peuple, Sire, sera toujours heureux de tout ce qui pourra ajouter au bonheur personnel de Votre Majesté.

L'Assemblée arrête, en outre, que cette adresse sera présentée à Sa Majesté par les président et secrétaires du Sénat.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 21 août 1807.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. En exécution de l'arrêté pris dans sa dernière séance, le Corps législatif procède, par appel nominal, à un second scrutin secret, pour le choix de six candidats, parmi lesquels S. M. l'Empereur et Roi nommera deux questeurs en remplacement de M. Dallemagne, sorti du Corps législatif, et de M. Lejeas, appelé aux fonctions de sénateur.

Il est constaté, par le compte des bulletins, que le nombre des votants est de 230; majorité absolue, 116.

Et il résulte du dépouillement du scrutin fait à la vue de l'Assemblée par MM. les commissaires désignés à cet effet, que MM. Marcorelle, Blanquart-Bailleul et Colonieu ont réuni la majorité absolue des suffrages, le premier ayant obtenu 121 voix, le second 120 et le troisième 117.

Ils sont proclamés candidats pour la questure. Aucun autre membre n'ayant acquis la majorité absolue, le Corps législatif procède de suite, pour le choix de trois autres candidats, au troisième scrutin secret, dans lequel il n'est voté que sur MM. les députés Thiry, Pémartin, Renaud-Lascours, Lajard, Lemarrois et Gally, qui, au précédent scrutin, ont réuni le plus grand nombre de suffrages sans avoir obtenu la majorité absolue.

Le nombre des votants, constaté par le recencement des bulletins, est de 247; majorité absolue, 124.

La majorité se fixe sur MM. les députés Gally, Thiry et Pémartin, le premier ayant réuni 167 voix, le second, 146, et le troisième, 133,

Ils sont proclamés candidats pour la questure. L'arrêté suivant est mis aux voix et adopté. Le Corps législatif, formé au nombre des membres prescrit par l'article 90 de l'acte des consti

[blocks in formation]

Ils sont proclamés successivement et dans l'ordre de leur élection candidats pour la questure. Le Corps législatif arrête que cette présentation sera transmise par un message à S. M. L'EMPEREUR ET ROI.

A trois heures, le Corps législatif se forme en comité général.

A quatre heures, la séance est rendue publique. M. le Président annonce que le Corps législatif a voté, à l'unanimité, une adresse qui sera présentée, en son nom, à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, par une députation composée de

MM. Fontanes, président. MM.
Montault-Desilles et
Montesquiou, vice-
présidents.
Despallières et Nou-
garède, questeurs.
Thomas, de la Seine-
(Inférieure).

Goubau.
Dumaire.

Debrigode.

Lombard-Tarradeau.

Van Wambeke.
Du pré (de Saint-
Maure).
Dufeu.
Metz.
Beslay.
Bourlier.

Dejunquière.
Chestret.

Jumentier.
Sturtz.
Chiron.

[blocks in formation]

Les procès-verbaux des séances des 2 mai 1806 et 14 août 1807 sont lus et adoptés.

Il est donné lecture de la correspondance, ainsi qu'il suit :

Le sieur Decker, demeurant à Sarreguemines, département de la Sarre, réclame contre l'exper tise ordonnée par le préfet de son département, pour estimer la perte du droit de bañalité attachée à un moulin national dont la vente était, suivant lui, féodale et conséquemment abolie par les lois.

Le pétitionnaire ajoute qu'il s'adresse au Tribunat, parce que le ministre des finances, auquel il avait soumis sa réclamation, l'a rejetée en le renvoyant à se pourvoir devant les tribunaux.

