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Elle posa le grand principe de la proportionnalité de l'impôt au revenu imposable, mais elle n'apporta aucun remède à la situation, car le revenu imposable qu'elle définissait restait à déterminer et, comme le Directoire, le Gouvernement consulaire accorda de nouveaux dégrèvements, savoir: pour l'an IX, 4,853,300 francs; pour l'an X, 1,900,000 francs; pour l'an XII, 8,434,000 francs; pour l'an XIII, 2,765,000 fr., sans les baser plus que les précédents sur une appréciation rationnelle des forces contributives du pays.

Cependant ce gouvernement s'efforça immédiatement de remédier aux plaintes de plus en plus nombreuses qui lui étaient adressées. Il prescrivit, le 22 janvier 1801, la refonte générale des matrices de rôle en se basant sur les déclarations de revenus faites par les propriétaires eux-mêmes. Ces déclarations manquaient d'exactitude et la tentative fut inutile.

Gaudin, ministre des Finances, demanda aux préfets et aux directeurs des contributions directes (1) des renseignements précis sur la richesse imposable des communes, des contribuables et des départements. Les résultats parvenus au ministère étaient d'une inexactitude évidente ils ne faisaient, en effet, ressortir pour l'ensemble du territoire qu'un revenu net total de 850,000,000 de francs. Un arrêté consulaire du 11 messidor chargea une commission de sept membres « choisis dans les diverses parties du territoire... de s'occuper des moyens d'obtenir, sans délai, dans la répartition de la contribution foncière, la plus grande égalité », en s'inspirant des règles tracées par la loi du 3 frimaire an VII.

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54. La commission reconnut que, pour obtenir l'égalité de charges entre les diverses circonscriptions, la confection d'un cadastre général parcellaire était nécessaire. Arrêtée, toutefois, par la durée et la dépense d'une oeuvre aussi considérable, elle se borna à proposer d'entreprendre un cadastre d'en

(1) Circ. 14 frimaire an X (5 decembre 1801).

semble par masses de culture. Une deuxième commission, composée de membres du Conseil d'État, du Tribunat et du Corps législatif, proposa un système plus expéditif et moins coûteux celui de faire également par masses de culture l'arpentage et l'estimation du revenu net d'un certain nombre de communes dans chaque arrondissement e! de déterminer ensuite, par voie d'induction, le revenu total du département.

La proposition de la deuxième commission prévalut; un arrêté des Consuls du 12 brumaire an XI (1) ordonna, en conséquence, que le territoire de deux communes au moins et de huit au plus, par sous-préfecture, serait arpenté en l'an XI, par section et nature de culture, que ces communes seraient désignées par le sort et qu'il serait formé, pour chacune d'elles, une carte figurative et géométrique sur une échelle uniforme. Le nombre des communes désignées fut de 1,800.

On devait, en outre, procéder à l'évaluation de leur revenu imposable et à la détermination de la contenance et du revenu des autres communes de l'arrondissement, par comparaison avec les résultats obtenus.

Cette dernière opération était effectuée par une commission d'arrondissement et revisée par une commission départementale. Enfin, des agents spéciaux nommés par le Gouvernement assistaient aux séances de cette dernière commission et recueillaient tous les renseignements propres à établir l'égalité proportionnelle entre les départements.

L'application de ces prescriptions ne devait pas donner les bons résultats qu'on en attendait. On s'en aperçut lorsqu'on essaya d'évaluer les forces contributives des communes non cadastrées par comparaison avec celles qui l'avaient été. Cette comparaison ne pouvait se faire qu'en tenant pour exactes les indications de contenances et de revenus existant dans les matrices dressées par les municipalités; or, elles ne l'étaient pas, et les dissimulations commises dans la formation de ces documents offraient, en outre, de grandes différences de commune à commune..

(1) Cet arrêté fut suivi d'une Instruction détaillée du ministre des Finances en date du 3 frimaire an XI (24 novembre 1802).

Le travail dans les communes types marchait d'ailleurs lentement. On avait espéré son achèvement, pour l'arpentage, le 1er messidor an XI (20 juin 1803) et deux mois après pour l'expertise; l'arpentage n'était pas commencé dans dix-sept départements au mois d'octobre suivant. Le Gouvernement, désireux cependant d'utiliser les résultats de l'opération en vue d'améliorer la répartition générale, insista auprès des préfets pour que toutes les communes choisies fussent arpentées et expertisées avant le mois de décembre (1). Il ne dissimulait pas, ainsi que le portaient ces instructions, que « les résultats ne porteraient pas un caractère de démonstration tel qu'ils puissent devenir la base définitive d'un nouveau répartement; il ne les considérait que comme des renseignements dont il ne ferait usage qu'avec prudence et circonspection. » Il avait préalablement décidé (2) d'étendre à toutes les autres communes de France les travaux d'arpentage et d'expertise.

Les géomètres manquant, les renseignements recueillis ne furent pas assez complets pour servir à la répartition des contingents de l'an XIII et le ministre chargea douze inspecteurs généraux, choisis parmi les directeurs des contributions directes, de se rendre dans les départements pour surveiller les travaux, en accélérer la marche, vérifier les expertises des communes, comparer les évaluations respectives des départements (3).

