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La pensée en a semblé si heureuse, l'action si utile, que Sa Majesté a cru devoir en ménager le bienfait aux autres villes industrieuses et manufacturières de son empire; et l'article 34, au dernier titre de la loi, en autorise l'établissement par un règlement d'administration publique. Ce sera aussi par un règlement que le mode de leur élection sera déterminé.

On n'arrivera peut-être à ce qui est le plus convenable que par des essais successifs; et tout ce qui est susceptible de changements, de modifications selon les temps et les lieux, n'est pas du domaine de la loi, qui doit être générale, et ramenée à son caractère distinctif, la fixité, l'invariabilité.

Toutes les villes, d'ailleurs, tous les genres de manufactures ne comporteront pas une composition entièrement semblable; et la diversité des fabrications exigera des dispositions diverses dont il est nécessaire que le Gouvernement soit le juge.

Le second titre de la loi règle les fonctions des prud'hommes.

La deuxième section de ce titre les charge de cette nouvelle police conservatrice de la bonne foi, réparatrice des infidélités passées, surveillante active de toutes les branches et de tous les instruments de la précieuse industrie lyonnaise, police dont le besoin a fait naître la première idée de l'institution.

Elle appelle en outre les prud'hommes à être les premiers dépositaires, les premiers juges des plaintes pour cause d'infidélité contre les ouvriers et les teinturiers.

Elle leur confie aussi une sorte de magistrature presque domestique et pourtant solennelle sur des hommes qu'ils ramèneront à la probité s'ils s'en écartaient, autant par l'autorité de la morale et les conseils de la sagesse, que par l'action de la justice et l'application de la loi.

Enfin, quand l'intérêt général exige que la porte des fabriques, des ateliers, soit ouverte aux yeux de la puissance publique, ce seront les prud'hommes, assistés d'un autre officier public, qui procéderont aux visites, et constateront les fraudes, les soustractions, les contraventions, les délits.

La section première du même titre décerne aux prud'hommes une autre espèce de juridiction, dont j'aurais parlé d'abord, si la seconde section ne s'était liée plus immédiatement, lors des premières vues, à l'institution de ces nouveaux magistrats du commerce.

L'article 19 de la loi du 22 germinal an XI attribue aux maires les contestations de simple police entre les ouvriers et apprentis, d'une part, les manufacturiers-fabricants et artisans, de l'autre.

La nécessité de porter aux tribunaux de commerce des affaires d'un faible intérêt, qu'il faut souvent arbitrer, selon l'équité, plutôt que de les juger selon les lois, a paru trop rigoureuse, trop contraire à l'activité journalière du travail des fabriques, trop opposée à son esprit.

Les prud'hommes jugeront jusqu'à 60 francs les affaires où seront intéressés les ouvriers. Ils les jugeront sans formes, sans procédures, sans appel. On trouvera dans leur institution un tribunal de conscience et d'équité, jugeant, après avoir entendu les parties, sans l'intervention d'aucuns défenseurs, et comme il faut espérer que jugeront bientôt les tribunaux de commerce, ramenés à ce

qu'ils furent dans l'origine, et ce qu'ils eussent être toujours.

Enfin la troisième section du Ile titre attribue

aux prud'hommes une fonction nouvelle, protectrice de la propriété, et qui, offrant à ceux qui inventent ou perfectionnent la partie de la fabrication qui appartient aux arts du dessin une nouvelle garantie, sera à la fois un encouragement à faire et une récompense d'avoir fait un pas de plus dans la carrière.

Chaque jour voit varier à Lyon ces dessins pleins de goût et de grâce qui imitent, tantôt les étoffes légères et éclatantes dont se parent les sultanes ou les odalisques, tantôt les étoffes riches et fortes dont se couvrent les grands de la Turquie et de la Perse; ces dessins où on prend pour modèle aujourd'hui les fleurs dont sont ornés les tissus déliés de Cachemire, demain les fines broderies de l'Inde, ou les couleurs brillantes de la Chine.

Souvent la nouveauté d'un dessin quadruple le prix d'une étoffe plus d'une fois une fleur bien tracée et habilement tissue, un amalgame heureux de couleurs, une imitation plus voisine de l'imitable coloris de la nature, a fait connaître, achalandé, enrichi une fabrique.

