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des bénéfices, quoiqu'ils soient destinés pour l'usage des églises, et il en tire aussi d'autres différens secours et des subventions selon les besoins.

5. Outre ces droits qu'a le roi sur les biens temporels de l'église, la puissance temporelle lui en donne aussi d'autres différens de plusieurs natures en ce qui regarde l'église. Ainsi, en général, comme c'est par cette puissance que les princes ont le droit de régler la police temporelle de leurs états, tout ce qui dépend de cette police est soumis à cette puissance. Ainsi, en particulier, comme il est de l'ordre de la police temporelle qu'il ne puisse y avoir d'assemblées de plusieurs personnes qui composent un corps et une communauté sans la permission du prince P. 291, s. ), comme on l'a expliqué en son lieu, il ne se peut faire aucun établissement dans le royaume de corps ou communautés ecclésiastiques, ni d'ordres de religion, de monastères et d'autres maisons régulières, sans lettres du roi (1).

6. C'est par cette même police temporelle, qu'il est de l'intérêt du roi et de l'état, que les étrangers ne puissent posséder ni d'offices, ni de bénéfices, ni même exercer des fonctions publiques sans permission du roi; car, outre que ces personnes pourraient lui être suspectes, à cause des intérêts de leurs princes, ou magistrats, la sûreté pour engager à la résidence, et la préférence des regnicoles aux étrangers, sont de justes causes de les exclure des bénéfices; et les ordonnances l'ont ainsi réglé pour les archevêchés, évêchés, abbayes, et pour tous autres bénéfices.

N'entendons que ci-après aucun puisse être pourvu d'archevêchés, évêchés, ni abbayes de chef d'ordre, soit par résignation, ou autrement, qu'il ne soit originaire Français, (Ord. de Blois, art. 4. V. l'ord. de Charles VII, 10 mars 1431.)

[16. On ne pourra être nommé évêque avant l'âge de trente ans et si on n'est originaire Français. (Loi, 18 germinal an 10.)-Il en est de même pour les cultes protestans, car l'art. re porte: «Nul ne pourra exercer les fonctions du culte, s'il n'est originaire Français. » (Loi, Ibid.) ]

7. Dans cette même matière des bénéfices, la police temporelle a donné au Roi un droit d'une autre nature, et dont l'église même approuve l'usage, qui est le droit de faire régler par ses juges les différends sur le possessoire des bénéfices; car comme le droit de posséder demande qu'on soit maintenu dans sa possession; ce qui renferme le droit d'empêcher qu'on n'y soit troublé (Charte, 10, C. civ. 545,614, 1768, pr. 72, 3, 38, p. 456.), et de réprimer par l'usage de la force les voies de fait, et que cette force ne peut être qu'entre les mains de la puissance temporelle, l'autorité spirituelle n'ayant point cette sorte d'usage, il faut, pour maintenir les possesseurs contre ceux qui entreprendraient de les (1) L. x,. ff. quod cui. un. nom. V. sur cette matière, page 14.

troubler, recourir à l'autorité temporelle. Ainsi, quand il s'agit du possessoire des bénéfices, il n'y a que les juges royaux qui en puissent connaître (1).

8. C'est encore par une suite de la puissance des princes sur la police temporelle, qu'en d'autres matières, qui, de leur nature, ont rapport au spirituel, les rois ont établi des règles sur ce qu'il y a, dans ces matières, qui se rapporte au temporel. Ainsi, quoique la célébration des mariages soit une matière spirituelle qui regarde un sacrement de l'église, les rois y ont fait des règles sur ce qui se rapporte au temporel, comme la nécessité du consentement des parens au mariage de leurs enfans jusqu'à un certain âge (C. civ. 144, s. 152, s. 156, s.), et celle de rendre publics les mariages par des bans. ( C. civ. 63, s. p. 199, s.)

