Page images
PDF
EPUB

C'est un étranger qui est demandeur; un Français ne doit pas être forcé d'entrer en lice avec un homme qui n'offre aucune garantie pour les condamnations qui seront prononcées contre lui, On peut donc exiger, avant tout, que le demandeur fournisse cette garantie en donnant une caution.

L'assignation est nulle; on peut en faire prononcer la nullité.

C'est un héritier, une veuve, une femme divorcée, qui sont assignés; la loi leur donne trois mois pour faire inventaire, et quarante jours pour délibérer sur la qualité qu'il leur convient de prendre ils peuvent donc suspendre le cours de l'action jusqu'à ce que ce délai soit écoulé.

Le demandeur n'a pas donné copie du titre sur lequel il fonde sa prétention; le défendeur doit bien avoir le droit d'en demander la communication.

On assigne en vertu d'un écrit sous-seing privé dont l'écriture n'est pas reconnue; on ne peut s'empêcher de procéder à la vérification, et elle ne peut se faire que par pièces de comparaison, par experts ou par témoins.

on

Le défendeur soutient que l'acte est faux ne peut lui refuser le droit de le prouver et de s'inscrire, c'est-à-dire de démontrer la fausseté.

Celui qui est assigné a un garant; c'est un acquéreur qu'un tiers évince: il faut bien qu'il puisse mettre son vendeur en cause.

Les parties articulent des faits qu'elles démentent respectivement: c'est le cas d'une enquête. Elles ne sont pas d'accord sur la valeur de ce qui fait l'objet de la contestation; il faut une estimation des experts.

La vue des lieux peut être nécessaire pour fixer l'opinion du juge; il ordonne son transport.

On veut tirer la vérité de la bouche même de son adversaire c'est le cas d'un interrogatoire sur faits et articles.

Une partie meurt il faut bien assigner l'héritier en reprise; ce n'est pas la partie, mais l'avoué qui est décédé cet événement entraîne une demande en constitution du nouvel avoué.

La même demande a été portée dans plusieurs tribunaux par différentes parties; un règlement de juge devient donc nécessaire.

Un avoué a outrepassé ses pouvoirs; il faut bien qu'on puisse le désavouer.

Vous êtes frappés, Messieurs, du tableau effrayant de cette multitude d'incidents particuliers qui peuvent s'élever dans le cours d'une affaire je pourrais agrandir le cadre et rendre le tableau encore plus effrayant; je l'eusse fait sans doute si j'avais pu me flatter d'arrêter sur le bord du précipice, je ne dis pas un plaideur de mauvaise foi, cela est impossible, mais un seul de ces hommes qui, exigeant rigoureusement tout ce qu'ils pensent leur être dù, ne sachant et ne voulant se relâcher sur rien, incapables d'aucune espèce de capitulation ni dans les grands ni dans les petits intérêts, ne manquent pas une seule occasion de se précipiter dans les tribunaux, et courent gaiement et de bonne foi à leur ruine et à celle de leur famille.

Je ne m'étais proposé, quant à présent, que de vous donner une idée générale des causes qui compliquent une procédure, et qui ont nécessité un grand nombre d'articles dans le Code. Je crois avoir suffisamment rempli cet objet. Avant de passer à de nouveaux détails, je ne dois pas me dispenser de m'expliquer encore sur deux autres reproches adressés à cet ouvrage.

Si quelques personnes ont pensé, à la seule inspection du volume, que le Code était trop long, quelques autres, après l'avoir lu, ont trouvé qu'il était trop court on prétend que la marche tracée sur chaque incident laisse quelque chose à désirer, parce qu'on n'y rappelle pas textuellement la règle générale de procédure qui peut recevoir son application dans le cas particulier.

Nous n'avons pas pu partager cette opinion; sans doute, il a fallu, pour des cas qui sortent de la marche ordinaire, donner des règles qui leur soient propres; mais on n'a pas dû en faire davantage. Tous ces incidents se rattachent à l'affaire et rentrent ensuite dans la marche ordinaire de la procédure nous devons supposer que les officiers ministériels auront étudié leur Code; qu'ils seront pénétrés de ses dispositions, et que les juges auront aussi assez de fermeté pour qu'aucune procédure ne soit passée en taxe.

