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741. Lorsqu'un contribuable a contesté une année la valeur locative assignée à son immeable et que la décision intervenue est passée en force de chose jugée, il n'est plus recevable à réclamer ultérieurement pour le même objet, alors même qu'il se trouverait dans les délais fixés pour les années suivantes. L'évaluation arrêtée par les tribunaux administratifs ne peut être révisée pendant la période décennale, à moins que l'immeuble n'ait été déprécié par suite de circonstances exceptionnelles ou qu'il n'ait été en tout ou en partie détruit ou converti en batiment rural (voir ci-après, nos 747 à 749) (1).

C'est ainsi que, bien que des délais de réclamation aient été ouverts pour les années 1892 et 1893, la valeur locative fixée par le Conseil d'Etat pour l'année 1891 n'a pu être contestée les années suivantes (2).

742. Il en aurait été de même pour la décision d'un conseil de préfecture qui, n'ayant pas fait l'objet de pourvois, aurait acquis l'autorité de la chose jugée.

743. Il a été décidé en outre que l'acquiescement donné par un propriétaire à une évaluation, sous la forme d'un désistement dont le conseil de préfecture a donné acte, privait ce propriétaire du droit de contester la même évaluation au cours du délai légal ouvert à partir de la publication des rôles de l'année suivante (3).

744. Le conseil de préfecture épuise sa juridiction en dé

(1) C. d'Et. 20 novembre 1897, Delbains. (2) C. d'Et. 27 mars 1897, Thomasset. (3) G. d'Et. 28 octobre 1899, Lebugle. Le désistement donné par M. Lebugle pour l'année 1892 s'opposait-il à ce que ce contribuable reproduisit sa réclamation pour l'année 1893? Le service local des contributions directes soutenait l'affirmative, le ministre des Finances estimait, au contraire, que le désistement pur et simple équivalait, de la part du réclamant, à l'annulation de sa première demande, que le conseil de préfecture, en en donnant acte, s'était borné à constater le fait sans prendre aucune décision touchant l'évaluation attribuée à la propriété et que, par suite, il était encore loisible à l'intéressé de contester cette évaluation pour 1893, en profitant de la prorogation de délai accordée par l'article 33 de la loi du 18 juillet 1892.

Le Conseil d'Etat n'a pas admis cette manière de voir; il a jugé, conformément à l'avis du service départemental et à la décision du conseil de préfecture, que M. Lebugle avait épuisé son droit de réclamation.

terminant une première fois la valeur locative imposable d'un immeuble; il ne peut, hormis dans les cas prévus par la loi, revenir l'année suivante sur sa décision (1).

Dans le même ordre d'idées, il a été jugé que, de deux réclamations formées successivement pour les exercices 1891 et 1892, la première aurait dù être jugée tout d'abord, attendu qu'elle devait servir à fixer l'évaluation pour la période décennale. L'arrêté qui a statué en premier lieu pour 1892 a été annulé comme prématuré (2).

Est également susceptible d'ètre annulé un arrêté rendu dans le même sens qu'un arrêté antérieur au sujet d'un même immeuble, si ce dernier arrêté, ayant fait l'objet d'un recours, n'a pas été confirmé par le Conseil d'Etat (3).

745. Tant que la décision du conseil de préfecture qui a statué sur la réclamation relative à la première imposition n'est pas devenue définitive et n'a pas été appliquée sur la matrice cadastrale, les propriétaires doivent, pour la sauvegarde de leur droits, renouveler leur demande chaque année dans les trois mois de la publication des rôles (4). Mais dans le cas où ils auraient négligé cette précaution, il ne s'ensuivrait pas que le bénéfice d'une décision favorable dût leur être refusé pour les années non écoulées de la période décennale.

(1) C. d'Et. 9 novembre 1895, Société de l'abbatiale de Braisne. (2) C. d'Et. 14 mai 1898, Pregermain.

(3) C. d'Et. 14 mai 1897, Chartron.

(4) C. d'Et. 30 juin 1900, Société anonyme de l'Image. motivé ainsi qu'il suit :

-

Cet arrêt est

« Considérant que la contribution foncière des propriétés bâties est annuelle, qu'une réduction d'une imposition portee au rôle en vertu duquel cette contribution est chaque année mise en recouvrement ne peut etre accordée qu'à la suite d'une reclamation présentée par le contribuable dans les formes et délais prévus par la loi; qu'il n'a pas été déroge à ces règles par les articles 7 et 8 de la loi du 8 août 1890, desquels il résulte seulement que la valeur locative d'un immeuble servant de base à la contribution dont il s'agit et déterminée soit d'après les evaluations faites par l'Administration, si elles n'ont donné lieu à aucure contestation, soit, dans le cas contraire, d'après les modifications qui y auraient été apportées sur la réclamation des intéresses, demeure fixée pour dix ans;

«Considérant que la société l'Image a été imposée à la contribution foncière des propriètes bâties, sur le rôle de l'année 1896, d'apres une valeur locative supérieure à celle qui a été assignée à son immeuble

746. Cette conséquence du principe de l'annualité des rôles est également applicable aux tiers acquéreurs. Ainsi le nouveau propriétaire d'un immeuble ne peut demander qu'une décision, par laquelle le Conseil d'État a arrêté définitivement la valeur locative imposable de cet immeuble, reçoive rétroactivement son application à partir de l'époque de son acquisition si, depuis lors, il a omis d'introduire une demande chaque année (1).

2.2.

Dépréciation provenant de circonstances
exceptionnelles.

