son, contre cet abus qui faisait que les revenus des abbayes étaient donnés le plus souvent à d'indignes favoris par les rois. Ma tâche est plus modeste: je vais vous parler de Desportes, poète. Desportes est né, à quelques lieues d'ici, à Chartres', en 1545: c'était, à ce qu'il paraît, un enfant merveilleux. Quand Desportes naquit, la nature accouchée Si loin par son savoir il devançait son âge, Philippe avait un frère nommé Thibaut et quatre sœurs, dont l'une, Simone, donna le jour au poète Mathurin Régnier. Après avoir fait d'excellentes études, le jeune Philippe vint travailler à Paris, chez un procureur au Parlement qui ne tarda pas à le mettre à la porte de son étude. Privé ainsi de situation, Desportes eut la chance de devenir le secrétaire d'un évêque, l'évêque du Puy qui le fit voyager et l'emmena en Italie. C'est à ce moment-là vraisemblablement, qu'il commença à composer des vers. De très bonne heure, Desportes se lia avec Claude de Laubespine, secrétaire des commandements de Charles IX, et cette liaison fut le point de départ de sa fortune; de Laubespine était le beau-frère du marquis de Villeroy, principal ministre du roi. L'avenir de Desportes parut compromis un instant par la 1 M. Lucien Merlet vient de publier (1894), « Bibliothèque Chartraine», les Poètes Beaucerons, une intéressante étude sur Desportes. mort inopinée de Claude de Laubespine, et cette mort plongea le jeune poète dans un profond abattement. De Laubespine était un jeune homme accompli, et le poète traduisit la douleur que lui causait cette perte, en des vers remarquablement beaux : Tout ce que la nature et le ciel favorable Pouvaient pour rendre un homme heureux parfaitement, De ce siècle maudit, ingrat et misérable. Il était grand et beau, dispos, jeune, aimable. L'Aubespine, mourant aux beaux jours de son âge, Joyeux, il lève au ciel et la vue et les mains " Et fit ouïr ces mots avec un doux langage: Seigneur, tu me prends jeune et je meurs nonobstant, Vu les longues erreurs et l'abus qu'il enserre. Autour de mon esprit, qui jamais ne repose, Heureusement pour Desportes, le marquis de Villeroy se l'attacha comme secrétaire particulier. En 4567 A partir de cette époque, la bonne étoile sous laquelle Desportes était né ne cessa de briller. Le poète méritait la fortune qui le traitera en enfant gâté, car il était bon, accueillant, généreux, faisant du bien. aux poètes, ses confrères, moins fortunés que lui. Il était franc, ouvert, bon, libéral et doux. En 1572, Desportes, qui avait vingt-sept ans, publia ses premiers vers, fit hommage de son Roland furieux au roi Charles, et au duc d'Anjou, depuis Henri III, de la Mort de Rodomont. Charles IX récompensa le poème de Rodomont, qui n'avait que 722 vers, par huit cents couronnes d'or qu'il donna à son poète favori. Était-ce l'amour seul de la poésie qui inspirait au roi de telles libéralités ? Ce n'est pas probable. Desportes avait la faiblesse de servir les passions royales, et c'étaient ses bons ou plutôt ses mauvais services qu'on payait ainsi. Le Roland furieux et la Mort de Rodomont sont suivis des Premières amours de Desportes qui mirent complètement le poète en lumière. Puis, Desportes quitta la France, en 1573 et, le 28 septembre, il partit accompagnant en Pologne le duc d'Anjou. Ce départ du poète et du duc fut en France un véritable événement; tous les poètes exprimèrent leur désolation. Le voyage fut rempli de tristesse, et Desportes conserva le plus mauvais souvenir de son séjour en Pologne qui heureusement fut de courte durée: ses adieux à la Pologne sont exprimés en vers énergiques et précis. Adieu, Pologne, adieu, plaines désertes, Ton air, tes mœurs m'ont si fort su déplaire Barbare peuple, arrogant et volage, Ce ne sont pas vos grandes lances creusées, Si votre terre était mieux cultivée, Que l'air fût doux, qu'elle fût abreuvée De clairs ruisseaux, riche en bonnes cités, En marchandises, en profondes rivières, Qu'elle eût des vins, des ports et des minières Desportes ne demeura que neuf mois en Pologne: Charles IX était mort le 30 mai 1574, et la couronne passait sur la tête du duc d'Anjou, roi de Pologne et protecteur de Desportes. Henri III était faible: une ligue s'était formée pour lui arracher le pouvoir. Le nouveau roi se décida à convoquer les États généraux à Blois, le 6 décembre 1576 : Desportes accompagna à Blois le prince, en qualité de secrétaire. Nous devons glisser sur le rôle que joua alors Desportes En 1578, Quélus et Saint-Mégrin, mignons du roi, ayant L'influence de Joyeuse surtout fut considérable sur l'esprit En 1581, Anne de Joyeuse épousait la sœur du roi; les La fortune de Desportes n'eut plus alors de bornes ; les Desportes reçoit d'abord l'abbaye d'Aurillac; en 1582, La réputation de Desportes comme poète avait atteint Il était le chansonnier aimé ses chansons volaient de On chantait : O nuit, jalouse nuit contre moi conjurée! Et la villanelle fameuse : Rosette, pour un peu d'absence. Dans la comédie des Contents, parue en 1584, une mère |