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Dans une circonstance aussi mémorable, ce serait trop peu pour nous de porter au pied du trône des félicitations d'usage. Quelles expressions pourraient d'ailleurs rendre nos sentiments! Quand l'enthousiasme le plus vif éclate de toutes parts, quand il n'est pas un Français qui ne manifeste le désir de se presser autour du héros qui fait la gloire de la Grande Nation, le Tribunat peut-il se borner à des démonstrations ordinaires de dévouement et d'admiration?

C'est par une démarche éclatante, c'est en se portant en corps à la rencontre de Sa Majesté qu'il doit manifester ses sentiments.

Déjà le Sénat, dont vous vous honorez de suivre les exemples, a délibéré de rendre cet hommage au grand homme qui procure à la France de si brillantes destinées. C'est à la suite de ce corps, si respectable par lui-même et par la considération que lui témoigne le grand Napoléon, que je propose au Tribunat de marcher. Sa Majesté ne sera point insensible aux hommages que le Tribunat lui présentera sous de pareils auspices; elle ne verra point sans intérêt les enfants adoptifs des pères de la patrie; et le Tribunat n'aura jamais mieux senti le prix de cette honorable adoption que dans le moment où elle pourra rendre l'expression de son amour et de son admiration plus agréable au monarque chéri qui en est l'objet. Je demande que le Tribunat arrête que, le jour de l'arrivée du grand Napoléon, il se transportera en corps à la suite du Sénat, à la rencontre de Sa Majesté, pour lui témoigner les sentiments d'admiration dont il est pénétré pour son auguste personne.

Le Tribunat adopte à l'unanimité cette proposition, et ordonne l'impression du discours. La séance est levée.

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sime: elle est reçue au haut du grand escalier par les sénateurs désignés, accompagnés du garde des archives.

Introduite dans la salle des séances, Son Altesse Sérénissime M. CAMBACERÈS, archichancelier, après avoir pris place, prononce le discours suivant :

« Messieurs, si le prince grand électeur était encore parmi vous, vous auriez reçu de ses mains la communication que Sa Majesté l'Empereur et Roi m'ordonne de vous faire.

«La lettre que Sa Majesté adresse au Sénat, el que je lui apporte, a pour objet de vous instruire de deux transactions importantes.

« L'une est le mariage du prince Eugène avec la princesse Auguste, fille de Sa Majesté le roi de Bavière.

«L'autre est le traité de paix avec l'Empereur d'Autriche, conclu à Presbourg, le 5 nivôse (26 décembre 1805), et ratifié le lendemain au palais de Schoenbrunn près de Vienne.

«En vous donnant connaissance des articles qui le composent, Sa Majesté satisfait tout à la fois au besoin qu'elle éprouve de communiquer avec vous sur tous les grands intérêts de l'Etat, et au désir d'accélérer la publication de cet acte, dont nos lois constitutionnelles ont voulu que vous fussiez instruits les premiers.

« Vous apercevrez, Messieurs, dans l'établissement du prince Eugène, un nouveau témoignage de la tendresse de Sa Majesté pour celui qui justifie si bien le beau titre qu'elle lui a conféré en le nommant l'enfant de son adoption. Heureux prince qui, appelé si jeune à l'administration d'un grand Etat, a su se rendre égal à cette tâche difficile, se montre de jour en jour plus digne d'imiter les glorieux exemples dont son enfance a été nourrie, et conserverà la tradition de bonté dont son auguste mère lui a transmis l'héritage!

Ce mariage manifeste aussi combien l'Empereur apprécie la loyauté de l'antique maison de Bavière, dont l'attachement pour la France ne s'est jamais démenti dans toutes les époques de notre monarchie; et combien Sa Majesté est touchée du courage et du dévouement dont la nation bavaroise et son illustre chef viennent de lui donner des preuves au péril de leurs plus grands intérêts.

<«< Quant au traité de paix, chacune des conditions qu'il renferme offre de nouveaux sujets d'admirer la magnanimité de Napoléon le Grand, qui, forcé de prendre les armes, n'a cherché d'autre fruit de ses victoires que la gloire de fonder le repos de l'Europe, en honorant la fidélité de ses alliés.

