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parcourut le diocèse, recueillant l'aumône en argent et en nature. Grâce à ces fructueuses pérégrinations, l'œuvre put se continuer.

Mais, sur ces entrefaites, de nouvelles difficultés survinrent et faillirent compromettre le succès de l'entreprise. Le général de la paroisse et la communauté de ville tentèrent de s'immiscer dans les délicates questions de la perception et de l'emploi des offrandes. Marie Omnès, nouvelle abbesse de la Joie et qui ne l'entendait point de cette oreille, révoqua la délégation donnée à François Michart par Guillemette Rivallen, à laquelle il s'était engagé de rendre compte de son administration, et donna, le 1er janvier 1521 (n. st.), procuration à maître Jean Omnès, son frère, pour établir, aux mêmes conditions, un nouveau gouverneur de cette chapelle. Le différend s'arrangea à la satisfaction de l'abbesse, dont le procureur, par acte du 24 avril 1524 (n. st.), rétablit Michart dans ses premières et légitimes fonctions.

Il était temps que l'accord se fit, car la partie supérieure de la chapelle s'achevait et pouvait se livrer au culte. Encore un peu, et la cérémonie de la dédicace n'eut pas trouvé à son poste celui qui y avait droit à la première place. A peine réintégré, Michart fit séparer, par une cloison de bois, le haut de l'édifice, qui était achevé, du bas auquel on travaillait encore, et se préoccupa de l'évêque à demander pour la dédicace. Il n'eut pas à chercher bien loin. Le couvent des Carmes du Bondon possédait alors un religieux de l'Ordre, investi du caractère épiscopal sous le titre d'évêque de Tybériade. Il se nommait Geoffroy Le Borgne et se prêtait d'autant plus volontiers pour les fonctions pontificales que, de son temps, plusieurs évêques de Vannes ne vinrent. jamais s'asseoir sur le siége de Saint-Patern. Dom Yves Josse, prêtre d'Hennebont, lui fut député pour solliciter son concours. Sans retard, le prélat l'accompagna à son retour. La cérémonie eut lieu le 3e dimanche de juin, correspondant, en cette année 1524, au 19 de ce mois. A ce même dimanche fut toujours, dans les siècles suivants, célébré l'anniversaire de la dédicace de cette église, « laquelle, dit un ancien titre, fut dédiée et consacrée par un évesque portatif de l'ordre des Carmes, demeurant au Bondon, près Vennes, appelé et défrayé par François Michart, qui fist tous les frais de la cérémonie (1). » Pour être juste, il faut cependant observer que les bourgeois et manants d'Hennebont y contribuèrent pour une somme de 20 livres.

Pendant que le bas de la chapelle s'élevait, assuré que les ressources ne lui feraient pas défaut, en homme prévoyant, Michart conçut le nouveau projet d'annexer à la maison de Dieu un logement pour les

(1) Cet évêque portatif ou titulaire n'avait que le titre d'évêque et le caractère épiscopal. On l'appelait aussi évêque de Tybériade in partibus infidelium, parce que l'ancien diocèse de Tybériade, dont il portait le titre, se trouvait situé dans le pays des infideles, c'est-à-dire dans une contrée conquise par les Turcs et soumise à leur domination.

prêtres destinés à la desservir. En conséquence, par acte du 26 décembre 1526, il acquit, pour 60 livres monnaie, de Bertrand Garreau, habitant aussi la rue Neuve, une pièce de terre appelée le pré Henriette du Botderff, joignant d'un côté et d'un bout le chemin par lequel on va de la chapelle de Notre-Dame-de-Paradis à Plouhaellec, d'autre côté un jardin appartenant aux Carmes, et d'autre bout un jardin appartenant à Olivier Juzel. Les matériaux étaient, sans doute, prêts pour cette nouvelle construction, car le pieux maréchal eut encore le loisir de faire bâtir, en pierre de taille, cette maison qui était voisine de l'église, et porta tour à tour les noms de maison des prètres et d'hôpital des pauvres (1).

