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butions que tous ceux qu'elles regardent sont obligés de les acquitter comme une dette très-légitime, et qu'ils peuvent y être contraints par les voies que les lois et l'usage y ont établies (1).

Puisque le paiement des contributions est un devoir, et que ce devoir est un effet de la nécessité de ces secours publics pour le bien commun, et de la justice qui impose cette charge; on peut en conclure que c'est un devoir de conscience. Et il est aussi commandé comme tel par des passages de l'Évangile et de saint Paul. D'où il s'ensuit qu'il n'est pas permis de frauder ces droits, et de les faire perdre. Car, outre qu'on fait une injustice, ou au public, ou à ceux qui en ont traité, c'est à cause de ces fraudes dont plusieurs usent que, pour les prévenir, on est obligé à diverses précautions, qui engagent à de grands frais. Et ces fraudes sont encore injustes par cet effet qu'elles ont d'augmenter les dépenses qui seraient de beaucoup moindres, si chacun était fidèle au devoir de payer les tributs. La fraude aux contributions était appelée un crime dans le Droit romain. Fraudati vectigalis crimen. L. 8, ff. de public. et vectig.

[Les contribuables qui n'auront pas acquitté le montant de leur taxe en contribution directe dans les dix jours qui suivront l'échéance des délais fixés par les lois, y seront contraints, dans les dix jours suivans, par la voie des garnisaires envoyés dans leur domicile, et auxquels ils seront tenus de fournir le logement et les subsistances, et de payer de plus un franc par jour. Ce premier délai expiré, le paiement sera poursuivi par la saisie et vente des meubles des contribuables en retard, même de fruits pendans par racines.

Les garnisaires seront nommés par les administrations municipales, sur la demande des percepteurs (2). ]

3. C'est une suite de la nécessité des contributions qu'elles soient plus ou moins grandes selon les besoins, et que selon les diverses sortes de biens et de commerces de chaque état, elles soient diversifiées, et se prennent différemment à proportion de ce que les personnes et les biens en peuvent porter, afin que chacune étant moindre, ceux qui doivent les porter en soient soulagés. Ainsi, on a l'usage des impositions sur les personnes, à cause de leurs biens et des profits que chacun peut faire par son industrie, et c'est ce qu'on appelle tailles personnelles. Ainsi, on impose sur les fonds un tribut qu'on appelle tailles réelles. Ainsi, on fait diverses sortes d'impositions sur les denrées, comme sur le sel, qu'on appelle gabelle, sur le vin et sur les autres denrées et marchandises, sous les noms d'aides, entrées et autres impôts de diverses sortes (3).

4. Toutes les contributions et impositions qui peuvent se lever dans un état, soit sur les personnes, ou sur les fonds, ou sur les denrées et sur les marchandises, ou autrement,

(1) Matth. 22. 21. Marc. 12. 17. Luc. 20. 25. Rom. 13. 5. (2) Loi du 17 brumaire an 5, art. 3. (3) L. 1, ff. de muner. et honor. L. 6, § 3, eod. L. 3, ff. de censib. L. ult. § 7, eod. V. tot. tit. ff. et C. de censih. V. tit. ff. de public. et vectig. L. 7. C. de vectig, et comm. V. tit. C. de annon. et trib, et seq.

étant destinées pour le bien public, et tous ceux sur qui elles doivent se prendre étant obligés d'en porter la charge indépendamment de leur volonté, il n'y a que le souverain qui ayant seul l'autorité universelle du gouvernement (Charte, 14.), et le droit de pourvoir à l'ordre public, et à tout ce qui regarde le bien de l'état, qui puisse ordonner les impositions et les contributions de toute nature (Charte, 48.), et en régler l'usage. Et il n'y a aussi que lui seul qui puisse, ou en établir de nouvelles, ou augmenter les anciennes, ou les modérer, ou y faire d'autres changemens (1). (Charte, 15.)

5. L'ordre public et le bien commun d'un état demandent deux sortes de dépenses: la première de celles qui regardent l'état entier, telles que sont les dépenses de la guerre, celles de la subsistance des garnisons et des autres troupes en temps de paix, celles de la maison du prince, celles des gages des officiers, et plusieurs autres; et la seconde des dépenses nécessaires pour la police de chaque ville et des autres lieux, comme pour l'entretien des pavés, des fontaines, des maisons de ville et autres choses publiques, et pour leurs autres charges. C'est pour ces deux sortes de dépenses qu'on a l'usage de deux sortes de deniers publics. L'une de ceux qui sont destinés aux dépenses qui regardent l'état, et dont le souverain ordonne la dispensation; et ces deniers sont levés et reçus par les officiers qu'il y a préposés. Et l'autre des deniers destinés pour ces dépenses des villes qui n'entrent pas dans les coffres des finances de l'état, mais qui sont reçus par les personnes que les communautés des villes et des autres lieux peuvent en charger.

