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Motifs.

Messieurs, nous apportons au Corps législatif un projet de loi pour l'ouverture d'une route de communication de la ville de Roanne au Rhône.

Les avantages que présente cette communication seront partagés par quatre départements : ceux de la Loire, de l'Ardèche, de la Drôme et de Vaucluse.

Le département de la Loire, que cette route traverse entièrement, y trouve le double avantage d'acquérir un débouché qui, en facilitant le commerce de ses villes manufacturières, apportera à leurs habitants les objets de consommation dont ils ont besoin, au moyen du chargement en retour des marchandises.

Le département de l'Ardèche, que cette route traverse en partie, y trouvera une facilité nouvelle pour l'exportation des productions de son sol et de son industrie.

Enfin, pour les départements de la Drôme et de Vaucluse, cette route abrégera les communications avec la capitale.

Après ces avantages généraux, la route proposée en présente de locaux, et qui consistent principalement :

1° A donner à la ville de Bourg-Argental un débouché qui manque à l'industrie de ses habitants;

2° Á faciliter l'exportation des forêts immenses de sapins qui se trouvent entre Bourg-Argental et Saint-Etienne, en leur procurant les débouchés nécessaires pour faire arriver ces bois sur les bords de la Loire et y être convertis en bateaux;

3o A encourager l'exportation des mines de charbon des environs de Saint-Etienne, qui alors arriveront au port Dandrezën par la Fouillouse;

4o A donner au commerce de cette ville, dont les produits en armes, en quincaillerie et en rubans sont considérables, un moyen de transport plus prompt et plus économique, non-seulement pour Paris, mais pour les départements méridionaux, soit qu'on les transporte par terre, soit qu'on les fasse embarquer au port Daudence sur le Rhône: considérations également importantes sous les rapports militaires;

5o A établir sur la plaine du Forez, productive en toutes sortes de graines, depuis la Fouillouse jusqu'au delà de Balbigny, un débouché d'autant plus avantageux, que la ville de Saint-Etienne est obligée de tirer du dehors de son arrondissement les objets de consommation nécessaires à une population du 25 mille habitants.

Cette communication a été désirée depuis longtemps, et le conseil général du département de la Loire a émis un vœu spécial et voté une contribution à cet effet dans sa dernière session.

Mais Sa Majesté a pensé que, lorsqu'elle a distribué suivant l'ordre et même dans l'urgence des besoins, les fonds qui pouvaient être appliqués en chaque année à des ouvertures de communications nouvelles, les départements qui voudraient anticiper le moment où ils seraient appelés à jouir à leur tour de cet avantage, devraient en effet contribuer eux-mêmes à la dépense qu'occasionnerait cet excédant de travaux.

Le vœu du département de la Loire a donc été agréé; mais en même temps il a paru juste de faire contribuer avec lui les départements de l'Ardèche, de la Drôme et de Vaucluse, dans une règle proportionnelle du degré d'intérêt qu'ils ont à la formation de cette route.

Sa longueur totale, entre Roanne et Annonay, est de cent treize mille trois cents mètres; sa dépense est évalué à 2,721,250 francs.

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Le Gouvernement contribuera de son côté pour une somme de.

2,721,250

1,597,094

Et par conséquent pour plus de moitié de la dépense.

La somme par laquelle les quatre départements sont appelés à concourir doit être regardée moins comme une contribution, que comme une avance sociale, faite par quatre familles et pour un avantage commun; et toutes les fois que de pareilles avances sont faites avec prudence et appliquées avec discernement, les retours ne peuvent manquer d'en être avantageux.

Or, aucune entreprise, aucune affaire, quelle qu'elle soit, ne produit des bénéfices plus réels et plus étendus qu'une communication nouvelle là où elle est nécessaire. Jamais les habitants des quatre départements n'auront donc fait de leurs fonds un emploi plus utile, un placement qui leur produise de plus forts intérêts; et c'est essentiellement ici qu'on peut appeler la contribution un bienfait.

