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« scrivent toute espèce d'inquisition. » Ainsi s'exprime Dupont de Nemours dans l'Adresse aux Français, préface de l'organisation fiscale créée par l'Assemblée constituante. Les préoccupations des réformateurs d'alors se retrouvent à l'heure actuelle dans les projets de ceux qui, tout en cherchant à refondre notre système d'impôts, reculent cependant devant toute atteinte portée à l'indépendance du contribuable vis-à-vis du fisc, en considérant tout l'intérêt qu'il y a à ne pas faire renaître en France les difficultés et peut-être les abus dont les suites ont été si funestes à l'ancien Régime.

ARTICLE 2. Du tarif de l'impôt direct proportionnalité, progression, dégression.

31. Adam Smith, recherchant dans son célèbre ouvrage sur La nature et les causes de la richesse des nations (1776) les conditions générales d'un bon système d'impôts, a posé le principe de la proportionnalité (livre V). La première de ses maximes débute ainsi : « Les sujets d'un Etat doivent contri«buer au soutien du Gouvernement, chacun, le plus possible, « en proportion de ses facultés, c'est-à-dire en proportion du « revenu dont il jouit sous la protection de l'Etat. » Cette formule se retrouve dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, jusqu'à l'époque actuelle, les contributions directes ont été uniformément soumises, en France, à la règle de la proportionnalité mathématique; il n'y a d'exception que pour quelques tarifs de patente (sociétés de crédit, grands magasins) et pour la répartition, dans les villes à octroi, du contingent de la contribution personnelle-mobilière, où se rencontrent parfois des tarifs dégressifs.

32. Le principe de la progression, cependant, a des partisans nombreux et iilustres. J.-J. Rousseau disait que « l'imposition ne doit pas être faite seulement en raison des biens « des contribuables, mais en raison composée de leur con«dition et du superflu de leurs biens » (Discours sur l'Économie politique). Stuart-Mill (Principes d'économie politique) était partisan de l'impôt progressif pour la fixation des droits successoraux; Jean-Baptiste Say a défendu le principe de la progression pour l'ensemble des impôts (Cours d'économie

politique et pratique). Les socialistes doctrinaires allemands soutiennent que l'impôt doit être mesuré non d'après les services rendus à chaque citoyen par l'État, système qui conduit à la proportionnalité, mais calculé de façon que chacun consente un effort égal pour le bien commun; que l'ouvrier fait un effort plus grand quand il abandonne le vingtième de son salaire, que le riche quand il abandonne le dixième de ses rentes; qu'il faudrait done fonder le système fiscal sur l'égalité d'efforts.

33. Mais les partisans de la progression sont loin d'être d'accord sur les conclusions pratiques à tirer de cette théorie si séduisante. Pour les uns, la conséquence naturelle du système, c'est l'impôt progressif intégral, c'est-à-dire un tarif s'élevant au fur et à mesure que croissent les valeurs auxquelles s'applique l'impôt. Les autres repoussent ce système comme aboutissant à la spoliation; ils soutiennent que l'impôt progressif ainsi conçu n'a pas de valeur scientifique, qu'il est par nature arbitraire, qu'on peut, en somme, instituer autant de progressions qu'on veut; et ils se rallient soit à des impôts progressifs isolés (Stuart-Mill), soit à un système mixte, à une modalité de la progression, qui se nomme, selon les uns (Joseph Garnier), l'impôt progressionnel, selon les autres, l'impôt dégressif.

Cette dernière formule, dont on rencontre aujourd'hui de nombreuses applications, implique (sauf l'exemption accordée aux petits revenus) l'unité du taux de l'impôt. Elle ne paraît pas, au premier abord, différer sensiblement de la formule de l'impôt progressif. Dans le système dégressif, la majorité des contribuables devra payer le plein tarif, que nous supposerons être, par exemple, de 4 0/0 du revenu; les faibles revenus, divisés en un certain nombre de catégories, ne paieront que sur une partie de ce revenu, décroissant à mesure que le revenu devient plus mince, mais la part soumise à l'impôt restera taxée à 4 0/0. Dans le système progressif intégral, on fera payer, par exemple, 1 0/0 aux revenus modestes, 2 0/0 aux revenus moyens, puis 3, enfin 4 0/0 aux gros revenus. La différence parait très peu sensible. Mais avec le système progressif, rien n'empèche le législateur, s'il veut tirer de l'impôt un produit plus

considérable, d'élever le taux de la contribution applicable aux classes aisées sans toucher à la quote-part frappant les petits revenus, d'arriver en somme à faire payer un impôt de plus en plus lourd à des contribuables de moins en moins nombreux, tandis que le système dégressif ne permet pas d'élever le taux de l'impôt sans que tous les revenus imposables subissent le contre-coup de l'aggravation des charges.