9. On peut mettre dans ce même rang de l'usage de la puissance temporelle pour la police sur ce qui se rapporte au spirituel, cet usage de France, que les officiers du roi ne peuvent être excommuniés pour le fait de leurs charges: ce qui est une suite des libertés de l'église gallicane, et en fait partie; car si ces excommunications étaient tolérées, ce serait une ouverture à détruire ces libertés, et à troubler la police temporelle qui les

maintient.

10. C'est encore une suite de la puissance du roi sur le temporel, que les ministres de l'église ne puissent faire aucune levée de deniers dans le royaume, non pas même sur le temporel des bénéfices, sous quelque prétexte que ce puisse être, sans l'autorité du roi, de qui dépend la police de ce temporel. (P. 174.)

11. On peut juger par la nature de ces diverses matières, dont on a parlé dans tout ce titre, du caractère qui distingue en chacune ce qui regarde le spirituel, et ce qui peut dépendre du temporel, et discerner de même, en d'autres semblables, dont il n'est pas nécessaire de faire ici un plus ample dénombrement, ce qu'elles peuvent avoir qui soit sujet à la police temporelle. Et comme c'est seulement ce caractère qui fait ce qu'il y a dans ces matières, qui a obligé d'en composer ce qu'on en a dit dans ce titre, suivant le dessein qu'on s'est proposé dans ce livre, on a dû se borner ici à ce peu de règles par les raisons qu'on a expliquées en leur lieu; car ce peu suffit pour y voir les principes essentiels des droits du roi sur ces matières, et sur toutes les autres semblables; et le détail des autres règles de toutes ces diverses matières a son lieu dans les ordonnances, dans les concordats, dans les autres lois de l'église, et dans les usages, ainsi qu'on l'a remarqué dans le préambule de ce titre.

(1) L. 1, § 15, ff. si is qui testam.lib. ess. juss. er. L. 13, § 3, ff. de usufr.

LIVRE II.

Des officiers et autres personnes, qui participent aux fonctions publiques.

Après avoir expliqué dans le premier livre l'ordre général du gouvernement et de la police qui règle dans un état tout ce qui se rapporte au bien commun de la société des hommes, il faut maintenant passer à ce qui regarde l'administration de la justice -sur les personnes qui composent cette société, pour les contenir tous dans leurs devoirs envers le public, et maintenir entre eux en particulier la tranquillité qui doit être le fruit de l'ordre du gouvernement.

Cette administration de la justice consiste à réprimer et punir ceux qui troublent l'ordre public et cette tranquillité par des entreprises, des délits et des crimes, et à régler les différends qui divisent les personnes, et troublent le repos des familles.

C'est pour ces usages qu'on a été obligé d'établir les juges, pour être les protecteurs des lois, pour en imposer le joug à ceux qui ne s'y soumettent pas volontairement, et pour maintenir par l'observation de ce qu'elles ordonnent, l'ordre et le repos public, qui est l'unique fin des lois de la police temporelle, et c'est pourquoi il y a toujours eu des juges dans tous les états, mais différemment; car comme en tous il y a toujours cela de commun, que le souverain est le premier juge, et le seul qui tient immédiatement son pouvoir de Dieu, et qui, ne pouvant exercer cette fonction dans tout le détail, commet des personnes à qui il donne le droit de juger, et à qui il confie son autorité; ainsi, le prince peut dispenser comme bon lui semble le droit de juger. ( Charte, 57, s.) On voit aussi dans les livres saints, qui contiennent la plus ancienne histoire du monde, que Moïse, qui avait seul le gouvernement du peuple Juif, ne pouvant suffire à juger le détail des affaires, choisit par le conseil de son beau-père des personnes à qui il commit cette fonction, leur donnant le pouvoir de juger seulement des affaires du peuple, et se réservant la connaissance de tout ce qu'il y aurait de plus important (1). Ainsi, dans tous les autres états, il a été nécessaire d'établir des juges; et comme dans les grands états, la multitude des affaires a fait naître une infinité de différends de diverses sortes, et a donné sujet à la multiplication et des lois et des matières, on a eu besoin de juges, qui, outre la connaissance des règles de l'équité naturelle, eussent la science de ces lois et du détail de ces matières; et on a donné à ces juges leur dignité, leur autorité,

(1) Exod. 18. 17.

et distingué même leurs fonctions, établissant de différentes juridictions pour en juger les différentes sortes de matières. (Charte 57, 58, 59, 60, 61, 65.)