Le systême des grandes routes en France so ressent, dans quelques-unes de ses parties, d'une magnificence stérile. Le Gouvernement le ramene chaque jour à sa véritable magnificence, à l'utilité publique; sa sollicitude écarte les obsé tacles, franchit les distances, rapproche de ses regards les départements qui semblent les plus éloignés, et des localités qui se croient peut-être inconnues. Il veut que, sur tous les points de ce vaste empire, chaque habitant trouve un facile développement de toutes ses facultés et que chaque localité reçoive des efforts de l'art, de la constance, et, s'il le faut, de l'opiniâtrété de l'administration, tout ce qui peut adoucir les contrariétés de la nature, ou ajouter à ses dons.

Vous voyez, Messieurs, se développer successivement ce système. Lorsque vous consultez isolément sur les lois de détails que nous apportons, chacune d'elles en particulier semble n'offrir qu'un intérêt ordinaire; mais si vous les rapprochez les uns des autres, vous vous apercevrez que toutes descendent d'une grande pensée, qu'elles se rattachent au dessein de rendre à cette belle France tout ce qu'elle doit recevoir de richesso et de prospérité; et que le monarque qui a conçu ce noble dessein l'exécute avec cette marche graduée, mais invariable, qui décèle l'action du génie. Alors, il n'est pas un de ces détails qui ne s'agrandisse par son objet, et qui ne se présente sous une forme imposante.

Telle est la loi que nous avons l'honneur de vous proposer.

Projet de loi.

Art. 1er. Il sera ouvert une route de Roanne au Rhône, par Fleurs, Saint-Étienne, Annonay, conformément aux plans qui seront arrêtés par le Gouvernement.

Art. 2. A compter de l'an 1807, et pendant onze ans, il sera levé sur les départements ci-après dénommés, et par centimes additionnels sur les contributions foncière, personnelle et mobilière un fonds destiné à acquitter la moitié de la dépense nécessaire pour la confection de la communication de Roanne au Rhône.

Art. 3. Les départements ci-après seront imposés dans les proportions suivantes :

La Loire trois centimes; l'Ardèche deux centimes; la Drôme un centime; Vaucluse un centime.

Art. 4. Les produits de cette contribution seront versés à la caisse d'amortissement.

Art. 5. Le trésor public fournira chaque année une somme égale à celle de ladite contribution.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

MM. Bergon et Jaubert, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Bergon présente un projet de loi relatif à des aliénations, échanges, concessions, etc. En voici le texte et l'exposé des motifs:

Motifs.

Messieurs, nous vous présentons un projet de loi concernant des aliénations, échanges et concessions.

L'article 1er autorise l'échange de 2 ares de pré contre un terrain de même valeur.

L'article 2, l'aliénation d'une portion d'église en ruine.

L'article 3, l'acquisition; par échange, du palais situé sur la place d'Armes d'Alexandrie, pour servir au logement du général en chef et de l'étatmajor de l'armée.

L'article 4, l'échange de 3 hectares 79 ares de bois situés dans la forêt de Montmorency, contre pareille quantité de bois enclavée dans la même forêt.

L'article 5, la concession à la ville de Montpellier des ruines et emplacement de l'église de Notre-Dame de cette ville, pour l'embellissement de ses halles et marchés.

Chacune de ces dispositions porte avec elle son caractère de justice ou d'utilité: il faut, pour l'agrément ou la salubrité d'une ville, que ses marchés soient spacieux et commodes. Le général en chef et l'état-major de l'armée doivent être convenablement logés dans le plus important des nouveaux boulevards que le génie et la gloire ont acquis à l'empire.

Il est utile au trésor public d'aliéner un objet qui tombe en ruines, et c'est opérer le bien que de supprimer par des échanges les enclaves d'une forêt.

Tels sont, Messieurs, les motifs du projet de loi que Sa Majesté nous a chargés de vous présenter, et qui paraissent mériter votre sanction.

Projet de loi.

TITRE PREMIER.

ALIENATIONS.

Alienation au sieur Rumpel d'une portion de prairie (Sarre).