Le sieur Romary-Tassard, manouvrier, habitant de la commune de Bussang, département des Vosges, expose que, conformément à un arrêté de l'administration municipale de Bussang, en date du 11 pluviose an V, qui règle les conditions auxquelles des terrains communaux seront désignés aux habitants peu fortunés, pour s'y construire des habitations, il a formé à plusieurs reprises une demande à l'effet d'être admis à jouir des dispositions dudit arrêté; que sa demande étant restée sans réponse, il a cru pouvoir défricher

1

une portion de terrain communal et y bâtir une petite habitation pour y loger avec sa famille ; que durant la construction, il n'a point été inquiété par la municipalité, dont il croyait par conséquent avoir obtenu le consentement tacite, et que, ce n'est que quand sa maison a été achevée, que l'administration municipale en a demandé la démolition; laquelle a eu lieu de vive force, par jugement de la justice de paix de son arrondis

sement.

Il réclame contre ce jugement.

M. Darces, habitant de Saint-Sauveur, près Luxeuil, département de la Haute-Saône, réclame contre la faculté qu'ont eue les débiteurs des rentes viagères, d'en opérer le remboursement durant le cours forcé du papier-monnaie.

M. Holandre, habitant de Frênes en Woivre, département de la Meuse, adresse au Tribunat des observations sur les remboursements faits durant le cours forcé des papiers-monnaie; il joint à ces observations un mémoire détaillé et un projet de loi sur cette matière.

Le sieur Prouveur, cultivateur en la commune de Verchain, département du Nord, prétend que beaucoup de délits commis sur les propriétés des cultivateurs restent impunis, parce que les tribunaux n'admettent point de plaintes en cette matière qui ne soient attestées par des témoins; il désirerait que les cultivateurs fussent crus sur leur simple affirmation.

Le Tribunat passe à l'ordre du jour sur ces diverses pétitions.

Les notaires du département de l'Ourthe, à la résidence de Liége, adressent au Tribunat copie imprimée d'un mémoire qu'ils ont précédemment présenté au conseil d'Etat, contenant leurs observations sur les droits d'enregistrement, de timbre et d'hypothèques, et sur les ventes des meubles.

S. Exc. le ministre du trésor public adresse au Tribunat un exemplaire du tarif des droits de navigation maritime, et état des prohibitions à l'entrée et à la sortie, suivi d'observations sur tout ce qui a rapport à ces perceptions et prohibitions, aux entrepôts et transit, au droit de fabrication sur le tabac, à celui de garantie, et à la taxe sur les sels, terminé par le tableau des produits en 1791 et années subsequentes.

Le Tribunat ordonne la mention au procèsverbal, et le dépôt des ouvrages aux archives.

Le sieur Poret-Buisson, ancien avocat au Parlement de Paris, se plaint d'être détenu arbitrairement dans la maison de justice du département de la Seine, depuis le 21 floréal an XIII.

Les sieurs Diemer et Resweber, composant le conseil municipal de la commune de Steinsulz, département du Haut-Rhin, se plaignent que le sieur Walburger, maire de leur commune, leur a fait souscrire la vente de plusieurs pièces de terre, prés et bois communaux, sous prétexte que le produit de ces ventes serait employé pour la construction de l'église; ils prétendent s'être assurés que ledit sieur Walburger n'a jamais eu d'autorisation à ce sujet; qu'ils ont en conséquence porté leur réclamation aux autorités supérieures dans l'ordre administratif; mais comme ils craignent qu'elle ne leur parvienne pas à temps utile, ils croient la devoir adresser directement au Tribunat.

Les président et membres du bureau de bienfaisance du village de Gouy-les-Piéton, et le maire de la même commune, canton de Seneffe, département de Jemmapes, réclament contre un arrêté du préfet de ce département, en date du 17 mai dernier, qu'ils considèrent comme contraire à la

T. IX.

loi du 7 frimaire an V, sur l'organisation des bureaux de bienfaisance par canton.

Pinelli (François), ex-ancien docteur en médecine, chef et directeur des hôpitaux militaires sardes, demeurant à Coni, département de la Stura, expose que, depuis 1791 jusqu'en 1800, il a été chargé de la surveillance des hôpitaux militaires en Piémont, que son zèle à secourir les blessés français lui a attiré, lors du retour des armées austro-russes, toutes sortes de persécutions dont les moindres ont été la perte entière de sa fortune.