Enfin on craint que les frais ne soient trop considérables.

Ah! sans doute, ils seront trop considérables, si la simplicité des formes prescrites est violée, si les délais fixés deviennent arbitraires, si les taxes et règlements sont méprisés.

Mais pourquoi nous livrer à ces inquiétudes et à ces terreurs? Devons-nous supposer qu'au moment où le souverain veille avec tant de constance pour embrasser jusqu'aux derniers détails de l'administration; au moment où les hommes de tous états et de toute profession semblent, pour ainsi dire, pleins de son esprit; au moment où la moitié du globe suit la direction qu'il lui a imprimée, il se trouvera dans la nation française une nation particulière qui résistera à ses volontés justes et prononcées ?

Non, la loi sera exécutée; nous en avons pour garant le génie qui préside si constamment à sa formation, et plus encore cette admiration, cet amour dont les cris unanimes se font entendre sur toute la surface de l'Empire.

Au reste, il n'est personne, pour peu de connaissance qu'il ait de cette matière, qui ne doive être convaincu que toutes les sources des gains illicites et abusif's sont taries.

C'était surtout dans les expropriations, dans les contributions, dans les ordres, que l'abus était le plus révoltant; mais tout a été réformé, il ne vous restera à cet égard aucun doute, lorsque les titres sur ces matières vous seront présentés.

Tant d'abus ne tombent pas sans résistance et sans clameurs de la part de ceux qui en profitent; sans doute ils ne mettront pas en avant la cause véritable de leurs cris et de leurs déclamations; ils tâcheront toujours de la masquer sous la fausse apparence de quelque bien public; mais la plainte se dissipe bientôt, quand elle n'a pas un fondement réel, et une institution, également éloignée et de la faiblesse et de l'exagération, s'élève et se consolide chaque jour.

Dans les procédures ordinaires, la grande partie des causes, je veux dire toutes les affaires sommaires, se porteront à l'audience sans instruction préalablement écrite.

Dans toutes les autres causes, on ne pesse en taxe que la demande et la défense. Si je grand nombre de pièces présentées et de questions agitées peut mériter que l'affaire soit mise au rapport, une requête de part et d'autre contiendra les moyens et les pièces. Il n'y a dans cette marche rien qui ressemble aux volumineuses instructions des procès par écrit. Etait-il possible d'élever l'édifice sur des bases plus saines?

Si l'on en croyait certaines personnes, on sup

primerait toute espèce de procédures, comme si la décision des magistrats pouvait n'être précédée d'aucune instruction: on réduirait arbitrairement tous les droits, comme s'il pouvait exister dans l'Etat une classe d'hommes, qui seule donnerait gratuitement à ses concitoyens ses soins, ses peines, le fruit de son travail et de son expérience.

Comment peut-on se livrer encore à ces exagérations, après l'épreuve récente que nous avons faite? N'avait on pas supprimé tous les avoués et toute la procédure dans un accès ou plutôt dans un délire de perfection? Qu'en est-il résulté? On n'a pas eu moins recours aux avoués, parce que l'ignorant et le paresseux seront toujours tributaires de l'homme laborieux et instruit : les avoués ne perdirent que leur titre, ils continuèrent de travailler comme fondés de pouvoirs; mais toute procédure étant supprimée, et l'avoué n'ayant plus d'action en justice pour des salaires légitimes, il se faisait payer arbitrairement, même avant d'avoir examiné l'affaire, beaucoup plus qu'il n'aurait obtenu par une taxe raisonnable de la procédure nécessaire qu'on avait supprimée, et jamais la justice ne fut plus chère.

C'est le plaideur qui en souffrit; j'observe, en passant, que la portion des droits qui aurait été acquise au trésor public sur les actes de la procédure tourna entièrement au profit de l'avoué.

Ah! sans doute, il faut déclarer une guerre ouverte aux hommes avides, aux exacteurs, aux concussionnaires : malheur à notre siècle si ce sentiment pouvait s'affaiblir! mais ne commençons pas par une injustice même envers nos ennemis; soyons équitables d'abord, si nous voulons être sages réformateurs.