Art. 1er. Le préfet du département de la Sarre est autorisé à aliéner au sieur Ernest-Friederich Rumpel, négociant à Sarrebruck, 2 ares à prendre dans la prairie nationale de Schoenenthal, située sur la rive droite du ruisseau dit Fischbach, commune de Molstadt, tels que ces 2 ares sont désignés et bornés dans le procès-verbal d'estimation du 27 brumaire an XIV, et ce, en échange d'un autre terrain national, situé sur la rive gauche du Fischbach, près le domaine de Louisberg, vendu audit sieur Rumpel le 6 floréal an XIII.

Cet échange sera fait au même prix, charges et conditions stipulées dans l'adjudication du 6 floréal an XIII. Alienation au sieur Degouen d'une portion de l'église du couvent de Valasse (Seine-Inférieure). Art. 2. Le préfet du département de la Seine-Inférieure est autorisé à passer contrat de vente de la portion de l'église conventuelle du Valasse avec tous les objets en dépendant, tels qu'ils sont énoncés dans le procès-verbal dressé par les experts respectivement nommés, en date du 12 avril dernier, au sieur Degouen, conseiller d'État,

à la charge par l'acquéreur de verser, dans le mois, dans la caisse des domaines, la somme de 3,078 francs, montant de l'estimation.

TITRE II. ÉCHANGES.

Echange entre le domaine et le sieur Ghilini (Marengo).

Art. 3. Le préfet du département de Marengo est autorisé passer contrat d'échange, conformément à son arrêté du 29 thermidor an XIII, des biens nationaux qui

sont désignés, évalués 350,010 fr. 98 c., au sieur Ambroise Ghilini, d'Alexandrie, en échange du palais situé sur la place d'Armes de cette ville, à lui appartenant, affecté, par décret impérial du 9 messidor dernier, au logement du général en chef et de l'état major général de l'armée, et évalué 350,000 francs, aux charges, clauses et conditions énoncées dans ledit arrêté du 29 thermidor an XIII.

Echange avec le sieur Lesperut, dans la forêt de Mont

morency.

Art. 4. Le préfet du département de Seine-et-Oise est autorisé à passer contrat d'échange de 3 hectares 79 ares de bois faisant partie de la forêt de Montmorency, département de Seine-et-Oise, au sieur Lesperut, en échange d'une pareille quantité de bois, en diverses parties, qui lui appartient, et enclavée dans la même forêt.

TITRE III.

CONCESSION.

Concession à la ville de Montpellier.

Art. 5. Le préfet du département de l'Hérault est autorisé à concéder à la ville de Montpellier les ruines et emplacement de l'église de Notre-Dame de cette ville, pour servir à l'embellissement de ses halles et marchés, à la charge par cette ville d'indemniser, à ses frais, les propriétaires des maisons démolies qui étaient adhérentes à cette église, et de payer ce qui peut rester dû aux entrepreneurs de ces démolitions,

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribuuat par un message,

CORPS LEGISLATIF.
PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 9 mai 1806.

Le procès-verbal de la séance du 7 mai est adoptée.

M. Puymorin-Marcassus (de la Haute-Garonne) offre, au nom de M. Larrey, chirurgien en chef de la garde impériale, un volume intitulé: Relation historique et chirurgicale de l'expédition de l'armée d'Orient, en Egypte et en Syrie.

Le Corps législatif ordonne la mention de cet hommage au procès-verbal, et le dépôt du volume à sa bibliothèque.

M. le Président donne lecture d'un message par lequel le Sénat conservateur informe le Corps législatif que sur trois candidats qui lui ont été présentés par Sa Majesté pour la place vacante à la cour de cassation, en conséquence de la nomination de M. Malleville aux fonctions de sénateur, savoir: MM. Botton, premier président de la cour d'appel de Turin; Carbonara, premier président de celle de Gênes, et Bertioli, président de la cour de justice criminelle de Parme, les suffrages du Sénat se sont portés sur M. Botton.

Le Corps législatif ordonne l'insertion du message au procès-verbal.

L'ordre du jour appelle la discussion d'un projet de loi présenté le 5 par MM. Ségur, Maret et Najac, conseillers d'Etat, et relatif à l'achèvement de trois routes principales dans le département de la Nièvre.