Et pourtant le plagiat, ou plutôt le larcin, de cette espèce de propriété sont devenus assez communs à Lyon et ailleurs, pour que la répression de ce déliť soit un besoin de la société et un devoir de sa législation.

La section 3e du titre II de la loi que je vous présente, satisfait ce besoin et remplit ce devoir.

Vous y trouverez, Messieurs, un moyen heureux et facile de conserver les droits des propriétaires de dessins, de prononcer entre des rivaux qui auraient par hasard conçu les mêmes idées, ou qui essayeraient d'assurer à une imitation adroite les prérogatives de l'invention.

Ce moyen se rapproche de celui employé pour les auteurs des procédés, machines, étoffes ou instruments nouveaux qui s'assurent la propriété de leur invention par un brevet.

Mais ce moyen de garantie aura désormais l'avantage d'être sous la main du fabricant, confié pour son exécution à des hommes de l'art capables de la maintenir, en même temps sans faiblesse, sans erreur, sans abus, et intéressés à être justes envers les autres, afin qu'on soit juste

envers eux.

Il a l'avantage d'être d'un usage presque gratuit; car la modique rétribution attachée au droit d'enregistrement des dessins déposés ne peut être regardée comme un sacrifice, tandis que les brevets d'invention payent un droit considérable.

Enfin il assure que le Conservatoire des arts de la ville de Lyon enrichira sa collection, déjà immense, de tous les dessins dont la propriété aura cessé. Et s'il est vrai, qu'en ce genre comme en tant d'autres, le fond des idées soit presque toujours le même, que ce qui semble nouveau ne soit autre chose que ce qu'on dérobe aux temps passés en changeant la disposition des formes ou la nuance des couleurs, le dépôt de tant de modèles, ouvrages de tant d'artistes, créations de tant d'imaginations, productions de tant de goûts divers, sera un riche trésor où, dans l'avenir, l'industrie épuisée, le goût blasé viendront chercher les moyens de se ranimer.

Le titre III de la loi perfectionne dans ses règles et facilite dans son exécution le titre III de la loi du 22 germinal an XI, concernant les obligations entre les ouvriers et ceux qui les emploient.

Il assure à l'ouvrier plus de facilité à obtenir des secours par des avances, en assurant au fabricant plus de garantie de leur recouvrement.

Il préserve les fabricants de la tentation à la.

quelle ils cèdent quelquefois, de débaucher un chef d'atelier qu'ils convoitent pour améliorer leur fabrication, nuire à celle de leur concurrent, et prendre ou conserver sur lui l'avantage.

Il remet enfin aux prud'hommes le soin de délivrer des livres d'acquit aux chefs d'atelier, et les substitue aux officiers de police dans cette partie de leurs fonctions qui sera aussi exercée, sinon avec plus de zèle, du moins avec des lumières plus positives, plus étendues, et une action plus prochaine et plus puissante.

Enfin, Messieurs, le dernier titre de la loi contient des dispositions diverses.

L'une de ces dispositions établit que les fonctions des prud'hommes négociants-fabricants seront gratuites, et les mutations annuelles n'enlevant à chacun qu'une partie de leur temps, ils feront de l'exercice de cette charge une honorable contribution dont profitera le commerce de Lyon et celui de la France entière.

Les chefs d'atelier attachés au conseil des

Prud'hommes, n'ayant souvent pour richesse que

travail, pourront recevoir une indemnité de l'emploi qu'ils feront, pour l'utilité publique, d'un temps quí est leur patrimoine et celui de leur famille.

Une autre disposition appelle les prud'hommes à remplir, par deux visites ou inspections annuelles, des fonctions que remplissaient jadis les inspecteurs des manufactures.

Ils recueilleront dans ces tournées des connaissances statistiques importantes sur le nombre des ouvriers, des métiers, sur les améliorations dont la fabrication est susceptible, sur ses pertes si elle en éprouvait, sur les moyens de les réparer, et sur tout ce qui peut intéresser l'ordre public et les progrès de l'industrie.

Vous le voyez, Messieurs, la loi que je vous présente crée une institution nouvelle, mieux conçue que celle des juges-gardes et des syndics, aussi avantageuse que le fut celle-ci, et n'offrant aucun de ses inconvénients.