Que les citoyens trouvent dans chaque état un salaire juste et modéré de leurs peines, c'est alors que les pervers seront véritablement sans excuse, sans prétexte et sans appui; c'est alors aussi qué des hommes probes ne repousseront pas un état qu'ils pourront exercer avec fruit sans blesser leur délicatesse.

Il est temps de vous entretenir plus particulièrement de la portion du Code que nous vous présentons.

Le premier livre a pour objet la justice de paix, le deuxième les tribunaux inférieurs, ce qui comprend ceux de première instance et ceux de com

merce.

La France doit l'institution des juges de paix à l'Assemblée constituante; le besoin s'en faisait sentir universellement depuis longtemps; un magistrat, sous le titre d'auditeur, jugeait, à Paris, les causes légères, sans appareil, sans instruction écrite, sans frais, et les appels de ses jugements étaient portés au Châtelet.

Nous avions aussi, depuis environ quarante ans, quelques bailliages autorisés à décider, au nombre de trois juges seulement, dans des audiences particulières et sans ministère de procureurs, des causes personnelles non excédant 40 francs: usage salutaire dont les bons effets furent universellement reconnus, et qui fut étendu, en 1769, à tous les autres bailliages et sénéchaussées.

Il n'entre pas dans mon plan de rechercher chez d'autres peuples les traces d'établissements pareils ou approchants. L'utilité ne peut en être méconnue, et l'Assemblée constituante de dut pas balancer à adopter et à étendre cette institution morale et bienfaisante.

Il ne s'agit pas ici d'en peser les avantages plus ou moins grands, ni de fixer la compétence de la justice de paix ; nous ne devons nous occuper que de l'instruction.

Elle ne peut être trop simple, trop rapide, trop dégagée de formes: c'est bien ici que le plaideur doit approcher de son juge sans intermédiaire : ce magistrat est un arbitre, un père plutôt qu'un juge; il doit placer sa véritable gloire moins à prononcer entre ses enfants qu'à les concilier.

Ce livre contient neuf titres :

1o Des citations. 2o Des audiences du juge de paix et de la comparution des parties. 3o Des jugements par défaut et des oppositions à ces jugements. 4 Des jugements sur les actions possessoires. 5o Des jugements préparatoires et de leur exécution. 6° De la mise en cause des garants. 70 Des enquêtes. 8° Des visites des lieux et des appréciations. 9° De la récusation des juges de paix.

Les décrets de l'Assemblée constituante contenaient deux autres titres : l'un sur les minutes et expéditions des jugements, l'autre sur la taxe des frais; mais l'ordre à établir dans les greffes et les taxes de frais n'entre pas dans le plan de la loi; nous ne nous en sommes pas occupés dans ce moment. C'est, comme je l'ai déjà remarqué, l'objet d'un travail ultérieur.

Nous vous avons annoncé un titre sur les actions possessoires; ce titre manquait dans la loi de 1790; nous n'avons pas dù nous dispenser de rappeler quelques règles sur cette matière qui forme une partie si importante des attributions du juge de paix.

Ces règles ont pour objet le temps où l'action possessoire peut être exercée, la manière de prouver la possession, la défense de cumuler le possessoire et le pétitoire; l'obligation, de la part du demandeur qui succombe au possessoire, de satisfaire pleinement aux condamnations prononcées contre lui avant qu'il puisse être reçu à former sa demande au pétitoire, c'est-à-dire à discuter le fond du droit.

Cependant cette obligation de la part du demandeur ne doit pas fournir à son adversaire un moyen d'éluder à son gré le combat sur le fond, et si celui-ci était en retard de faire liquider le montant des condamnations par lui obtenues, le juge du pétitoire fixerait pour cette liquidation un délai après lequel la demande au fond pourrait être admise; du reste les dispositions de ce titre n'ont rien de contraire à celles de l'ordonnance de 1667, et n'offrent rien qui puisse être susceptible du doute le plus léger.

La procédure indiquée dans les autres titres de ce premier livre n'a essuyé que quelques changements de détails, car la marche générale ne devait pas être réformée.

