Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

SENAT CONSERVATEUR.

PRESIDENCE DE M. FRANCOIS DE NEUFCHATEAU.

Séance du 23 janvier 1806.

A une heure après midi les membres du Sénat se réunissent, en vertu de l'ajournement porté au procès-verbal de la séance d'hier.

Le Sénat entend la lecture et approuve la rédaction de ce procès-verbal.

L'ordre du jour appelle le rapport de la commission spéciale chargée de présenter un projet de réponse au message de Sa Majesté l'Empereur et Roi.

Au nom de cette commission, LE SÉNATEUR LACÉPÈDE, l'un de ses membres, fait le rapport suivant :

« Sénateurs, l'archichancelier de l'Empire vous a porté, d'après les ordres de Sa Majesté l'Empereur et Roi, une dépêche par laquelle Sa Majesté Impériale et Royale vous annonce qu'elle vient d'adopter S. A. I. et R. le prince Eugène, et vous fait connaitre les dispositions du quatrième statut constitutionnel qui règle la succession au trône d'Italie.

"

Vous êtes empressés, sénateurs, de décréter que l'expression de votre vive et respectueuse reconnaissance serait présentée à Sa Majesté Impériale et Royale, et vous avez renvoyé à votre commission spéciale la rédaction de votre réponse à la lettre de Sa Majesté.

« Avant de vous proposer le projet d'adresse que votre commission m'a chargé de vous sou mettre, je crois devoir vous demander la permission de vous faire entendre de nouveau la dépèche de l'Empereur et Roi. »>

Le rapporteur fait une seconde lecture du message, et présente ensuite le projet de réponse approuvé par la commission.

Ce projet est mis aux voix et adopté ainsi qu'il

suit:

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions du 22 frimaire an VIII;

Délibérant sur la communication qui lui a été faite, au nom de Sa Majesté l'Empereur et Roi, par S. A. S. le prince archichancelier de l'Empire, dans la séance d'hier, relativement à l'adoption du prince Eugène, et à l'hérédité de la couronne d'Italie ;

Après avoir entendu le rapport de sa commission spéciale, nommée dans la même séance;

Arrête qu'il sera fait au message de Sa Majesté Impériale et Royale, communiqué hier au Sénat, la réponse dont la teneur suit :

«Sire, le Sénat a reçu avec une profonde sensibilité la nouvelle marque de confiance que votre Majest Impériale et Royale vient de lui accorder.

<< Il admire les grands desseins de Votre Majesté.

« Après avoir surpassé, Sire, par votre génie, les plus grands capitaines, et, par votre modération, les vainqueurs les plus généreux, vous vous environnez d'une nouvelle gloire, par la grandeur de vos conceptions et l'étendue de votre prévoyance.

a Votre Majesté Impériale et Royale désigne comme pouvant porter un jour cette couronne de fer, ornée par elle de tant de lauriers, un

jeune prince qui, élevé dans les camps de Votre Majesté, dirigé par sa voix paternelle, et instruit par le plus grand des maîtres dans l'art de vaincre et dans celui de régner, remplit si dignement l'auguste ministère de transmettre aux peuples d'Italie les bienfaits de Votre Majesté, et de lui présenter les bénédictions des peuples d'Italie.

« Non-seulement le statut solennel que VotreMajesté Impériale et Royale a bien voulu faire connaître au Sénat prévient ces causes funestes de dissensions intérieures et de guerres étrangères, qui font naître si souvent des droits obscurs, et des prétentions incertaines au trône mais encore votre sagesse, Sire, a su trouver, par des combinaisons profondes, l'art heureux de lier la France à l'Italie sans les réunir; de rapprocher sans les confondre les couronnes qui brillent avec tant d'éclat sur votre front auguste; et de rassurer les amis des deux grandes nations sans alarmer la prévoyance des gouvernements, dont la sollicitude calcule avec le plus d'attention les chances de l'avenir.

