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TITRE II.

CONTRIBUTION PERSONNELLE-MOBILIÈRE.

CHAPITRE PREMIER.

HISTORIQUE.

919. L'impôt personnel-mobilier a été établi par la loi des 13 janvier-18 février 1791. « La contribution mobilière » dit l'Instruction jointe à la loi,« doit atteindre tous les revenus qui ne peuvent l'ètre par la contribution foncière. Il est juste qu'ils contribuent à la défense commune, puisqu'ils profitent de la protection publique. » Pour les atteindre, l'Assemblée constituante créa tout un système reposant sur les présomptions tirées des signes extérieurs de la fortune.

La contribution nouvelle, dont le chiffre total devait être déterminé chaque année d'après les besoins de l'État, se divisait en deux parties: la première, commune à tous les habitants, avait pour base de répartition « les facultés équivalentes « à celles qui peuvent donner la qualité de citoyen actif » : les domestiques, les chevaux et les mulets de selle, de carrosse ou de litière, ainsi que la valeur annuelle de l'habitation, fixée suivant le prix du bail ou l'estimation qui en serait faite; la seconde était destinée à atteindre les salaires publics ou privés, les revenus d'industrie et de fonds mobiliers évalués à forfait d'après la cote des loyers d'habitation ».

Tous ceux qui possédaient quelque richesse ou dont le salaire journalier dépassait le chiffre minimum arrêté par le département, sur la proposition des municipalités, payaient d'abord une taxe égale au prix de trois journées de travail, ce prix étant fixé comme il vient d'être dit. S'ils employaient

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des domestiques måles, ils devenaient redevables de 3 livres pour le premier, de 6 pour le deuxième, de 12 pour chacun des autres. S'ils se faisaient servir par des domestiques « femelles (c'est l'expression du législateur de l'époque), on appliquait un tarif de moitié inférieur. Avaient-ils un cheval de selle, c'était 3 livres à payer au fisc; un cheval de carrosse, c'était 12 livres. Enfin, la cote d'habitation représentait le 300 du revenu présumé d'après les loyers.

920. On déterminait ce revenu de la même façon que pour la partie de l'impôt établie sur les facultés mobilières et les revenus d'industrie, et qui a donné son nom à l'impôt actuellement dénommé contribution mobilière. Le loyer était censé proportionnel au revenu. Mais la proportion ne restait pas immuable, et l'écart entre le loyer et le revenu étant présumé s'accroitre avec ce revenu, un loyer de moins de 100 francs indiquait un revenu double; de 100 à 150, un revenu triple; de 501 à 1,000, un revenu quadruple, et ainsi de suite, de telle sorte qu'un loyer de 12,000 francs, multiplié par 12 1/2, indiquait 150,000 francs de revenu. Pour obtenir le chiffre de la contribution, on prenait le vingtième du revenu calculé.

921. L'assiette de ces taxes se compliquait encore de diverses exemptions ou réductions à la base. Tout d'abord, on accordait aux contribuables une réduction proportionnelle à leur revenu foncier. C'était la conséquence forcée de la théorie sur laquelle reposait tout le système créé par le législateur. Puis venait un ensemble de dispositions favorables aux pères de famille ceux qui avaient trois enfants n'étaient cotisés que d'après le tarif afférent à la classe inférieure à celle dans laquelle ils auraient dû être rangés d'après leur loyer; pour ceux qui avaient six enfants, on diminuait de deux classes. Les manouvriers, les artisans, les marchands au détail et les commis profitaient aussi de mesures bénévoles.

922. Cette série d'opérations si complexes devait rendre fort difficile, sinon impossible, la répartition confiée aux officiers municipaux et aux commissaires adjoints — en nombre égal nommés par les premiers. Bientôt on s'aperçut que la conception du législateur de 1791 donnait de très mauvais

résultats sur trente-huit mille communes, il y en eut une centaine à peine où les rôles purent être régulièrement dressés; l'impôt ne rendit pas la moitié de ce que l'on avait espéré. Il fallut en venir rapidement aux réformes.

923. En l'an II, un décret du 9 frimaire dispose que la contribution mobilière de l'année 1793 sera fixée en principal à la moitié des cotes fixes. En l'an III (1), la loi des 13 janvier-18 février 1791 est abrogée.

Mais cette abrogation créant un déficit au moment même où le Gouvernement a les plus pressants besoins d'argent, on remplace l'ancien texte par un nouveau, celui du 7 thermidor an III.

Cette loi instituait une contribution personnelle de 5 livres par habitant. Les manoeuvres qui ne gagnaient que 30 sous par jour en étaient exemptés; toutefois, disposition assez curieuse et correspondant bien aux idées de l'époque, ils pouvaient payer volontairement. Étaient maintenues, sauf modifications de détail, les dispositions que l'on croyait favorables à l'accroissement de la population. Les célibataires, hommes ou femmes, de plus de trente ans, étaient surtaxés d'un quart, et, pour augmenter le produit, on établissait, à côté de l'impôt personnel, des taxes somptuaires sur les cheminées (excepté celles des usines et manufactures) et les chevaux et voitures, avec progression suivant le nombre des éléments imposables. La perception reposait sur la déclaration du contribuable; en cas de fausse déclaration, l'amende était quadruple de l'imposition. Plus de répartition, le rendement de l'impôt dépendant uniquement des éléments constatés.