747. Le second paragraphe de l'article 7 de la loi du 8 août 1890 (2) a accordé aux propriétaires de propriétés baties un traitement analogue à celui qui est accordé aux propriétaires de propriétés non baties lorsque les immeubles viennent à éprouver, postérieurement au cadastre, une diminution de revenu par l'effet d'évènements imprévus et indépendants de leur volonté. On se rappelle que les dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 15 septembre 1807 et de l'article 9 de l'ordonnance royale du 3 octobre 1821 les autorisent à réclamer en pareil cas une révision du classement assigné à leurs propriétés. Toutefois il est à remarquer qu'en matière de propriétés non baties les demandes de l'espèce doivent être produites dans les six mois de la publication du premier rôle qui suit l'évènement, tandis qu'elles sont recevables pour les pro

par décision du Conseil d'État, en date du 14 novembre 1896, et qui doit, aux termes des articles 7 et 8 de la loi précitée, servir de base pendant dix ans à cette contributioa; mais qu'ayant été ainsi surtaxée, elle n'a demandé réduction de cette imposition que par une réclamation enregistrée à la préfecture le 15 avril 1897; que cette réclamation, postérieure de plus de trois mois à la publication du rôle, laquelle a eu lieu le 26 janvier 1895, n'a pas éte présentée dans les délais prévus par les articles 28 de la loi du 21 avril 1832 et 8 de la loi du 4 août 1844; que. dès lors, c'est à bon droit que le conseil de préfecture l'a rejetée comme non recevable. »>

(1) C. d'Et. 4 août 1899, communauté des Carmélites de Blois.

(2) L. 8 août 1890, art. 7... « En ce qui concerne les rôles subséquents, les propriétaires sont admis à réclamer pendant les trois mois de la publication de chaque rôle lorsque, par suite de circonstances exceptionnelles, leur immeuble aura subi une dépréciation ».

priétés baties dans les trois mois de la publication de chaque róle, c'est-à-dire dans les délais ordinaires. Mais l'Administra tion estime que les mots « chaque rôle » doivent être interprétés, par analogie avec la règle suivie en matière de propriétés non baties, comme s'appliquant à chacun des titres de perception qui suit immédiatement les faits pouvant donner lieu à dégrèvement, mais non à ceux émis postérieurement à la première année.

Cette faculté dont jouissent individuellement les propriétaires, jointe à celle que les conseils municipaux peuvent exercer en vertu de l'article 8 lorsqu'il se produit une dépréciation générale des maisons et usines de l'ensemble ou d'une fraction notable de la commune, corrige ce que présenterait de trop rigoureux l'application du principe de la fixité des évaluations. pendant un espace de dix ans.

748. La jurisprudence n'est pas encore bien assise sur le point de savoir ce que l'on doit entendre par circonstances exceptionnelles et ses indications ne sont jusqu'à présent que négatives. Elles établissent toutefois d'une manière. formelle qu'il n'y a pas lieu de considérer comme ayant ce caractère, au sens de la loi :

La baisse générale des loyers dans une commune (1);

La baisse des loyers dans une partie de la commune (2) et, par analogie, les fluctuations qui se produisent dans le cours des loyers par suite du déplacement de la vie commerciale ou industrielle (3);

Les conséquences de circonstances économiques défavorables, par exemple la fermeture d'un pensionnat par suite de la persistance de la crise viticole dans la région (4);

Le fait qu'à la suite d'une résiliation de bail le propriétaire d'une maison n'a trouvé preneur que moyennant une importante réduction (5);

(1) C. d'Et. 6 février 1897, Barthe-Dejean.

(2) C. d'Et. 21 février 1896, Nancy.

(3) Déc. admin. 5 mai 1895, Seine.

(4) C. d'Et. 4 mai 1900, dame Raynal.

(5) C. d'Et. 6 janvier 1900, Miaux.

La vacance d'un appartement et les réductions de loyer consenties par le propriétaire (1);

L'ouverture d'un établissement commercial concurrent (2); Les difficultés temporaires de location d'immeubles, provenant de l'exécution des travaux de comblement d'une anse (3);

La destruction d'une partie des arbres de haute futaie qui ornaient une propriété, non plus que l'émigration des habitants vers les villes (4).

749. Ces indications autorisent à penser qu'il n'y a pas lieu, a fortiori, de considérer davantage comme une cause exceptionnelle de dépréciation toute circonstance qui ne serait pas indépendante de la volonté du propriétaire.

§ 3.

Immeubles détruits ou convertis en bâtiments ruraux.
Fixité temporaire des évaluations.

750. Les dispositions que nous venons d'examiner se complètent par les deux derniers alinéas de l'article 7 (5).

751. La règle posée par le premier de ces deux paragraphes est formelle; hormis les cas de dépréciation par suite de circonstances exceptionnelles, de destruction ou de conversion en batiment rural, totale ou partielle, les évaluations qui n'ont pas été contestées pendant les deux premières années de la période décennale ne peuvent être modifiées pendant les autres années de la même période.

C'est ainsi qu'un propriétaire imposé pour une construction nouvelle en 1894 et 1895 n'a pas été admis à se prévaloir pour la première fois, à l'occasion du rôle de 1896, de ce

(1) C. d'Et. 29 octobre 1898, Fauchoux.

(2) C. d'Et. 3 mars 1900, Bauchot.
(3) C. d'Et. 31 janvier 1896, Vignal.

(4) C. d'Et. 21 janvier 1901, Martin.

(3) L. 8 août 1890, art. 7.... « En dehors des cas prévus aux deux paragraphes précédents, aucune demande en décharge ou en reduction ne sera recevable, sauf dans le cas où l'immeuble serait en tout ou en partie détruit ou converti en bâtiment rural.

a Les réclamations sont prèsentees, instruites et jugées selon les règles suivies en matière de contributions directes. >>

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