<< Mais Votre Majesté a fait bien plus encore.

« Vous élevant par la puissance de votre génie à une grande hauteur, promenant vos regards sur le monde et sur les siècles à venir, mesurant les progrès de la civilisation et tous ceux qu'elle doit faire encore, interrogeant la nature sur cet esprit caractéristique des peuples, que des milliers d'années ne peuvent changer, et sur les effets de ces grands linéaments qu'elle a tracés sur le globe, comme pour marquer les limites des diverses nations, vous avez conçu une grande pensée, un système nouveau, une fédération d'une nature toute particulière que l'ère de Napoléon pouvait seule voir naître, dont Votre Majesté développera successivement et les avantages immenses, et les devoirs sacrés; et qui, seule, pourra lutter avec succès dans la suite des siècles, contre les caprices frivoles, les passions violentes, la faiblesse timide et la fausse gloire si présomptueuse pour le maintien de la paix, la durée d'un juste équilibre et la prospérité des peuples européens.

« Sire, vous aurez imprimé à vos ouvrages le sceau de la durée; vous aurez soumis le temps à votre puissance.

« Le peuple français présente à Votre Majesté Impériale et Royale tous les hommages que lui décernera la postérité reconnaissante.»

Conformément à la délibération prise dans la séance d'hier, Son Altesse Sérénissime le prince archichancelier de l'Empire, qui a été chargé de communiquer au Sénat le message de Sa Majesté l'Empereur et Roi, est prié de vouloir bien transmettre à Sa Majesté, par un courrier extraordinaire, la réponse du Sénat.

Les président et secrétaires,

Signé FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU, président; Porcher, secrétaire; J. Cornudet, ex-secrétaire. Vu et scellé.

Le chancelier du Sénat,

Signé LAPLACE.

SÉNAT CONSERVATEUR.

28 janvier 1806.

Aujourd'hui mardi, 28 janvier, Sa Majesté l'Empereur et Roi, entouré des princes de sa famille et des princes grands dignitaires de l'Empire, des ministres, des grands officiers civils et militaires, des officiers civils de sa maison et de son Conseil d'Etat, a reçu sur son trône les hommages et félicitations des principales autorités constituées.

Ces divers corps ont été conduits dans la salle du trône par les maîtres et aides des cérémonies, et introduits par Son Eminence le grand maître des cérémonies dans l'ordre suivant :

Le Sénat, présenté par Son Altesse Sérénissime le prince Cambacérès, archi-chancelier de l'Empire, S. Exc. M. FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU a dit :

Sire, quel beau jour, pour la France entière, que celui qui semble lui rendre la lumière et la vie, en lui restituant l'aspect de Votre Majesté ! Quel beau moment pour le Sénat, honoré comme il l'est de votre confiance auguste, que l'instant où il est admis à contempler, dans tout l'éclat de la victoire et de la paix, ce trône impérial que six cent mille hommes armés s'étaient flattés de renverser! Sire, que nous aimons à vous y voir assis, après une absence si longue, et qui, sous un autre que vous, eût été si inquiétante!

« Nous pouvons dire justement une absence si longue, quoiqu'elle n'ait duré qu'environ quatre mois. Par le nombre de vos triomphes, ces mois sont devenus des siècles; mais ils n'ont pas été moins lents pour notre impatience de recevoir et de posséder le héros de notre âge, le libérateur de l'Europe et le père de la patrie.