924. Les fraudes furent si nombreuses, le produit si peu élevé que, dès l'an V, on dut modifier le texte de l'an III et revenir au système de la répartition. Le principal fut fixé à 60 millions; on ajouta à la cote personnelle une cote mobilière portant, d'après l'article 17 de la loi du 13 thermidor an V, sur les salaires publics et privés, sur les produits de l'industrie, de l'exploitation, du commerce et des fonds mobi

(1) L. 23 nivôse au III.

liers « et, en général, sur tous les revenus qu ne sont point soumis à la contribution foncière ».

Les contribuables devaient déclarer leur loyer, le montaut de leur traitement, le prix de leur ferme cu celui de leur patente. Leurs déclarations servaient de base à la répartition dans la commune, faite par un jury d'équité.

925. En l'an VII, la contribution mobilière fut entièrement réformée, comme les autres impôts directs. Après les lois des 3 et 4 frimaire an VII sur la contribution foncière et des portes et fenêtres, survinrent deux lois du 3 nivòse intitulées : l'une, loi sur la répartition des contributions personnelle, mobilière et somptuaire; la seconde, loi sur le mode d'assiette, de perception et de dégrèvement, dans l'intérieur des départements, de la contribution personnelle, mobilière et somptuaire. Ces deux textes pouvant, à de nombreux points de vue, être con sidérés comme l'origine de la contribution personnelle-mobilière établie par la loi du 21 avril 1832 telle qu'elle subsiste encore à l'heure actuelle, il paraît utile de rapporter avec quelques détails les plus importantes de leurs dispositions.

La nouvelle contribution, fixée à 30 millions, se divise en quatre parties: 1° une contribution personnelle; 2o une contribution mobilière; 3° une taxe somptuaire; 4° une contribution par retenue du vingtième sur les salaires et traitements publics (1). Les deux premières sont des impôts de répartition; les deux dernières de quotité. La contribution personnelle « de trois journées de travail, dit la loi, est établie sur cha« que habitant de tout sexe, domicilié dans la commune depuis un an, jouissant de ses droits, et qui ne serait pas réputé indigent. - C'est le texte exact de la loi du 21 avril 1832, sauf la question de domicile.

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La contribution mobilière est établie au marc le franc de la valeur du loyer d'habitation personnelle de chaque habitant porté au ròle de la contribution personnelle. On excepte des éléments imposables les magasins, boutiques, auberges, usines et ateliers pour lesquels les habitants payent patente. Mais,

(1) L. 3 nivûse an VII, art. 1.

aux termes de l'article 29 de la deuxième loi du 3 nivòse an VII, la contribution mobilière n'est exigible qu'au lieu du domicile du contribuable. Dans chaque commune, l'agent municipal, assisté de répartiteurs, fixe, d'après les déclarations des contribuables, la cotisation de chacun. On commence par répartir la contribution personnelle, et ce qui peut rester sur le contingent de la commune est ensuite réparti en contribution mobilière. C'est encore le système actuel.

Quant aux deux impôts de quotité: la retenue sur les salaires et les taxes somptuaires sur les domestiques àgés de moins de soixante ans, sur les chevaux et mulets, les voitures et litières de luxe, avec tarif progressif suivant le nombre, elles sont réglées d'aprés les déclarations des imposables, contrôlées par les agents municipaux et les répartiteurs.

926. Ces deux dernières taxes n'eurent qu'une existence éphémère. La retenue du vingtième sur les traitements fut supprimée dès le 17 fructidor an VII.

Les taxes somptuaires que, dans un rapport fait au ministre des Finances en 1818, le commissaire royal du cadastre a appelées « un faible tribut que la loi avait cru devoir encore « payer aux idées révolutionnaires », étaient d'un produit peu en rapport avec les difficultés de perception. Les grandes villes, où ces difficultés se faisaient surtout sentir, demandèrent à les convertir en une imposition sur le loyer, avec tarif dégressif, ou à les remplacer par des perceptions sur les consommations. Le remplacement fut autorisé pour Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux par divers textes de l'an XI et de l'an XII.

Mais, même dans les communes peu peuplées, ces taxes embarrassaient fort administrateurs et percepteurs. Elles furent définitivement supprimées par la loi du 24 avril 1806, qui autorisait, d'autre part, dans toutes les villes ayant un octroi, le remplacement de la contribution mobilière par une perception sur les consommations.

927. Malgré la disparition des taxes somptuaires, la législation du 3 nivòse an VII donnait lieu à de justes réclamations. Les deux motifs de plainte étaient l'inégalité de la repartition entre les départements et le mode de procéder des répartiteurs qui, au lieu de prendre pour unique base de

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