Mais, Dieu qui le trouvait assez mûr pour l'éternité et voulait le récompenser, ne lui laissa pas le temps pour voir la fin de son œuvre ; il l'appela à lui le 1er avril 1527 (n. st.). Par un privilége, rare à cette époque, son corps fut gardė jusqu'au 5. La cérémonie des obsèques se fit dans la nouvelle église, où, à l'ombre du magnifique sanctuaire bâti par ses soins, il repose en attendant la résurrection bienheureuse. Après lui avoir rendu les derniers devoirs, les habitants d'Hennebont, sous la présidence du sénéchal et en présence d'un député de l'administration diocésaine, se réunirent dans le bas de l'église, pour lui donner un successeur. Leur choix tomba sur Jean Floho, au sujet duquel les archives de la Joie ne fournissent aucun autre renseignement.

Cette élection, faite sans la participation de l'abbesse, montre, pour la seconde fois, le projet, toujours caressé par les habitants, de s'emparer du nouvel édifice. Mais, de son côté, la susdite dame veillait attentivement à la conservation de ses droits. Dès le 19 du même mois d'avril, elle obtenait de l'officialité de Vannes une sentence qui sauvegardait ses intérêts et faisait, en même temps, inhibition aux habitants de s'immiscer dans la perception et l'emploi des offrandes. Floho se soumit à ce jugement et fut confirmé par l'abbesse dans son administration, à la condition toujours d'en rendre compte à elle seule. Il n'en fut pas de même de la part des habitants. Entre eux et l'abbesse surgit un procès d'une longue durée et qui, de la sénéchaussée d'Hennebont, s'éleva jusqu'à la cour du parlement. Comme il fallait s'y attendre, la juridiction locale fut favorable aux premiers; mais une sentence, émise à

(1) Cette maison, qui avait un jardin et un parc, servit, en effet, primitivement à loger les prètres qui desservaient la chapelle, et porta, par suite, le nom de maison des prêtres. Mais, lorsque, à la fin du xvie siècle, l'hôpital Saint-Georges fut détruit par les guerres de la Ligue, une partie du bâtiment dût être affectée aux malades qui, jusqu'à la construction de l'Hôtel-Dieu, en 1534, en occupaient le rez-dechaussée, tandis que les étages supérieurs restaient réservés aux prètres. De cette particularité lui vint le nouveau nom de vieil-hôpital, de maison et d'hôpital des pauvres. Le 12 mai 1679, la communauté de ville l'acquit de l'abbaye de la Joie, moyennant la somme de 2,000 livres, pour en faire l'hôpital-général.

Rennes par le conseil privé, le 16 octobre 1535, tourna contre eux. Ils en relevèrent appel à la cour du parlement qui, par arrêt rendu à Vannes, le 22 septembre 1537, les débouta de leurs prétentions, les condamna aux frais et nomma un commissaire pour induire l'abbesse en possession de la chapelle. Malgré leur opposition et leurs manifestations hostiles, le député de la cour remplit sa mission le 6 octobre suivant.

Quel fut, pendant ces dix années de procédures, le sort du bâtiment? Sur ce point, les archives se taisent, et j'ignore d'après quels documents, en dehors d'une inscription de 1709 trouvée, en 1802, sur une plaque de cuivre, au sommet de la flèche de cette église, s'est introduite dans l'histoire l'affirmation que la chapelle de Notre-Dame-deParadis, commencée en 1513, fut achevée en 1530. S'il n'est question que du seul vaisseau de l'édifice, l'assertion susdite est très vraisemblable, puisque, dès le 5 avril 1527, la dernière partie put déjà abriter une réunion des habitants. Mais il est certain, d'ailleurs, que bien des années devaient encore se passer avant de voir la dernière main mise à l'œuvre. La preuve en est que, le 30 mai 1554, Bertrand de Marillac, professeur de théologie et vicaire général de l'évêque de Vannes, délivrait à un paroissien d'Hennebont une lettre de recommandation qui l'autorisait à parcourir le diocèse, de porte en porte, pour solliciter de nouveau les dons des fidèles, afin de continuer et d'achever la chapelle de Notre-Dame-de-Paradis. Dans le but d'exciter la charité publique, il accordait, comme son prédécesseur de 1514, une indulgence de 40 jours à tous ceux qui, confessés et pénitents, délieraient en cette occasion les cordons de leur bourse.