« Votre juste impatience compte avec regret les moments jusqu'à celui qui nous rendra la présence de notre monarque. Croyez, Messieurs, qu'il ressent aussi le désir d'être rendu à l'amour de ses peuples; mais le tableau des heureux qu'il a faits était une jouissance trop digne de son cœur, pour qu'il put leur refuser un dernier regard qui accroît leur bonheur et qui en assure la durée.

« Je remets, Messieurs, entre les mains de M. le Président, la lettre de Sa Majesté l'Empereur et Roi, une expédition du traité de paix ratifié, et je demande acte de cette remise. »

M. le Président fait de suite donner lecture à l'assemblée des pièces remises par le prince archichancelier de l'Empire.

Suit la teneur de ces pièces :

Lettre de Sa Majesté l'Empereur et Roi.

« Sénateurs, la paix a été conclue à Presbourg

et ratifiée à Vienne entre moi et l'empereur d'Autriche; je voulais dans une séance solennelle vous en faire connaitre moi-même les conditions; mais ayant depuis longtemps arrêté avec le roi de Bavière le mariage de mon fils le prince Eugène, avec la princesse Auguste, sa fille, et me trouvant à Munich au moment où la célébration dudit mariage devait avoir lieu, je n'ai pu résister au plaisir d'unir moi-même les jeunes époux qui sont tous deux le modèle de leur sexe. Je suis d'ailleurs bien aise de donner à la maison royale de Bavière, et à ce brave peuple bavarois qui, dans cette circonstance, m'a rendu tant de services et montré tant d'amitié, et dont les ancêtres furent constamment unis de politique et de cœur à la France, cette preuve de ma considération et de non estime particulières.

« Le mariage aura lieu le 15 janvier; mon arrivée au milieu de mon peuple sera donc retardée de quelques jours; ces jours paraîtront longs à mon cœur; mais après avoir été sans cesse livré aux devoirs d'un soldat, j'éprouve un tendre délassement à m'occuper des détails et des devoirs d'un père de famille. Mais ne voulant point retarder davantage la publication du traité de paix, j'ai ordonné, en conséquence de nos statuts constitutionnels, qu'il vous fût communiqué sans délai pour être ensuite publié comme loi de l'Empire. >>

Donné à Munich, le 8 janvier 1806.
Signé: NAPOLÉON.

Par l'Empereur,

Le ministre secrétaire d'Etat, Signé H. B. MARET.

Traité de paix.

Napoléon, par la grâce de Dieu et par les Constitutions, Empereur des Français, Roi d'Italie, ayant vu et examiné le traité conclu, arrêté et signé à Presbourg, le 26 décembre 1805 (5 nivôse an XIV), par notre ministre des relations extérieures, en vertu des pleins pouvoirs que nous lui avons conférés à cet effet, avec MM. le prince de Lichtenstein et le comte Gyulay, ministres plénipotentiaires de Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, également munis de pleins pouvoirs, duquel traité la teneur suit.

Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, et Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie, également animées du désir de mettre fin aux calamités de la guerre, ont résolu de procéder sans délai à la conclusion d'un traité de paix définitif, et ont en conséquence nommé pour plénipotentiaires, savoir :

Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, M. le prince de Lichtenstein, prince du Saint Empire Romain, grand-croix de l'ordre militaire de MarieThérèse, chambellan, lieutenant général des armées de Sadite Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, et propriétaire d'un régiment de hussards; et M. le comte Ignace de Gyulay, commandeur de l'ordre militaire de Marie-Thérèse, chambellan de Sadite Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, lieutenant général de ses armées, et propriétaire d'un régiment d'infanterie ;

Et Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie, M. Charles-Maurice Talleyrand-Périgord, grand chambellan, ministre des relations extérieures de Sadite Majesté l'Empereur des Français et Roi d'Italie, grand cordon de la Légion d'honneur, chevalier des ordres de l'Aigle rouge et noir de Prusse;

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs sont convenus des articles suivants :

Art. 1er. Il y aura, à compter de ce jour, paix et amitié entre Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche et Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie, leurs héritiers et successeurs, leurs Etats et sujets respectifs, à perpétuité.

Art. 2. La France continuera de posséder en toute propriété et souveraineté les duchés, principautés, seigneuries et territoires au delà des Alpes, qui étaient, antérieurement au présent traité, réunis et incorporés á

l'Empire Français, ou régis par les lois et tions françaises.

