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ces biens que doit venir tout le secours des finances d'un état. Ainsi, pour expliquer les diverses manières dont on a pourvu aux fonds des finances, il faut premièrement distinguer les diverses sortes de biens qui peuvent y contribuer; et, en second lieu, considérer les différentes voies qu'on a prises pour en tirer les contributions.

Tous les biens peuvent se distinguer en deux espèces : l'une des immeubles, comprenant sous cette espèce les rentes foncières, les rentes constituées à prix d'argent, et les autres sortes de biens qui sont de la nature des immeubles, comme les offices, et plusieurs droits et l'autre des meubles et effets mobiliers, comprenant, sous cette sorte de biens, l'or, l'argent, les pierreries, les marchandises de toute nature, les dettes actives, les profits de l'industrie, et de tout autre bien qui ne soit pas immeuble.

Selon cette distinction de ces deux espèces générales qui comprennent toutes sortes de biens sans exception, il pourrait y avoir trois manières d'en tirer les fonds des dépenses de l'état, soit ordinaires ou extraordinaires. La première, en les prenant toutes sur les immeubles; la seconde, en ne les prenant que sur les autres sortes de biens; et la troisième, en les prenant sur l'une et sur l'autre espèce de biens.

De ces trois manières, les deux premières seraient injustes. Car les charges de l'état regardent les personnes, et chacun devant y contribuer à proportion de ses biens, il n'y aurait aucune raison d'en charger plutôt une espèce de biens que l'autre, et faire tomber la charge entière sur ceux qui auraient des biens de l'espèce sujette à la charge, et en décharger entièrement ceux de qui tous les biens seraient d'une autre nature. (Charte, art. 2, 48.)

La troisième manière de prendre les fonds des dépenses de l'état sur les deux espèces de biens, est donc sans difficulté la plus juste et la plus naturelle, puisqu'elle affecte toute sorte de biens indistinctement, même l'industrie, et qu'ainsi personne n'en est excepté (Charte, art. 2); que ceux qui, n'ayant ni bien ni industrie, sont eux-mêmes à charge à l'état, qui doit pourvoir à leur subsistance. Et c'est à cette troisième manière que se réduisent en général toutes sortes de tributs et d'impositions, tailles, aides, gabelles et autres; non de sorte que chacune de ces espèces de tributs se prennent sur toutes les espèces de biens, mais de sorte qu'elles se prennent différemment les unes sur une espèce, les autres sur l'autre, et qu'ainsi toutes les personnes et tous les biens contribuent aux charges, à la réserve des exemptions et des priviléges qui seront expliqués dans la section 7. (Il n'y a plus de privilége en France, voy. Charte, art. 1.)

Les impositions ou cotisations, que nous appelons tailles, sont des contributions de certaines sommes, qui se lèvent par chaque

année en deux différentes manières, dont la première est en usage dans la plupart des provinces de ce royaume, et la seconde en quelques autres. La première est celle des impositions ou cotisations personnelles, qui se font sur chaque chef de famille, à qui on impose sa charge propre selon tous ses biens, meubles et immeubles et son industrie : ce qu'on appelle taille personnelle, parce qu'elle se prend sur chaque personne des chefs de famille, à cause de tous ses biens indistinctement; et la seconde, qu'on appelle taille réelle, est une imposition d'un tribut qui se prend sur chaque héritage à proportion de son revenu, sans égard à la personne du possesseur. Et dans les lieux où ce tribut est en usage, il y a une autre imposition et cotisation personnelle de chaque chef de famille, pour ses biens autres que ses immeubles et pour son industrie. Ainsi, au lieu que dans les provinces où les tailles sont personnelles, chaque personne ne porte qu'une seule cotisation pour tous ses biens et son industrie, il y en a deux pour ceux qui ont des immeubles et d'autres biens dans les provinces où les tailles réelles sont en usage. Mais chacune ne porte en tous lieux que ce qu'il doit porter pour tous ses biens et son industrie, soit par deux cotisations, ou par une seule.

Ces impositions réelles sur les fonds étaient en usage à Rome (1), et c'est de cet usage qu'est venu celui des tailles réelles dans quelques provinces qui se régissent par le droit écrit.

Outre ces deux sortes d'impositions qu'on appelle tailles, soit réelles sur les immeubles, ou personnelles sur les personnes, il y en a d'autres différentes sortes, qui ne se prennent ni sur les immeubles, ni sur les personnes, à cause de leurs biens, mais sur de certaines espèces de choses mobilières, comme sur le sel, sur le vin, et sur d'autres denrées et marchandises, sans rapport aux personnes à qui elles appartiennent. Ce sont ces impositions qu'on appelle aides, entrées, traites foraines, gabelles, et d'autres noms, distinguées de tailles personnelles, en ce qu'au lieu que les tailles s'imposent sur les personnes à cause de leurs biens et des profits de leur industrie, ces autres impositions se prennent sur ces espèces, sans égard aux personnes à qui elles peuvent appartenir. Ainsi, la gabelle se prend sur le sel, qui ne passe à l'usage des particuliers que pour le prix que le souverain y a mis, en commettant le commerce et la distribution aux personnes qu'il y prépose. Ainsi, les aides, les entrées et les autres droits se prennent sur le vin et sur les autres denrées et marchandises que le prince y rend sujettes, et se lèvent ou aux entrées de ces sortes de choses dans les ports, ou dans les villes, ou à leurs passages d'une province à une autre, ou au temps de leur débit, ou autrement, selon que ces différens droits ont été établis.