« Cependant, nous devons le dire à Votre Majesté Impériale et Royale, vous n'avez pas cessé d'être présent dans le sein du Sénat, Sire, nonseulement par cette renommée qui remplit l'univers, mais par ce sentiment qui nous attache tous à Votre Majesté et lie nos destinées et nos affections à ses affections et à ses destinées. A dater du moment où Votre Majesté Impériale et Royale vint nous annoncer ce départ qu'elle n'avait pas pu prévoir, tous nos cœurs l'ont suivie au delà des frontières. La rapidité de sa marche, devancant toujours notre espoir, redoublait toujours notre zèle. Ses dangers, ses fatigues, nous les partagions sans relâche. Ses paroles sublimes et ses actions étonnantes nous tenaient sur ses pas dans un enchantement qui, pendant quatre mois, n'a pas été interrompu. Oui, Sire, sans reprendre haleine, nous étions avec vous à Wertingen, à Ulm, à Vienne, à Austerlitz; et, d'une manière plus douce, à Carlsruhe, à Stuttgard, et en dernier lieu à Munich. Avec le soldat, nous allions de victoire en victoire, avec le père de famille, nous avons célébré une noce heureuse et brillante.

«Mais après toutes ces merveilles, combien votre retour était ardemment désiré! Quel empressement unanime aurait précipité sur les pas du Sénat, au-devant de notre EMPEREUR et de notre héros, la population immense de la première de ses villes, si le temps vous avait permis de vous prêter à vos désirs, ou plutôt si le dévouement de Votre Majesté au service public ne nous eùt pas fait un devoir de signaler votre arrivée par la tenue de vos conseils! C'est un trait caractéristique et qui doit être remarqué dans votre manière de voir. Régner, c'est s'oublier soi-même et vivre pour les autres. Ainsi, pour Votre Majesté, le travail de la veille n'a d'autre perspective et d'autre récompense que le travail du lendemain.

Ah! Sire, suspendez un jour cette action infatigable. Tous les yeux sont jaloux de voir NAPOLEON LE GRAND! tous les cœurs sont ouverts pour lui.

«Nous n'essayerons pas de peindre ce que nous éprouvons. Les transports de la joie publique serout plus éloquents que nos faibles paroles. Mais ce que le Sénat doit dire, c'est que les sentiments du peuple répondent dignement aux actions du Prince. La nation française s'enorgueillit de son

monarque. Sire, tous vos contemporains se félicitent de leur siècle.

« Heureux ceux qui ont pu échapper ou survivre à nos malheureuses discordes, pour être témoins de la gloire de leur pays, et contempler l'état de la prospérité que la faveur du ciel verse sur cet Empire, depuis que le Sénat et le peuple, et Dieu même, ont remis le sceptre en des mains dignes de le porter!

« Ah! qu'à partir de cette époque, la France doit chérir sa quatrième dynastie! que de problèmes résolus, et au dehors, et au dedans!

« Au dehors, en effet, le nom français est respecté; nos alliés sont affermis; nos ennemis sont reconnus pour les ennemis de l'Europe, et leurs combinaisons perfides n'ont abouti qu'à augmenter l'éclat de votre diadème et votre gloire personnelle. S'ils avaient conspiré pour vous rendre plus grand encore, ils n'auraient pas mieux réussi. « Au dedans, Votre Majesté, toujours fidèle à ses principes, maintient inviolablement l'union de la liberté avec la monarchie. Toutes nos craintes sont passées; nos espérances sont accrues. Sire, tous les Français sentent ce qu'ils vous doivent. Il n'en est pas un seul qui ne soit pénétré pour Votre Majesté de cet enthousiasme que sa grande âme communique, et qui semble élever vers elle toutes les autres âmes.

[ocr errors]

Daignez donc, Sire,recevoir, à ces titres sacrés, nos félicitations, nos sentiments et nos hommages, qui sont ceux de votre grand peuple; daignez, ô le meilleur et le plus illustre des princes, accueillir favorablement ces tributs d'admiration, de dévouement et de respect que le Sénat en corps est empressé d'offrir à Votre Majesté Impériale et Royale! Et quoique votre modestie parle si simplement des prodiges sans nombre, par lesquels ce génie, qui avait déjà surpassé tous les autres héros, vient de se surpasser lui-même, souffrez que nous exécutions le décret du Sénat, en donnant solennellement au sauveur de la France le nom de GRAND, ce nom si juste, ce titre que la voix du peuple, qui est ici la voix de Dieu, nous prescrit de vous décerner.

