Page images
PDF
EPUB

ARTICLE PREMIER.

- Évaluation prescrite par la loi du 7 août 1850.

71. Le Gouvernement avait proposé dans le projet du budget des recettes de 1851 de supprimer les 17 centimes additionnels généraux qui grevaient alors la contribution foncière. Une partie de l'Assemblée nationale demandait que la perte (environ 27 millions) que le Trésor consentait à supporter de ce chef servit au nivellement des contingents de l'impôt foncier par l'allocation de dégrèvements aux départements surchargés. L'Assemblée n'accueillit pas cette proposition, mais elle ordonna la mise à l'étude de la question en votant spontanément l'article 2 de la loi du 7 août 1850 (1).

L'Administration voulant obtenir des indications approximalives sur la richesse contributive des départements avant d'entreprendre l'importante opération dont elle était chargée, prescrivit, par sa circulaire du 26 novembre 1850, de déterminer ces données à l'aide des baux et des adjudications de coupes de bois ventilés de 1847 à 1850.

Le prix net des baux et des adjudications de coupes de bois, totalisé par département et rapproché du total de l'impôt foncier en principal des immeubles que ces actes concernaient, fournissait un rapport qui, appliqué au contingent départemental, donnait une première expression du revenu net.

La même opération effectuée à l'aide des actes de vente et par application d'un taux d'intérêt aux chiffres qu'ils accusaient fournit une seconde estimation de ce revenu.

Ces opérations faisaient ressortir à 2,994,127,500 francs le revenu net moyen des propriétés foncières de l'ensemble de la France. Les données fournies, d'une part, pour les propriétés non baties, par la statistique agricole de 1850 et, d'autre part, pour les propriétés baties, par les évaluations exécutées conformément à l'ordonnance royale du 18 dé

(1) L. 7 août 1830, art. 2. « Aussitôt après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement prendra les mesures nécessaires pour qu'il soit procédé dans un bref délai, à une évaluation nouvelle des revenus territoriaux. »

cembre 1832, accusaient un chiffre bien moins élevé. L'une et l'autre de ces sources de renseignements prêtaient à la critique dans la première opération, il n'était pas tenu compte, en effet, des écarts du taux de l'impôt de commune à commune dans le même canton; quant à la seconde enquête, ses travaux n'avaient pas été conduits avec l'unité de méthodes nécessaire.

Une commission fut alors instituée avec mission d'étudier la marche à suivre pour exécuter l'article 2 de la loi du 7 août 1850; à la suite de ses travaux, un arrêté ministériel du 3 mai 1851 et une Instruction du 30 du même mois réglèrent le détail des opérations, qui furent entreprises à la fin de 1851.

[ocr errors]

72. Marche suivie pour l'exécution du travail. Le cadastre étant terminé à cette époque, les évaluations purent ètre faites par commune, d'une manière détaillée pour chaque espèce de propriété, au lieu d'être établies, comme dans les précédentes opérations, en masse par arrondissement.

Les contrôleurs des contributions directes relevèrent sur les matrices et par commune les contenances des différentes natures de culture ainsi que le nombre exact des propriétés bâties de toute espèce. Ils se rendirent dans toutes les communes des départements, consultant notamment les maires, notaires, propriétaires et cultivateurs les plus éclairés sur les produits du sol, les frais de culture et sur la valeur locative des différents biens fonds. Ils vérifièrent ensuite, au vu du terrain, les renseignements qu'ils avaient recueillis, rectifierent les contenances cadastrales des propriétés qui avaient changé de nature et arrivèrent ainsi à déterminer directement pour chaque commune et par espèce de propriété les revenus qui n'avaient été obtenus jusqu'alors que par voie d'induction. Leurs travaux furent surveillés par les inspecteurs, suivis et régularisés par les directeurs et, enfin, l'Administration centrale, secondée par le service de l'inspection générale des finances, assura partout l'uniformité de doctrine.

C'est dans ces conditions que les agents fixèrent directement pour chaque nature de culture la moyenne du revenu par hectare.

73. Contrôle des évaluations directes au moyen des ventilations d'actes enregistrés. On contrôla les évaluations ainsi obtenues à l'aide des indications des baux, adjudications de coupes de bois et actes de vente correspondant à la période des années 1839 à 1851 (1).

Le rapport de l'impôt au revenu accusé par les baux réels était de 6,32 0/0, celui qui était indiqué par les baux verbaux etc., de 6,41 0/0 et celui qui résultait des actes de vente de 60/0. Le rapport moyen donné par les ventilations était par suite de 6,23 0/0 tandis que celui qui avait été obtenu par les évaluations directes n'était que de 6,07 0/0. La différence peu importante que présentent ces données était la meilleure justification de la valeur du travail, elle s'explique d'ailleurs par la raison que le revenu net accusé par la ventilation d'un bail ne comprend pas le bénéfice du fermier, qui devrait y figurer en partie, d'après la définition du revenu net telle qu'elle est donnée par la loi du 3 frimaire an VII.

(1) 370,943 baux réels servirent à ce travail. La somme totale de ces actes s'élevait à 306,381,232 francs, déduction faite des frais d'entretien et de réparation des maisons, usines et bâtiments, des frais d'intérêt de cheptel et autres avances faites pas les proprietaires aux fermiers. Les terrains auxquels ils s'appliquaient représentaient une contenance de 5,322,390 hectares et supportaient, y compris la propriété bâtie, une contribution foncière en principal de 19,367,013 francs.

