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9. Notre système fiscal est issu des assemblées de la Révolution de 1789. Avant cette époque, qui devait voir s'accomplir en cette matière comme en toute autre de profondes réformes, les impôts directs s'appelaient : la taille, la capitation, les décimes et vingtièmes, la corvée. Parmi les impôts indirects, les plus importants étaient les aides et gabelles; nous nous bornerons à les citer. ·

10. La Taille, dont l'origine remonte aux premiers temps de la féodalité, était un impôt levé par les seigneurs et par le roi dans l'étendue de leur domaine. Elle devint annuelle sous Charles VII (Edit du 2 novembre 1439) et sa permanence eut pour cause la nécessité d'une armée régulière. Le contingent en fut fixé, à cette époque, à 1,200,000 livres (1). On distinguait la taille réelle et la taille personnelle.

La taille réelle portait sur les biens fonds; elle se subdivisait en taille d'exploitation, qui frappait les propriétés bâties ou non bâties susceptibles de produire des revenus, et taille d'occupation frappant les locaux d'habitation. La première taxe (taille d'exploitation) variait selon la nature des biens et avait pour base le loyer. Les communes étaient divisées, au point de vue du taux de l'impôt, en 24 classes payant depuis 3 deniers par livre pour les communes pauvres jusqu'à 4 sous par livre pour les communes riches. La taille d'occupation était de 1 sou par livre du loyer ou du prix d'estimation.

La taille personnelle était un impôt sur le revenu brut, établi d'après les facultés présumées des contribuables sur les revenus provenant des propriétés foncières, des rentes, des

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1789, y compris les accessoires de la taille).... 91.000.000

produits du commerce ou de l'industrie. Son taux était de 1 sou par livre de revenu.

La taille était réelle, personnelle ou mixte, selon les pays. Dans plusieurs pays d'Etat elle était réelle et présentait moins d'arbitraire que dans les pays d'élection, où elle était personnelle. Les pays d'État pouvaient même changer la nature de l'impôt et le convertir en une taxe indirecte sur les consommations (ainsi en Artois, Bourgogne, Bretagne, etc.). C'était un impôt de répartition.

Dans les pays d'élection, il était réparti entre les élections par le roi, entre les paroisses par les élus choisis par le roi (édit de mars 1600) et entre les habitants de chaque paroisse par les asséeurs choisis parmi les habitants. Des collecteurs, garants solidaires du paiement de la taxe, la percevaient pour en remettre le montant aux receveurs. Mais il y avait de nombreux privilèges gens d'église, gentilshommes, bourgeois des villes franches, officiers de la maison du roi, gendarmes, titulaires de nombreux offices en étaient exempts, sans règles ni principes.

Sully (en 1598) révoqua un certain nombre d'affranchissements; Richelieu (édit de janvier 1634), Colbert (édit de mai 1686) cherchèrent à établir pour le recouvrement des garanties de justice, à éviter l'emploi de la force armée, la saisie des bestiaux, l'emprisonnement, moyens usités pour faire rentrer l'argent. Mais la taille et ses accessoires n'en restèrent pas moins, jusqu'aux dernières années de l'ancien régime, l'impôt vexatoire et injuste qui a fait l'objet de si nombreuses doléances (1). Il a été aboli par la loi du 1er décembre 1790.

11 La capitation apparait seulement en 1694, sur la proposition des États du Languedoc et pour subvenir aux frais des guerres. Cet impôt personnel devait être temporaire mais,

(1) L'Adresse aux Français, du 24 juin 1791, sur le payement des contributions, s'exprime ainsi :

La taille réelle n'avait lieu que dans quelques provinces. Dans «< celles où elle était connue, elle ne frappait que certains héritages; « d'autres héritages en étaient exempts.

a La taille personnelle ou mixte était divisée en taille de propriété, que les privilegiés ne payaient jamais, et en taille d'exploitation, qu'ils a ne payaient point pour leurs prés, leurs vignes, leurs bois, ni pour

en réalité, il dura jusqu'à la fin de l'ancien régime. Dans le principe tous les sujets du roi y étaient astreints, même le dauphin, et il n'y avait d'exemption que pour les pauvres, les religieux mendiants et les taillables dont la cote était inférieure à 40 sous. Les contribuables étaient divisés en 22 classes : 20 sous pour la dernière, 2,000 livres pour la première. En fait, la répartition de cet impôt fut livrée à l'arbitraire. Le clergé se racheta à plusieurs reprises par des dons, mais depuis 1709, ayant remis 24 millions au roi, il ne paya plus rien.

La base d'imposition n'était pas la même dans les pays de taille réelle et dans ceux de taille personnelle. Dans les premiers, la classification des contribuables était faite d'après les présomptions tirées du nombre des domestiques, des chevaux et voitures, ou même de la valeur du loyer. Dans les seconds, les roturiers devaient payer au marc la livre de taille, les privilégiés à raison de leurs facultés évaluées par les intendants, à qui appartenait partout la préparation des rôles.

Dans un but d'uniformité, la déclaration royale du 13 avril 1761 décida que la capitation serait réunie à la taille et répartie au marc la livre de ces impôts. Sous Louis XVI, les pays d'État furent même autorisés à l'acquitter par abonnement. Mais ces mesures, dictées par un sentiment d'équité, n'apportèrent à l'état de choses qu'un remède insuffisant.