Il réclame l'assistance du Tribunat pour obtenir du Gouvernement les indemnités qu'il a lieu d'espérer, et joint à sa demande une attestation de ses services, qui lui a été délivrée par les autorités locales.

M. Millin, avocat et propriétaire à ChâteauChinon, département de la Nièvre, réclame contre un arrêté de la sous-préfecture de son arrondissement, en date du 30 juillet dernier, qui ordonne l'ouverture d'une carrière dans l'intérieur de ses propriétés, sans qu'au préalable il ait été consulté, ni indemnisé.

Il joint à l'appui de sa réclamation copie de l'arrêté du sous-préfet et un mémoire au Gouvernement, dont il prie le Tribunat d'ordonner le renvoi.

M. Coussand, ex-adjudant commandant, détenu depuis neuf mois, maintenant à Saint-Jean-deMaurienne, se plaint de sa détention, qu'il prétend être illégale et contraire aux lois.

Le Tribunat ordonne le renvoi de ces diverses pétitions au Gouvernement.

S. Exc. M. Aldini, ministre secrétaire d'Etat du royaume d'Italie, trésorier de l'ordre de la Couronne de fer, adresse au Tribunat un exemplaire de l'édition in-folio du poëme Il bardo della Selvamera, par Monti, que S. A. I. le prince Eugène NAPOLEON, Vice-roi d'Italie, l'a chargé d'offrir de sa part à la bibliothèque du

Tribunat.

M. Guyot, demeurant à Paris, fait hommage au Tribunat d'un ouvrage ayant pour titre : Napoléon en Germanie.

M. Charpentier Cossigny, ex-ingénieur correspondant de l'Institut national, membre du plusieurs sociétés savantes, fait hommage d'un ouvrage dont il est auteur, ayant pour titre : Recherches physiques et chimiques sur la fabrication de la poudre à canon, contenant des observations et des expériences nouvelles.

M. Gillot, éditeur du Dictionnaire des constitutions de l'empire français et du royaume d'Italie, fait hommage d'un exemplaire de ce Diction

[blocks in formation]

M. L. Caille, avocat à Paris, fait hommage d'un exemplaire d'un poëme de sa composition ayant pour titre: Ode sur la campagne de l'Empereur des Français et roi d'Italie, en 1805.

M. Chambaud fait hommage d'un poëme de sa composition ayant pour titre Le triomphe de NAPOLEON er et de son invincible armée.

M. Boncompagni, membre du Corps législatif, fait hommage d'une pièce de vers, en langue italienne, à la gloire de NAPOLEON Ier Empereur des Français.

M. le général Morgan, commandant dans le département de l'Ariège, fait hommage d'un ouvrage dont il est auteur, ayant pour titre : NAPO

31

LEON, dédié aux armées françaises réunies au 25 mai.

M. Bellegingue, docteur en médecine à Besançon, fait hommage d'une pièce de vers latine, à la gloire de S. M. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS ET ROI D'ITALIE, ayant pour titre : Impari gratum.

M. Douette-Richardot, cultivateur à Langres, fait hommage d'un exemplaire de son ouvrage, ayant pour titre : Traité de la pratique de l'agriculture.

M. Villiers, ancien capitaine au troisième régiment de dragons, fait hommage d'un ouvrage ayant pour titre Les braves anciens et modernes, galerie comparée des maréchaux de France, connétables et grands capitaines des derniers siècles de la monarchie française, etc., dédié à S. A. S. le prince Joachim.

M. Magnin, administrateur des douanes impériales, adresse au Tribunat un exemplaire d'un ouvrage qu'il vient de publier, ayant pour titre : Dictionnaire de la législation des droits de douane, suivi d'un état topographique des bureaux y compris ceux établis pour les sels.

