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qui ramenait le département le plus chargé à la proportion du huitième, et les 51 suivants à celle du neuvième et du dixième. Le projet stipulait en outre que le contingent total, réduit à la somme de 154,678,150 francs, demeurerait dorénavant invariable. Cette fixité qui, dans la pensée du ministre, devait être étendue aux degrés inférieurs de la répartition, avait pour but de donner toute sécurité et confiance aux populations agricoles et de les encourager à améliorer leurs propriétés sans craindre de voir leur impôt augmenté.

La commission du budget repoussa d'abord les nombreux amendements qui avaient été déposés. Elle admit, à titre provisoire, la répartition du dégrèvement indiquée au tableau C du projet de budget et écarta, par là même, le principe de la fixité des contingents (1), considérant avec raison que l'on ne pouvait consolider des taux d'impôts variant du huitième au dix-septième.

Des discussions tres vives s'engagèrent sur le projet. On critiquait les bases du travail comme le mode de calcul suivi pour obtenir le revenu de l'ensemble de chaque département; on reprochait aux commissaires d'avoir procédé à des constatations superficielles, en parcourant la France en chaise de poste; enfin, on attaquait les évaluations, très dissemblables, assignées aux mêmes natures de culture dans des départements différents. Fermement défendues par le comte Roy et le baron

(1) Dans un travail aussi délicat, disait M. de La Bourdonnaye, rappor teur de la commission, c'est par approximation qu'il faut dégrever, puisque ce n'est que par des approximations que nous arriverons à connaître l'inégalité réelle.

Ce dégrèvement proposé n'est et ne doit être qu'une transaction entre des droits reconnus, mais dont la quotité n'est pas rigoureusement démontrée. Le travail présenté est établi sur ce principe: il étend à 52 départements le bienfait auquel ils ont tous droit à des titres inégaux; il classe ces droits en raison de leur probabilité. C'est là toute la justice possible, c'est la justice relative. Une justice plus rigoureuse serait contestée, parce que la raison n'en serait pas demontrée jusqu'à l'évidence.

Penetrée de tous ces motifs, votre commission m'a chargé de vous proposer d'admettre provisoirement la répartition du dégrèvement telle qu'elle est établie au tableau C annexé au budget (Rapport du 10 mai 1821).

Capelle (1), commissaires du Gouvernement, les propositions de la commission furent adoptées après des débats approfondis (2). La loi du 31 juillet 1821 accorda le dégrèvement en stipulant toutefois que les 52 départements désignés n'en bénéficieraient en 1821 que pour la moitié, et seulement à compter du 1er juillet de cette année.

§ 6.- Péréquation cadastrale restreinte dans les limites de chaque commune.

68. L'article 20 de la même loi décida en même temps que les opérations cadastrales seraient à l'avenir circonscrites dans chaque département et ne serviraient plus qu'à fixer la répartition de la contribution foncière entre les contribuables de la même commune. On s'était rendu compte que les évaluations effectuées par les commissions locales, avec la constante préoccupation de se soustraire le plus possible à l'impôt, se trouvaient

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(1) Nous croyons devoir citer la partie ci-après de l'éloquente argumentation du baron Capelle : « ...Ce travail, fruit de six années de soins, et que le Gouvernement, seul désintéressé dans cette grande question, seul impartial au milieu de tant d'intérêts opposés et seul en position de bien connaître la vérité, vous présente avec la certitude de n'avoir rien négligé de ce qui peut l'éclairer, avec la confiance d'avoir obtenu, si ce n'est une rigoureuse exactitude qui eût été impossible, du moins toute l'exactitude qu'on pouvait espérer dans de telles opérations et assez d'exactitude pour que la répartition générale qui doit en résulter puisse être faite avec sécurité et soit dans toutes ses parties une grande amélioration, un grand acte de justice; ce travail, disons-nous, est vivement attaqué...

«La tâche que nous venons de remplir était d'autant plus difficile que nous avions à combattre les intérêts locaux et que nous connaissens tout leur empire. Rien sans doute de plus louable que ce sentiment qui inspire à chaque membre de cette auguste Assemblée le besoin de s'identifier avec le département qui l'a nommé. Mais une pensée nous rassure chacun d'eux sentira aussi qu'au-dessus de ce besoin, il est un devoir d'un ordre supérieur, qui veut que les députés de la France ne puissent point isoler leur patriotisme, alors qu'il est appele à prendre part à la mesure la plus digne de lui.

« C'est surtout par une telle mesure que vous pourrez répondre à ceux qui voudraient méconnaitre les produits de cette session; vous pourrez leur dire: Nous avons non seulement allégé le fardeau qui pesait sur la propriété; mais nous avons mieux fait, nous avons mis un terme à une longue et grande injustice. »>

(2) Chambre des députés, séances des 2 et 4 juin, 10, 11, 17, 18 et 19 juillet Chambre des pairs, séance du 30 juillet.

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partout atténuées dans les proportions les plus diverses. Les efforts tentés à plusieurs reprises pour corriger ces atténuations et pour asseoir la péréquation foncière sur des éléments concordants donnaient des résultats trop incertains, comme ils prétaient à trop de critiques.

Ne pouvant obtenir l'exactitude des évaluations, on laissa aux intéressés eux-mêmes, aux contribuables et à leurs représentants, le soin d'établir tout au moins la proportionnalité entre ces évaluations (1). A cet égard, le but que le législateur de 1807 s'était proposé d'atteindre était manqué. Les résultats du cadastre n'avaient, d'ailleurs, jamais été utilisés obligatoirement par les conseils généraux et d'arrondissement dans la répartition de l'impôt entre les arrondissements et les communes. Il continua à en être ainsi par la suite.