Sur cette partie, comme sur toutes les autres, nous avons conservé tout ce qui nous a paru bon nous n'avons pas aspiré à la vaine gloire de faire du nouveau, mais à la gloire solide de tracer une marche simple, peu dispendieuse, et qui conduise au but qu'on doit se proposer, c'està-dire à la pleine instruction du juge, sans cependant accabler le plaideur sous des frais inutiles.

Nous avons supprimé la cédule qu'il fallait demander au juge de paix pour faire une citation devant lui.

Cette cédule, qui pouvait bien présenter quelques avantages sous certains points de vue, était devenue une affaire de pure forme; il eût été bien difficile d'empêcher que cela ne fût encore ainsi dans la suite. Cet inconvénient n'étant pas balancé par des avantages marqués, nous avons aboli l'usage de la cédule; nous avons substitué à cette formalité l'obligation de faire donner les citations par l'huissier du juge de paix, ou, en

cas d'empêchement, par un autre huissier que le juge indiquerait c'est un moyen infaillible de s'assurer que la citation a été donnée en effet.

C'était le greffier de la municipalité qui portait les citations, et quand il ne trouvait personne dans la maison, il affichait une copie à la porte : tout le monde s'accorde aujourd'hui à reconnaître l'illusion de pareilles affiches. L'huissier, dans ce cas, sera obligé de laisser la copie au maire ou à l'adjoint, qui sont tenus de viser l'original sans frais.

Lorsqu'il y avait lieu d'entendre les témoins, la loi de 1790, après avoir ordonné qu'ils s'expliqueraient en présence des parties, laissait à celles-ci la faculté de proposer leurs reproches, soit avant, soit après la déposition.

Il a paru plus convenable de se rapprocher de la règle générale qui veut que les reproches soient formes avant la déposition, et qui n'admet après que les reproches prouvés par écrit.

Il est trop à craindre que des reproches fournis après la déposition ne se ressentent de l'aigreur qu'elle a pu laisser dans l'âme d'une partie; et ces accusations tardives sont toujours suspectes.

Dans les causes non sujettes à l'appel, et jugées en dernier ressort par le juge de paix, celui-ci ne fait écrire par son greffier ni la prestation de serment des témoins, ni les reproches fournis contre eux, ni leurs dépositions; nous avons adopté la règle qui supprime le procès-verbal du greffer; mais il a paru convenable d'ordonner que le jugement énoncera les nom, âge, profession et demeure des témoins, leur serment, les reproches et le résultat des dépositions : il est bon qu'un jugement porte toujours avec lui la preuve de sa sagesse.

Nous avons appliqué la même règle dans le cas des opérations des experts, et nous avons voulu que les jugements rendus en dernier ressort énoncent les noms des experts, la prestation de leur serment et le résultat de leur avis.

La loi de l'Assemblée constituante ne connaissait que deux causes de récusation des juges de paix quand ils ont un intérêt personnel dans la contestation, ou quand ils sont parents ou alliés d'une des parties jusqu'au degré de cousin issu de germain inclusivement.

Sans adopter pour les juges de paix toutes les causes de récusation admises contre les autres juges, il nous a paru juste qu'une récusation fondée sur l'un des trois motifs que je vais énoncer ne fût pas rejetée :

1° Si, dans l'année qui a précédé la récusation, il y a eu procès criminel entre les juges et l'une des parties, ou ses parents ou alliés en ligne directe;

2° S'il y a procès civil existant entre le juge et une partie ou son conjoint;

3° Si le juge de paix a donné dans l'affaire un avis écrit. Il est bien évident qu'il ne peut alors prononcer comme juge sur une affaire dont il a connu comine conseil."

En introduisant ces trois nouvelles causes de récusation, nous avons restreint celle tirée de la parenté ou alliance au degré de cousin germain inclusivement; l'étendre plus loin, comme on l'avait fait en 1790, c'est se préparer trop d'entraves dans les lieux où le commerce est peu actif, où il s'établit peu de familles étrangères, où, par conséquent, les habitants sont presque tous parents et alliés à des degrés plus ou moins éloignés.