12. Une déclaration royale du 10 octobre 1710 établit l'impôt du dixième sur les revenus de tous les sujets sans exception pour pourvoir, de même que la capitation, aux dépenses causées par la guerre. Tous les revenus, ceux des biens ruraux, des maisons, des charges et offices, les rentes et pensions, les bénéfices industriels et commerciaux, les octrois et

« 4 charrues de terres labourables lorsqu'ils les faisaient valoir par eux« mèmes; qu'ils ne payaient qu'indirectement lorsqu'ils donnaient leurs << terres à loyer.

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« La taille personnelle était arbitraire, et les citoyens craignaient de c se livrer à quelques jouissances, parce que tout signe d'aisance attirai << sur eux une augmentation désordonnée d'imposition. Il en résultait << dans la plupart des habitations champêtres une negligence. un dénù«ment, une insalubrité très nuisibles au bonheur et à la conservation de cultivateurs. >>

revenus des villes y furent soumis. Les contribuables durent faire la déclaration exacte de leurs revenus, sous peine de double et même de quadruple taxe. Dès 1711, toutefois, le clergé obtint l'exemption à perpétuité de ce nouvel impôt : plusieurs pays d'État, des provinces et des villes furent autorisés à s'en acquitter par abonnement.

Le dixième disparut en 1717, mais il réapparut lors des guerres de succession de Pologne et d'Autriche. Il fut remplacé en 1750 par l'impôt du vingtième, auquel un second vingtième vint s'ajouter. Les deux vingtièmes furent perçus jusqu'en 1791 (1).

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13. La corvée était d'origine féodale le seigneur pouvait exiger de ses vassaux un certain nombre de journées de travail pour labourer ses terres, faire la moisson, rentrer la récolte, construire et réparer les routes. A cette corvée seigneuriale vint s'ajouter, au XVIe siècle, la corvée royale (Inst. min. 13 juin 1738), pour l'entretien des routes publiques. Elle variait de huit à cinquante jours par an. Les taillables y étaient soumis, mais non les privilégiés. Turgot la fit supprimer en 1776, mais elle fut rétablie peu après, pour être remplacée en 1787 par une prestation pécuniaire répartie au marc la livre des impositions régulières. La loi du 28 mars 1790 la supprima définitivement.

14. Tels étaient les impôts directs avant 1789. Les louables efforts des ministres des Finances sous Louis XVI, les écrits célèbres des philosophes, les projets de l'école des physiocrates, les doléances des assemblées provinciales tardivement réunies à la fin de l'ancien régime ne firent que précipiter la révolution fiscale. Les vices de l'organisation étaient trop profonds. L'inégalité la plus choquante était partout la taille, le plus lourd de tous les impôts, frappait le contribuable sans

(1)« Les vingtièmes mêmes », dit l'Adresse aux Francais citée plus haut, « qui étaient la moins imparfaite et la moins vexatoire des anciennes «< impositions, étaient encore très inégalement répartis. Les ecclésiastiques « du clergé de France ne les payaient pas; quelques pays, quelques « villes, quelques corporations et même quelques particuliers puissants << avaient obtenu des abonnements tout à fait disproportionnés avec leurs << revenus et avec la charge que supportaient les autres citoyens...

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règles ni principes, plus rigoureusement dans la plupart des pays d'élection que dans les pays d'État. La superposition des impôts additionnels (taillon et autres), de la corvée, de la capitation, des vingtièmes, de la dime ecclésiastique et des nombreux impôts féodaux en rendait le poids intolérable. Les exemptions, nombreuses, s'adressaient aux classes les plus fortunées. Il y avait aussi des frais de perception considérables, des déficits causés par les malversations des agents des finances et des collecteurs d'impôt; il y avait les mesures brutales employées pour faire rentrer l'argent (garnisaires, force armée). Partout l'inquisition chez les taillables et corvéables, et en conséquence des fraudes continuelles pour échapper aux investigations. Tel était, au moment où éclata la Révolution, l'état de choses dont on trouve le tableau le plus saisissant dans les cahiers des assemblées provinciales (1778-1787) et dans ceux des États généraux en 1789 (1).

§ 2. OEuvre de la Révolution française. Fondation
du système actuel.

15. L'Assemblée constituante de 1789, en abolissant tous les privilèges pécuniaires et en déclarant illégales toutes les contributions alors perçues comme n'ayant pas été consenties par la nation (D. 4-14 août 1789), posa les célèbres principes qui ont servi de base à notre système d'impôts : égalité des

(1) Procès-verbaux de l'Assemblée provinciale de l'Isle-de-France (1787) : << Soit un habitant taillable de village, propriétaire de vingt arpents de << terre qu'il exploite lui-même et qui sont évalués à 10 livres de revenu << par arpent; on le suppose aussi propriétaire de la maison qu'il habite «<et dont le prix de location est évalué à 40 livres ». Ce taillable paye pour sa taille réelle, personnelle et industrielle 35 livres 14 sous, pour les accessoires de la taille 17 livres 17 sous, pour sa capitation 21 livres 8 sous, pour ses vingtièmes 24 livres 4 sous, pour la taxe en remplacement de la corvée 5 livres, soit, en tout, 104 livres pour un bien qu'l louerait 240 livres, plus des cinq douzièmes du revenu.

Procès-verbaux de l'Assemblée provinciale de la Haute-Guyenne (1784): « Tous les fonds de terre sont taxés pour la taille, les accessoires et a les vingtièmes à plus du quart du revenu, déduction faite seulement « des frais de culture, et les maisons au tiers du revenu, déduction faite << seulement des frais de réparation et d'entretien ; à quoi il faut ajouter a la capitation, qui prend environ un dixième du revenu, la dime qui en

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