M. Lacretelle aîné, ancien avocat au Parlement de Paris, membre de l'Institut national de France, fait hommage de deux volumes ayant pour titre Ouvrages judiciaires, faisant suite à ses ouvrages de littérature et de philosophie,

M. Roquet, membre d'un comité de bienfaisance de Paris, fait hommage d'une relation de ce qui s'est passé le jour de le grande Fête-Dieu, en 1791, à la maison des Missions étrangères, où il eut lé bonheur ds sauver plusieurs ecclésiastiques menacés dans un moment d'effervescence populaire.

M. Acher, juge en cour d'appel de Lyon, fait hommage du troisième volume de l'Abrégé des vies de Plutarque.

Le Tribunat agrée ces divers hommages, et en ordonne la mention en son procès-verbal, et le dépôt des ouvrages à sa bibliothèque.

Un secrétaire donne lecture des lettres de MM. Albisson et Faure, conseillers d'Etat, et de M. Curée, sénateur, par lesquelles ils annoncent les dispositions de SA MAJESTE, qui les appelle à de nouvelles fonctions, et qui contiennent, pour leurs anciens collègues, les expressions de leur profonde reconnaissance et de leur inviolable attachement.

Le Tribunat ordonne qu'il sera fait mention de ces lettres dans le procès-verbal.

Il est donné lecture de messages du Sénat conservateur, relatifs à des nominations de sénateurs et de législateurs.

Ces messages seront insérés au procès-verbal. M. le Président. M. Jubé a demandé la parole pour une motion d'ordre. Je l'invite à monter à la tribune.

M. Auguste Jubé. Messieurs, c'est un devoir, un besoin pour le Tribunat d'exprimer les sentiments de respect, d'amour et de reconnaissance, dont chacun de ses membres s'est senti pénétré en entendant le discours prononcé par S. M. Impériale et Royale, à l'ouverture de la session du Corps législatif.

Après avoir célébré avec enthousiasme l'anniversaire de la naissance de l'Empereur, après avoir remercié Dieu du nouvel éclat répandu sur ses armes, qu'il était doux pour cette nation proclamée grande par le plus grand des hommes, et bonne par le meilleur des princes, de contempler son auguste chef environné de ce cortége que tous les genres de services et de gloire rendaient si pompeux et si imposant! L'Empereur oubliait

les périls qu'il vient de courir et dont nous frémissons encore; il semblait se reposer de ses fatigues, en parlant du bonheur de ses peuples comme d'un objet plus cher à ses yeux que sa propre gloire.

Ah! cette gloire, Messieurs, si brillante et si pure, fait notre félicité; elle est pour l'empire une propriété iualiénable. Quel Français ne serait disposé à la maintenir par le sacrifice de sa fortune et de son existence?

Renouveler la face de l'Europe politique; procurer à la France, en quelques mois, cette influence glorieuse et bienfaisante pour laquelle elle combat depuis trois cents ans; punir une double agression de la part d'une puissance dont le sang fut le prix de son inimitié contre nous (1); venger la maison de Saxe d'un demi-siècle d'outrages; restituer à des peuples leur patrie que l'anarchie leur avait enlevée, et à une ville libre ses droits si anciennement consacrés; fonder cette fameuse Confédération du Rhin, souhaitée dès le treizième et surtout vers le milieu du dix-septième siècle; la fortifier de nouveau par l'établissement d'un prince français qui, près de Napoléon, s'est familiarisé avec la victoire, et qui, de son sang, ne peut être étranger à rien de ce qui assure la prospérité et concilie l'amour des peuples voilà, Messieurs, ce qu'il a sufi à notre Souverain de concevoir pour l'exécuter, et de vouloir pour l'obtenir !

Eh bien! de si grands intérêts, un si prodigieux éloignement n'ont pu distraire Sa Majesté des soins pénibles de l'administration. La même main qui dirigeait ses armées invincibles signait au même instant des décrets en faveur du malheur et de l'indigence. Ces décrets, Messieurs, où le plus petit hameau recueillait les bienfaits dont Sa Majesté vient de renouveler si solennellement la promesse, sont tous datés de ces bivouacs célèbres, de ces champs de bataille immortalisés, où se pesait, à cinq cents lieues de nous, où se décidait le sort des empires, aux yeux de l'Europe étonnée !