Art. 3. Sa Majesté l'Empereur d'Allema triche, pour lui, ses héritiers et successeu les dispositions faites par Sa Majesté l'E Français, Roi d'Italie, relativement aux pr Lucques et de Piombino.

Art. 4. Sa Majesté l'Empereur d'Allemag triche renonce, tant pour lui que pour ses successeurs, à la partie des Etats de la R Venise à lui cédée par le traité de CampoLunéville, laquelle sera réunie à perpétuité d'Italie.

Art. 5. Sa Majesté l'Empereur d'Allemag triche reconnaît Sa Majesté l'Empereur comme Roi d'Italie, mais il est convenu mément à la déclaration faite par Sa Majest des Français, au moment où il a pris la cou lie, aussitôt que les puissances nommées da claration auront rempli les conditions qui exprimées les couronnes de France et d séparées à perpétuité, et ne pourront plus cas être réunies sur la même tête. Sa Maje reur d'Allemagne et d'Autriche s'engage à lors de la séparation, le successeur que l'Empereur des Français se sera donné comme

Art. 6. Le présent traité de paix est décla å Leurs Altesses Sérénissimes les électeurs de Wurtemberg et de Bade et à la république B de Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d la présente guerre.

Art. 7. Les électeurs de Bavière et de ayant pris le titre de Roi, sans néanmoins partenir à la confédération germanique, I'Empereur d'Allemagne et d'Autriche les cette qualité.

Art. 8. Sa Majesté l'Empereur d'Allemag triche, tant pour lui, ses héritiers et succe pour les princes de sa maison, leurs héritier seurs respectifs, renonce aux principautés, domaines et territoires ci-après désignés;

Cède et abandonne Sa Majesté le Roi de marquisat de Burgaw et ses dépendances, la d'Eichsladt, la partie du territoire de Passa nant à Son Altesse Royale l'électeur de Bavi tzbourg, et située entre la Bohême, l'Autriche, l'Inn, le comté du Tyrol, y compris les prin Brixen et de Trente, les sept seigneuries du avec leurs enclaves, le comté Hohenems, l Konigsegg-Rothenfels, les seigneuries de Tet gen et la ville et le territoire de Lindau;

A Sa Majesté le Roi de Wurtemberg les cing du Danube savoir: Ehinger, Munder-Kingen, Mengen et Sulgaw, avec leurs dépendances; le comté de Hohenberg, le landgraviat de Nelleni préfecture d'Altorff avec leurs dépendances Constance exceptée), la partie de Brisgaw fais dans les possessions Wurtembergeoises, et sit d'une ligne tirée de Schlegelberg jusqu'à la Mol villes et territoires de Willingen et Brenlinge A Son Altesse Sérénissime l'électeur de Brisgaw (à l'exception de l'Eucho et des portio ci-dessus désignées), l'Ortenaw et leurs dépe ville de Constance et la commanderie de Miel

Les principautés, seigneuries, domaines et susdits seront possédés respectivement par Leu les Rois de Bavière et de Wurtemberg, et par Serénissime l'électeur de Bade, soit en suzera en toute propriété et souveraineté, de la mêm aux mêmes titres, droits et prérogatives que les Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autri princes de sa maison, et non autrement.

Art. 9. Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne triche reconnait les dettes contractées par d'Autriche, au profit des particuliers et des ments publics des pays faisant actuellement p grante de l'Empire français ; et il est convenu Majesté restera libre de toute obligation, par toutes dettes quelconques que la maison aurait contractées à raison de la possession, théquées sur le sol des pays auxquels elle re le présent traité.

Art. 10. Les pays de Saltzbourg et de Berc appartenant à Son Altesse Royale et Electorale

Ferdinand, seront incorporés à l'Empire d'Autriche, et Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche les possédera en toute propriété et souveraineté, mais à titre de duché seulement.

Art. 11. Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie, s'engage à obtenir en faveur de Son Altesse Royale l'archiduc Ferdinand, électeur de Saltzbourg, la cession par Sa Majesté le Roi de Bavière, de la principauté de Wurtzbourg, telle qu'elle a été donnée à Sadite Majesté par le recès de la députation de l'Empire germanique, du 25 février 1803 (6 ventôse an XII).