Elle réalisera des conceptions utiles, et en préparera de nouvelles; elle effectuera un bien présent, et pourra disposer plus de bien encore pour l'avenir.

Enfin cette loi donnera des règles au commerce, des chaînes à la mauvaise foi, de l'activité à la police, des lumières à l'économie politique, de la fidélitéau fabricant, une garantie au consommateur. Elle fera plus, elle contribuera puissamment à ramener le commerce et ses chefs, la fabrication et ses employés, les manufactures et leurs ouvriers, à cette loyauté qui fit jadis, et qui redeviendra, leur caractère : elle influera sur le retour si désiré de toutes les classes négociantes à cette vie active qui est un titre d'honneur, à cette économie qui est un moyen de générosité, à ces principes d'ordre sans lesquels il n'est point de richesse, à la simplicité de cette vie domestique, sans laquelle il n'est point de cité, enfin à la pureté de ces mœurs antiques, sans lesquelles il est peu de bonheur.

Projet de loi.

TITRE PREMIER.

Institution et nomination des prud'hommes. Art. 1er. Il sera établi à Lyon un conseil de prud'hommes, composé de neuf membres dont cinq négociants-fabricants, et quatre chefs d'atelier.

Art. 2. Le mode de nomination sera déterminé par un règlement d'administration publique.

Art. 3. Les négociants-fabricants ne pourront être élus prud'hommes, s'ils n'exercent depuis six ans dans cet état, ou s'ils ont fait faillite.

Les chefs d'atelier ne pourront être élus prud'hon s'ils ne savent lire et écrire, s'ils n'ont au moin ans d'exercice de leur état, ou s'ils sont rétentionn de matières données à employer par les ouvriers. Art. 4. Le conseil de prud'hommes se renouveller tiers chaque année, le fer jour du mois de janvier Trois membres, dont un négociant-fabricant et chefs d'atelier, seront renouvelés la première anné Deux négociants-fabricants et un chef d'atelier s renouvelés à chacune des deux années suivantes. Art. 5. Les membres du conseil de prud'hommes toujours rééligibles.

TITRE II.

Des fonctions des prud'hommes.

SECTION PREMIÈRE.

De la conciliation et du jugement des contesta entre les fabricants, ouvriers, chefs d'atelier, pagnons et apprentis.

Art. 6. Le conseil de prud'hommes est institué terminer, par la voie de conciliation, les petits différ qui s'élèvent journellement, soit entre les fabrican des ouvriers, soit entre des chefs d'atelier et des pagnons ou apprentis.

Il est également autorisé à juger, jusqu'à la so de 60 francs, sans formes ni frais de procédure et appel, les différends à l'égard desquels la voie de c liation aura été sans effet.

Art. 7. A cet effet, il sera tenu, chaque jour, de onze heures du matin jusqu'à une heure, un burea conciliation, composé d'un prud'homme fabrican d'un prud'homme chef d'atelier, devant lesquels se senteront en personne les parties en contestation.

Art. 8. Il se tiendra, une fois par semaine au m un bureau général du conseil des prud'hommes, le pourra prononcer, au nombre de cinq membres moins, ainsi qu'il est dit dans l'article précédent, tous les différends qui lui auront été renvoyés pa bureau de conciliation.

Art. 9. Tout différend, portant une somme supéri à celle de 60 francs, qui n'aura pu être terminé pa voie de conciliation, sera porté devant le tribuna commerce ou devant les tribunaux compétents.

SECTION II.

Des contraventions aux lois et règlements. Art. 10. Le conseil de prud'hommes sera spécialen chargé de constater, d'après les plaintes qui pourra lui être adressées, les contraventions aux lois et rè ments nouveaux ou remis en vigueur.

Art. 11. Les procès-verbaux, dressés par les prud'h mes pour constater ces contraventions, seront renv aux tribunaux compétents, ainsi que les objets sa

Art. 12. Le conseil des prud'hommes consta également, sur les plaintes qui lui seront portées, soustractions de matières premières qui pourraient faites par les ouvriers au préjudice des fabricants. les infidélités commises par les teinturiers.