34. De nombreux États européens ont adopté des tarifs dégressifs, et tout d'abord l'Angleterre. Le taux de l'income-tax est fixé chaque année (il est en moyenne de 3 0/0 du revenu), mais les revenus ne dépassant pas 160 £ (4,000 fr.) sont exempts, ceux entre 160 et 400 £ (4,000 et 10,000 fr.) jouissent d'une réduction de 160 £ (4,000 fr.), et le droit plein est dù à partir de 700 £ (17,500 fr.) de revenu. — L'Einkommensteuer prussien comporte des tarifs gradués qui, commençant à 900 marcks (1,125 fr.) de revenu (exemption complète audessous de ce chiffre), s'élèvent progressivement de manière à faire varier le taux de l'impôt de 0,63 0/0 pour les revenus de la 1re classe à 3 0/0 pour ceux de la 25°; il peut monter jusqu'à 40/0, taux maximum, pour les revenus dépassant 32,000 marks. Chacune des classes paie une contribution dont le taux est identique pour tous les assujettis qui en font partie, sous réserve de certaines modérations à titre de charges de famille. En Italie, les tarifs de l'impôt sur la richesse mobilière varient, ainsi que nous l'avons dit plus haut, selon la nature des revenus. Ceux de la cédule A paient 13,20 0/0; cédule B, 9,91 0/0; cédule C, 8,26 0/0; cédule D, 6,60 0/0, soit la moitié du taux de la première cédule. Les cédules B, Cet D comportent des exemptions à la base et des tarifs dégressifs. En général, le système italien présente un caractère plus rigoureux que l'income-tax et ses tarifs sont assez élevés pour provoquer de fréquentes dissimulations.

35. Les impôts sur le capital et sur le revenu qui coexistent dans la plupart des cantons de la Suisse sont dotés de tarifs progressifs dont les taux maxima sont généralement modérés. La plus grande diversité existe d'ailleurs entre les systèmes de progression et les tarifs qui y sont en vigueur.

Enfin, l'Autriche et les Pays-Bas, principalement, offrent

l'exemple d'impôts sur le capital et sur le revenu nettement progressifs.

36. Le tarif et l'assiette de l'impôt direct diffèrent donc sensiblement selon les pays, selon la constitution sociale, les mœurs politiques et principalement le mode de répartition des richesses. Mais les réformes accomplies dans les principaux Etats européens se rapprochent par la commune tendance à alléger le poids de l'impôt pour les classes peu fortunées. C'est aussi à ce but que tendent les projets de réforme de nos impôts, tout en présentant à ce point de vue des différences notables quant aux charges fiscales que les uns et les autres prétendent faire supporter par les classes aisées de la masse contribuable.

Nous donnons, en note, l'énumération des principaux projets et propositions de lois concernant ces matières, en y joignant les indications de nature à en permettre l'étude (Voir cette note, page 25.)

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37. Nous nous bornerons à indiquer, en premier lieu, le produit des quatre contributions directes, des centimes généraux, départementaux et communaux et des frais d'avertissement, à diverses époques: 1791, 1820, 1840, 1860, 1880,

1898 et 1899.

Le tableau ci-après montre la progression continue des recettes. En ce qui concerne la contribution foncière, le produit a augmenté régulièrement depuis 1840, malgré les dégrévements accordés par le législateur à diverses époques. Le produit en principal de la contribution personnelle-mobilière, par suite des dispositions de la loi de 1844 sur les constructions neuves, est à l'heure actuelle le double de ce qu'il était en 1840. Les portes et fenêtres et les patentes ont suivi la même progression ascendante.

38. Tableau A (voir à la fin du volume).

39. I parait utile, en second lieu, de connaitre le chiffre total du produit actuel des contributions directes et des taxes assimilées, y compris les taxes municipales.

TABLEAU B.

Tableau présentant, pour les années 1898 et 1899, le produit des rôles des contributions directes et des taxes y assimilées.

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Contributions directes.

Taxes établies au profit de l'État.

Taxe des biens de mainmorte.
Redevances des mines.

Droits de vérification des poids et mesures

Droits de vérification des alcoomètres et des densimètres
Droits de visite des pharmacies et magasins de droguerie..
Droits d'inspection des fabriques et dépôts d'eaux minerales.
Contribution sur les voitures, chevaux, mules et mulets.
Taxe sur les vélocipèdes
Taxe sur les billards
Taxe sur les cercles
Taxe militaire.

Redevances pour la rétribution des délégués miueurs.
Droits d'épreuve et de vérification des appareils à vapeur et
des récipients de gaz comprimés ou liquéliès..
Redevances pour frais de surveillance des fabriques de mar-
garine ou d'oléo-margarine
Redevances pour frais de surveillance et de contrôle des
primes a la filature de la soie.

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Chemins vicinaux
Chemins ruraux

2

fr. c.

fr. c.

(1)875,697,898 78 (2)887,540,755 72
6,983,545 50
2,608,177 14

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43,294
356,898 »

4

(1) Y compris une somme de
16.604,507 fr. 47, montant des dégre-

7,125,730 21 vements alloues par application de
3,145.002 60 Particle 1er de la loi du 21 juillet
5,375,278 75 1897 (Remises sur la contribution
foncière des propriétés non bâties).
68,600 >> (2) Y compris une somme de
(3)13,846,035 06 15,777.376 fr. 10, montant des dégrè-
4,338,820 80 vements alloués par application de
1,091,979 75 l'article 1er de la loi du 21 juillet
1,415,046 90 1897 (Remises sur la contribution
2,196,736 69 foncière des propriétés non bâties).

205,015 64 (3) Y compris le montant des frais

259,506 34

65,953 23

d'avertissement relatifs aux rôles de
la contribution Sur les voitures,
chevaux, etc., et des taxes sur les
vélocipèdes et sur les billards. Ces
trois contributions et taxes sont com-
prises dans un seul et même rôle.
418,243 75 (4) Ces redevances ont cessé, à
9,415,366 50 partir de 1900, d'être recouvrées
comme en matière de contributions
directes.

(4)62,967 70 58,813,012 »

983,988,790 25 995,785,243 64

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