[ocr errors]

Enjoignant ce beau titre à la commune expression du væu universel, nous finirons par ces mots, devenus en France un cri national, qui émane de tous les cœurs, et qui est sur toutes les lèvres Vive NAPOLEON LE GRAND!»

S. M. L'EMPEREUR ET Roi a répondu en peu de mots; il a dit : « qu'il remerciait le Sénat des sentiments que le président venait d'exprimer, et il a ajouté qu'il mettait son unique gloire à fixer les destinées de la France de manière que dans les âges les plus reculés, elle fût toujours reconnue par la seule dénomination du grand peuple.

TRIBUNAT.

28 janvier 1806.

A l'audience de Sa Majesté l'Empereur et Roi, au palais des Tuileries, M. le Président du Tribunat, à la tête de ce corps, a prononcé le discours suivant :

M. Fabre (de PAude). Sire, le Tribunat vient mêler aux acclamations publiques l'expression de la joie que lui inspire l'heureux retour de Votre Majesté.

Dans le cours de la campagne qu'elle vient de terminer si glorieusement, Votre Majesté n'a point perdu de vue l'état intérieur de la France; sa vigilance et sa prodigieuse activité se sont étendues à toutes les parties de l'administration.

Mais la présence de Votre Majesté n'en était pas moins vivement désirée.

Chacun a senti le besoin de contempler le héros qui venait d'opérer tant de prodiges, et que d'innombrables bienfaits avaient rendu l'objet de l'admiration, de l'enthousiasme et de l'amour de ses peuples.

Sire, les ennemis de la France sont eux-mêmes forcés de rendre hommage à la sublimité de vos conceptions.

Constante et ferme dans toutes ses entreprises, Votre Majesté a toujours la certitude d'arriver au but qu'elle veut atteindre, soit que ses projets aient été si bien combinés et ses mesures si bien prises qu'elle contraigne la fortune à les couronner, soit qu'une puissance surnaturelle prenne elle-même le soin de les lui inspirer et d'en assurer le succès.

Sire, la confiance sans bornes que vous témoignent vos fidèles sujets, et que justifie une expérience déjà longue, si on compte plus les faits que les années, est dictée par le souvenir des plus éminents services et le dévouement le plus étendu.

Le Tribunat se félicite d'avoir à exprimer à Votre Majesté les sentiments dont il a été constamment animé; il regrette de ne point trouver des expressions assez fortes pour peindre diguement tout ce que Votre Majesté a fait pour la gloire et le bonheur de ses peuples, et tout ce que de leur côté ils ressentent pour votre auguste personne, d'amour et de reconnaissance.

L'EMPEREUR a répondu : « Qu'il désirait qu'on ne se ressouvînt de ce qui a été fait de bien dans ces derniers mois, qu'au moment où son armée rentrerait en France, afin que ses soldats fussent alors accueillis comme doivent être des enfants qui sont la gloire et l'honneur de leurs familles ! qu'il fallait en ce moment s'occuper uniquement de perfectionner la législation, parce que les bonnes lois sont la cause la plus durable de la prospérité des peuples.

SENAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU. Séance du 1er février 1806.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions du 22 frimaire an VIII;

Vu l'article 64 de l'acte des Constitutions du 16 thermidor an X,

Procède, en exécution dudit article, à la nomination de deux de ses membres pour remplir en l'an 1806 les fonctions de secrétaires.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages aux sénateurs Canclaux et Depère.

Ils sont proclamés, par M. le président, secrétaires du Sénial pour l'an 1806.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. TEMPEREUR ET ROI, pour l'informer de cette nomination, laquelle sera pareillement notifiée au Corps législatif, lors de sa rentrée, et au Tribu

nat.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions du 22 frimaire an VIII;

Vu l'article 20 du sénatus-consulte du 14 nivôse an XI, portant règlement sur l'administration économique du Sénat,

Procède, en exécution dudit article, à la nomination des sept sénateurs qui doivent entrer dans la composition du conseil d'administration pour l'an 1806.