Je dois encore observer sur cet article de la récusation des juges de paix, qu'en adoptant les

dispositions de la loi de 1790 sur la première procédure, nous avons beaucoup simplifié la procédure sur l'appel le greftier enverra les pièces au procureur impérial du tribunal de première instance, et la cause sera jugée sans qu'il soit besoin d'appeler les parties. Toute la cause est en effet dans l'acte qui contient les motifs de la récusation et dans la réponse du juge à ces motifs. L'on ne peut, dans ces sortes d'affaires, avoir trop d'attention à ne pas prolonger sans nécessité une instruction qui ne produit que trop souvent un fond de ressentiment dans l'âme de ceux qui en sont l'objet.

Enfin nous avons pensé qu'il fallait établir une règle fixe sur l'exécution provisoire des décisions des juges de paix.

S'il arrive quelquefois qu'une personne justement condamnée abandonne, lorsque le jugement est exécuté, un appel qui serait inutile et ruineux

pour elle, il peut aussi quelquefois arriver que l'exécution provisoire d'un jugement fasse un tort, peut-être irréparable, à celui qui cependant doit parvenir à le faire infirmer.

Sans doute, la présomption est dans le principe en faveur du jugement, mais enfin on ne doit pas donner trop d'effet à cette présomption.

La règle qui vous est proposée concilie tous les intérêts les jugements des juges de paix seront en général exécutoires par provision, mais à la charge de donner caution; ainsi le grief qu'aurait pu faire cette exécution sera réparé, et les parties auront du moins cette espérance, quand elles poursuivront l'infirmation d'un jugement. Les jugements ne seront exécutoires sans caution que jusqu'à concurrence de 300 francs, c'està-dire pour des objets qui ne sont pas d'une bien grande importance, et dans des cas où il est fort à désirer, mème pour les parties, que les appels soient très-rares.

En voilà assez, peut-être trop, sur ce premier livre je passe au second, des tribunaux inférieurs, ce qui comprend les tribunaux de première instance et les tribunaux de commerce.

Les deux premiers titres de ce second livre ont pour objet, l'un la conciliation, l'autre les ajournements. Je m'en occuperai particulièrement, mais brièvement; quant aux autres, je ne les prendrai pas tous séparément et en détail.

J'en formerai un petit nombre de classes, et je ferai sur chacune les observations dont elles me paraîtront susceptibles.

Le premier titre est celui de la conciliation.

Que cette idée était philanthropique et salutaire de n'ouvrir l'accès des tribunaux qu'après l'épuisement de toutes les voies de conciliation! pourquoi faut-il qu'une si belle institution n'ait pas produit tout le bien qu'on devait en attendre, et que les effets aient si peu répondu aux espérances? pourquoi faut-il que le mal ait été assez grand, ou du moins le bien assez faible, pour que même de bons esprits proposent aujourd'hui la suppression des tentatives de conciliation?

Cette question a été agitée avec une maturité proportionnée à son importance. On a recherché avec soin les causes du faible succès de la conciliation. On s'est convaincu d'abord qu'en général elle avait plus réussi dans les campagnes que dans les villes, parce que, dans celles-ci, les habitants, plus à portée de conseils habitués à peser rigoureusement les droits plutôt qu'à calmer les passions, ne se présentant qu'avec des opinions déjà formées, sont par conséquent moins disposés à céder à la voix conciliatrice du juge. Mais l'inutilité de la mesure dans les villes ne devrait pas

être un motif pour la supprimer dans les campagnes, si elle y est utile.

pouvait pas évidemment leur refuser cet effet, puisque deux hommes, jouissant de leurs droits, pouvant terminer entre eux leur différend par un écrit privé, ne doivent pas être moins libres, parce qu'ils sont devant le juge. Le juge est un ange pacificateur; il s'efforce de calmer les passions, d'assoupir les haines; il éclaire les parties sur leur intérêt bien entendu, il leur montre l'abime profond dans lequel elles vont se plonger; il persuade enfin la conciliation. Là se borne son ministère; dans ce moment, sa compétence ne pas s'étendre plus loin. On n'aurait pu attriaux conventions des parties le caractère d'un acte public sans porter une atteinte grave aux fonctions des notaires établis pour donner l'authenticité aux actes.