Art. 13. Les prud'hommes, dans les cas ci-dessus sur la réquisition verbale ou écrite des parties, pourr au nombre de deux au moins, assistés d'un officier pul dont un fabricant et un chef d'atelier, faire des visites les fabricants, chefs d'atelier, ouvriers et compagno Les procès-verbaux constatant les soustractions infidélités seront adressés au bureau général des I d'hommes, et envoyés, ainsi que les objets formant pi de conviction, aux tribunaux compétents.

SECTION III.

De la conservation de la propriété des dessins. Art. 14. Le conseil des prud'hommes est chargé mesures conservatrices de la propriété du dessin.

Art. 15. Tout fabricant qui voudra pouvoir reven quer par la suite, devant le tribunal de commerce, propriété d'un dessin de son invention, sera tenu déposer aux archives du conseil des prud'hommes échantillon plié sous enveloppe revêtue de ses cacl et signatures, sur laquelle sera également apposé cachet des prud'hommes.

Art. 16. Les dépôts des dessins seront inscrits sur registre tenu ad hoc par le conseil des prud'homm lequel délivrera aux fabricants un certificat rappel: le numéro d'ordre du paquet déposé, et constatant date du dépôt.

Art. 17. En cas de contestation entre deux ou plusieurs fabricants sur la propriété du dessin, le conseil de prud'hommes procédera à l'ouverture des paquets qui auront été déposés par les parties; il fournira un certificat indiquant le nom du fabricant qui aura la priorité de date.

Art. 18. En déposant son échantillons, le fabricant déclarera s'il entend se réserver la propriété exclusive pendant une, trois ou cinq années ou à perpétuité. Il sera tenu note de cette déclaration.

A l'expiration du délai fixé par ladite déclaration, si la réserve est temporaire, tout paquet d'échantillon, déposé sous cachet dans les archives du conseil, devra être transmis au Conservatoire des arts de la ville de Lyon, et les échantillons y contenus être joints à la collection du Conservatoire.

Art. 19. En déposant son échantillon, le fabricant acquittera, entre les mains du receveur de la commune, une indemnité qui sera réglée par le conseil des prud'hommes, et ne pourra excéder 1 franc, pour chacune des années pendant lesquelles il voudra conserver la propriété exclusive de son dessin, et sera de 10 francs pour la propriété perpétuelle.

TITRE III.

Des règlements de compte et de la police entre les maîtres d'atelier et les négociants.

Art. 20. Tous les chefs d'atelier actuellement établis, ainsi que ceux qui s'établiront à l'avenir, seront tenus de se pourvoir, au conseil de prud'hommes, d'un double livre d'acquit pour chacun des métiers qu'ils feront travailler, dans fa quinzaine, à dater du jour de la publication pour ceux qui travaillent, et dans la huitaine du jour où commenceront à travailler ceux qu'ils monteront à neuf.

Sur ce livre d'acquit, paraphé et numéroté, et qui ne pourra leur être refusé, lors même qu'ils n'auraient qu'un métier, seront inscrits les nom, prénoms et domicile du chef d'atelier.

Art. 21. Il sera tenu, au conseil de prud'hommes, un registre sur lequel lesdits livres d'acquit seront inscrits. Le chef d'atelier signera, s'il le sait, sur le registre et sur le livre d'acquit qui lui sera délivré.

Art. 22. Le chef d'atelier déposera le livre d'acquit du métier qu'il destinera au négociant manufacturier, entre ses mains, et pourra, s'il le désire, en exiger un récépissé.

Art. 23. Lorsqu'un chef d'atelier cessera de travailler pour un négociant, il sera tenu de faire noter sur le livre d'acquit, par ledit négociant, que le chef d'atelier a soldé son compte; ou, dans le cas contraire, la déclaration du négociant spécifiera la dette dudit chef d'atelier. Art. 24. Le négociant possesseur du livre d'acquit le fera viser aux autres négociants occupant des métiers dans le même atelier, qui énonceront la somme due par le chef d'atelier, dans le cas où il serait leur débiteur.