Le titre électoral de Son Altesse Royale sera transféré sur cette principauté, que Son Altesse Royale possédera en toute propriété et souveraineté, de la même manière et aux mêmes conditions qu'elle possédait l'électorat de Saltzbourg.

Et quant aux dettes, il est convenu que le nouveau possesseur n'aura à sa charge que les dettes résultant d'emprunts formellement consentis par les Etats du pays, ou des dépenses faites pour l'administration effective dudit pays.

Art. 12. La dignité de Grand-Maître de l'ordre Teutonique, les droits, domaines et revenus qui, antérieurement à la présente guerre, dépendaient de Mergentheim, chef-lieu de l'ordre; les autres droits, domaines et revenus, qui se trouveront attachés à la grande maîtrise à l'époque de l'échange des ratifications du présent traité, ainsi que les domaines et revenus dont à cette même époque ledit ordre se trouvera en possession, deviendront héréditaires dans la personne et la descendance directe et masculine, par ordre de primogéniture, de celui des princes de la maison Impériale qui sera désigné par Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche.

Sa Majesté l'Empereur Napoléon promet ses bons offices pour faire obtenir le plus tôt possible à Son Altesse Royale l'archiduc Ferdinand une indemnité pleine et entière en Allemagne.

Art. 13. Sa Majesté le Roi de Bavière pourra occuper la ville d'Augsbourg et son territoire, les réunir à ses Etats, et les posséder en toute propriété et souveraineté. Pourra également Sa Majesté le Roi de Wurtemberg occuper, réunir à ses Etats, et posséder en toute propriété et souveraineté le comté de Bondorff, et Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche s'engage à n'y mettre aucune opposition.

Art. 14. Leurs Majestés les Rois de Bavière et de Wurtemberg et Son Altesse Sérénissime l'électeur de Bade jouiront sur leurs anciens Etats de la plénitude de la souveraineté et de tous les droits qui en dérivent, et qui leur ont été garantis par Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie, ainsi et de la même manière qu'en jouissent Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, et Sa Majesté le Roi de Prusse sur leurs Etats allemands. Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, soit comme chef de l'Empire, soit comme co-Etat, s'engage à ne mettre aucun obstacle à l'exécution des actes qu'ils auraient faits ou pourraient faire en conséquence.

Art. 15. Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, tant pour lui, ses héritiers et successeurs, que pour les princes de sa maison, leurs héritiers et successeurs, renonce à tout droit soit de souveraineté, soit de suzeraineté, à toutes prétentions quelconques, actuelles ou éventuelles sur tous les Etats sans exception, de Leurs Majestés les Rois de Bavière et de Wurtemberg, et de Son Altesse Sérénissime l'électeur de Bade, et généralement sur tous les Etats, domaines et territoires; et réciproquement toutes les prétentions actuelles ou éventuelles desdits Etats à la charge de la maison d'Autriche ou de ses princes, sont et demeureront éteints à perpétuité; néanmoins les renonciations contenues au présent article ne concernent point les propriétés qui sont, par l'article onzième, où seront, en vertu de l'article douzième ci-dessus, concédées à Leurs Altesses Royales les archiducs désignés dans lesdits articles.

Art. 16. Les titres domaniaux et archives, les plans et cartes des différents pays, villes et forteresses, cédés par le présent traité, seront remis dans l'espace de trois mois, à dater de l'échange des ratifications, aux puissances qui en auront acquis la propriété.

Art. 17. Sa Majesté l'Empereur Napoléon garantit l'intégrité de l'Empire d'Autriche dans l'état où il sera en conséquence du présent traité de paix, de même que l'intégrité des possessions des princes de la maison d'Autriche, désignées dans les articles onzième et douzième.

Art. 18. Les hautes parties contractantes reconnaissent l'indépendance de la République Helvétique régie par l'acte de médiation, de même que l'indépendance de la République Batave.

Art. 19. Les prisonniers de guerre faits par la France et ses alliés sur l'Autriche, et par l'Autriche sur la France et ses alliés, et qui n'ont pas été restitués, le seront dans quarante jours à dater de l'échange des ratiflcations du présent traité.