Hélas! cette Europe doit-elle encore gémir sur de nouvelles calamités? Depuis longtemps, du moins, elle est dépositaire des vœux de Napoléon pour la paix maritime, et ce n'est point à son âme généreuse qu'elle demandera compte de ses malheurs. Que cette responsabilité terrible pèse sur ce gouvernement qui ne s'adresse à sa nation trompée que pour réclamer de nouveaux subsides, et qui croit connaître le prix du sang par l'argent qu'il dépense pour le faire répandre! Chez nous, Messieurs, après dix mois d'armements, de combats et de triomphes, au sein encore d'une guerre que prolonge un aveugle acharnement, les premières communications de l'Empereur avec ses peuples sont pour annoncer un dégrèvement considérable dans les contributions, pour promettre l'aisance à chaque citoyen, et pour garantir la propriété des arts, du commerce et de l'agriculture!

Français l'auteur de votre gloire veut être encore celui de votre bonheur-!

Je propose au Tribunat de voter une adresse à S. M. Impériale et Royale, et de charger M. le Président de prendre les ordres de l'Empereur pour le jour où il nous sera permis de la présenter.

M. Fréville. Messieurs, en recueillant les nobles paroles par lesquelles l'Empereur retraçait tant d'événements mémorables qui se sont pressés

(1) Joyez Pfeffel. Abrégé chronologique de l'histoire d'Allemagne (année 1700).

depuis la dernière session du Corps législatif, ne croiriez-vous pas saisir l'abrégé de tout un siècle de gloire?

Jamais les ailes de la victoire ne furent si rapides; jamais les conceptions de la politique ne furent si vastes et si importantes.

Le même génie qui, sur le champ de bataille, soumet les hasards de la guerre, semble, dans les négociations, maitriser les vicissitudes de l'avenir.

Désormais, ces travaux prodigieux ne peuvent plus être bien caractérisés que par le langage même du héros qui a su les accomplir, ou par les acclamations des peuples dont ils assurent la splendeur et la félicité!

Au milieu de ces acclamations unanimes, Sa Majesté s'est montrée moins sensible aux transports de l'admiration qu'aux témoignages de l'amour public. Elle a puisé dans son cœur la récompense que méritaient le courage et la fidélité de ses sujets. Oui, nous le jurons tous, ce bon et grand peuple se montrera constamment digne des noms que lui donne l'affection de l'Empereur.

Souvent ses légions victorieuses écrivirent sur leurs drapeaux les éloges qui leur attestaient sa bienveillance. Les paroles immortelles qui viennent d'être adressées à la loyauté des Français retentiront du haut du trône jusqu'aux extrémités de T'empire, et du jour où elles ont été prononcées jusqu'aux dernières générations.

Parler de la postérité, c'est présager l'éternel triomphe d'un prince qui agit toujours en vue de ses jugements, d'un monarque qui exprime avec tant d'énergie et qui remplit avec tant d'éclat les devoirs de la royauté, d'un_guerrier qui met le bonheur public au-dessus de sa propre gloire, d'un conquérant qui ne perdit jamais une minute pour arrêter les calamités de la guerre.

Quand l'histoire récitera cette longue série d'exploits, elle dira qu'ils n'entrainèrent pour la France aucune charge extraordinaire, et que le lendemain de la paix continentale les impôts se trouvèrent moindres que la veille des hostilités.