Le résultat du dépouillement donne la majorité absolue des suffrages aux sénateurs Garnier (Germain), Roger-Ducos, Démeunier, de Fleurieu, Sainte-Suzanne, Lemercier et François de Neufchâteau.

Ils sont proclamés par M. le président, membres du conseil d'administration du Sénat pour l'an 1806.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. l'EMPEREUR ET ROI, pour l'informer de cette nomination.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions du 22 frimaire an VIII,

Procède, en exécution de l'article 64 du sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII, à la nomination de deux membres de la commission sénatoriale de la liberté individuelle, en remplacement du sénateur Cacault, décédé, membre de cette commission, et du sénateur Vernier, qui a terminé l'exercice de ses fonctions.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages aux sénateurs Cornet et Journu-Auber.

Ils sont proclamés, par M. le président, membres de la commission sénatoriale de la liberté individuelle.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. I'EMPEREUR ET ROI, pour lui donner connaissance de ces nominations.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions du 22 frimaire an VIII,

Procède, en exécution de l'article 64 du sénatusconsulte organique du 28 floréal an XII, à la nomination d'un membre de la commission sénatoriale de la liberté de la presse, en remplacement du sénateur Démeunier, qui a terminé l'exercice de ses fonctions.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages au sénateur Herwyn.

Il est proclamé, par M. le président, membre de la commission sénatoriale de la liberté de la presse.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, pour lui donner connaissance de cette nomination.

La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

Séance du 2 mars 1806.

Aujourd'hui dimanche, 2 mars 1806, la cérémonie de l'ouverture de la session du Corps législatif a eu lieu ainsi qu'il suit :

A six heures du matin tous les postes du palais du Corps législatif ont été occupés par la garde impériale, sous le commandenient de M. le général Duroc, grand-maréchal, à qui la police du palais avait été confiée.

A onze heures du matin, les membres du Corps législatif, en grand costume, se sont réunis dans la salle ordinaire des séances, qui avait été disposée pour cette cérémonie de la manière sui

vante :

L'estrade du trône avait été établie sur la tribune ordinaire du président, des orateurs et des secrétaires du Corps législatif, à la hauteur du soubassement. On y montait par deux rampes placées aux extrémités latérales. Le trône, élevé de cinq marches au-dessus de l'estrade, était placé sous un dais cramoisi.

On avait aussi préparé, vis-à-vis le trône, pour la famille impériale, une tribune richement décorée,

[blocks in formation]

Désignés par décret impérial du 25 février 1806, pour assister à cette cérémonie, ces corps et cette députation avaient chacun, en se rendant au palais du Corps législatif, une escorte de cent hommes de troupes à cheval. Ils ont pris place, savoir les membres du Conseil d'Etat, sur les deux premiers rangs de banquettes du côté de leurs places accoutumées; les tribuns, sur les deux premiers rangs de banquettes vis-à-vis les conseillers d'Etat; et les douze sénateurs, dans le parquet en face du trône, sur des chaises richement ornées.

A midi, L'EMPEREUR est parti du palais des Tuileries; une salve d'artillerie a annoncé son départ.

La marche de son cortége était ouverte par les chasseurs à cheval de la garde et fermée par les grenadiers à cheval et la gendarmerie d'élite.

Le cortége, marchant au milieu d'une haie de troupes, a traversé le jardin des Tuileries, la place et le pont de la Concorde, la rue de Bourgogne, la place du palais du Corps législatif, et est entré dans ce palais par la porte des Acacias. Sa Majesté est descendue au perron du président du Corps législatif.

