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877. Le principe de l'imposition de la contribution foncière au nom du propriétaire actuel ne doit pas fléchir, même dans le cas où la contribution afférente à une propriété bâtie nouvellement construite a été triplée, comme n'ayant pas été déclarée par le précédent propriétaire. C'est à l'imposé à exercer tel recours que de droit contre ce dernier.

Mais il n'en est pas de même lorsque les droits du propriétaire sur les fruits et produits de l'immeuble sont annihilés temporairement et sans compensation ultérieure. C'est ce qui existe en cas d'úsufruit : l'usufruitier est seul redevable de l'impôt aux termes de l'article 608 du Code civil.

L'usager est également tenu au paiement de la contribution foncière dans la proportion de sa jouissance. Toutefois, il ne doit pas, comme l'usufruitier, figurer nécessairement au rôle, par la raison qu'il n'est pas débiteur direct du Trésor, mais seulement responsable vis-à-vis du propriétaire imposé (1); il ne devrait y figurer que si l'acte de concession du droit d'usage mettait expressément tout ou partie de l'impôt à sa charge. C'est, au surplus, à l'autorité judiciaire qu'il appartiendrait de fixer la quote-part d'impôt due par les usagers (2).

878. Chaque co-propriétaire est également obligé de contribuer dans la mesure de ses droits au paiement de l'impôt d'une propriété indivise. Si les co-propriétaires sont peu nombreux, ils sont tous désignés à l'article du rôle, celui dont la part est prépondérante figurant en tête. Dans le cas contraire, le nom de ce dernier est simplement suivi de la mention « et consorts ».

Lorsqu'il s'agit d'une propriété collective, l'imposition est établie au nom de la collectivité section de commune, société, syndicat, etc.

Il a été jugé par analogie que des canaux de desséchement ont été régulièrement imposés sous le nom de la commission administrative chargée de leur conservation et de la défense des intérêts des propriétaires des terrains à dessécher (3).

(1) Rec. meth., art. 527.

(2) C. d'Et. 8 février 1833, ville de Gray.

(3) C. d'Et. 10 décembre 1856, Wateringues de Dunkerque (voir canaus

879. Le mari est personnellement imposable pour les biens de sa femme lorsqu'il en a l'administration. Une femme mariée sous le régime de la séparation de biens est donc imposable pour ses immeubles propres (1).

880. Quand un propriétaire est décédé et qu'il n'y a pas eu partage de ses biens, l'impôt doit être mis sous le nom collectif des héritiers. Si les biens n'ont pas été partagés entre la veuve et les héritiers, ils sont portés sous le nom de la veuve et des héritiers collectivement (2).

881. On a vu plus haut que, dans l'emphyteose, l'impôt foncier était porté au nom du preneur ou emphytéote, cette charge étant inséparable de la propriété utile du fonds dont la jouissance lui appartient intégralement.

882. En ce qui touche les domaines congéables, le propriétaire foncier et le tenuyer ayant des droits de propriété distincts, figurent conjointement sur les documents cadastraux et sur les rôles. L'impôt est en fait acquitté par le tenuver qui retient sur la redevance convenancière la portion de contribution relative à cette redevance (3).

883. Quant aux fermiers, locataires, métayers, colons partiaires, ils ne sont pas personnellement imposables au rôle de la contribution foncière pour les propriétés qu'ils tiennent à loyer, alors même qu'ils sont tenus à l'acquit de cette contribution par une clause de leur contrat de location. Leur qualité de premiers possesseurs des fruits ou produits sur lesquels porte le privilège du Trésor ou de tiers détenteurs de sommes appartenant aux propriétaires leur impose cependant certaines obligations spéciales au point de vue du paiement de l'impôt foncier. En outre, ils peuvent, à la demande du propriétaire et après entente avec lui, figurer personnellement

non navigables n° 234 et suiv.). Selon nous, dans les cas de l'espèce, l'imposition, pour être entièrement régulière, devrait être portée au nom de l'association elle-même et non à celui des syndicats ou de la commission administrative qui la représente.

(1) C. d'Et. 24 juillet 1861, Cardonne.

(2) Rec. meth., art. 195.

(3) Ibid., art. 813.

sur des rôles auxiliaires établis en vue de faire connaître au service du recouvrement le chiffre de l'impôt qui doit leur être réclamé pour les propriétés qu'ils exploitent.

884. Constructions élevées sur le sol d'autrui. - Quand un particulier élève des constructions sur un terrain dont il est locataire, la jurisprudence établit une distinction.

Si le locataire a agi à ses risques et périls dans son propre intérêt et si, à l'expiration du bail, il doit faire disparaître ce qu'il a ajouté à l'immeuble ou ne le laisser au propriétaire que contre indemnité, l'impôt doit être porté à son nom. En pareil cas, le propriétaire n'a, en effet, aucun droit de propriété sur les constructions édifiées au cours de la location. Même lorsqu'il s'est réservé de les garder moyennant indemnité, il n'en disposera que si ce rachat, qui équivaut à une véritable vente, se réalise. Ce n'est donc qu'à ce moment qu'il devra supporter le poids de l'impôt.