Outre ces diverses sortes d'impositions, et autres semblables, (1) L. 4, § 2, ff. de cens. v. T. h. T.

on a encore en France l'usage des décimes qui sont des impositions ou des taxes sur les revenus des bénéfices; car les revenus des biens temporels des bénéfices doivent contribuer au bien de l'état.

Toutes ces sortes de tributs ou impositions composent la plus grande partie des finances destinées à toutes les différentes charges de l'état. Mais, outre ces divers fonds, il y a d'autres revenus du souverain, et diverses sortes de droits, tels que sont les confiscations, les amendes, les successions des étrangers qu'on appelle aubains, celles des bâtards et des personnes qui meurent sans laisser aucun héritier, le droit aux biens vacans, et les autres revenus casuels, comme sont en France ceux que le roi tire des charges vénales, soit par le droit annuel que doivent payer les titulaires des charges qui y sont sujettes pour les conserver dans leur succession, ou par la perte des charges de ceux qui meurent sans avoir payé ce droit.

De toutes ces espèces de revenus du prince, on ne traitera dans ce titre, comme on l'a déja remarqué, que de ceux qu'on appelle proprement finances, qui sont ces diverses sortes de contributions. Et on expliquera, dans le titre suivant, ce qui regarde le domaine du roi, les biens vacans, les confiscations, et ces sortes de successions qui lui sont acquises. Et on se bornera dans toutes ces matières aux règles qui ont les caractères qu'on a remarqués à la fin de la préface de ce livre. Ainsi, le lecteur ne doit pas s'attendre de trouver ici le détail de ce qu'il y a de règles de ces matières dans les ordonnances : et il y a même quelques matières dont on ne fera aucune mention dans la suite, comme par exemple de ces droits casuels sur les offices des décimes, et autres droits expliqués dans les ordonnances comme de Resve, haut passage, trépas de Loire. Car tous ces droits et autres sont de la même nature que d'autres qu'on expliquera, et les mêmes règles qui sont du dessein de ce livre s'y appliqueront. Et pour les autres règles du détail de toutes ces matières, elles sont recueillies dans les ordonnances.

Il ne reste que de remarquer l'ordre du détail de ce titre 4 qu'on a divisé en huit sections. La première, de la nécessité des deniers publics, et de leurs espèces; la seconde, de l'imposition en général des diverses sortes de deniers publics; la troisième, des cotisations personnelles sur les particuliers; la quatrième, des impositions particulières sur les immeubles; la cinquième, des impositions sur les denrées et marchandises; la sixième, de la levée de toutes sortes de deniers publics; la septième, des exemptions des diverses sortes de contributions; et la huitième, des fonctions et des devoirs de ceux qui exercent des charges ou autres emplois de finances.

On ne s'arrêtera pas à expliquer ici, ni en aucun endroit de ce titre, le rapport qu'il peut y avoir des tributs qui sont de

notre usage à ceux dont il est parlé dans les textes du droit romain qui seront cités. Cette curiosité inutile passerait les bornes du dessein de ce livre; et il suffit d'avertir le lecteur qu'il ne doit pas tant chercher dans ces textes la conformité de nos tributs à ceux dont il est parlé, que l'application des règles qu'on en tire pour notre usage.

SECTION PREMIÈRE.

De la nécessité des contributions et de leurs espèces.

1. La nécessité des deniers publics pour faire subsister l'état en paix et en guerre, demande les contributions d'où ces deniers doivent se tirer. Ainsi, le bien commun rend juste l'imposition et la levée des tributs que les besoins de l'état rendent nécessaires (1).

[Ils (les Français) contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l'état. (Charte, 2.) Aucun impôt ne peut être établi ni perçu, s'il n'a été consenti par les deux Chambres et sanctionné par le roi (Charte, 48). — L'impôt foncier n'est consenti que pour un an. Les impositions indirectes peuvent l'être pour plusieurs années (Charte, 49).

Ainsi, je prends pour base de nos diverses contributions actuelles, la loi du 17-21 août 1828, relative à la fixation du budget des recettes et des dépenses de l'exercice de 1829; laquelle porte la nomenclature des objets sur lesquels on perçoit les impôts.