D'un autre côté, si, dans plusieurs communes, la conciliation a été peu fructueuse, on n'a pu se dissimuler qu'elle avait produit les plus heureux effets dans d'autres, surtout lorsque la place de juge de paix a été occupée par des hommes que la droiture du cœur, la justesse d'esprit, des mœurs douces et conciliantes, l'estime générale enfin avaient recommandés à leurs concitoyens : on connaît des communes dans lesquelles il ne s'est pas élevé un seul différend depuis plusieurs années qui n'ait été assoupi par la sagesse du juge de paix.buer On demandera pourquoi ce bienfait n'a-t-il pas été également acquis à toutes les parties de la France? Vous prévenez ma réponse. C'est parce que, dans le temps de nos discordes, les magistrats n'étaient que trop souvent les hommes d'un parti et non pas les hommes de la nation. On se demandait de quel bord est le candidat? sans se demander jamais est-il probe, est-il éclairé ? a-t-il cette impartialité, ce courage qui doivent caractériser un magistrat? etle choix alors momentané, pour ainsi dire, d'un juge de paix était livré aux calculs de l'intrigue, qui avait à peine élevé un homme, qu'elle calculait sa chute et son remplacement, s'il ne se montrait pas un instrument servile.

Mais pourquoi partirions-nous d'un ordre de choses qui n'existe plus? pourquoi, lorsque le mode d'élection est soumis à des règlements sages et à une surveillance salutaire, redouterions-nous un mal qui fut la suite de combinaisons aveugles ou perfides? pourquoi, surtout, craindrions-nous les erreurs des choix, lorsque personne n'échappe à l'œil perçant de l'aigle qui plane sur nos têtes? Nous avons pensé unanimement qu'il fallait maintenir l'usage de la conciliation.

La loi de 1790 avait excepté de la règle générale les affaires qui intéressent la nation, les communes et l'ordre public: le motif de cette exception nous a paru s'appliquer aux mineurs, et en général à tous ceux qui ne sont pas capables de transiger; car le but de la conciliation est une transaction, et l'usage en serait quelquefois funeste à ceux qui, n'étant pas en état de défendre leurs intérêts, pourraient se trouver victimes d'un arrangement peu réfléchi.

On avait aussi fait une seconde exception pour les affaires de commerce qui ne pourraient, sans de graves inconvénients, supporter les retards d'une tentative de conciliation.

Ce même motif nous a paru s'appliquer à plusieurs demandes qui requièrent célérité, et dont le détail se trouve dans le projet.

On ne devait pas soumettre à la conciliation des actions incidentes à un procès déjà existant, comme les interventions, les garanties, les vérifications d'écritures et autres demandes de cette espèce.

Enfin, lorsque l'action du demandeur est dirigée contre plus de deux personnes, on a cru ne devoir pas exiger la citation préalable en conciliation: les défendeurs peuvent être domiciliés dans des lieux différents et éloignés; devant qui citeraiton dans ce cas? quelle perte de temps! Les avantages de la tentative ne seraient-ils pas alors presque toujours moindres que les inconvénients?

Deux points faisaient difficulté: quel est l'effet des conventions des parties au bureau de conciliation? la citation en conciliation interrompt-elle la prescription?

On a pensé, sur le premier, que ces conventions devaient avoir force d'obligation privée. On ne

Sur la deuxième question, si la citation en conciliation interrompt la prescription et fait courir les intérêts d'un capital, on a pensé qu'on ne pouvait refuser cet effet à la citation, mais elle ne le produira qu'autant que la demande au tribunal de première instance sera formée dans le mois à dater du jour où le défendeur a paru ou a dù paraître au bureau de conciliation; disposition sage, sans laquelle on n'aurait pu prolonger indéfiniment les délais des prescriptions, en donnant successivement des citations en conciliation qui n'auraient aucune suite.

J'ai annoncé que je m'occuperais particulièrement du second titre des ajournements, non que je me propose d'arrêter votre attention sur les articles de ce titre, qui ne présentent ni difficultés ni dispositions nouvelles mais parce que l'exploit d'ajournement est la base, la pierre fondamentale de l'instruction, et que cet acte étant sujet à plus de formalités que tout autre, je dois vous démontrer qu'on n'y exige que l'absolu nécessaire.

Il faut bien que celui qui est assigné sache pourquoi il est cité, par quel motif, à quel tribunal, à quelle époque, quel est l'avoué qui doit occuper pour le demandeur; l'exploit doit le dire.