Art. 25. Lorsque le chef d'atelier restera débiteur du négociant manufacturier pour lequel il aura cessé de travailler, celui qui voudra lui donner de l'ouvrage fera la promesse de retenir la huitième partie du prix des façons dudit ouvrage, en faveur du négociant dont la créance sera la plus ancienne sur ledit registre, et ainsi successivement, dans le cas où le chef d'atelier aurait cessé de travailler pour ledit négociant, du consentement de ce dernier ou pour cause légitime; dans le cas contraire, le négociant manufacturier qui voudra occuper le chef d'atelier sera tenu de solder celui qui sera resté créancier en comptes de matières, nonobstant toute dette antérieure, et le compte d'argent jusqu'à 500 francs. Art. 26. La date des dettes que les chefs d'atelier auront contractées avec les négociants qui les auraient occupés sera regardée comme certaine vis-à-vis des négociants et maîtres d'atelier seulement, et à l'effet des dispositions portées au présent titre, après l'apurement des comptes, l'inscription de la déclaration sur le livre d'acquit, et le visa du bureau des prud'hommes.

Art. 27. Lorsqu'un négociant manufacturier aura donné de l'ouvrage à un chef d'atelier dépourvu de livre d'acquit pour le métier que le négociant voudra occuper, il sera condamné à payer comptant tout ce que ledit chef d'atelier pourrait devoir en compte de matières, et en compte d'argent jusqu'à 500 francs.

Art. 28. Les déclarations ci-dessus prescrites seront portées, par le négociant manufacturier, sur le livre

d'acquit resté entre les mains du chef d'atelier, comme sur le sien.

TITRE IV. Dispositions diverses.

Art. 29. Le conseil de prud'hommes tiendra un registre exact du nombre de métiers existants, et du nombre d'ouvriers de tout genre employés dans la fabrique, pour lesdits renseignements être communiqués à la chambre de commerce toutes les fois qu'il en requis.

sera

A cet effet, les prud'hommes sont autorisés à faire dans les ateliers une ou deux inspections par an, pour recueillir les informations nécessaires.

Art. 30. Les fonctions des prud'hommes négociantsfabricants sont purement gratuites.

Art. 31. Il sera attaché au conseil de prud'hommes un secrétaire et un commis avec 1,000 francs.

Art. 32. Toutes les fonctions des prud'hommes et de leur bureau seront entièrement gratuites vis-à-vis des parties; ils ne pourront réclamer pour les formalités remplies par eux d'autres frais que le remboursement du papier et du timbre.

Art. 33. En cas de plaintes en prévarication portées contre les membres de conseil de prud'hommes, il sera procédé contre eux suivant la forme établie à l'égard des juges.

Art. 34. Il pourra être établi par un règlement d'administration publique, délibéré en conseil d'Etat, un conseil de prud'hommes dans les villes de fabriques où le Gouvernement le jugera convenable.

Art. 35. Sa composition pourra être différente selon les lieux; mais leurs attributions seront les mêmes.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis aux sections du Tribunat par un

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Aujourd'hui, à une heure après midi, Sa Majesté l'Empereur et Roi s'est assis sur son trône, au palais des Tuileries, entouré des princes, des ministres, des grands-officiers civils et militaires de sa maison, des membres du Sénat et du conseil, des officiers de sa maison et du Conseil d'Etat.

Le Tribunat en corps a été conduit à l'audience de Sa Majesté par les maîtres et aides des cérémonies. Il a été introduit par S. Exc. le grandmaître des cérémonies et présenté à Sa Majesté par S. A. S. l'archichancelier de l'empire (Cambacérès).

M. FABRE (de l'Aude), président du Tribunat, a lu l'adresse suivante :

"

Sire, une vaste coalition menaçait la France de nouvelles calamités; mais votre génie veillait sur ses destinées. Vous avez paru à la tête de vos invincibles cohortes. A l'instant, des bords du Danube à l'extrémité des Apennins, s'est évanouie cette ligue de passions insensées, et la puissance de l'empire a été raffermie sur des fondements désormais inébranlables:

Lorsqu'une subite agression vous força de voler au secours de l'un de vos alliés, vous déclarâtes que vous ne vouliez point accroître le territoire de la France. Le succès de vos armes vous avait rendu maître d'une grande partie des Etats ennemis; vous n'avez demandé à la victoire que ce qu'elle devait à la sûreté de vos alliés et à l'honneur de la France qui défendait leurs droits.

Vous avez voulu prouver encore une fois à l'Europe que la France était assez puissante de son vaste et fertile territoire et de son active et nombreuse population, assez riche de tous les genres de considération et de gloire, pour n'avoir a désirer que des alliés fidèles et des voisins paisibles.