[Les budgets qui règlent l'emploi de tous les centimes additionnels affectés au paiement des dépenses départementales de toute nature, seront, ainsi que les comptes de leurs recettes et dépenses tant ordinaires qu'extraordinaires, rendus publics annuellement par la voie de l'impression. (Loi du 17 août 1828, art. 6.)]

6. Quoique ces impositions des deniers nécessaires pour les dépenses des villes et autres lieux semblent ne pas regarder l'état, et qu'ainsi on pût penser que ces communautés pourraient régler ces impositions, et faire la levée de ces deniers sans la permission du prince, elle y est nécessaire; et on ne peut lever pour ces dépenses que jusqu'à la concurrence de ce qu'il permet. Car, outre les abus qui seraient à craindre de la part de ceux qui feraient ces impositions; il est vrai d'ailleurs qu'elles regardent en effet l'état par deux considérations. L'une, que le bon ordre de l'état est composé de celui des villes et des autres lieux; et l'autre, qu'il importe à l'état que ces dépenses soient réglées de sorte qu'elles ne nuisent pas aux contributions que les habitans des

(1) L. ro, ff. de public. et vectig. L. 4. C. de annon, et trib.

villes et des autres lieux doivent à l'état. Et c'est à cause de cette nécessité de la permission du souverain pour ces sortes d'impositions qu'on les appelle des deniers d'octroi : soit qu'ils se lèvent par capitation, c'est-à-dire par des impositions sur les personnes, ou par d'autres voies, selon la permission que le prince en donne (1).

[Toutes contributions directes ou indirectes, autres que celles autorisées par la loi, à quelque titre et sous quelque dénomination qu'elles se perçoivent, sont formellement interdites, à peine, contre les autorités qui les ordonneraient, contre les employés qui confectionneraient les rôles et tarifs, et ceux qui en feraient le recouvrement, d'être poursuivis comme concussionnaires, sans préjudice de l'action en répétition, pendant trois années, contre tous receveurs, percepteurs ou individus qui auraient fait la perception, et sans que, pour exercer cette action devant les tribunaux, il soit besoin d'une autorisation préalable. Il n'est pas néanmoins dérogé à l'exécution des articles 20 et 28 de la loi du 31 juillet 1821, et de l'art. 22 de la loi du 17 août 1822, relatifs à la spécification des dépenses variables départementales et aux centimes facultatifs que les conseils-généraux de département sont autorisés à voter pour les dépenses d'utilité départementale et pour les opérations cadastrales, et des articles 31, 39, 40, 41, 42 et 43 de la loi du 15 mai 1818, relatifs aux dépenses ordinaires et extraordinaires des communes. (Loi du 17-21 août 1828, art. 7. V. sur cette matière l'art. 174 du code pénal, et l'art. 75 de la constitution du 22 frimaire an VIII). ]

SECTION II.

De l'imposition en général des diverses sortes de deniers publics.

1. Les impositions des deniers publics sont différentes, selon les diverses natures de contributions qu'on distinguera dans l'article qui suit.

2. Les contributions sont de trois sortes, comme il a été déja remarqué (2). Celles qui se tirent des personnes à cause de leurs biens, meubles ou immeubles, et des profits qui peuvent venir de leur industrie. Celles qui se prennent sur les immeubles, sans égard aux personnes (Charte, 2.); et celles qu'on prend sur les choses mobilières qui ont été assujetties à des tributs dont la levée se fait dans les passages de ces choses, ou dans les commerces ou autrement, sans rapport aux personnes à qui elles peuvent appartenir. Et pour ces trois espèces de contributions il y a trois manières d'impositions, qu'on expliquera dans les articles qui suivent.

3. La première sorte d'impositions est celle des contributions. personnelles, par laquelle on cotise les personnes à une certaine

(1) L. 1. C. vectig. nov, inst. non posse. (2) V. l'art. 3 de la sect. précédente et le préambule de ce tit

somme à proportion de leurs biens et de leur industrie, ce qu'on appelle taille (1), qui fera la matière de la sect. 3.

4. La seconde sorte d'imposition est celle des contributions qui se prennent sur les immeubles qu'on appelle taille réelle, qui s'impose sur chaque fonds (2), et qu'on expliquera dans la section 4.

5. La troisième est celle des contributions qui se lèvent sur certaines denrées et marchandises que les lois y ont assujetties (3), ce qui fera la matière de la section 5.

6. L'imposition personnelle des tailles se fait par un premier ordre du prince, qui règle pour chaque année la somme qu'il veut être imposée dans tout l'état. (Charte, 49.) Et cette somme étant divisée aux provinces, aux villes, et aux autres lieux, on impose sur les habitans de chacun la part qu'il doit en porter. (V. l'art. 4 de la sect. I, et la sect. 3.)