Si, au contraire, les constructions ou additions de constructions sont faites par le locataire pour remplir une obligation volontairement acceptée et doivent, à l'expiration du bail, appartenir au propriétaire sans compensation, ce dernier en a la propriété dès leur édification et doit seul être imposé pour l'ensemble de la propriété. Dans cette sorte de location, les droits du locataire sur les batiments qu'il ajoute au fonds ne diffèrent pas essentiellement en réalité de ceux qu'il possède sur les autres batiments existant dans la propriété il n'en a pas la disposition et il en acquitte, à fin de bail, les loyers accumulés par l'abandon de son capital. Il n'est donc pas plus imposable que s'il les avait loués dans des conditions normales.

:

Dans le premier cas, l'addition n'appartiendra jamais au pro priétaire du sol ou ne lui appartiendra qu'éventuellement; dans le second cas, le droit de propriété préexiste, sous la seule réserve d'une condition suspensive quant à la faculté de disposer.

885. Par application de ces principes, le Conseil d'État a déclaré personnellement imposable le locataire à raison de constructions qu'il avait faites à ses risques et périls et pour

les besoins de son industrie (1); d'une machine à vapeur dont il conserve la libre disposition (2); de presses hydrauliques, laminoirs, broyeurs, sasseurs, décortiqueurs, nettoyeurs et élévateurs installés dans un moulin et faisant corps avec cet établissement, mais dont il restera propriétaire, même après l'expiration du bail (3); d'une maison édifiée sur un terrain qu'il tient à bail, bien qu'à l'expiration du bail la construction doit appartenir au propriétaire du sol moyennant le paiement de sa valeur (4).

Il est à remarquer, d'ailleurs, que lorsque le locataire est imposable pour une propriété batie qu'il a édifiée sur le sol d'autrui, l'imposition doit être portée exclusivement à son nom et réglée néanmoins sur la valeur locative de l'ensemble de la propriété (sol et élévation) (5).

Il en a été ainsi décidé par l'Administration, notamment à l'égard de constructions élevées sur la plage de Luc-sur-Mer (Calvados) par des locataires d'un terrain communal cotisé comme dunes et bien que le loyer du sol fùt l'élément principal de la valeur locative totale des immeubles (6).

Dans le cas où une addition de construction imposable au nom du locataire, parce qu'il la fera disparaître ou la cédera moyennant indemnité au propriétaire en fin de bail, se trouve avoir modifié la consistance première de l'immeuble au point qu'elle ne puisse être estimée séparément, il est procédé à une nouvelle évaluation de l'ensemble du bâtiment : le propriétaire reste cotisé tant à la contribution foncière qu'à celle des portes et fenêtres d'après les anciences bases inscrites à son nom, et le locataire est personnellement imposable pour le surplus (7).

886. Par contre, l'impôt est dù par le propriétaire à raison: 1o de changements apportés à des batiments par le loca

(1) C. d'Et. 14 juin 1861, Sarget 27 mai 1898, Coupinot.

(2) C. d'Et. 7 avril 1866, Marbaud.

(3) C. d'Et. 9 mai 1896, Calvé.

(4) C. d'Et. 20 juillet 1864, Roussel. 26 juin 1866, Gouaux.

(5) C. d'Et. 14 juin 1895, Rabusson, Rhône.

(6) Déc. adm., 24 février 1900.

(7) Ball. des contributions directes, 8 janvier 1901.

taire pour les rendre propres à l'établissement d'une moulinerie de soie et de machines imposables également installées par le locataire, si ces modifications et additions ont été faites en vertu de stipulations formelles du bail (1); 2o de l'augmentation de valeur d'une maison à la suite de travaux faits aux frais du locataire, mais dont le propriétaire doit bénéficier (2); 3o de constructions élevées par le locataire qui appartiendront au propriétaire, sans aucune indemnité, à l'expiration du bail (3).

887. La question devient plus importante et présente plus de difficulté lorsqu'il s'agit de travaux effectués en vertu de concessions.

Le Conseil d'État avait d'abord admis que l'impôt devait suivre la propriété utile et être acquitté par le concessionnaire (4); mais il revint sur cette jurisprudence en décidant que l'impôt est à la charge du concédant lorsqu'à l'expiration de la concession ce dernier doit devenir de plein droit, et sans indemnité, propriétaire des travaux et constructions dont le concessionnaire s'engage à supporter les frais.

Il a jugé dans ce sens qu'une ville est imposable lorsqu'elle concède, pour une période déterminée : le service de la distribution des eaux, en laissant à la charge de l'entrepreneur l'acquisition des terrains et la construction des bâtiments, mais en se réservant la propriété de ces immeubles à l'expiration de la concession (5); l'exploitation d'une usine à gaz à édifier sur un terrain appartenant à la ville (6), d'un casino municipal dont la construction est également à la charge exclusive du concessionnaire (7), d'abattoirs publics édifiés dans les mêmes conditions (8).

(1) C. d'Et. 7 avril 1866, Marbaud.
(2) C. d'Et. 22 mai 1866, Landry.
(3) C. d'Et. 23 avril 1898, Falaix.

(4) C. d'Et. 2 octobre 1830, Usquin, concession des droits de péage établis ou à établir sur des canaux et des produits de la pèche à francsbords; 2 février 1859, ch. de commerce de Bordeaux, concession de la distribution d'eau.

(5) C. d'Et. 29 juillet 1881, Pasquet; 28 mai 1886, ville d'Issoudun. (6) C. d'Et. 28 mai 1897, Cie du gaz de Castelsarrasin; 29 décembre 1900, communes de Sarcelles, Villiers-le-Bel et Ecouen.

(7) C. d'Et. 12 novembre 1897, société du Casino municipal de Nice. (8) C. d'Et. 4 février 1899, commune de Nangis.

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