De leur côté, le mobilier et l'ornementation intérieure ne se firent pas si longtemps attendre, grâce surtout à la confrérie de saint Éloi pour les serruriers, les maréchaux et les couvreurs qui, pendant la construction même, s'érigea dans cette église et commença à s'y desservir à l'autel de son patron, situé au haut du collatéral, du côté de l'évangile. Cette érection fut suivie de près par celle de la confrérie de la Trinité, pour les tailleurs, les texiers et les pelletiers. Une sainte émulation, qui ne tarda pas à naître entre les deux sociétés, les poussa à rivaliser de zèle et de dépenses pour orner et enrichir leurs chapelles et leurs autels respectifs.

Rien cependant ne se faisait dans cette église sans le consentement de l'abbesse de la Joie, demeurée toujours et malgré de très nombreux procès, en possession du monument. Ce fut avec son autorisation que les habitants y transférèrent, en 1589, la desserte du service paroissial, lorsque les guerres de la Ligue eurent anéanti leur vieille église de Saint-Gilles-Trémoëc; ce fut encore grâce au même bon vouloir et à la condition d'entretenir l'édifice en parfait état de réparation, qu'ils purent continuer à s'en servir jusqu'à la suppression de l'abbaye. Pendant deux

cents ans cette gracieuse église fut le siége de la paroisse, sans toutefois devenir réellement paroissiale, privilége qu'elle ne devait tenir que de notre siècle (1).

MORT ET FUNÉRAILLES DE Msr DE ROSMADEC

ÉVÊQUE DE VANNES.

(Par M. l'abbé Luco.)

De la famille de Rosmadec, du Plessix-Josso, en Theix, ce prélat naquit sur la fin du xvre siècle, se fit religieux à Saint-Germain-desPrés, à Paris, devint, en 1608, abbé de Paimpont, permuta, en 1622, ce bénéfice avec Msr Jacques Martin contre le siége épiscopal de Vannes, fut préconisé le 14 novembre de cette année et sacré à Paris le 11 février 1624. Son épiscopat, le plus fécond que nous offre le siége de Saint-Patern, vit, dans ce diocèse, un incomparable épanouissement de la vie religieuse et d'œuvres charitables. Sous lui, en effet, s'accomplirent la Réforme des Carmes du Bondon, la découverte de la statue miraculeuse et la fondation des Carmes de Sainte-Anne, l'établissement des Ursulines à Vannes, des Carmes déchaussés sur le Port, des Jésuites au collége, des Ursulines à Pontivy, des Dominicains à l'emplacement de la préfecture actuelle, des Augustines de la Miséricorde de Jésus. à l'hôpital de Saint-Nicolas, des mêmes religieuses à Auray, la découverte et la reconnaissance des reliques de saint Vincent Ferrier, l'institution d'une confrérie en l'honneur de ce saint et de la fête de la translation de ses reliques. Pour toutes ces œuvres, dont l'énumération, déjà considérable est cependant loin d'être complète, Dieu lui suscita de nombreux auxiliaires dont la sainteté pénétra toute cette époque et la couvrit d'un magnifique éclat. Il serait trop long de citer ici et le célèbre Kriolet et le Père Rigoleu et tous les autres. Après 22 années d'une administration active et bénie de Dieu, atteint d'une hydropisie, qui devait plonger ses derniers jours dans le creuset des souffrances, donner à ses vertus le cachet de la croix et terminer trop tôt cette admirable carrière, ce grand évêque quitta la terre le 29 juillet 1646 et alla recevoir du juste Juge la récompense due à ses œuvres. Son acte de décès, au registre des sépultures de la paroisse de Saint-Pierre, rapporte, avec de