M. Chassiron, rapporteur de la section de l'intérieur du Tribunat:

Messieurs, le département de la Nièvre, qui comprend l'ancien Nivernais, abonde en mines

de fer, de charbon de terre, en usines, en forêts; elles y occupent 293,247 arpents, dont 45 millé sont au Gouvernement. On y trouve d'excellents bois de charpente et de chauffage, des houilles de bonne qualité, etc.

Il ne manque à ces riches contrées, traversées par un beau fleuve, que des moyens d'exploitation, c'est-à-dire des chemins praticables pour atteindre les canaux naturels de navigation et d'exportation. L'ancien Gouvernement s'en était occupé, et quelques tâches avaient été entreprises avec les fonds dits de charité.

Le Gouvernement actuel, à qui les demi-moyens, les faibles conceptions ne peuvent convenir, projette un plan plus vaste et plus digne de lui.

11 propose d'ouvrir trois routes: 1° de Troyes à Limoges par Clamecy; 2° de Nevers à Autun, par Châtillon et Château-Chinon; 3° de Nevers à Autun, par Décise et Luzy.

Cet exposé suffit, Messieurs, pour vous prouver l'avantage du projet de loi qui vous est présenté, puisqu'il tend à développer tant de produits, tant de moyens de culture et d'industrie.

Mais vous devez encore examiner si les moyens qu'on propose pour l'exécution sont convenables; si la dépense est répartie dans une juste proportion avec les intérêts de ceux qui la supportent. Car il ne faut pas se dissimuler qu'il s'agit ici d'une imposition de centimes additionnels aux contributions foncière, personnelle et mobilière, à raison de 6 centimes et demi par franc à percevoir pendant dix ans.

La somme totale sera d'un million; le Gouvernement fournit pareille somme. La dépense s'élèvera à près de deux millions.

Que ces fonds soient utilement employés, qu'ils soient placés à un haut intérêt sur l'agriculture, le commerce et l'industrie de ces contrées, ce n'est pas là une question à élever. Elle est décidée par la demande unanime des babitants avant et depuis la Révolution, par le vœu du conseil général du département de la Nièvre, par le rapport de S. Exc. le ministre de l'intérieur, adopté par le conseil d'Etat et par S. M. L'EMPEREUR.

Mais il faut encore examiner si la répartition de la dépense à raison des intérêts est dans une juste proportion, si chacun contribue à raison de l'avantage qu'il a au projet; car autrement, Messieurs, ce ne serait plus une dépense utile, ce serait une nouvelle imposition.

L'Etat a toujours, dans ces sortes de projets, un intérêt réel; sa fortune ne se compose que des fortunes particulières; l'impôt repose sur les produits de l'industrie, du commerce et de l'agriculture, ou sur les transactions qu'amènent les ventes des produits ou les mutations de propriété.

Mais cet intérêt peut être plus ou moins éloigné. Ici, Messieurs, cet intérêt est très-constant et très direct. Vous avez vu que l'Etat possède dans ce département près de 45 mille arpents de bois; il en tire pour la marine des bois, des fers, des chanvres, des houilles qu'il paye toujours en raison de la difficulté des transports.

L'Etat a donc ici un intérêt très-grand. S'il est de moitié dans les produits, il supporte moitié des dépenses; il est difficile de croire que le département éprouve une lésion dans cette évaluation.

Mais l'Etat lui-même n'est-il pas lésé? Car enfin, Messieurs, le million qu'il fournit sort du trésor public alimenté par les contributions des peuples; et si le projet n'était utile qu'au seul département de la Nièvre, il serait injuste d'imposer tous les autres.

Il est évident que ce projet tend à éviter au

Gouvernement des dépenses importantes à raison du transport plus facile des bois qu'il possède, de ceux qu'il achète, des fers, des chanvres, des houilles qu'il tire de l'ancien Nivernais pour la mariue et pour les constructions navales.