Le cortège impérial marchait dans l'ordre suivant :

Les hérauts d'armes à cheval;

Une voiture pour les maîtres et aides des cérémonies;

Deux voitures pour les grands officiers militaires et la grande chancellerie de la Légion d'honneur;

Trois voitures pour les ministres ;

Une voiture pour le grand-écuyer et le grandmaître des cérémonies;

Une voiture pour les deux princes grands dignitaires;

La voiture de L'EMPEREUR dans laquelle étaient SA MAJESTÉ et S. A. I. LE PRINCE Louis ;

A cheval autour de la voiture, étaient les colonels-généraux de la garde, les aides de camp et les écuyers de SA MAJESTÉ

Le premier inspecteur général de la gendarmerie était à cheval derrière la voiture;

Une voiture pour le grand chambellan et le grand maréchal du palais;

Deux voitures pour les officiers de la maison de SA MAJESTÉ ;

Une salve d'artillerie ayant annoncé l'arrivée de L'EMPEREUR au palais du Corps législatif, le président et vingt-cinq législateurs sont allés à la porte extérieure du palais recevoir SA MAJESTÉ. L'Empereur, après s'être reposé dans les appartements préparés pour le recevoir, s'est rendu à la salle des séances par la bibliothèque et la galerie. Son cortége, précédé par la députation des législateurs, marchait dans l'ordre suivant :

[blocks in formation]

Les ministres,

Le grand-maréchal, le grand-écuyer et le grandmaître des cérémonies,

LL. AA. SS. les princes grands dignitaires,
S. A. 1. le prince Louis,
L'EMPEREUR,

Les colonels-généraux de la garde de service et le grand chambellan;

Derrière eux, les officiers de la maison de l'Empereur.

A l'arrivée du cortége dans la salle, tous les législateurs se sont levés; ceux de la députation sont allés prendre leurs places; le président s'est placé en face du trône, au milieu de son corps, sur une chaise, ayant deux huissiers derrière lui.

Les huissiers de SA MAJESTÉ se sont placés aux deux extrémités de l'escalier; deux hérauts ont pris place à une entrée du parquet, et deux à l'autre le chef, entre les messagers d'Etat du Corps législatif, sur le côté droit; le reste du cortégé a monté l'escalier et chacun a été prendre sa place autour du trône, savoir: S. À. I. le prince LOUIS et LL. AA. SS. les princes grands dignitaires, à droite et à gauche, sur des chaises ; les ministres à droite, les grands officiers à gauche, sur des bancs; les colonels-généraux de la garde et le grand-maréchal, derrière le trône; le grand chambellan et le grand-écuyer sur des tabourets, devant les ministres ; le grand-maître des cérémonies sur un tabouret, devant les grands officiers militaires; les maîtres et les aides des cérémonies au haut des escaliers latéraux ; les aides de camp et les officiers de la maison de SA MAJESTE, derrière les princes et les dignitaires; les pages se sont partagés sur les marches des escaliers latéraux.

L'EMPEREUR étant assis, tous les assistants se sont couverts. Le grand-maître des cérémonies a pris les ordres de SA MAJESTÉE et les a transmis au prince archichancelier de l'Empire, suppléant dans ses fonctions le grand-électeur. Le prince archichancelier descendant et s'avançant près de la balustrade au bas des cinq marches du trône, a dit à haute voix, après avoir fait une profonde révérence :

[ocr errors]

Sire, j'ai l'honneur de demander à VOTRE MA« JESTÉ IMPÉRIALE et ROYALE la permission de lui présenter ses fidèles sujets les députés des départements au Corps législatif, qui n'ont pu «assister à la prestation du serment qui a eu lieu « à l'ouverture de la session de l'an XIII, et qui « demandent à prêter ce serment. »

Le grand-maître a fait avertir par un aide des cérémonies l'un des questeurs, M. Terrasson, qui est monté sur l'estrade au milieu du parquet et a fait l'appel par ordre alphabétique,ainsi qu'il suit: MM. Delort (de la Cor- Roulhac (de la Hauterèze). Vienne). Larmagnac (de Saône-et- Sauret (de l'Allier). Loire.) Toulongeon (de la Nièvre.) Chaque législateur, à mesure qu'il était appelé, s'est levé, s'est découvert et est descendu au pied du trône le prince archichancelier a répété son nom à SA MAJESTÉ avec l'indication de son département; le législateur, debout, a prêté serment à haute voix en ces termes :

Je jure obéissance aux Constitutions de l'Empire et fidélité à l'Empereur.

