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> transporté en la chapelle du Pardon, où il repose jusques à ce que >> son tombeau soit faict et construit dans la chapelle de Notre-Dame » et Saint-Vincent, où il a eslu la sépulture, sous la vitre où sont ses >> armes par luy donnée, et pour la construction duquel tombeau il a » destiné la somme de douze cents livres par son testament, rapporté >> par messire Pierre Knel et messire Guillaume Le Bras, notaires » royaux, ledit Knel, garde de la cede. »>

« Le quatriesme jour dudit moys d'aoust, feste de saint Dominique, > sur les huit heures du soir, le cœur dudit seigneur Évesque, enfermé › dans une boëtte de plomb par l'ordre de Monsieur du Plessix-Rosmadec > et Messieurs de Loyon et Lanoüan de Kméno, ses nepveux, fut » transporté aux flambeaux, couvert d'un crez noir, par ledit sieur » Le Galloys, son vicaire général, assisté de tous messieurs les au»môniers, plusieurs gentilshommes et de toute la famille revestue >> en dueil, dans l'église des Religieux du Couvent Saint-Vincent, fondé » par ledit seigneur du Plessix, pour estre iceluy mis au tombeau prohi>> bitif comme patron, qu'il y a faict bâtir, où, à la porte de ladite » église, il fut reçeu par le Père Jean-Baptiste Georget, prieur dudit >> couvent, revestu en chape noire, des mains dudit sieur Le Galloys, » qui le déposa ès-mains dudit Prieur avec un brief discours en latin, » comme respectivement ledit Prieur luy en rendit action de grâces, >> au nom de leur communauté, par un docte discours, aussy en latin, » et l'emportèrent processionnellement, chantant Libera me, etc. Et le » quatorziesme dudit moys, y fut chantée une grande messe solennelle>> ment des défuncts, ledit cœur tiré sur une table préparée à cest » effect. Après quoy, fut déposé audit tombeau du Plessix-Rosmadec, › avec les cérémonies requises et convenables, par ledit sieur Le Galloys. » Et le mercredy, huictiesme d'avril 1648, le corps dudit feu seigneur » Évesque fut déposé au tombeau de marbre, en la chapelle de Notre» Dame et Saint-Vincent, du costé de l'évangile, ainsy qu'il avait » ordonné par son testament, la messe pontificalement chantée par > Illustrissime et Révérendissime Charles de Rosmadec, par la grâce » de Dieu et du Saint-Siége apostolique, Évesque de Vennes, son suc> cesseur à l'évesché (1). - Requiescat in pace. Amen. » (Registre des sépultures de la paroisse de Saint-Pierre, juillet 1846).

(1) Charles de Rosmadec, abbé du Tronchet et cousin de l'Évêque défunt, avait été demandé pour coadjuteur par ce dernier, lorsqu'il se vit atteint d'hydropisie; mais la mort de Sébastien précéda la conclusion de ce projet. Charles put néanmoins lui succéder.

LES OPÉRATIONS CÉSARIENNES DANS LE MORBIHAN.

A PROPOS D'UNE OPÉRARION CÉSARIENNE

PRATIQUÉE A MARZAN, DIOCÈSE DE VANNES, EN L'ANNÉE 1575.

(Par M. le Dr G. de Closmadeuc.)

I.

Je dois à la complaisance de notre laborieux collègue, M. l'abbé Luco, la communication d'un texte original recueilli par lui aux archives, et que je vous demande la permission de vous communiquer à mon tour, en y joignant quelques commentaires.

Sur un des feuillets d'un vieux registre baptismal, en fort mauvais état, et recouvert à peine d'une peau de parchemin délabrée qui porte comme date initiale l'année 1570, et qui provient de la sacristie de la paroisse de Marzan, M. l'abbé Luco a lu, et j'ai lu après lui ce qui suit, page 31:

« Le dixnefiesme jour de novebre an que dessus (1575) fut baptizé unq » filz à Phelippe Le Floch et à Perrine Brohan, laquelle Brohan décepda » ledit iour et an que dessus en peigne dudit enfant, laquelle fut oup>> verte par son costé gauche pour recouvrir ledit enffant, lequel receupt >> baptesme sur le font en l'église parochialle de Marzen, lequel eust nom >> Jullien et furent compères Jullien Krouault et dom Jehan Guiot, et > commère Jehanne femme de Nicollas Daniel es présences de Janne >> Le Bihan, Symon Ollivier, barbier, dom Guillaume Bonnet, Gilles » Trumellec?, Françoize Le Bras. >> G. BONNET.

Le texte est suffisamment explicite. Il s'agit bien ici de cette opération qu'on désigne sous le nom d'opération césarienne.