Votre Majesté a exprimé le désir de la paix avec l'Angleterre, en prenant pour bases les stipulations du traité d'Amiens. Sire, si le Gouvernement britannique, placé dans des circonstances nou velles, ne veut prendre pour règle de sa conduite que le véritable intérêt de la Grande-Bretagne, le vœu de Votre Majesté sera bientôt entendu et accueilli avec des sentiments dignes d'elle. L'Europe vous devra le retour d'une paix utile au monde et si ses espérances devaient encore être déçues, elle saura du moins tout ce que vous avez fait pour mettre un terme aux malheurs de la guerre; elle n'oubliera point qu'au milieu de vos éclatants triomphes, la paix fut toujours pour vous, comme vous l'avez dit dans une circonstance mémorable, le premier des besoins et la première des gloires.

Votre Majesté a annoncé qu'elle était satisfaite de l'état prospère des finances; que, sans rien ajouter aux charges de la nation, il serait proposé de nouveaux développements au système de finances, dont les bases ont été posées l'année dernière, et qu'une partie des impositions directes serait remplacée par des impositions indi

rectes.

Sire, la nation, en rendant hommage aux principes d'administration qui, au milieu d'une guerre si formidable, ont su produire de si heureux résultats, n'ignore point que c'est à vous surtout qu'elle doit les bienfaits de tant de vigilance et de tant de sagesse. Elle n'ignore point que c'est à votre amour de l'ordre, à votre continuelle application à toutes les affaires de l'Etat, à cette passion inépuisable du bien public qui s'attache à tout ce qui est utile, à cette supériorité d'esprit qui embrasse à la fois et les vues les plus générales et les détails les plus particuliers, qu'elle doit tout ce qui, dans les diverses parties du gouvernement, contribue le plus à la gloire et à la prospérité dé l'empire.

Sire, appelés par nos fonctions à la discussion des mesures législatives proposées par Votre Majesté, en continuant à la seconder de tous nos moyens et de toute notre influence, nous ne ferons qu'obéir au vou du peuple français, au sentiment de nos devoirs et aux affections qui nous lient à votre personne sacrée et à votre auguste famille. »

Sa Majesté a répondu en ces termes :

"

J'agrée les sentiments du Tribunat : il a mon«< tré unité de vues avec mon conseil d'Etat dans « les discussions qui ont eu lieu pendant le cours « de l'année, pour préparer les projets de loi « qui doivent être portés au Corps législatif dans «< cette session. Je me plais à faire connaître la « satisfaction que j'ai éprouvée des améliorations << qui en ont été le résultat. Je compterai toujours « sur l'attachement du Tribunat pour ma per«sonne, et sur son assistance. >>

CORPS LÉGISLATIF.
PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.
Séance du 10 mars 1806.

Le procès-verbal de la séance du 8 de ce mois est adopté.

MM. Sol et Fontemoing, membres du Corps législatif, écrivent qu'ils se rendront à leur poste aussitôt que leur santé sera rétablie.

Le Corps législatif agrée les hommages qui lui sont faits, savoir :

Par M. Arnould (de la Seine), ancien jurisconsulte, ex-directeur de la balance du commerce, président de la section des finances du Tribunat,

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d'un ouvrage intitulé: Histoire générale des finances de la France depuis le commencement de la monarchie, pour servir d'introduction à la loi annuelle ou budget de l'empire français;

Par M. Sébastien Gérardin, ex-professeur d'histoire naturelle à l'Ecole centrale des Vosges, attaché au Muséum d'histoire naturelle de Paris, d'un ouvrage intitulé: Tableau élémentaire de botanique;

Par M. Julien-Michel Dufour, ancien avocat, ex-juge au tribunal du département de la Seine, membre de l'académie de législation, d'un ouvrage intitulé Discussion de la question: Si les vieillards de 70 ans sont contraignables par corps pour dettes commerciales.

Le Corps législatif arrête qu'il sera fait mention de ces hommages au procès-verbal, et ordonne le dépôt des ouvrages à sa bibliothèque.

M. le Président. J'annonce à l'Assemblée que la députation chargée de présenter à Sa Majesté l'Empereur et Roi l'adresse votée à l'unanimité par le Corps législatif en comité général, a été reçue hier à une heure, et qu'ayant été introduite par le grand-maître des cérémonies dans la salle du trône, M. le Président a présenté à Sa Majesté l'adresse dont la teneur suit:

LE CORPS LÉGISLATIF A SA MAJESTÉ L'EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI d'italie.