Il faut bien s'assurer que le défendeur a cu connaissance de l'assignation; par conséquent, l'exploit doit faire mention du nom, de la demeure du défendeur, et de la personne qui a reçu la copie.

Comment sera-t-on certain de la remise d'un exploit? par l'emploi d'un officier qui ait un caractère public: l'exploit doit en conséquence contenir les nom, demeure et immatricule de l'huissier.

S'il s'agit d'un héritage, peut-on se dispenser de le désigner d'une manière non équivoque? Eh bien, voilà l'exploit tout fait. On n'y veut pas d'autres formalités; et parmi celles qu'on exige, il n'en est aucune dont la personne la moins versée dans ces matières ne sente parfaitement la nécessité.

Je ne parlerai actuellement de quelques articles de ce titre que pour faire connaître que, jusque dans les moindres détails, nous avons porté une attention sévère.

L'huissier sera tenu de mettre le coût de l'exploit au bas de son original et de la copie remise à la partie; nous nous sommes assurés de l'exécution de cet article, en mulctant l'huissier, s'il y manque, d'une amende payable par lui à l'instant où il présentera l'acte à l'enregistrement. Il a été pourvu à ce que les parties ne fussent pas grevées par les frais onéreux d'un transport d'huissier dans des lieux éloignés de sa résidence. L'huissier sera garant des nullités de son fait, disposition juste, mais nouvelle. Pourquoi exercet-il un état qu'il ne sait pas remplir ? Il ne pourra

instrumenter pour ses parents et alliés jusqu'au degré de cousin issu de germain inclusivement. Ce titre présente, au surplus, des règles précises sur le lieu où les exploits doivent être donnés, et sur la personne à qui ils sont remis, ainsi que sur les délais des assignations: c'est surtout le défaut ou l'incertitude de la règle qui sont fâcheux en cette matière: il ne pourra plus désormais exister de doute; la loi s'est expliquée avec précision et clarté.

Je ne dois pas quitter ce titre sans vous faire observer une disposition qui s'écarte de la règle ancienne, mais qui sera utile dans beaucoup de cas, et ne pourra jamais être nuisible.

Les assignations données à des personnes domiciliées hors de France, mais remises à leur personne en France, n'emporteront que des délais ordinaires; il fallait auparavant essuyer toujours les mêmes délais que si l'exploit avait été donné au domicile de la partie en pays étranger, ce qui pouvait souvent devenir très-préjudiciable au demandeur.

Il peut arriver quelquefois, il est vrai, que la personne citée ait besoin pour sa défense de faire venir des pièces et des instructions. Cela dépend beaucoup de la nature de l'affaire; il eût été par conséquent dangereux d'établir une règle absolue, et qui dût recevoir son exécution dans tous les cas aussi a-t-on inséré dans l'article une disposition pour autoriser le tribunal à prolonger le délai, s'il y a lieu: par cette sage modification, aucun intérêt particulier ne peut être compromis.

Je me hâte d'avancer dans mon exposé; tous les autres titres du livre dont nous nous occupons peuvent se rapporter à deux ou trois points capi

taux.

On trace d'abord la procédure la plus ordinaire, c'est-à-dire dans le cas où les deux parties comparaissent et s'expliquent sans aucun incident particulier.

On examine ensuite ce qu'il faut faire quand le défendeur ne comparaît pas; on parcourt enfin tous les incidents particuliers que peut subir une affaire; les règles sur la comparution des défendeurs, sur l'instruction de la procédure contradictoire, et sur le jugement, sont tracées dans les cinq titres suivants.

Tout a été prévu pour rendre la procédure plus simple, plus courte et moins dispendieuse; toute formalité inutile a été abolie et toute procédure supprimée.

Ainsi, plus d'actes de présentation au greffe, plus de défauts aux ordonnances; la partie constitue avoué, signifie ses défenses, le demandeur répond, et l'affaire est jugée.