Je n'ai pas à rappeler en quoi consiste cette opération; il n'est aucun de vous qui ne le sache ; et ce que vous devez savoir aussi c'est qu'elle est indiquée dans deux circonstances fort différentes. Ou la femme est déjà morte; ou elle vit encore. Dans le premier cas l'opérateur a pour but de sauver la vie de l'enfant ; dans le second cas, le chirurgien opère sur la femme encore vivante, et a pour objectif principal de sauver la mère, en sauvant l'enfant, si celui-ci n'est pas mort. C'est même là, à proprement parler, l'opération césarienne, la seule qui mérite une place dans les traités de chirurgie.

Naturellement, nous pouvons donc nous poser une première question. Quelle est celle de ces deux opérations à laquelle fait allusion la note. mentionnée au registre baptismal de Marzan? A-t-elle été pratiquée avant ou après la mort de la mère ?

J'avoue que la lecture du texte ne laisse que peu de doute à cet égard. L'expression decepda ledit iour et an que dessus en peigne d'enffant, signifie bien que la mère est morte pendant le travail, c'est-à-dire avant la délivrance; et le membre de phrase qui suit laquelle fust oupverte par son costé gauche, complète l'observation, en indiquant que l'ouverture fut faite après le décès, et dans le but de recouvrer l'enfant. Cependant, il ne faut pas oublier que cette note n'émane, directement au moins, ni de l'opérateur, ni même d'un homme de l'art. C'est le prêtre, qui a baptisé l'enfant, qui a inscrit la mention sur le registre paroissial; et il aurait pu arriver que sa rédaction fût fautive en ce sens que l'opération aurait eu lieu réellement sur la femme vivante. Néanmoins, je ne pense pas qu'il y ait eu erreur dans le texte. Je crois qu'il ne s'agit ici que d'une opération césarienne post-mortem, et voici les raisons sur lesquelles je m'appuie pour établir mon opinion.

L'opération césarienne post-mortem est connue de toute antiquité, et si on s'en tient à un passage un peu obscur de Pline, Scipion l'Africain et même César auraient dù leur naissance à cette opération.

On peut même dire que jusqu'au XVIe siècle, on ne connaît, on ne conseille et on ne pratique que celle-là. Bien plus, l'opération sur la femme vivante, si elle se présente à l'esprit des chirurgiens, est immédiatement rejetée comme irrationnelle et condamnée d'avance à l'insuccès. Ambroise Paré, la plus grande personnalité chirurgicale du XVIe siècle, semble traiter de fables les histoires de femmes vivantes ayant été opérées ainsi ; et jusqu'à sa mort, arrivée en 1590, il a repoussé cette opération. Or, le m'esmerveille, dit-il, comme d'aucuns veullent affermer avoir veu des femmes auxquelles, pour extraire leurs enfants, on leur avait iucisé le ventre non seullement une fois mais plusieurs (si cela est vray il peut estre), si est-ce que cela m'est dutout impossible à croire....... Et partant ie ne conseilleray jamais de faire tell œuvre, où il y a si grand péril, sans nul espoir (1). »

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Guillemeau, l'élève d'Ambroise Paré, réprouve également l'opération, et voici comment il s'exprime, près de vingt ans après la mort de son maître : « Aucuns tiennent que telle section césarienne se peut et doit practiquer (la femme estant vivante) en un fâcheux accouchement: ce que je ne puis conseiller de faire....... de cinq femmes ausquelles telle opération a esté faite, il n'en est reschappée aucune. Je scai ce que l'on peut mettre en avant qu'il y en a qui ont esté sauvées ; mais quand cela serait arrivé; il le faut plutôt admirer que practiquer ou imiter: - d'une

(1) Édit. 1573. - Voir édit. Malgaigne, page 718, 2 vol., Euvres d'Ambr. Paré.

seule arondelle on ne peut juger le printemps, ni d'une seule expérience l'on ne peut faire une science (1). »

Cependant, en 1581, Rousset, docteur en médecine de la faculté de Montpellier, avait publié un livre où l'opération césarienne sur la femme vivante était recommandée; et mon maître le professeur Malgaigne a eu raison de dire que ce livre, malgré son titre grec, est un des meilleurs que nous ait légués le xvIe siècle (2).

Nous voilà bien loin de Marzan et de notre opération pratiquée sur Perrine Brohan. Pas si loin que vous le pensez.

Jusqu'à la fin du xvIe siècle, l'opération césarienne sur la femme vivante est rejetée du domaine chirurgical par Ambroise Paré, par Marchand (3), par Guillemeau, et par tout le collège des chirurgiens de Paris.

Il est donc rationnel d'admettre que jamais avant cette époque il n'est venu à un chirurgien-barbier de Bretagne l'idée de tenter une opération aussi formidable, condamnée unanimement par les maîtres. Or, l'opération de Marzan est de 1575; elle est antérieure de plus de six ans aux premières tentatives de Rousset pour faire entrer dans la pratique l'hysterotomie sur la femme vivante. Qu'en conclure? qu'il ne s'agit

ici évidemment que d'une opération césarienne post-mortem.