Art. 20. Toutes les communications et relations commerciales seront rétablies entre les deux pays dans l'état où elles étaient avant la guerre.

Art. 21. Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche et Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie, conserveront entre eux le même cérémonial, quant au rang et aux autres étiquettes, que celui qui a été observé avant la présente guerre.

Art. 22. Dans les cinq jours qui suivront l'échange des ratifications du présent traité, la ville de Presbourg et ses environs, à la distance de six lieues, seront évacués.

Dix jours après ledit échange, les troupes françaises et alliées de la France auront évacué la Moravie, la Bohême, le Viertel-Unter-Vienner-Wald, le Viertel UnterManhartsberg, la Hongrie et toute la Styrie.

Dans les dix jours suivants, elles évacueront le Viertel-Ober-Wienner-Wald, et le Viertel-Ober-Manhartsberg. Enfin, dans le délai de deux mois, à compter de l'échange des ratifications, les troupes françaises et alliées de la France auront évacué la totalité des Etats héréditaires de Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, à l'exception de la place de Braunau, laquelle restera pendant un mois de plus à la disposition de Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie, comme lieu de dépôt pour les malades et pour l'artillerie.

Il ne sera, pendant ledit mois, fait aux habitants aucune réquisition de quelque nature que ce soit.

Mais il est convenu que, jusqu'à l'expiration dudit mois, il ne pourra être stationné ni introduit aucun corps quelconque de troupes autrichiennes dans un arrondissement de six lieues autour de ladite place de Braunau.

Il est pareillement convenu que chacun des lieux qui devront être évacués successivement par les troupes françaises dans les délais susmentionnés ne pourra être occupé par les troupes autrichiennes que quarante-huit heures après l'évacuation.

Il est aussi convenu que les magasins laissés par l'armée française dans les lieux qu'elle devra successivement évacuer, resteront à sa disposition, et qu'il sera fait par les hautes parties contractantes un arrangement relatif à toutes les contributions quelconques de guerre précédemment imposées sur les divers Etats héréditaires occupés par l'armée française; arrangement en conséquence duquel la levée desdites contributions cessera entièrement à compter du jour de l'échange des ratifi cations.

L'armée française tirera son entretien et ses subsistances de ses propres magasins établis sur les routes qu'elle doit suivre.

Art. 23. Immédiatement après l'échange des ratifications du présent traité, des commissaires seront nommés de part et d'autre pour remettre et recevoir au nom des souverains respectifs toutes les parties du territoire vénitien, non occupées par les troupes de Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie.'

La ville de Venise, les lagunes et les possessions de terre ferme seront remises dans le délai de quinze jours; l'Istrie et la Dalmatie vénitienne, les bouches du Cattaro, les fles vénitiennes de l'Adriatique, et toutes les places et forts qu'elles renferment, dans le délai de six semaines, à compter de l'échange des ratifications.

Les commissaires respectifs veilleront à ce que la séparation de l'artillerie ayant appartenu à la république de Venise, et de l'artillerie autrichienne soit exactement faite, la première devant rester en totalité au royaume d'Italie. Îls détermineront d'un commun accord l'espèce et la nature des objets qui, appartenant à Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne et d'Autriche, devront en conséquence rester à sa disposition. Ils conviendront, soit de la vente au royaume d'Italie de l'artillerie impériale et des objets susmentionnés, soit de leur échange contre une quantité équivalente d'artillerie ou d'objets de même ou d'autre nature qui seraient laissés par l'armée française dans les Etats héréditaires.

Il sera donné toute facilité et toute assistance aux troupes autrichiennes et aux administrations civiles et militaires pour retourner, dans les Etats d'Autriche par les voies les plus convenables et les plus sûres, ainsi que pour le transport de l'artillerie impériale, des magasins de terre et de mer, et autres objets qui n'auraient pas été compris dans les stipulations, soit de vente, soit d'échange qui pourront être faites.

Art. 24. Les ratifications du présent traité seront échangées dans l'espace de huit jours, ou plus tôt si faire se peut.

Fait et signé à Presbourg, le vingt-six décembre mil huit cent cinq (cinq nivôse an XIV), Signe: JEAN,

Prince de Lichtenstein.

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Signé NAPOLÉON.

Par l'Empereur,

Le ministre des relations extérieures,
Signé CH. MAUR TALLEYRAND.