Les contingents départementaux furent donc fixés, malgré les vices de leur origine, aux chiffres auxquels les avaient ramenés les dégrèvements successifs dont ils avaient été l'objet. Le montant en principal de la contribution foncière se trouvait réduit de 240 millions, contingent fixé par la loi du 10 avril 1791 au chiffre de 154,681,351 francs.

On verra plus loin (2) que c'est toujours par voie de dégrévement que l'on essaya d'atténuer les écarts existant dans le taux de l'impôt entre les départements.

SECTION IV.

TRAVAUX DE SOUS-RÉPARTITION.

69. En exécution de l'article 19 de la loi du 31 juillet 1821 (3) une ordonnance royale du 3 octobre 1821 et une Instruction

(1) Un amendement tendait même à ce qu'on abandonnât toute l'œuvre entreprise pour revenir au cadastre par masses de culture.

(2) Voir infra, chap. II, sect. 1. (3) L. 31 juillet 1821, art. 19. Les bases prescrites par l'article 38 de la loi du 15 mai 1818, pour parvenir à l'évaluation des revenus imposables des départements, seront appliquées aux communes et aux arrondissements par une commission spéciale, qui sera formée dans chaque département. Ce travail ervira de renseignement aux conseils genéraux de département et aux conseils d'arrondissement pour fixer les contingents en principal des arrondissements et des communes.

ministérielle du 5 octobre suivant, firent connaitre les procédés à suivre pour parvenir à fixer les bases d'une nouvelle répartition des contingents départementaux entre les arrondissements et les communes.

Les éléments indiqués par la loi de 1818 étaient les résultats du cadastre, les baux et les actes de vente. Il fut prescrit que tous les contrats de cette nature conclus dans la période de 1812 à 1821 inclusivement serviraient seuls à déterminer les évaluations.

Celles-ci étaient faites dans les communes par les contrôleurs des contributions directes et soumises à une assemblée cantonale composée du maire et d'un propriétaire de chaque commune nommé par le conseil municipal. L'inspecteur et les contrôleurs qui avaient opéré dans le canton étaient chargés de fournir à l'assemblée tous les renseignements nécessaires.

Après leur achèvement, les opérations de tous les cantons du département étaient examinées par une commission spéciale dont les membres étaient, sur la proposition du préfet et du ministre des Finances, nommés par ordonnance royale. Cette commission se composait de trois membres du conseil général, de deux membres du conseil de chaque arrondissement et d'un notaire par arrondissement. Le directeur des contributions directes assistait aux opérations de la commission.

70. Cette méthode était défectueuse en ce sens que le contrôle des représentants des circonscriptions administratives eût été plus efficace si, au lieu de procéder de la commune au canton et à l'arrondissement, on eût recueilli, d'après des modes de procéder uniformes, des données générales permettant de fixer la part de chaque arrondissement dans le contingent départemental, puis celle des cantons dans le contingent d'arrondissement, et enfin celle des communes dans le contingent cantonal. Bien entendu, il est rationnel de déduire en pareille matière l'ensemble du détail, mais à la condition que ce détail dans les évaluations offre partout les mêmes garanties d'exactitude.

Il en est résulté que, profitant de la faculté qui leur était donnée par une ordonnance royale du 19 mars 1828, les commissions se servirent, dans la plupart des départements, de

baux et d'actes de vente se rapportant à des périodes différentes de celle qui avait été indiquée; certaines n'utilisaient que ceux de ces contrats dont les prix atteignaient un chiffre déterminé et variable d'un département à l'autre. Plusieurs commissions opérèrent des réductions générales sur les prix des baux ou sur certaines catégories de baux. De leur côté, les commissions cantonales apporterent aux évaluations des modifications et surtout des réductions, en se basant sur des appréciations particulières et dans des proportions tout à fait différentes.

Les opérations, qui auraient dû être achevées dans un délai de trois années, se prolongèrent jusqu'en 1850 (1). On s'écartait d'ailleurs de plus en plus des règles tracées par l'ordonnance du 3 octobre 1821. Dans la plupart des départements, on délaissa les actes de vente; dans certains, on se borna à déterminer le revenu net des communes en appliquant aux contenances par nature de culture des prix moyens par hectare, fixés d'après le prix des baux; ailleurs encore ce furent des experts qui procédèrent aux évaluations. Enfin, un certain nombre des commissions départementales, suivant l'exemple des commissions cantonales, atténuèrent les revenus plus ou moins fortement et pour des motifs divers.

De semblables pratiques détruisirent l'homogénéité et la proportionnalité des évaluations d'un département à l'autre. A ce point de vue l'inconvénient n'était pas bien grave, puisqu'il s'agissait uniquement d'améliorer la sous-répartition des contingents départementaux; mais ce qui était plus fâcheux, c'est qu'elles portaient également atteinte, à un degré moindre, il est vrai, à la valeur d'estimations destinées à fixer la part contributive des cantons et des communes d'un même département, et dont le principal mérite devait être la proportionnalité plutôt que l'exactitude.

(1) Dans plusieurs départements, elles furent abandonnées, puis reprises; dans d'autres, elles furent renouvelées aux frais du département après l'achèvement des travaux du cadastre, qui eux-mêmes avançaient lentement. C'est ainsi que ces évaluations furent faites deux fois dans douze départements et trois fois dans la Haute-Garonne et les PyrénéesOrientales.

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