Cette imposition se fait en France par un premier ordre du Roi qui règle le total de la taille, et elle est divisée par généralités dont les officiers, qui sont les trésoriers de France, en font un second département aux élections, qui en font un troisième, qu'on appelle l'assiette, et qui divise la taille aux villes et aux autres lieux, où les personnes préposées à faire les cotisations personnelles, font les rôles dans lesquels chaque particulier est cotisé à ce qu'il doit en porter à proportion de ses biens et de son industrie. (Charte, 2.)

7. L'imposition des tailles réelles se fait de même en chaque province, en chaque ville, et en chacun des lieux où elles sont en usage, selon ce qu'en doivent porter tous les héritages qui sont situés dans l'étendue sujette à un département. Et les officiers qui y sont préposés imposent sur chaque héritage la contribution qu'il doit en porter à proportion du revenu qui peut s'en tirer. (V. la sect. 4; Charte, 2.)

8. L'imposition sur les denrées et marchandises se fait par des réglemens qui fixent la contribution de chaque espèce, et ce qui doit en être levé à proportion de la valeur des choses, qu'on estime selon leur nature ou au nombre, ou au poids, ou à la mesure. Cette imposition se fait par des rôles ou tarifs qui contiennent la taxe ou contribution de chacune de ces sortes de choses. (V. la sect. 5; Charte, 49.)

9. Il faut remarquer, sur les impositions personnelles, qu'elles sont sujettes à deux sortes de changemens. L'un de la part du prince, qui peut rendre la taille ou plus ou moins forte; et l'autre de la part des contribuables, à cause des événemens qui peuvent augmenter ou diminuer les récoltes des paroisses et les biens des particuliers, et même le nombre des habitans d'un lieu; ce qui oblige à augmenter ou diminuer les impositions des lieux, et les cotisations des particuliers. (V. l'art. 5 de la sect. 3.)

(1) L. 3, ff. de cens. L. ult. § 7, eod. (2) V. tot. tit. ff. de censib. L. 4. C, eod. (3) L. 6. C. de vectig. et comm. V. T. h. T. V. T. ff. de public. et vectig

10. Les impositions sur les fonds peuvent aussi recevoir des changemens, soit à cause de l'augmentation ou diminution de l'imposition générale, ou de la perte des fonds qui peuvent périr par un débordement ou par d'autres cas fortuits, ou à cause des augmentations ou diminutions qui peuvent arriver à chaque héritage, comme si on y plante, si on y bâtit, ou si quelque inondation ou autre accident le rend infertile, ou en fait périr quelque portion (1).

11. Les impositions sur les denrées et les marchandises ne reçoivent pas d'autres augmentations ni diminutions, que celles que le prince peut y faire par des réglemens qui augmentent ou diminuent les impôts sur ces espèces, ou sur quelques-unes. (Charte, 2, 47, 48.) Car, au lieu que les impositions sur les personnes et sur les fonds peuvent être plus fortes ou moindres, quoique l'imposition générale demeure la même, à cause des changemens dont on a parlé dans les deux articles précédens; les impositions sur les denrées et les marchandises n'étant faites sur aucune chose en particulier, mais en général sur l'espèce à portion du nombre, du poids et de la mesure, cette taxe ne peut changer que par un changement général et universel qui augmente l'impôt ou le diminue. (Charte, 49.)

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[Du droit de voter l'impôt dérive celui de fixer les dépenses publiques, disait en 1820 un profond jurisconsulte, M. Devaux, député du Cher. Si le gouvernement avait seul le droit de fixer les dépenses publiques, la somme réclamée pour les solder serait toujours nécessaire. Le pouvoir des chambres législatives se bornerait à rechercher les moyens les moins onéreux au peuple pour établir l'équation entre les produits de l'impôt et les dépenses. Il n'y aurait plus de libre arbitre dans le vote d'un impôt dont la quotité serait condamnée par l'ordonnateur des dépenses placées hors du contrôle de la législature. Le vote annuel de l'impôt emporte donc avec lui la fixation des dépenses reconnues nécessaires; mais on ne peut fixer les dépenses sans les discuter. La discussion produit des réductions ou des allocations raisonnées. Chaque dépense allouée devient un principe qui produit pour conséquence la nécessité de voter ensuite l'impôt destiné à la solder.....]

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12. Il s'ensuit de ces différences entre ces diverses sortes d'impositions, qu'à l'égard du prince les changemens qui peuvent arriver pour les impositions sur les personnes et sur les fonds ne font ni augmentation ni diminution de ses droits. Car l'imposition générale qu'il a ordonnée doit être remplie, et les changemens regardent seulement les particuliers, et les fonds qui doivent porter l'imposition générale, et sur qui elle peut être divisée inégalement, selon que ces changemens peuvent y donner lieu. (Charte, 2.) Mais pour les impositions sur les denrées et les marchandises, il peut arriver, et il arrive aussi plusieurs changemens qui augmentent ou diminuent les droits du prince, quoi(1) L. 4, § 1, ff. de censib.

III.

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