Du reste, comme je le laissais pressentir tout à l'heure, la lecture attentive du texte original nous conduit à une conclusion identique. Je dirai même que j'ai tout lieu de supposer que, si le recteur a tenu la plume pour inscrire l'acte sur le registre, c'est un homme de l'art qui lui en a dicté les termes. Cette particularité de l'ouverture, au côté gauche, n'est pas indifférente. C'était effectivement de ce côté que les anciens conseillaient de pratiquer la gastro-tomie pour éviter, disaient-ils, la faulx du peritoine et la veine ombilicale. Enfin, dernier argument: je remarque qu'au bas de l'acte figure le nom d'un certain Symon Ollivier, barbier, en qualité de témoin, et j'imagine que ce barbier n'est autre que l'opérateur qui, fier à juste titre de son succès, a accompagné l'enfant jusqu'à l'église, pour y faire la déclaration recommandée par les règlements ecclésiastiques.

Quoiqu'il en soit, l'indication portée au registre paroissial de Marzan, et à cette date, est curieuse, et nous regrettons de ne pas avoir les détails de cette opération césarienne, post-mortem, pratiquée en 1575. Dans quelles circonstances, pour quelles causes, et par suite de quels

(1) L'Heureux accouchement, liv. II, ch. xxvIII, p. 307, édit. 1621; 1 édit. 1609. (2) Traité nouveau de l'hysterotomotokie ou enfantement césarien... Paris, 1581. - Rousset.

1582. Traduction latine du livre précédent par Gaspard Bauhin. —- Basil, 1582. 1590. Dialogus apologeticus pro Cesareo partu... Paris, 1590.

(3) In francisce Rosseti apologiam Jacobi Marchant, Regis et Parisiensis chirurgi, declamatio.

accidents, l'opération a-t-elle eu lieu ? Combien de temps s'est-il écoulé entre le dernier soupir de la mère et l'intervention du chirurgien ? Quels ont été les incidents ou les complications de l'opération ?..... Sur tout cela, la note est muette.

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Mais si tous ces détails, que nous aurions voulu trouver, restent dans l'ombre, il nous est au moins permis, à nous qui savons ce qu'est une opération césarienne, pour l'avoir pratiquée trois fois sur la femme vivante, de nous représenter ces scènes d'une réalité lugubre et si pleines d'angoisses, où l'avenir d'une famille et la responsabilité d'un praticien sont en jeu, en présence de deux existences humaines, vouées à la mort, si la chirurgie n'intervient pas. -- Quel tableau émouvant, surtout si on se reporte à trois cents en arrière, au XVIe siècle, dans la cahute d'un paysan des bords de la Vilaine! Hier encore cette pauvre famille de villageois était en bonne santé, et heureuse de l'espoir qu'un fils ou une fille allait naître. Voilà la femme aux prises avec les douleurs de l'enfantement. La nature est à bout. On appelle le praticien du voisinage; au plus près; sans doute quelque barbier chirurgien de la RocheBernard. Le temps est mauvais, c'est vers la fin de novembre, il fait nuit peut-être; il faut passer la rivière en bateau et se rendre à cheval jusqu'au village. Les chemins ne sont pas sûrs; on est en pleine guerre civile, trois ans après la Saint-Barthélemy. Les gens de la Roche sont suspects; on les traite de huguenots. Dieu veuille qu'on respecte le médecin! On l'attend avec impatience. La femme va mourir. Tous ses proches sont agenouillés autour d'elle. Le silence, qui règne, n'est interrompu que par des sanglots. Que va faire le chirurgien ? La délivrance naturelle n'est pas possible. L'art obstétricale, au XVIe siècle, n'est guère avancé. Les règles opératoires se réduisent à peu de chose, et quant aux instruments, il suffit de savoir que le plus admirable et le plus utile d'entre eux (le forceps) est inconnu, et ne sera inventé que beaucoup plus tard. La pauvre agonisante a fait ses adieux aux siens. On récite les dernières prières. Le chirurgien est là, anxieux, l'œil fixe et le doigt sur l'artère. Qu'attend-il ? Le dernier soupir. C'en est fait; un cri déchirant retentit dans la chaumière bretonne : Et l'enfant ! L'enfant vit-il encore? Le praticien du XVIe siècle ne le sait pas. Il faudra plus de deux siècles encore et le génie de Laënnec pour nous apprendre, à nous, à résoudre ce problème.

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Dans le doute, le chirurgien interroge sa conscience, et sa conscience lui répond si l'enfant n'est pas mort, il a le droit de naître. Il interroge sa foi religieuse, qui répond à son tour: si l'enfant vit, il a le droit être racheté de la tache originelle.

Dès-lors l'honnête praticien se remémore la recommandation de ses maîtres : « Or, s'il advenoit, dit A. Paré, que la femme grosse d'enfant fust en agonie ou aux traicts de la mort,.... fault que le chyrurgien se tienne prest et appareillé pour l'ouvrir subit, après le dernier soupir de

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