régénéré. Jean fera bientôt, pour le chancelier Rollin, ce magnifique retable représentant le jugement dernier, que conserve religieusement l'hôpital de Beaune ', et ses élèves produiront de ces charmantes peintures, dont une chapelle de Saint-Lazare d'Autun a conservé de précieux restes.

Les révolutions dans les idées ne s'accomplissent que lentement et comme pas à pas. Les principes anciens trouvent toujours d'ardents défenseurs et presque des martyrs: aussi n'est-ce qu'après la mort de Jean VanEyck 2 que ses innovations furent définitivement reçues. Notre artiste, sans nul doute, tenait encore à l'art ancien par ses idées, ses méthodes, et peut-être aussi par son âge. Qui croirait en effet, en voyant l'abîme qui les sépare, que les peintures de Saint-Dezert sont presque contemporaines du jugement de Van-Eyck et des fresques d'Autun? Je crois donc cet ouvrage antérieur de bien peu à l'arrivée des peintres flamands en Bourgogne, ou tout au moins d'une époque où leurs principes n'avaient pas encore décidément prévalu, c'està-dire, de la première moitié du 15me siècle, et nous pouvons la considérer comme une dernière expression d'un art qui va disparaître.

Avant de terminer cette longue notice, je voudrais pouvoir donner les noms des fondateurs de la chapelle,

Cet hôpital fut fondé en 1443.

2 En 1445.

ou tout au moins de ceux qui contribuèrent à son embellissement; mais, ne pouvant rien dire de précis à ce sujet, je me contenterai de mentionner les seuls renseignements que j'ai pu réunir.

Sur le mur du midi, des deux côtés de la porte (Alb. Pl. XIV, nos 4 et 5), on voit deux armoiries peintes, évidemment contemporaines des fresques, ce sont celles des deux personnages dont les portraits figurent aux deux côtés de l'autel. L'écu seul du mari' est conservé; mais il est si effacé, que, sauf la bordure, les émaux en sont difficiles à déterminer sûrement. Il porte, je crois, d'azur à trois chevrons d'or à la bordure de gueules. Les recherches que j'ai faites pour arriver à l'attribution de ces armoiries, n'ont abouti qu'à former une liste considérable de familles auxquelles elles ont pu appartenir, et dont le nombre est un obstacle à ce qu'on puisse arriver à une solution raisonnable. L'absence complète de ce blason à Saint-Dezert et aux environs, indique peut-être qu'il appartint à une famille étrangère au pays, mise accidentellement par une alliance en possession de cette chapelle.

En enlevant le badigeon qui couvrait les peintures, j'ai trouvé peint, sur une litre ou ceinture funèbre, un écu armorié, dont la forme est moderne: il porte de

La position des donateurs a dû déterminer celle de leurs écus ainsi, l'écu placé à droite de la porte, doit être celui du mari, dont le portrait figure à droite de l'autel.

Ce

gueules à la bande d'or. (Alb. Pl. XVI, no 7. blason est peut-être celui de la famille d'Hénin-Liétard, qui s'éteignit à la fin du 17me siècle, en la personne de N. d'Hénin Liétard', comte de Roche, chevalier d'honneur au Parlement de Bourgogne, et que ses alliances rattachaient à ce pays. Cette famille aurait été longtemps en possession de ce droit de patronage, car nous retrouvons le même écu sculpté sur les deux côtés du grand portail, dont la construction remonte au 15 me siecle. (Alb. Pl. XVI, no 8. ) -En 1625, ce patronage avait changé de maitre; car, à cette date, une convention, réglant les droits du vicariat de St-Dezert, mentionne une des chapelles sous le nom de « Chapelle >> des Verdets, dont le président Boni est chapelain, » et désigne l'autre comme étant à la nomination de Philibert Chantibaut, sire de La Rongiers 2. Il est certain d'ailleurs que ce bénéfice a été une dépendance de la seigneurie de Rosey 3, car Courtépée dit que de son temps cette chapelle était nommée « Clerguet, » du nom de M. Clerguet de Loisey, seigneur de ce village, qui en était alors collateur.

Comme on le voit, le nom du bienfaiteur de cette

4 Il avait épousé Marianne de Thésut, d'une ancienne famille du Chalonnais. (Catalogue des gentilshommes des états de Bour. gogne.)

2 Archives de Chalon-sur-Saône.

3 Village situé à un kilomètre de Saint-Dezert.

chapelle est encore pour nous inconnu. Un autre nom, dont la perte est bien plus regrettable, et dont nous aimerions à enrichir l'histoire des arts, c'est celui de l'artiste ignoré auquel nous devons ces peintures; mais aucun indice n'a pu, jusqu'à présent, nous faire espérer la découverte de ce nom précieux; aussi avonsnous dû nous contenter d'analyser et de louer l'œuvre, sans nous bercer de l'espoir de pouvoir jamais en désigner l'auteur.