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SUR UN VASE BYZANTIN TROUVÉ DANS LA SAONE,

EN 1843.

Nous avons toujours vu avec un sentiment de douleur que notre pays, si riche et si bien doté d'ailleurs, fût aussi dépourvu qu'il l'est de monuments antiques. C'est à peine si à de longs intervalles le sol ingrat nous rend quelques rares débris, quelques traces vagues d'une civilisation passée.

Presque tous les anciens centres de population romaine, comme l'était autrefois Chalon, fournissent de nombreux matériaux aux recherches et aux observations de l'antiquaire. Les pays privilégiés lui offrent de grandes constructions, des temples, des théâtres, des aqueducs, etc...... Ceux qui sont moins bien partagés, lui présentent des monuments moins considérables, des objets d'art, des ustensiles échappés à des sépultures ou à des ruines.

Ces petits objets, devenus précieux pour nous, tout en nous donnant une idée de l'art et de l'industrie chez les anciens, nous révèlent chaque jour de nou

veaux détails sur les habitudes et les mœurs d'un peuple, dont nous n'aurions jamais bien connu la vie privée sans ces matériaux. Chalon et ses environs sont aujourd'hui dans la situation la moins favorable pour les amateurs des objets antiques. Tout est effacé, tout a été nivelé par la main des hommes et par l'action du temps.

Cependant un heureux privilége semble avoir été accordé à la Saône; c'est à elle qu'il était réservé de conserver, au fond de ses eaux, des traces nombreuses et indestructibles de toutes les époques qui nous ont précédés.

En effet, depuis que de grands travaux sont venus violer le secret de ses eaux, nous avons pu recueillir de nombreux débris des temps passés. Par eux, nous pourrions presque écrire, en lettres de fer et de bronze, une histoire de tous les âges qui se sont succédé, depuis la conquête de notre pays par les Romains jusqu'à nos jours.

Parmi tous ces anciens débris, nous citerons, comme un des plus remarquables, un vase incrusté, en bronze fondu, et qui paraît avoir été terminé au tour. (Voir Pl. VIII, dessin de grandeur naturelle.)

Par sa forme écrasée et un peu lourde, il rappelle facilement l'art byzantin et l'époque de décadence ; néanmoins, il serait difficile de fixer avec précision le temps où il a été fabriqué. Nous ne croyons pas nous éloigner beaucoup de la vérité en le faisant re

monter au 4me ou 5me siècle. A cette époque, le goût pour les objets d'art fut très-développé, et l'orfévrerie surtout reçut une impulsion remarquable. Les vases d'airain, d'argent et d'or étaient très-recherchés; on en décorait les églises et les demeures particulières. Alors aussi les arts plastiques tombaient dans la barbarie, et la beauté idéale de la forme était plus méconnue de jour en jour.

L'ornement en forme de scie, qui décore le haut et le bas de la panse de ce vase, se retrouve souvent dans les monuments de la dernière époque de la domination romaine en Gaule. Cet ornement s'est même prolongé, par imitation, jusque sous les premiers Mérovingiens. Quoique dépourvu aujourd'hui de sa fermeture, nous savons d'une manière positive que, lors de sa découverte, ce vase était muni d'un assez joli bouchon de bronze, qui depuis a été perdu. Nous avons essayé de le restituer, d'après les détails très- précis que nous a fournis la personne qui a trouvé le vase.

Sa panse est ornée d'incrustations' de cuivre rouge

La matière noirâtre qui recouvre les incrustations d'argent, est un composé cuivreux; sa dissolution dans l'acide azotique bleuit fortement par l'ammoniaque, et précipite en brun marron par le cyanure double de fer et de potassium. Il y a eu là évidemment un effet de transport, dû à une action galvanique. Les conditions d'un couple voltaïque étaient réunies: 1o contact de deux métaux hétérogènes, argent et bronze; le bronze (alliage de cuivre et d'étain) plus oxidable que l'argent, étant le métal

et d'argent, alternées, formant un dessin assez élégant, mais d'une exécution moins fine et moins parfaite que celle qui distingue nos beaux ouvrages d'orfévrerie moderne. Ces incrustations sont très-remarquables, et c'est de là surtout que ce vase tire sa valeur. En effet, il est extrêmement rare de rencontrer sur des bronzes antiques des ornements en incrustations, et encore plus rare de trouver, comme dans cet exemple, des incrustations alternées de cuivre rouge et d'argent.

A chacune de ses deux anses est passé un anneau entouré en partie d'un fil de laiton. Ces deux anneaux servaient-ils à fixer deux chaînettes ou à relier une anse à main? Aucun indice ne peut nous éclairer à ce sujet, et c'est là une des premières causes de notre incertitude sur l'usage auquel ce vase a dû être affecté. Plusieurs opinions ont été émises à ce sujet; aucune d'elles ne nous a paru assez probable pour que nous puissions nous y arrêter.

On a d'abord pensé que ce pouvait être une lampe, et qu'elle avait dû être suspendue par deux chaînettes;

positif; 2o immersion dans un liquide conducteur, l'eau de la rivière, qui attaquait le bronze et dissolvait du cuivre. Le cuivre était réduit par l'action du courant électrique; il était porté à la surface du métal négatif, à la surface de l'argent. Par une explication semblable, on peut se rendre compte de la formation de la couche cuivreuse de même aspect, qui est superposée aux incrustations de cuivre rouge: le cuivre, en effet, est négatif par rapport au bronze.

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