(1) Malgré l'attention minutieuse apportée dans la recherche des renseignements qui précédent, il a été impossible de découvrir le nom de l'architecte de cette chapelle. Avec celui de Michart, il méritait cependant bien de passer à la postérité. Le même silence règne sur les frais; tous les devis sont absents, et aucune apprécia tion des dépenses ne se rencontre dans les nombreux procès auxquels a donné lieu la question de propriété du monument.

longs détails, et sa mort et ses funérailles. Ce document contient des particularités qui m'ont paru mériter la lumière et m'ont déterminé à en prendre copie, malgré sa longueur. Le voici.

« Le dimanche, vingt-neuviesme de juillet 1646, Illustrissime et » Révérendissime Père en Dieu Messire Sébastien de Rosmadec, par la » grâce de Dieu et du Saint-Siége apostolique, Evesque de Vennes, » conseiller du Roy en ses conseils d'Estat et privé, sur les quatre >> heures trois quarts du matin, est trépassé en la communion de notre » Mère sainte Église, ayant esté malade l'espace de neuf moys d'hydropisie. Il feit confession générale au Père Nicolas de Sainte-Geneviève, >> recteur du collège des Jésuites de cette ville de Vennes, docteur en > théologie de la faculté de Bourges et professeur de leur collége audit » Bourges, en Berry, et fut communié solennellement, le jour de la >> feste des bienheureux apostres saint Pierre et saint Paul, par noble » et discret René Gouault, chanoine et archidiacre, première dignité » de son église cathédrale, assisté de tous messieurs du chapitre et » clergé de la dite cathédrale, qui porta le Saint-Sacrement sous le poële. >> Plus, il se confessa au Père Jean Rigoleu, jésuite, professeur des cas » de conscience en leur collège de Vennes, et il fut communié, pour la >> seconde foys, par noble et discret Guy du Garoüet, recteur de la » paroisse de Brech, bachelier en théologie de la faculté de Paris, un » de ses aumôniers, le jour de Sainte-Anne, 26 juillet, et reçeut » l'Extrême-Onction, ledit jour, 29 juillet, par vénérable et discret » Guillaume Le Galloys, docteur en théologie, chanoine théologal de sa >> cathédrale et son vicaire général de son diocèse et particulier de la >> paroisse de Sainte-Croix de Vennes, qui luy donna encore l'absolution » générale. Le corps duquel seigneur Évesque, après avoir esté exposé, » quatre jours, revestu de ses habits pontificaux, suivant le cérémonial, » et avoir esté visité par tout le clergé, séculier et régulier de Vennes, » fut mis dans une châsse de plomb jusqu'au lundi sixiesme d'Août, » qu'il fut porté, avec grande pompe funèbre, en sa dite cathédrale, où » Mgr l'Illustrissime et Révérendissime Père en Dieu Henri de la Motte» Houdancourt, par la grâce de Dieu et du Saint-Siége apostolique, » Évesque de Rennes, conseiller du Roy en ses conseils et docteur » de Sorbonne, officia, levant le corps et conduisant la pompe funèbre, >> chanta aussy la messe, assisté dudit sieur Gouault, archidiacre, et de noble et discret Yves du Bahuno, trésorier et seconde dignité, et dudit » sieur Le Galloys, qui fist le diacre, et noble et discret Olivier Lechet, » sous-diacre. L'oraison funèbre fut faite par le Révérend Père Claude >> Brisejon, jésuite. Après la messe, Mondit Seigneur de Rennes fist la grande absolution à l'entour du chasteau de douleur ou chapelle » ardente, assisté desdits sieurs archidiacre et trésorier, vénérable et >> discret François Cousturet, chanoine scolastique, et noble et discret » Guillaume Guimarho, chanoine-pénitencier. Ensuite, le corps fut

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