Le ministre secrétaire d'Etat,
Signe H. B. MARET.
Certifie conforme.

Le ministre secrétaire d'Etat,
Signé H. B. MARET.

Lecture faite de ces pièces, le Sénat en ordonne l'insertion au procès-verbal, et le dépôt dans ses archives.

M. François de Neufchâteau président, prend ensuite la parole et dit :

Sénateurs, quelles séances remarquables par leur objet et par leur pompe! Quelle suite d'événements, ou plutôt de prodiges, renouvelle dans cette enceinte des solennités qui devancent continuellement tous les vœux de la nation!

Le 1er janvier nous avons vu appendre aux voûtes de ce sanctuaire les fruits de la victoire et les présents de l'héroïsme.

Aujourd'hui, l'un des princes grands dignitaires de l'Empire apporte au Sénat, de la part un chef auguste de l'Etat, le plus beau, le plus salutaire, le plus estimable des dons qu'on puisse faire aux peuples, le bienfait divin de la paix.

La paix, premier besoin des hommes ! la paix, seul objet de la guerre! la paix, dont la seule espérance fait revivre l'agriculture, le commerce et les arts!

C'est la première fois que Sa Majesté Impériale et Royale a eu l'occasion d'exécuter l'article 58 de l'acte des Constitutions du 16 thermidor an X, et de faire connaître au Sénat un traité de paix que Sa Majesté va promulguer.

Les nations les plus jalouses de leur pouvoir exécutif, celles qui ont lié les mains à leurs rois pour la guerre, se sont abandonnées à eux pour fes, conditions de la paix. Elles ont pu imaginer qu'un accommodement quelconque vaut mieux que le recours au terrible droit du plus fort: heureusement pour vous, Français, vous avez abjuré cette inutile défiancé envers votre gouvernement. Le grand peuple ne faisant qu'un avec son Empereur, la guerre a été unanime, à plus forte raíson la paix sera simultanée.

Ah! quel souvenir immortel consacrera dans

nos annales cette séance du Sénat! Songez, mes chers collègues, que les traités de paix sont les liens du monde et les titres des' nations : songez que vos registres deviennent à présent les archives de l'univers.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que la France a l'honneur de pacifier l'Allemagne après la guerre de trente ans, à Munster et à Onabruck, la France concourut à rétablir la Germanie; mais que le traité de Presbourg est encore au-dessus de ces conventions célèbres, et que ses clauses sont assises sur des bases plus libérales !

Napoléon le Grand avait créé en quelque sorte une science de la guerre, inconnue avant lui; la paix qu'il vous annonce n'est pas moins extraordinaire ses victoires sont sans exemple, et ses traités sont sans modèle. Celui de Presbourg deviendra un code politique pour une partie de l'Europe le passé n'eut rien de semblable; mais quel bonheur pour le présent, et quel espoir pour l'avenir! Le sort du monde entier peut en être amélioré Napoléon le Grand sera l'ami des peuples et le père du genre humain.

O sénateurs! que les Français applaudiront avec transport à la grandeur, à la noblesse des stipulations de ce pacte sacré ! Qu'ils aimeront leur Empereur faisant tout pour les autres, et ne demandant que la paix pour son peuple et pour lui!

Oui, sans doute, son peuple désirait ardemment la paix; mais sa joie à cette nouvelle sera d'autant plus vive, qu'il pourra compter davantage sur la stabilité de cet engagement. L'expérience du passé avait pu laisser aux Français de trop justes inquiétudes deux fois la paix ne fut qu'un piége. Tout nous fait espérer que celle de Presbourg sera inviolable. C'est sous ce point de vue que nous pouvons nous plaire à déposer nos

armes.

L'Europe a dû ouvrir les yeux; les ennemis du continent ne pourront parvenir à tromper de nouveau les cabinets qu'ils ont jetés dans l'abime dont les retire un vainqueur généreux. Celui qui n'a point abusé du terrible droit de la guerre ; celui qui a su préférer l'honneur, la justice et la paix; celui qui maintient l'ordre, qui repousse la barbarie, qui fonde les États, les organise ou les conserve; ah! c'est là le vrai bienfaiteur, le vrai sauveur du continent.