Sans doute la paix continentale laisse encore un varu à former pour l'humanité. C'est à nous, de ce côté de la mer. qu'il appartient d'exprimer lé plus pur de tous les sentiments sans craindre qu'on es méconnaisse le motif. L'étrange opiniâtreté du cabinet de Saint-James peut bien être pour nous une cause de surprise, mais non un sujet d'alarmes; ce gouvernement, qui parait s'être voué aux passions haineuses, n'a-t-il pas appris par des expériences assez graves, qu'il est désormais impuissant pour protéger des alliés ou pour nous atteindre? Ne le voyez-vous pas réduit à tourner sa violence contre lui-même ? Il se montre menaçant et terrible; mais c'est contre une partie de sa propre population qu'il aurait besoin de rallier tout entière pour sa défense. Il attaque avec audace; mais ce sont des peuples qui naviguaient en parfaite sécurité, à l'abri des traités. Il forme des projets d'envahissement, mais il les dirige coutre des pays qui se croyaient protégés par la loi des nations. Tout à l'heure encore vous avez frémi d'indignation en apprenant que l'agression la plus odieuse avait éloigué de sa capitale le chef d'un gouvernement qui a mérité l'estime de l'Europe par la constance avec laquelle il a maintenu les principes de la neutralité.

N'êtes-vous pas frappés, Messieurs, de tant d'indices qui décèlent les angoisses du ministère britannique; ne reconnaissez-vous pas l'ascendant irrésistible d'un génie supérieur, en voyant nos ennemis condamnés à l'impossibilité de nous com

battre, et à la nécessité d'accumuler des fautes et de multiplier des violences qui doivent tourner à leur confusion? N'admirez-vous pas là une des plus grandes scènes de ces temps sí fertiles en miracles?

Mais ce n'est pas seulement aux applaudissements des contemporains et des siècles futurs que Napoléon aspire; ses méditations préparent le repos et la prospérité des générations successives du grand peuple. N'est-ce pas cette haute pensée qui va consolider le système constitutionnel en décernant à tous les services, à tous les talents, à toutes les vertus des récompenses brillantes, et telles que nul, entre tous ceux que peuvent agiter les généreuses émotions de l'honneur, ne sera exclu du droit d'y prétendre?

Français, quelques années se sont à peine écoulées depuis l'époque où le monde déplorait vos malheurs; aujourd'hui, le monde entier doit porter envie à vos belles destinées. Vous ignoriez alors quel serait le terme de vos anxiétés; vous êtes aujourd'hui dans l'heureuse impuissance d'assigner des limites à vos espérances. Français, vous avez obtenu l'éloge le plus magnifique qui put exalter votre orgueil. Celui qui a tout surpassé, et les noms anciens, et les réputations modernes, et jusqu'à l'opinion qu'il avait donnée de lui-même, celui-là, le héros du dix-neuvième siècle, vous a proclamés dignes d'entrer en partage de sa gloire.

Messieurs, je n'ai pas besoin d'appuyer la proposition que vous venez d'entendre; avant même d'être énoncée, elle était déjà le vœu de chacun d'entre vous. Toujours on vous vit empressés de porter au pied du trone l'hommage de votre dévouement et l'expression de la reconnaissance nationale.

M. Carrion-Nisas. Lorsqu'après l'immortelle campagne d'Austerlitz, qui semblait ne pouvoir être surpassée, tenté de croire à la durée de la paix et à la sagesse des rois, je m'exprimais devant vous en ces propres paroles, qui, peut-être, sont devenues remarquables:

«L'héritier du grand Frédéric se souviendra qu'il est chargé du poids d'une monarchie dont la puissance est moins l'ouvrage de la nature que l'édifice des hommes. Le second de ses rois la fonda en abusant de sa vertu; le troisième l'éleva en abusant de son génie; un seul mauvais conseil peut la ruiner sans retour (1). »

Lors, dis-je, que je parlais en ces termes, je ne m'attendais pas, je l'avoue, qu'un an, jour pour jour, après cette espèce de prophétique menace, nous verrions dans Berlin cette élite volontaire de la jeunesse française (2), si noblement impatiente de partager les lauriers de ses ainés, qui, déjà loin devant vous, volant de la Sprée à la Vistule sans être arrêtés un seul instant par la formidable barrière de l'Oder, déjà en présence des enfants du Nord, aurait achevé d'anéantir les restes de cette armée prussienne tant vantée, qui, jadis, fut un instant la terreur de la France, et trop longtemps son funeste modèle.