Aucune autre écriture et signification ne peut entrer en taxe; on ne pourrait pas en exiger moins sans doute sans compromettre l'intérêt de l'une ou de l'autre des parties, et le scrupule pour la destruction des abus a été porté si loin qu'on a fait un article exprès pour ordonner qu'il ne sera passé en taxe qu'un seul acte d'avoué pour la citation à l'audience; on sait assez que, par un abus répréhensible, on donnait, de part et d'autre, au grand détriment des plaideurs, une foule de ces actes appelés vulgairement avenir.

Si une affaire est trop chargée de pièces pour que la discussion à l'audience dût être trop longue et trop embarrassante, le tribunal pourrait ordonner une instruction par écrit; mais calmez vos inquiétudes sur l'abus: cette mesure n'a rien de commun avec les anciens appointements: l'instruction se borne, de part et d'autre, à une requête contenant les moyens et l'état des pièces

produites; si l'une des parties avait ensuite d'autres pièces à présenter, la production nouvelle devrait être faite par un simple acte, sans qu'il fût passé en taxe ni requête ni écritures.

Il existait autrefois, et j'aime à croire qu'il n'existe plus aujourd'hui, un abus très-coupable: celui qui avait gagné sa cause et obtenu les dépens faisait quelquefois, après le jugement, insérer dans sa pièce d'écriture des cahiers de prétendus moyens qui n'avaient pas été signifiés; cela sera désormais impossible par la précaution prise d'ordonner que les avoués déclareront, au bas des originaux et des copies de toutes leurs requêtes, le nombre de rôles dont elles sont composées; cette déclaration sera aussi énoncée dans l'acte de produit, à peine de rejet de la taxe.

Si je connaissais, moins, Messieurs, votre zèle ardent pour l'ordre public, je craindrais de m'arrêter sur des détails si minces, si arides; mais rien de ce qui peut être utile n'est petit ou étranger pour vous. Je n'hésite donc pas à vous faire cbserver encore que les délais pour la signification des écritures autorisées, pour la prise en communication des pièces, pour leur rétablissement au greffe, ont été nettement fixés, et que l'on s'est assuré, par de sages dispositions, que la loi serait exécutée sur ce point comme sur tous les autres. Ainsi, à défaut de réponse dans le délai prescrit, on procède au jugement comme si la réponse avait été signifiée; la partie n'avait rien à dire, puisqu'elle n'a rien dit; à défaut de rétablissement des pièces prises en communication, l'avoué sera contraint par une amende pour chaque jour de retard, même par corps, s'il y a lieu; enfin, Messieurs, nous n'avons rien négligé pour résoudre avec sagesse le grand problème que le législateur doit se proposer dans un code de procédure, c'est-à-dire de faire instruire les causes dans le moins de temps et avec le moins de frais possible, en laissant toutefois une latitude convenable à la défense.

En s'occupant de l'instruction des affaires, on n'a pas dù perdre de vue l'obligation d'en communiquer plusieurs au ministère public, ni la manière dont elles doivent être présentées à l'audience.

Toutes les affaires dans lesquelles l'ordre public peut être intéressé seront communiquées; il est sensible que, dans cette classe, doit se trouver tout ce qui touche, soit les établissements publics, soit l'ordre des juridictions, soit les personnes qui ne sont pas en état de se défendre ellesmêmes le titre IV présente l'énumération de cette espèce d'affaires; mais on n'a pas cru nécessaire d'y insérer un article pour autoriser les procureurs impériaux à prendre connaissance même des autres causes, quand ils penseront que leur ministère pourra y être intéressé; les tribunaux pourront aussi ordonner cette communication d'office.

Quant aux audiences, je n'ai pas besoin de dire qu'elles seront nécessairement publiques, et que ceux qui y assistent doivent se tenir dans le silence et dans le respect. Malheur au juge qui, n'étant pas pénétré de la dignité de ses fonctions, oubliant qu'il a l'honneur de rendre la justice au nom de l'Empereur, aurait la coupable faiblesse de souffrir des murmures et des mouvements irrespectueux! La loi l'arme d'un pouvoir; il rendra compte également et de l'emploi qu'il en aura fait, et de l'emploi qu'il aurait dù en faire.

La défense est de droit naturel; ainsi toute partie peut avoir le droit de se défendre ellemême; mais il faut que l'usage de ce droit ne blesse les intérêts de personne. L'expérience

« PreviousContinue »