Cet appel fait, le prince archichancelier, après avoir fait une profonde révérence, a dit :

«Sire, je demande à Votre Majesté Impériale et « Royale la même permission pour ses fidèles su« jets les députés des départements de l'Empire « au Corps législatif, qui ont été nommés depuis la « session de l'an XIII. »

Les mêmes formalités ont eu lieu pour ce second, appel qui a été fait par le questeur, ainsi qu'il suit :

MM.
Boncompagni (du Pô).
Bouteiller (de la Meurthe).
Bouteiller (de la Somme).
Chiron (du Finistère).
Clemenceau de la (Vendée).
Colonieu (de Vaucluse).
Daigremont (du Calvados).
Darthenay (du Calvados).
Dauzat (des Haut.-Pyrénées).
Debosq (de la Haute-Ga-
ronne).

Debrigode (du Nord).
Delameth (de la Somme).
De l'Ecluse (du Finistère).
Demortreux (du Calvados).
Desbois (d'Ille-et-Vilaine).
Despallières (de la Vendée.)
Desprez (du Nord).
Dhaubersart (du Nord).
Dumolard (du Nord).
Duquesne (du Nord).
Estourmel (de la Somme).
Farez (du Nord).
Gaillard (de Seine-et-Marne).
Gérolt (de Rhin-et-Moselle).
Houdouart (de l'Yonne).
Langlois - Septenville (de la
Dyle).
Laugier (du Pô).

Le Tellier (du Calvados).
Louvet (de la Somme).
Lucy (de Seine-et-Marne).
Marcorelle (de la Haute-
Garonne).

MM.

Martin-Bergnac (de la Hau-
te-Garonne).

Mercier-Vergerie (de la Ven-
dée).

Montesquiou (de Seine-et-
Marne).

Noguez (des Hautes-Pyré-
nées).

Olbrechts (de la Dyle).
Pastoret (des Forêts).
Philippe-Delleville (du Fi-
nistère).

Plasschaert (de la Dyle).
Puymaurin-Marcassus (de la
Haute-Garonne.)
Ragon-Gillet (de l'Yonne).
Rallier (d'Ille-et-Vilaine).
Raynouard (du Var).
Reuter (des Forêts).
Robinet (d'Ille-et-Vilaine).
Rocci (du Pô).
Rossée (du Haut-Rhin).
Saillour (du Finistère).
Schadet (du Nord).
Sénès (du Var).
Siméon (du Var).
Sommervogel (du Haut-
Rhin).

Soufflot (de l'Yonne).
Thiry (de la Meurthe).
Vanrecum (de Rhin-et-Mo-
selle).

Villems (de la Dyle).

Après la prestation des serments des nouveaux législateurs, le prince archichancelier est retourné à sa place.

L'Empereur prononce ensuite le discours suivant, pendant lequel tous les assistants restent découverts:

Messieurs les députés des départements au Corps législatif, Messieurs les tribuns et les membres de mon Conseil d'Etat, depuis votre dernière session, la plus grande partie de l'Europe s'est coalisée avec l'Angleterre. Mes armées n'ont cessé de vaincre que lorsque je leur ai ordonné de ne plus combattre. J'ai vengé les droits des Etats faibles, opprimés par les forts. Mes alliés ont augmenté en puissance et en considération; mes ennemis ont été humiliés et confondus; la maison de Naples a perdu sa couronne sans retour; la presqu'ile de 'Italie tout entière fait partie du grand Empire. J'ai garanti, comme chef suprême, les souverains et les constitutions qui en gouvernent les différentes parties.

dent pas des sentiments et des dispositions des cours étrangères. Mon peuple maintiendra toujours ce trone à l'abri des efforts de la haine et de la jalousie; aucun sacrifice ne lui sera pénible pour assurer ce premier intérêt de la patrie.