« L'adresse de remercîment et de félicitation, que les membres du Corps législatif portent en ce moment aux pieds du Trône, est le tribut unanime de l'admiration et de la reconnaissance que font naître vos grandes actions.

Les années sous votre règne sont plus fécondes en événements glorieux que les siècles sous d'autres dynasties.

Quelques jours valent une campagne. Une seule campagne vous a rendu maître des provinces d'un grand empire, qui ne s'est raffermi que par votre modération.

Le monde se croit revenu à ces temps, où, comme l'a dit le plus brillant et le plus profond des écrivains politiques, la marche du vainqueur était si rapide que l'univers semblait plutôt le prix de la course que celui de la victoire (1).

Le Corps législatif laisse à d'autres le soin de vous suivre sur le champ de bataille et de retracer tant d'illustres faits d'armes. Il doit chercher avant tout, dans ces événements mémorables, ce qui peut améliorer le sort des peuples en prévenant de nouvelles guerres. Il hâte de tous ses vœux le développement de ces hautes pensées que renferme le discours de Votre Majesté. Tout ce qu'elle a fait est grand, tout ce qu'elle laisse prévoir est plus grand encore.

Déjà les plus anciennes maisons souveraines brillent d'un nouvel éclat en se rapprochant des rayons de votre couronne. Le repos du continent sera le fruit de vos conquêtes. Le Corps législatif peut donc applaudir sans regret la gloire militaire; il aime à louer surtout ce désir d'épargner le sang des hommes que vous avez si souvent manifesté jusque dans la première ivresse du triomphe. C'est la victoire là moins sanglante qui est la plus honorable à nos yeux.

L'amour de mon peuple fait ma gloire: Sire, voilà les paroles de votre discours qui ont pénétré nos cœurs. Les plus grandes nations ont quelquefois des motifs équivoques; mais les sentiments d'une grande âme ne peuvent tromper. C'est là qu'on reconnaît un monarque digne de régner sur le

(1) Montesquieu, Esprit des Lois,chapitre d'Alexandre.

peuple français. Il ne suffit pas à Votre Majesté de l'avoir rendu le plus puissant de tous les peuples; elle veut encore qu'il soit le plus heureux. Qu'on redise partout qu'une si noble ambition Vous occupe sans cesse, et que, pour la satisfaire, vos jours sont aussi remplis dans votre palais que dans vos camps.

Toutes vos pensées sont empreintes de ce caractère qui seul attire la vénération et l'amour.

Après avoir fait et défait les rois, vous avez vengé leurs tombeaux. Celui qui fut le berceau de la France chrétienne voit se relever le temple célèbre où, depuis quinze siècles, la mort confondit les cendres de trois races royales, dont toutes les grandeurs égalaient à peine la vôtre.

Sire, de pareils actes de votre puissance sont les premiers de tous les bienfaits. Ils remettent en honneur tous les principes utiles à la société, tous les sentiments chers au cœur de l'homme; ils promettent à la France qu'un souverain qui venge ainsi la morale publique et la religion profanées respectera toujours ce qu'elles commandent l'une et l'autre au nom de Dieu et du genre humain.

Le Corps législatif n'est point le théâtre de la faveur; l'hommage qu'il vous rend est donc aussi libre que sincère. Permettez encore qu'il vous exprime sa reconnaissance pour le don des drapeaux que vous lui avez promis, et qu'il suspendra autour de votre statue comme le seul ornement digne d'elle. Il s'empressera de donner à Votre Majesté, dans cette session comme dans toutes les autres, l'assistance que vous lui demandez. Vous trouverez toujours en lui ce qui doit vous plaire également, l'ami fidèle du trône et celui du peuple français. »

L'EMPEREUR a répondu : « J'agrée les sentiments du Corps législatif. Je compte sur son assistance durant le cours de sa session, pour tous les intérêts du trône et de la patrie. Vous pouvez compter, en retour, sur tous mes sentiments de confiance et d'affection pour le Corps législatif, et en particulier, pour chacun des membres qui le composent. >>

MM. Regnauld et Deloé, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Regnauld présente trois projets de loi, le premier relatif à la réunion de la commune de Chirens au canton de Voiron;

Le deuxième, à celle du canton de Poncin à celui de Nantua;

Le troisième, à la distraction du canton de Durtal de l'arrondissement de Segré, pour être réuni à celui de Baugé.