Mais périsse jusqu'au souvenir des temps désastreux qui se sont écoulés pour la France et pour l'armée, depuis le ministre Saint-Germain, de sinistre mémoire, jusqu'à cette année 89 où nous sommes redevenus Français; période honteuse et irrémédiable, si elle eût été plus longue, où des officiers indignes de leurs soldats, s'effor

(1) Séance extraordinaire du 9 nivôse an XIV.

(2) Les gendarmes d'ordonnance de S. M. l'Empereur et Roi.

cent d'en déprimer l'esprit, et d'introduire chez les Français, toujours libres au fond du cœur, les châtiments avilissants et les disciplines machinales des peuples nés esclaves.

Loin de nous ces réflexions, toutefois si importantes et si douces, quand le souvenir du mal rend le bien plus précieux! Je ne suis point monté à cette tribune pour détester et pour maudire, mais pour admirer et pour bénir.

Pour admirer cette armée si différente aujourd'hui de ce qu'elle était alors, dont tous les rangs reçoivent les mêmes récompenses, offrent les mêmes décorations; cette armée dont la patience égale l'impétuosité, dont la sagesse égale le courage, dont l'instruction égale l'énergie, dont rien au monde n'égalera jamais les exploits et la gloire...

Pour quel Français, pour quel soldat surtout n'est-ce pas un devoir sacré de contempler, de montrer, de bénir le chef auguste de cette armée, oubliant sans cesse l'enivrant spectacle de cette multitude prête à le suivre au bout du monde pour jeter ses regards sur la France, veuve de son monarque, mais veuve fidèle et toujours amoureuse de ses lois? Lui, au milieu du bruit des armes et de l'éclat des victoires, ne proférant que des paroles de longanimité et de paix.

Enfin cette paix devient l'objet des vœux de l'ennemi; il en sent le prix par besoin, comme NAPOLÉON le sentirait par vertu...

Vous savez le reste, Messieurs; mille récits vous ont peint les deux rives du Niémen étonnées du silence des bronzes guerriers dont elles étaient bordées, et bientôt répétant les hymnes de paix et d'alliance qui s'élevaient des deux camps.

[ocr errors]

Vous avez comme vu ce pavillon, témoin de la première entrevue des deux puissants monarques du Nord et du Midi. Ce grand bateau qui fut le lien des deux grandes parts de l'Europe... Le temps est arrivé où doit s'accomplir la prophétie de notre illustre Mirabeau, lorsque, examinant un ouvrage du chevalier Witwort sur la balance du commerce, et parlant de l'Angleterre, ce farouche et superbe ennemi du continent, il finit par ces mots :

་་

« C'est alors que ce peuple si imposant, si estimable, si respectable sous tant de rapports, « mais qui parait avoir peu connu jusqu'ici les a avantages de la paix, serait obligé de chercher, « de susciter, d'enfanter des guerres pour se dé<<barrasser de l'intolérable fardeau de son or, qui «<le priverait de mouvement et de vie, et c'est « alors qu'il faudrait bien que toutes les nations « de la terre se liguassent pour effacer du livre « de vie le peuple ennemi de tous les peuples, qui ne pourrait plus vivre que de carnage. » Voilà ce que ce grand homme d'Etat leur disait, il y a plus de vingt ans, ce qu'il leur crie encore du fond de son tombeau.

«

Mais s'il fallait encore quelque effort sublime, prodigieux pour aplanir le dernier obstacle à la paix du globe, peuple français je vous atteste, quel miracle avez-vous à refuser à celui qui vous conduit d'une manière si prompte et si magique de la paix à la victoire, et de la victoire à la paix?

J'appuie la motion de mes collègues.