Pénétrons-nous de son esprit, Français !

Ne parlons plus de guerre avec l'Autriche : grâce au traité de Presbourg, nous effaçons avec plaisir toutes les traces de discorde; la promulgation de ce traité sincère doit réconcilier deux peuples qui s'estiment, et qui doivent s'entendre pour fonder de concert le repos de l'Europe.

Sénateurs, cette confiance repose toutes vos idées.

Dans la lettre touchante que Sa Majesté vous adresse, lettre qui est tout à la fois impériale et paternelle, vous aimez à trouver d'autres gages non moins flatteurs de la sécurité que la paix promet à la France. Nos alliés jouissont du prix de leur fidélité; de nouveaux royaumes s'élèvent, et je vois celui d'Italic triompher pour son viceroi, de cette alliance brillante avec un sang qui a donné des empereurs à PAllemagne, des héros à l'Europe et de vrais amis à la France. Paris, Milan, Munich forment également des voeux pour que ce jeune prince Eugène soit heureux par son union avec cette auguste princesse, fille de Sa Majesté le Roi de Bavière. Cet hymen n'est environné que de présages favorables à l'avantage qu'a ce prince d'avoir, d'un côté, pour sa mère

:

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Joséphine la bienfaisante, Napoléon le Grand a joint, d'une autre part, le titre magnifique de son enfant d'adoption; les fêtes de cette alliance se confondent heureusement avec les fêtes de la paix. Ici la joie des rois sera vraiment la joie des peuples.

Sénateurs, que votre allégresse donne done le signal à celle du peuple français ! Hâtons-nous de remercier le héros pacificateur, et invitons le prince qui vient d'ètre ici son organe, à daigner être aussi le notre pour transmettre à Sa Majesté Impériale et Royale nos justes actions de grâces, et les transports de notre joie, et surtout nos vœux empressés pour le plus prompt retour du sauveur du grand peuple et du père de la patrie!

M. Boissy-d'Anglas s'exprime en ces termes : Sénateurs, quelle mémorable époque vient se placer dans les annales de la France! et de quels événements ne sommes-nous pas les témoins! Vous étiez réunis, il y a dix jours, pour recevoir dans cette enceinte les nombreux trophées de la victoire; quelques instants se sont à peine écoulés, et grâce au même héros, la bienfaisante paix vient vous apporter son olive. Qui pourrait croire à tant de merveilles, à tant de hauts faits, à tant de générosité? Napoléon n'a vaincu que pour donner la paix au monde; il n'a vaincu que pour rendre de siècle en siècle les guerres presque impossibles, en fondant une pacification durable: grâces lui en soient rendues à jamais, au nom de l'humanité! Quel noble, quel digne emploi du génie, de la sagesse et du courage!

Vous venez d'entendre, Messieurs, le traité qui vous est communiqué quel est celui d'entre vous qui n'a pas été frappé d'étonnement en voyant la modération et l'habileté qui en ont dieté tous les articles? Et quand on compare les stipulations qu'il renferme au récit de cette mémorable campagne, dont tous les jours furent marqués par une victoire, tous les instants par un triomphe, toutes les heures par une conquéte, on est forcé d'admirer également le héros pacificateur et le héros guerrier... On a vu jusqu'ici de grands capitaines reculer par la force des armes les bornes de leur territoire, envahir et subjuguer des provinces, agrandir et créer des empires, et changer la face du monde, en laissant des fers aux peuples vaincus. Mais quel autre a su s'arrêter au milieu de si beaux triomphes? mais quel autre a su, comme lui, ne considérer dans la victoire qu'un moyen de fonder la paix, et quand rien ne s'opposait plus à son irrésistible volonté, n'imposer aux vaincus eux-mêmes que des lois tutélaires et propices?

Napoléon est le plus grand, ou plutôt il est le seul grand, et le pacificateur en lui l'emporte le encore sur guerrier. Partout il déploie le même caractère, le même génie, le même esprit, et son histoire ne sera qu'un enchainement d'actions mémorables du même genre; il porte partout l'ordre et la paix, et de la main qui a comprimé les factions qui nous déchiraient, guéri nos blessures, créé avec un gouvernement protecteur notre prospérité intérieure, il donne la paix au monde, et l'établit sur des bases inébranlables...