On utilisa également 111,349 baux verbaux, baux à portions de fruits. estimations d'experts et autres évaluations de revenu incomplètement justifiées, mais seulement dans les communes où le nombre de baux réels était insuffisant. Les ventilations faites de ces indications de revenu correspondaient à un prix net total de 406,417,547 francs, à une contenance de 2,486,175 hectares et à un impôt en principal de 6,825,296 francs.

Enfin, on consulta 404,241 actes de vente représentant une somme de 5,537,008,269 et un revenu qui, d'après les appréciations particulières faites sur chaque propriété vendue, se serait élevé au total à 213,359,469 fr. (ces dernières données faisaient ressortir un taux d'intérêt de 3,85 0/0, tandis que, d'après les évaluations directes, ce taux n'aurait été que de 3.16 0/0; cette difference doit représenter la dissimulation moyenne des déclarations faites a l'enregistrement.

La contenance des propriétés estimées était de 2,384,344 hectares et leur contribution foncière en principal de 12,799,100 francs.

La superficie totale des propriétés comprises dans les actes ventilés représentait plus de 10 millions d'hectares.

74. Résultats généraux (1). — Les opérations furent achevées vers le milieu de 1854; elles constatèrent, pour le territoire de la France tel qu'il était à cette époque, abstraction faite toutefois du département de la Corse, où le travail n'avait pas été exécuté, un revenu net imposable de 2.643,365,716 francs.

Les propriétés non baties entrent dans cette estimation pour un revenu de 1,905,622,436 francs, et les proprietés bâties pour un revenu de 737,743,280 francs.

Si l'on déduit de ces chiffres la part afférente aux portions de territoires cédées à l'Allemagne en 1871, le revenu net ressort à 1.824.186.249 francs pour les propriétés non bâties et à 710,801,273 francs pour les propriétés bâties.

Le taux de l'impôt en principal fut déterminé séparément pour chaque nature de propriétés. Il n'était que de 5,24 0/0 pour les immeubles batis et s'élevait à 6,38 0/0 pour les propriétés non bâties.

75. Commission chargée de l'examen des résultats de l'évaluation. D'après les prescriptions de l'arrêté ministériel du 3 mai 1851, les résultat de l'évaluation devaient être soumis, dans chaque département, à une commission composée du préfet président, du directeur des contributions directes, du directeur de l'enregistrement, de deux membres du conseil général et de l'inspecteur ou d'un contrôleur des contributions directes, secrétaire avec voix consultative. Cette commission était autorisée à appeler un notaire et un ou deux propriétaires pour chaque canton et à les consulter sur les points à l'égard desquels elle avait besoin d'éclaircissements. Les contrôleurs qui avaient opéré dans le canton devaient, en outre, assister aux séances pour fournir toutes explications nécessaires.

Enfin, les procès-verbaux des opérations des commissions départementales auraient dû être remis à une commission supérieure chargée d'examiner et de coordonner les résultats.

Cette double sanction manqua aux évaluations de 1851; malgré les sérieuses garanties qu'elles présentaient, elles demeu

(1) Résultats publiés par le Bulletin de statistique et de législation comparée du Ministère des Finances (t. VI, 1879, p. 110, 185 et 248).

rèrent inutilisées. La dépense de ce travail n'avait pas été moindre d'un million.

ARTICLE 2. Estimation de 1862.

76. En 1862, l'Administration voulut se rendre compte des changements que pouvait avoir éprouvés le revenu net des propriétés bâties et non baties depuis 1851. A l'aide des baux et des actes de vente enregistrés de 1851 à 1861 et dont la ventilation avait été faite au fur et à mesure par le service des contributions directes, elle détermina le taux moyen de l'impôt des propriétés comprises dans les baux et de celles ayant fait l'objet des actes de vente. Ce taux ressortit pour les premières à 5,08 0/0 et pour les secondes à 5,18 0/0 (1).

ARTICLE 3. Estimation de 1874.

77. Une enquête analogue fut renouvelée en 1874; mais on suivit une méthode différente de celle qui avait été adoptée en 1862.

Conformément aux instructions de l'Administration (2), on se servit exclusivement des baux et déclarations de locations verbales, dont les indications sont plus certaines que celles que fournissent les actes de vente. Leur nombre avait d'ailleurs notablement augmenté par suite de l'application de la loi du 23 août 1871. On détermina par une première opération le revenu net de chaque commune en rehaussant son revenu cadastral d'après la proportion indiquée par la ven

(1) Les opérations étaient basées sur 629,222 baux et sur 2,344,243 actes. Le revenu net de l'ensemble du territoire non compris les départements, des Alpes-Maritimes, de la Corse, de la Savoie et de la Haute-Savoie) fut estimé à 3,216,349,256 francs. Ce chiffre représentait une augmentation de 572,983,540 francs par rapport aux précédentes évaluations; mais si l'on fait abstraction de la plus-value provenant de l'accroissement de la matière imposable pendant les dix années écoulées, plusvalue s'élevant à 97,586,739 francs, la différence ressortait en définitive a 475,396,801 francs.

(2) Circ. 27 avril 1874.

« PreviousContinue »