M. Delpierre. Messieurs, quel est le Français. qui, en entendant lediscours par lequel Sa Majesté a ouvert la session du Corps législatif, n'a pas été pénétré d'un sentiment profond de reconnaissance et d'admiration? Heureuse la nation, heureux les magistrats qui, en applaudissant à leur souverain, peuvent, à côté de ses actions glorieuses, citer des

paroles admirables, et jouir encore plus de sa magnanimité que de son génie,

Depuis que NAPOLEON gouverne la France, sans négliger les soins du présent, il a porté ses hautes pensées sur l'avenir. Il ne lui a pas suffi de rétablir l'ordre et le calme dans l'empire, il a voulu assurer, irrévocablement, le repos de l'Europe en étouffant l'anarchie de ces gouvernements, dont les réactions perpétuelles étaient décorées du vain nom d'équilibre. Ainsi, cette riche portion du globe, dont les commotions ébranlent les deux mondes, et qui était livrée périodiquement, depuis des siècles, au fléau des discordes, va enfin devenir le tranquille théâtre de l'agriculture, du commerce et des arts, vraies destinations que le ciel assigne aux sociétés humaines ; elle semblait être constituée pour les agitations et la guerre ; il l'a refondée pour la paix et le bonheur; et pour la première fois, depuis qu'il y a des polices sur la terre, le sang aura coulé pour qu'il n'en coulât plus jamais.

Un gouvernement, jaloux de la prospérité des peuples, altère encore la jouissance pure de tant de bienfaits; mais espérons qu'il cessera bientôt ses hostilités vagabondes, ses agressions de forbans, bien plus propres à lui conquérir la haine que l'empire de la terre. Que ferait-il contre la France entière, quand il n'a rien osé contre elle au moment où l'élite de sa population campait sur les bords de la Baltique et de la Vistule, et où il ne restait, pour garder la patrie, que des femmes, des enfants et des vieillards? Oh! qu'il est glorieux pour l'humanité de voir le héros qui peut se permettre une si riche moisson de lauriers! aspirer à descendre de son char de victoire et retracer en grand l'image du généreux Henri, dont la bonté vivra dans la mémoire des Français, quand ils auront perdu le souvenir de sa valeur ! Il veut comme lui que la cabane du pauvre présente bientôt les signes de l'aisance et de la joie ; que le plus petit hameau s'embellisse; que les terres, affranchies d'une portion de l'impôt qu'elles supportent, donnent de plus abondantes récoltes; rare et précieux exemple de la part d'un prince qui, sorti à peine des embarras de la guerre, retranche au fisc pour ajouter aux richesses publiques! Aussi les bénédictions de son peuple retentiront plus haut que l'éclat de sa renommée; car ce peuple sent que son chef auguste n'a voulu être grand et fort que pour que la France fùt paisible et prospère. Si, pendant sa longue absence, il a gardé une attitude si noble, s'il s'est empressé de payer les tributs et d'envoyer de nouveaux braves sous ses aigles, c'est qu'il comptait sur son affection, c'est qu'il était convaincu que, au milieu des périls, il méditait les plans de sa splendeur prochaine; si enfin il a été grând et bon, c'est qu'il s'élevait avec son prince, et qu'il lui rendait dévouement pour amour.

J'appuie la motion de mon collègue Jubé.

Le Tribunat ordonne l'impression des discours de MM. Jubé, Fréville, Carrion-Nisas et Delpierre. L'Assemblée arrête à l'unanimité:

1o Qu'il sera fait une adresse de remerciment à S. M. L'EMPEREUR ET ROI pour le discours qu'il a prononcé à l'ouverture de la première session du Corps législatif;

2o Qu'il sera nommé une commission pour la rédaction de cette adresse, laquelle sera soumise aujourd'hui au Tribunat en comité général;

3° Quelle sera portée aux pieds du trône par le Tribunat en corps.

La commission nommée pour la rédaction de l'adresse est composée de MM. Fabre (de l'Aude),

« PreviousContinue »