En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, dans la division qui fut faite en l'an VIII du territoire français,quelque exactitude qu'on ait mis dans l'examen des convenances, quoiqu'on ait recherché diligemment ce qui était le plus conforme à l'intérêt particulier des communes et à l'intérêt général de l'Etat,on a dû, dans un travail aussi considérable, commettre quelques erreurs. Je viens vous proposer d'en réparer trois, en adoptant autant de projets de loi qui changent la circonscription des arrondissements communaux dans les départements de l'Ain, de l'Isère et de Maine-et-Loire.

La première ôte à l'arrondissement de Belley, pour le donner à celui de Nantua, le canton de Poncin, composé de six communes.

Leurs habitants ne sont qu'à vingt kilomètres de Nantua, tandis que la distance qui les sépare de Belley est de cinquante kilomètres.

[10 mars 1806.]

121 Il est reconnu d'ailleurs que leurs rapports habituels les amènent à Nantua; qu'ils y vendent le superflu de leurs denrées, et s'y pourvoient des objets qui leur manquent.

La population de l'arrondissement de Belley est de 74,969 habitants; celui de Nantua n'est que de 51,003, avec les 7,956 que contient le canton de Poncin. La sous-préfecture de Nantua comptera 58,959 habitants, et sera moins inégale à celle de Belley, par sa population.

La deuxième foi distrait du canton de SaintGeoire, arrondissement de la Tour-du-Pin, la commune de Chirens, pour la donner au canton de Voiron, arrondissement de Grenoble.

Les ministres de la justice et de l'intérieur se sont accordés pour proposer ce changement.

Ils ont fait remarquer: 1° qu'elle n'est qu'à un quart de myriamètre de Voiron, et à deux myriamètres de Grenoble; 2° que l'hiver, les neiges et les glaces, et l'été, les eaux et les mauvais chemins empêchent la communication avec SaintGeoire; 3° qu'il existe quelque éloignement entre les habitants des deux communes.

La troisième loi donne à l'arrondissement de Baugé, et ôte à celui de Segré, le canton de Durtal. Le chef-lieu est à cinquante-cinq kilomètres de Segré, et seulement à vingt kilomètres de Durtal.

Les habitants appelés à Segré ont à parcourir des chemins vicinaux souvent impraticables, et à passer en bateau trois rivières pour arriver en cette ville.

Ces motifs ont déterminé Sa Majesté à adopter et à vous proposer les changements que consacreront les lois que je vais lire.

PROJET DE LOI

Relatif à la réunion de la commune de Chirens au canton de Voiron.

La commune de Chirens, département de l'Isère, sera distraite du canton de Saint-Geoire, arrondissement communal de la Tour-du-Pin, où elle a été portée par la loi du 28 pluviôse an VIII, et sera réunie au canton de Voiron, arrondissement communal de Grenoble.

PROJET DE LOI

Relatif à la réunion du canton de Poncin à celui de
Nantua.

Le canton de Poncin, département de l'Ain, faisant
ci-devant partie de l'arrondissement de Belley, sera
réuni à l'arrondissement de Nantua.

PROJET DE LOI

Relatif à la distraction et réunion du canton de
Durtal.

Le canton de Durtal, département de Maine-et-Loire,
est distrait de l'arrondissement de Segré pour être
réuni
celui de Baugé.

Le Corps législatif arrête que ces projets de loi
seront transmis au Tribunat par un message.

Le Corps législatif procéde ensuite à deux scru-
tins successifs pour compléter la liste de six can-
didats parmi lesquels l'Empereur doit nommer
deux questeurs.

Ces scrutins donnent la majorité absolue à MM.
Beaufranchet et Lombard-Taradeau.

Le Corps légistatif arrête que la liste des can-
didats sera portée à Sa Majesté l'Empereur par un
message.

Les six candidats sont dans l'ordre de leur élec-
tion MM. Despallières, Nougarède, Pémartin,
Caze-Labove, Beaufranchet et Lombard-Taradeau.
La séance est levée.

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