On l'accusait de projets d'envahissements, de monarchie universelle; on l'accusait de vouloir envahir le monde; nos éternels ennemis, les Anglais, répétaient ces clameurs odieuses, et, je l'avouerai, l'Europe en était épouvantée; elle attendait dans le silence et dans l'effroi la fin de cette mémorable guerre, pour savoir quel serait son sort, et ce qu'elle devrait penser du héros dont elle était déjà la conquête. Mais Napoléon a

vaincu, et la victoire l'a justifié; un mois de guerre l'a rendu l'arbitre de la destinée de tous les peuples, et la terre entière a pu savoir ce qu'elle pouvait attendre de lui, ce qu'elle devait espérer et craindre, et connaître tout à la fois ses desseins et son caractère... Il a vaincu!... Quelles provinces ont été réunies à ses provinces? quelles villes sont réunies à ses villes? où sont les conquêtes dont la France a pu craindre d'être surchargée ? où sont les nouveaux peuples qu'il soumet à son gouvernement? à quelles nations donne-t-il des fers? et quels rois tombés de leurs trônes attestent dans la poussière leur faiblesse et son irrésistible puissance? Il a vaincu! et ce qu'ils n'eussent pas obtenu de sa défaite, ses ennemis l'ont obtenu de sa victoire... Ah! sans doute, un héros vulgaire eût pu n'écouter que son ressentiment, que son ambition, eût pu vouloir conserver des pays subjugués d'une manière si rapide, et vouloir régner sur des nations dont la conquête avait été si prompte, et lui avait assuré tant de gloire. L'Autriche, qui avait engagé cette guerre avec tant d'imprévoyance et de légèreté, pouvait être rayée du nombre des puissances de l'Europe. Sa capitale envahie, son prince fugitif, ses armées détruites, ses provinces conquises, son allié le plus puissant repoussé lui-même, tout semblait lui présager une pareille destinée; mais Napoléon est au-dessus des passions humaines; il voit le mieux dans toutes choses, et rien ne l'empêche d'y atteindre; il n'a pas vaincu pour conquérir, mais pour pacifier; il n'est pas le dévastateur, le conquérant du monde, il en est le régénérateur. Une nouvelle organisation de l'Europe était nécessaire pour y établir et assurer l'équilibre; son génie va la fonder, et l'Autriche y trouvera place : au lieu de cette antique constitution européenne que le hasard des siècles, des successions et des conquêtes avaient formée, des vices de laquelle naissaient sans cesse les dissensions et les orages, dont le résultat était de rendre la guerre l'état habituel des nations, il va s'en élever une autre fondée sur un équilibre plus parfait et dont le produit sera la paix. Il importe au maintien de cette paix que 'Autriche subsiste comme puissance, et conserve au milieu des autres peuples une influence suffisante, mais sans être excessive comme autrefois, et quelque grands que soient ses torts, Napoléon la lui garantit. A côté d'elle s'élèveront de nouveaux trônes. Les princes qui y seront assis seront assez forts pour lui résister, si l'ambition de son cabinet lui faisait méconnaître ses promesses; mais ils ne le seront pas assez pour attaquer son indépendance et menacer ses possessions. Le royaume d'Italie suffisamment agrandi, mais séparé bientôt de la France, nous donne un allié naturel, en assurant une paix continuelle et une inaltérable prospérité, même aux Etats italiens qui ne lui seront pas soumis ..

Voilà ce qu'a fait Napoléon, voilà ce qui honore à jamais son règne, et rend sa gloire éternelle; voilà ce qui le rend dès aujourd'hui le bienfaiteur de l'avenir, comme il l'est de ses contemporains... Félicitons-le de tant de bonheur, de tant de succès, de tant de sagesse; félicitons-leaus i d'avoir trouvé, dans ses magnifiques combinaisc ns, le moyen de récompenser le plus fidèle de se 3 alliés, le roi de Bavière, qui, comptant sur le courage et le génie de notre héros, n'a pas craint d braver des ennemis redoutables et puissants, lors même qu'il était seul contre eux, et d'exposer son indépendance, plutôt que de violer ses promesses; félicitons Napoléon d'avoir pu récompenser cette loyauté, non-seulement par le don d'une cou

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