Tout paraît donc ici justement compensé. Mais avant de terminer ce rapport, qu'il me soit permis d'examiner devant vous, Messieurs, à cette tribune consacrée aux vérités utiles, une question devenue importante en économie politique, et qui se rattaché au projet qui nous occupe.

Déjà un grand nombre de projets de ce genre ont donné lieu à des impositions de centimes additionnels sur un ou plusieurs départements. Les contributions volontaires doivent-elles être considérées comme de nouvelles in positions pour les départements qui les supportent? Je vais, Messieurs, essayer de vous mettre à même de résoudre ce problème important. Je prendrai pour exemple le projet de loi même qui nous occupe. Je pose ainsi la question:

La somme avancée par le département de la Nièvre est d'un million, payable par 100,000 francs pendant dix ans. Les intérêts de ce capital de 100,000 francs sans cesse croissant, s'élèvent à 250,000 francs; total, 1,250,000 francs.

L'intérêt annuel de cette somme est, à 5 p. 010, de 62,500 francs.

Si, par les nouvelles communications ouvertes, les produits territoriaux, industriels et commerciaux de la Nièvre, n'accroissent pas de valeur dans la proportion de 62,500 francs, par an, c'est un impôt réel.

Si ces mêmes produits acquièrent une valeur bien supérieure à la somme de 62,500 francs, c'est un placement avantageux, une utile spéculation.

Le Tribunat pense, Messieurs, que c'est toujours d'après ces données et ces proportions que doivent être décidées ces sortes de questions dans l'examen des projets qui vous sont présentés.

L'application de ces principes, relativement au projet de loi qui vous occupe, et au département de la Nièvre, n'a paru offrir aucun doute aux sections du Tribunat dont j'ai l'honneur d'être l'organe auprès de vous, Messieurs.

Elles ont vu, dans la demande du conseil général du département de la Nièvre, une grande et paternelle spéculation, un exemple utile qu'il importe d'encourager.

En effet, Messieurs, dans la position politique actuelle des grands Etats de l'Europe, avec le système de guerre qu'ils ont adopté, les forces de terre et de mer qu'ils entretiennent, les dépenses qu'elles nécessitent, et auxquelles chaque Etat ne peut renoncer sans compromettre sa sûreté, il n'est point d'autre soulagement à espérer que l'amélioration des produits commerciaux, agricoles ou industriels. Alors la même somme de contributions réparties sur une plus grande masse de produits, ou sur des produits d'une plus grande valeur, deviendra proportionnellement plus légère, et c'est un mode de dégrèvement qui sera toujours aussi utile à l'Etat qu'aux propriétaires, au commerce et à l'agriculture.

Cette grande pensée ne pouvait échapper à S. M. L'EMPEREUR; et dès les premiers pas de son Gouvernement, il a marché à son exécution avec l'infatigable persévérance qui le caractérise : le sol français l'atteste de toutes parts.

Le tableau comparé de ce qu'était la France à la fin du XVIIIe siècle, de ce qu'elle va devenir sous l'inspiration du génie, étonnera la postérité, et sera le caractère distinctif du XIXe siècle, du siècle de NAPOLÉON.

Un nouveau territoire sera créé sur le sol français; un champ vaste sera ouvert à son agriculture, à son industrie, à son commerce.

Ce sera la dernière et la plus précieuse des conquêtes que la France devra au grand homme qui veut fixer à jamais les hautes destinées de cet empire.

Ces considérations puissantes ont déterminé la section de l'intérieur du Tribunat à vous proposer elle-même d'adopter le projet de loi qui vous est présenté.

La discussion est fermée.

Le projet de loi mis en délibération est décreté à la majorité de 231 boules blanches contre 2 noires.

La discussion est ouverte sur le projet de loi présenté le même jour et par les mêmes orateurs, concernant la réédification de la place Bonaparte à Lyon.

M. Carret (du Rhône). Messieurs, c'est de la ville de Lyon que je viens vous entretenir, et des nouveaux bienfaits que lui accorde le Gouvernement. Il s'agit d'en faire disparaitre enfin ces ruines affligeantes qui encombrent encore son plus beau quartier, et de rendre la place Bellecour digne du nom auguste que la reconnaissance lui a donné.