Les données obtenues ne furent pas jugées suffisantes pour préparer une répartition rationnelle de la contribution foncière de 1806. L'opération se poursuivit jusqu'en 1807; elle aurait certainement donné des éléments suffisants d'appréciation pour permettre de rectifier la répartition de la contribution foncière à ses trois premiers degrés, c'est-à-dire entre les départements, entre les arrondissements et entre les communes, mais elle n'améliorait pas la répartition entre les contribuables, qui était livrée à l'arbitraire des répartiteurs et donnait lieu aux récriminations les plus ardentes. Ému de

(1) Circ. min. des Fin. 18 brumaire an XII (13 novembre 1803).

2 Arr. 27 vendémiaire an XII (20 octobre 1803).

(3) Inst. 7 ventose an XIII (26 février 1805).

cet état de choses le Gouvernement voulut faire compléter l'arpentage par masses de culture par des expertises parcellaires (1). Ces nouveaux travaux rendaient nécessaire, de la part des propriétaires, la déclaration de la situation et de la contenance de leurs propriétés, puis le transport sur le terrain des agents évaluateurs. Les résistances qu'ils rencontrerent et les dissimulations des intéressés ne permirent pas de les mener à bonne fin.

Le Gouvernement hésita longtemps avant d'abandonner les opérations par masses de culture; il fallait, en effet, sacrifier 15,000 plans qui avaient coûté cinq années de travail et entraîné une dépense de plusieurs millions; mais la nécessité d'un cadastre parcellaire s'imposait.

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§ 1. Projet de péréquation par le cadastre parcellaire (2).

55. Le cadastre parcellaire, c'est-à-dire l'arpentage et l'évaluation de toutes les parcelles du territoire, fut ordonné par la loi du 15 septembre 1807 (3). Un règlement du 27 janvier 1808 suivit cette loi et, en 1811, parut le Recueil méthodique des lois, décrets, règlements, instructions et décisions sur le cadastre. L'article 29 de la loi de finances du 26 avril 1816 a donné force légale à ce Recueil, qui constitue encore aujourd'hui le véritable Code du cadastre.

Le Gouvernement n'avait pas abandonné l'espoir de parvenir au nivellement général des contingents. Gaudin, l'ins

(1) Inst. du 2 octobre 1805.

(2) Voir au mot CADASTRE le détail des opérations cadastrales. (3) Mis au courant de la situation du cadastre à son retour de Tilsitt, Napoléon avait fait connaître son sentiment au ministre des Finances dans les termes ci-après : « Le seul moyen de sortir d'embarras est de faire procéder sur-le-champ au dénombrement général des terres dans toutes les communes de l'Empire, avec arpentage et évaluation de chaque parcelle de propriété. Un bon cadastre parcellaire sera le complément de mon Code en ce qui concerne la possession du sol. Il faut que les plans soient assez exacts et assez développés pour servir à fixer les limites des propriétés et empêcher les procès. » La seconde partie de le programme est encore à réaliser.

pirateur de la loi de 1807, pensait même y trouver le remède aux défectuosités de la répartition; il disait, dans l'exposé des motifs de la loi : « ... Nous marcherons donc pas à pas vers le rétablissement de l'égalité proportionnelle entre les communes, qui conduira par une gradation insensible au rapport à établir entre tous les départements; ce rapport s'établira naturellement par le résultat général du cadastre qui présentera le montant du produit net imposable dans chacune des communes de l'Empire et, par conséquent, dans l'ensemble de chaque département. Alors la contribution foncière reprendra le double caractère d'impôt proportionnel et d'impôt de quotité, que l'Assemblée constituante avait voulu lui donner, mais dont elle ne se trouvait pas susceptible tant que la matière imposable n'était pas connue.

« Cette base une fois acquise, la loi dira: « la contribution « foncière sera du neuvième, par exemple, des revenus nets « constatés par les matrices cadastrales des diverses com«munes de chaque département. Il résultera de cette dispo«sition générale que le Gouvernement aura certainement « cette somme à sa disposition et qu'en même temps aucun propriétaire ne pourra être imposé au delà du neuvième de « son revenu (1).

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56. Ainsi, on se proposait de déterminer le revenu imposable de toutes les parcelles, puis de faire la somme de ces revenus par commune, de grouper ensuite les revenus des communes par arrondissement, ceux des arrondissements par département et de déterminer, par l'addition des revenus départementaux, le revenu imposable de la France entière.

Il eut suffi dès lors d'appliquer la proportion existant entre le montant de l'impôt à obtenir et le chiffre du revenu total ainsi fixé aux revenus des départements, des arrondissements, des communes et des contribuables pour assurer l'exactitude de la répartition à tous ses degrés. La contribution foncière aurait eu, dans ces conditions, les avantages de l'impôt de quotité, tout en demeurant un impôt de répartition.

(1) Compte de l'Administration des finances en l'an XIV, p. 93 et suiv.

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