Nourri dans les camps, et dans les camps toujours triomphants, je dois dire cependant que, dans ces dernières circonstances, més soldats ont surpassé mon attente; mais il m'est doux de déclarer aussi que mon peuple a rempli tous ses devoirs. Au fond de la Moravie, je n'ai pas cessé un instant d'éprouver les effets de son amour et de son enthousiasme. Jamais il ne m'en a donné des marques qui aient pénétré mon cœur de plus douces émotions. Français ! je n'ai pas été trompé dans mon espérance. Votre amour, plus que l'étendue et la richesse de votre territoire, fait ma gloire. Magistrats, prêtres, citoyens, tous se sont montrés dignes des hautes destinées de cette belle France qui, depuis deux siècles, est l'objet des ligues et de la jalousie de ses voisins.

Mon ministre de l'intérieur vous fera connaître les événements qui se sont passés dans le cours de l'année. Mon Conseil d'Etat vous présentera des projets de loi pour améliorer les différentes branches de l'administration. Mes ministres des finances et du trésor public vous communiqueront les comptes qu'ils m'ont rendus; vous y verrez l'état prospère de nos finances; depuis mon retour, je me suis occupé, sans relâche, de rendre à l'administration ce ressort et cette activité, qui portent la vie jusqu'aux extrémités de ce vaste Empire. Mon peuple ne supportera pas de nouvelles charges, mais il vous sera proposé de nouveaux développements au système des finances, dont les bases ont été posées l'année dernière; j'ai l'intention de diminuer les impositions directes qui pèsent uniquement sur le territoire, en remplaçant une partie de ces charges par des perceptions indirectes.

Les tempêtes nous ont fait perdre quelques vaisseaux, après un combat imprudemment engagé. Je ne saurais trop me louer de la grandeur d'âme et de l'attachement que le roi d'Espagne a montrés dans ces circonstances pour la cause commune. Je désire la paix avec l'Angleterre. De mon côté, je n'en retarderai jamais le moment. Je serai toujours prêt à la conclure, en prenant pour bases les stipulations du traité d'Amiens. Messieurs les députés au Corps législatif, l'attachement que vous m'avez montré, la manière dont vous m'avez secondé dans les dernières sessions, ne me laissent point de doute sur votre assistance. Rien ne vous sera proposé qui ne soit nécessaire pour garantir la gloire et la sûreté de mes peuples.

SA MAJESTÉ s'est levée et tout le cortége est retourné dans les appartements d'où il était sorti, en suivant le même ordre qui avait été observé pour arriver.

L'EMPEREUR, précédé et reconduit de même jusqu'à la porte extérieure du palais, par la députation de vingt-cinq législateurs, est remonté en voiture et a pris avec son cortège le chemin qu'il avait suivi pour venir au palais du Corps législatif.

La Russie ne doit le retour des débris de son armée qu'au bienfait de la capitulation que je lui ai accordée. Maître de renverser le trône impérial d'Autriche, je l'ai raffermi. La conduite du cabinet de Vienne sera telle que la postérité ne me reprochera pas d'avoir manqué de prévoyance. J'ai ajouté une entière confiance aux protestations qui m'ont été faites par son souverain. D'ailleurs les hautes destinées de ma couronne ne dépen-compagnés à leur arrivée.

Le départ de SA MAJESTÉ du palais du Corps législatif et son arrivée aux Tuileries ont été annoncés par de nouvelles salves d'artillerie.

T. IX.

Après la sortie du cortége impérial, les douze sénateurs, et successivement les membres du Conseil d'Etat et du Tribunat, sont sortis du palais du Corps législatif avec l'escorte qui les avait ac

3

« PreviousContinue »