Toujours prêt à accueillir les idées qui présentent de la grandeur et de l'utilité, l'EMPEREUR vient de donner à la ville de Lyon une preuve nouvelle de sa bienveillance, en acceptant, pour l'édification d'un palais impérial, tout le terrain que le zèle des frères Perrache a disputé aux submersions fréquentes du Rhône et de la Saône, et s'est vainement efforcé de rendre à une constante salubrité. Mais de pareilles entreprises sortent des mesures communes; ce sont des conquêtes qu'il n'est permis de tenter et possible d'obtenir, ni au zèle, ni aux moyens d'un simple particulier. Sa Majesté a senti qu'elle seule pouvait entreprendre ce grand ouvrage; et vous dire qu'elle a daigné l'ordonner, c'est vous annoncer qu'il s'exécute déjà.

Mais, Messieurs, est-ce à travers des ruines que l'on doit s'avancer vers le séjour de celui qui n'a régné que pour relever tout ce qui était abattu, que pour fermer toutes les plaies, et effacer tous les souvenirs pénibles?

Cependant ces ruines importunent encore les yeux; de vastes décombres couvrent encore cette place, appelée désormais à la gloire de porter un si grand nom, et d'être décorée de la statue de BONAPARTE. C'est en vain que la loi du 7 nivôse an VII, l'arrêté du Gouvernement du 23 germinal an X, et la loi du 7 ventôse an XIII, ont accordé aux propriétaires toutes les indemnités, toutes les exemptions qui devaient accélérer la reconstruction des édifices. Les moyens ont toujours paru insuffisants, et les avances énormes qu'il fallait faire, les capitaux qu'elles supposaient, ou l'intérêt exorbitant des fonds qu'il eût fallu se procurer; tout se réunit pour effrayer, pour décourager des propriétaires qui, privés depuis longtemps déjà de leur jouissance, ne voyaient que dans un avenir très-reculé l'époque du dédommagement des sacrifices réels actuellement exigés d'eux.

Aussi, malgré les lois paternelles que je viens de citer, un seul propriétaire a rebâti sa maison, à la façade près, dont il veut que la ville lui garantisse les frais.

Frappés de ces grands obstacles, et également jaloux de les lever enfin, les magistrats de Lyon viennent de soumettre à la sagesse du Gouver

nement un plan qui concilie tout. Il est résulté de sa discussion au conseil d'Etat le projet de loi que j'ai l'honneur de proposer à la sanction du Corps législatif, au nom de la section de l'intérieur du Tribunat.

Cette loi a pour objet d'accorder au conseil municipal de Lyon le droit d'acheter, à dire d'experts, les terrains qu'occupaient les maisons démolies sur la place Bonaparte, si les propriétaires n'ont point commencé à les reconstruire dans le délai de trois mois, à partir de la promulgation de la présente loi.

Par une conséquence immédiate de ce premier article, pareille obligation sera imposée aux propriétaires, qui, ayant commencé à rebâtir, n'auraient pas achevé leurs constructions dans le délai de trois ans, à partir de la publication de la présente loi. La ville achètera le terrain et la bâtisse commencée.

Devenue, par ce moyen, propriétaire des terrains et des constructions non achevées, la ville de Lyon jouira des priviléges antérieurement accordés aux propriétaires actuels, par la loi du 7 ventôse an XIII, et à compter de l'année 1807.

Mais la loi dont il est question aujourd'hui a cru devoir y ajouter, en outre, l'exemption des droits d'enregistrement dus au trésor public pour la première vente des terrains non bátis, et pour la première vente des maisons qu'elle aura fait construire, pourvu que lesdites ventes aient lieu durant le terme de dix ans, à dater du 1er vendémiaire an X.

Il est aisé de sentir, Messieurs, avec quelle heureuse facilité cette loi atteint et remplit le but proposé; elle concilie parfaitement les intérêts particuliers et le bien général. Les propriétaires ne supporteront aucune perte réelle, dans le cas présumé de l'aliénation de leur propriété. Ceux au contraire qui désireront ou pourront la conserver trouveront dans cette même loi des priviléges bien capables d'encourager leur zèle et de compenser leurs sacrifices.