Art. 1. Continuera d'être faite en 1829, conformément aux lois existantes, la perception : des droits d'enregistrement, de timbre, de greffe, d'hypothèques, de passe-ports et de permis de ports d'armes, et de droits à percevoir pour le compte du trésor sur l'expédition des lettres de naturalité, dispenses de parenté pour mariage, autorisations de servir à l'étranger, d'après le tarif fixé par l'ordonnance du roi du 8 octobre 1814; des droits de douanes, y compris celui sur les sels; - des contributions indirectes, des postes, des loteries, des monnaies et droits de garantie; des taxes, des brevets d'invention; - des droits établis sur les journaux; des droits de vérification des poids et mesures, conformément au tarif annexé à l'ordonnance royale du 18 décembre 1825; — du dixième des billets d'entrée dans les spectacles; du prix des poudres, tel qu'il est fixé par la loi du 16 mars 1819;-d'un quart de la recette brute dans les lieux de réunions ou de fêtes où l'on est admis en payant, et d'un décime pour franc sur ceux de ces droits qui n'en sont point affranchis, y compris les amendes et condamnations pécuniaires; des contributions spéciales destinées à subvenir aux dépenses des bourses et chambres de commerce, ainsi que des revenus spéciaux accordés auxdits établissements et aux établissements sanitaires; des droits établis pour frais de visite chez les pharmaciens, droguistes et épiciers; - des rétributions imposées, en vertu des arrêtés du gouvernement, du 3 floréal an VIII (23 avril 1800) et du 6 nivòse an XI (27 décembre 1802), sur les établissemens d'eaux minérales;

(1) V. les art. 23 et 24 de la sect. 2 du tit. 2. V. 2. Paralip. 10.

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pour le traitement des médecins chargés par le gouvernement de l'inspection de ces établissemens; des redevances sur les mines; - des diverses rétributions imposées en faveur de l'Université sur les établissemens particuliers d'instruction et sur les élèves qui fréquentent les écoles publiques; — des taxes imposées avec l'autorisation du gouver nement pour la conservation et la réparation des digues et autres ouvrages d'arts intéressant les communautés de propriétaires ou d'habitans, des taxes pour les travaux de dessèchement autorisés par la loi du 16 septembre 1806, et des taxes d'affouages là où il est d'usage et utile d'en établir. (Cette dernière disposition déroge à l'art. 109 du code forestier); des droits de péage qui seraient établis, conformément à la loi du 4 mai 1802, pour concourir à la construction ou à la réparation des ponts, écluses, ouvrages d'arts à la charge de l'état, des départemens et des communes; des sommes réparties sur les Israélites de chaque circonscription pour le traitement des rabbins et autres frais de leur culte.

Art. 2. La contribution foncière, la contribution personnelle et mobilière, les contributions des portes et fenêtres et des patentes, seront perçues pour 1829, en principal et centimes additionnels conformément à l'état....

Le contingent de chaque département dans les contributions foncière, personnelle et mobilière, et des portes et fenêtres, est fixé aux sommes portées dans l'état annexé à la présente loi.

Art. 3. En exécution de l'art. 106 du code forestier, une somme de quinze cent cinquante-huit mille deux cents francs, montant des frais d'administration des bois des communes et établissemens publics, sera ajoutée, pour 1829, à la contribution foncière et établie sur ces bois. Cette somme sera répartie par ordonnance royale entre les différens départemens du royaume.

Art. 4. Le budget des recettes est évalué, pour l'exercice de 1829, à la somme de neuf cent quatre-vingt-six millions cent cinquante-six mille huit cent vingt-un francs, conformément à l'état... ci annexé.

Quant aux dépenses pour l'année 1829, elles s'élèvent à la somme fixe de neuf cent soixante-quatorze millions cent quatre-vingt-quatre mille trois cent soixante-un francs. · De telle sorte que la balance des recettes et dépenses donne pour excédant présumé de recette 11,972,460 fr. (1).]

2. Il s'ensuit de cette nécessité, et de cette justice des contri

(1) V. sur les contributions foncières, la loi du 23 nov. 1 déc. 1790, et l'instruction annexée à cette loi; la loi des 29 sept.- 14 oct. 1791; 30 juillet

2 avril 1792, surtout l'art. 1 de cette loi, qui fixe le rapport de l'impôt au revenu; les lois des 3 frimaire au 7, 2 et 4 messidor an 7; du 23 sept. 1814, du 28 avril 1816. Sur les contributions personnelle et mobilière, la loi du 13 janvier 18 février 1791; les lois des 3 nivose an 7, et 21 ventose an 9; la loi du 24 avril 1806, et les lois de finances depuis 1814. -Sur la contribution des portes et fenêtres, les lois des 4 frimaire, 18 ventose et 6 prairial an 7, 13 floréal an 10, 5 ventose an 12, et les lois des finances postérieures à 1814.- Sur les patentes, les lois des 2-17 mars 1791, art. 7, 21-22 mars 1793, art. 5; 4 thermidor an 3, 9 frimaire an 5, 7 brumaire an 6, 1 brumaire an 7; 28 avril 1816, 25 mars 1817, 15 mai 1818 et 10 mai 1823. Les taxes somptuaires créées par la loi du 7 thermidor an 3 et maintenues par la loi du 3 nivose an 7, ont été abolies conformément à l'art. 73 de la loi du 24 avril 1806.

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