Dans tout état de choses, le vœu public sera rempli, et un grand monument s'élèvera de plus à la gloire de l'EMPEREUR DES FRANÇAIS, consacré à jamais par la reconnaissance des habitants de la ville de Lyon, j'ose ajouter, par celle aussi de tous les habitants des départements environnants. Lyon est pour eux un centre d'affaires si nombreuses, de relations si importantes, que cette grande cité ne peut, en aucune manière, perdre ou acquérir, sans que ses alentours ne se ressentent eux-mêmes du bien comme du mal qu'elle éprouve et d'ailleurs, Messieurs, vous le savez, tel est le caractère distinctif et reconnu de la grande nation; chaque point, chaque habitant de ce vaste empire partage les peines comme les jouissances de tout ce qui porte ou mérite le beau nom de Français tous se réunissent dans les sentiments d'admiration, de respect et d'amour pour le héros législateur qui les gouverne, comme ils sont tous unis par les liens honorables d'un intérêt commun et d'une gloire pour ainsi dire de famille.

Le Corps législatif ferme la discussion et délibère sur le projet de loi, qui est décrété à la majorité de 227 boules blanches contre 6 noires. La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.
PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.
Séance du 10 mai 1806.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté.

M. Lejeas (de la Côte-d'Or). Mes collègues, M. de Reuilly, auditeur du conseil d'État, membre de la Légion d'honneur et sous-préfet de Soissons, offre au Corps législatif un exemplaire de son Voyage en Crimée et sur la mer Noire pendant l'année 1803.

Chargé d'une mission auprès de la cour de Russie, l'auteur de cet ouvrage a pensé qu'il devait à sa patrie le tribut de ses lumières et des connaissances qu'il pourrait acquérir.

A un âge où l'on ne désire ordinairement que des jouissances, M. de Reuilly a voulu s'instruire, et il a entrepris de parcourir en observateur un pays jusqu'alors peu connu, et ensuite d'en publier une relation fidèle.

Nous ne chercherons pas à découvrir avec lui quels furent les premiers habitants de la Crimée, et de donner la nomenclature des hordes de barbares qui, dans leurs continuelles transmigrations, s'en sont successivement emparées.

On sait que cette presqu'ile, réunie au royaume de Bosphore par ce fameux Mithridate qui balança si longtemps la fortune des Romains, fit partie des vastes domaines des vainqueurs du monde et qu'elle devint ensuite la proie de ces barbares connus sous le nom de Tartares-Mongols, sous la conduite de Gengiskan, dont la dynastie a fini de régner en 1783, par la cession que le dernier kan a faite de cette contrée à la Russie. Ce qui intéresse particulièrement dans cet ouvrage, dont le style est agréable, correct et facile, c'est ce que dit l'auteur sur les mœurs, les usages, les lois et la religion d'un peuple adonné presque entièrement à la vie pastorale.

Il faut y lire les événements qui ont, à différentes époques, contribué à en diminuer la population, le commerce et l'agriculture.

Cet ouvrage honore son auteur, et prouve que de bonne heure il possède cet esprit d'ordre et d'observation qui ne s'acquiert ordinairement que par l'étude et une longue expérience.

Je demande qu'il soit fait mention de l'hommage au procès-verbal et le dépôt de l'ouvrage à la bibliothèque.

Le Corps législatif adopte ces propositions.

M. Méric (de l'Aude) présente au nom de M. Babier, l'un des auteurs de la Galerie militaire, les quatre premières livraisons des Archives de l'honneur, ou notices sur la vie militaire des généraux de brigade, adjudants, commandants, colonels, majors, etc., et autres officiers de terre et de mer qui se sont distingués par leurs belles actions.

Cet ouvrage, dit l'orateur, est destiné à perpétuer le souvenir des noms des braves qui ont honoré la patrie par le plus noble dévouement. L'histoire réclame cette liste glorieuse pour la placer au temple de mémoire. L'ouvrage que j'ai l'honneur de vous présenter est destiné à atteindre ce but.

Le Corps législatif ordonne la mention de cet hommage au procès-verbal, et le dépôt de l'ouvrage à sa bibliothèque.

L'ordre du jour appelle la discussion de trois projets de lois.

Le premier, portant formation d'un corps enseignant sous le nom d'Université impériale, présenté Te 6 mai par MM. Fourcroy, Beugnot et Bérenger.

Le second, relatif à l'ouverture d'un canal de navigation entre l'Escaut et le Rhin, présenté le même jour par MM. Begouen et Deloé.

Le troisième autorise différentes transactions d'intérêt local.

La discussion est ouverte sur le premier projet de loi.

M. Fréville. Messieurs, s'il nous était permis de nous demander quelles furent après la bataille d'Austerlitz les pensées du vainqueur, ne pourrions-nous pas supposer qu'au milieu de tant d'émotions généreuses, son âme tressaillit surtout du bonheur d'avoir fait triompher la civilisation? Après l'avoir si glorieusement défendue, rien de plus naturel que de penser aux moyens d'en assurer la durée ou d'en préparer le perfectionnement. Où sont donc les raisons qui devraient nous empêcher de croire que la grande conception qui vous a été présentée sous la forme d'un projet de loi, eût pris naissance au sein même de la victoire? Elle en a emprunté l'éclat et ce caractère de force auquel rien ne saurait résister, pas même le doute dans ses bizarreries ou son opiniâtreté. Elle porte l'empreinte de ce génie. qui sait embrasser tous les intérêts dans l'immensité de ses méditations. Comme il ne cesse de pressentir la postérité, à qui est destiné le dépôt de sa gloire, il doit donner un soin de prédilection aux institutions les plus propres à en perpétuer les effets, et à maintenir les générations suivantes à la hauteur du rang où il a placé la génération qui a le bonheur de vivre sous ses lois.

La formation d'un corps exclusivement chargé de l'enseignement ne serait pas envisagée dans toute son étendue, dans toute son importance, si on n'y voyait qu'une amélioration pour les établissements actuellement consacrés à l'instruction publique. Sans doute, cette amélioration en est une conséquence nécessaire et précieuse, mais la société entière y gagne, dans l'ordre politique, un perfectionnement qu'il n'est pas permis de méconnaître; c'est pour la première fois que l'enseignement est véritablement érigé en fonction publique, puisque c'est pour la première fois qu'on lui prépare des motifs d'émulation, des récompenses et des honneurs analogues à ceux qui embellissent les autres carrières.

Il y avait beaucoup d'idées utiles à recueillir dans l'expérience des anciens établissements, mais il est impossible de leur rapporter cette haute pensée qui sollicite aujourd'hui votre suffrage. Au lieu d'un corps appartenant à tout l'empire et en correspondance dans toutes ses parties, il n'existait que des corporations locales, sans rapport entre elles, et posées sur des bases inégales.

Différents siècles les avaient vues naître; plusieurs avaient été fondées avant que les provinces qui les possédaient fissent partie du royaume: ici l'autorité publique les avait constituées, là elles ne devaient leur existence qu'aux largesses de quelques fondateurs particuliers. Il faut donc, sans manquer de respect ou de reconnaissance pour tant d'hommes célèbres qui ont appartenu à ces établissements, avouer qu'ils étaient bien loin de la régularité que va prendre aujourd'hui cette partie si intéressante du système social. Pour apprécier ce nouveau bienfait de l'Empereur, il est indispensable de remarquer des imperfections qui n'entrainent la censure d'aucun temps, ni d'aucune institution, mais qui s'expliquent par la différence des époques, par l'âge des sociétés.

Moins elles sont avancées en richesses et en connaissances, moins elles sentent la nécessité de distinguer les différentes parties du service public. Il n'existe d'abord aucune profession séparée, pas même celle des armes. Cette division était encore très-peu avancée dans les siècles où l'on commença à s'occuper de l'enseignement. Une sorte d'analogie et l'application antérieure d'une partie de la richesse nationale en faveur des ministres du culte, conduisirent facilement à confondre les

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