Ainsi, on voit dans le droit romain un grand nombre de divers magistrats, dont les juridictions étaient distinguées, et dont quelques-uns avaient le pouvoir de donner des juges, qu'ils choisissaient eux-mêmes pour juger les différends qui pouvaient naître entre les particuliers. (Charte, 60, 65.)

On peut juger par cette diversité de magistrats, dont on voit les noms et les différentes fonctions dans le droit romain, que les différentes juridictions qu'on voit en France ne sont pas une nouveauté.

C'est donc pour punir les crimes et les délits, et pour juger les procès, qu'on a fait des juges, et qu'on a aussi établi d'autres fonctions nécessaires pour l'administration de la justice, comme on le verra dans la suite. Et quoiqu'il semble que l'administration de la justice, et la connaissance des crimes, des délits et des procès, soit bornée aux fonctions des officiers qu'on appelle officiers de justice, qui sont distingués des officiers de police et de finances, toutes ces sortes d'officiers ont part à l'administration de la justice, et connaissent de certains crimes, de certains délits, de certains procès, et il y a aussi d'autres sortes d'officiers qui ont leur juridiction, et le droit de juger de certains différends et de certains crimes, comme les premiers officiers de la maison du Roi, les officiers de guerre, et autres. Ainsi, quoique ce second livre regarde principalement les officiers qu'on appelle officiers de justice, on peut rapporter à tous les autres officiers qui ont quelque administration de justice, les règles qu'on expliquera dans ce livre, selon qu'elles peuvent leur convenir.

Comme toutes les fouctions de l'administration de la justice se rapportent aux crimes, aux délits, aux procès, et à tout ce qui peut demander l'usage de l'autorité de la justice, quelqu'un pourrait penser que la matière des crimes et des délits, et celle de l'ordre judiciaire, qui feront la matière du troisième et quatrième livre, aurait dû précéder ce qui regarde les officiers, puisqu'ils ne sont établis que pour punir les crimes et les délits, et pour juger les procès et les différends; mais parce que l'établissement des officiers est une suite nécessaire de celui du gouvernement, et que tout ce qui regarde en général le gouvernement suppose la nécessité de contenir les hommes dans leurs devoirs envers le public, dans leurs devoirs entre eux, tranquillité qui doit unir la société qu'ils composent tous; la même raison qui a engagé d'expliquer tout ce qui regarde le gouvernement en général, avant que de venir aux crimes, demande qu'on explique aussi ce qui regarde les officiers avant ce détail,

et dans la

puisque leurs fonctions et leurs devoirs font une partie de l'ordre du gouvernement.

L'administration de la justice qui a rendu nécessaire l'établissement des juges, a rendu nécessaire aussi le ministère de personnes qui expliquassent aux juges les droits des parties, soit parce qu'il y en a peu qui soient capables de faire entendre leurs droits, et que plusieurs ne les entendent pas eux-mêmes, ou parce que d'ailleurs il est de la dignité de la justice qu'on éloigne de son tribunal l'indécence et la confusion, et les autres inconvéniens qui suivraient de la liberté indistinctement donnée aux parties d'expliquer elles-mêmes leurs demandes ou leurs défenses, tant à cause de leur incapacité, que des emportemens de leurs passions: c'est par ces considérations, que s'est établi l'usage du ministère des avocats, et de celui des procureurs; et pour ceux-ci, il y a eu encore une autre raison qui a rendu leurs fonctions nécessaires, car les manières de procéder en justice pour l'instruction des procès, ont été réglées à de certaines formes dont l'usage est nécessaire, et qui ne peuvent s'observer si chaque partie n'a un procureur qui la représente, et avec qui le procès s'instruise; mais, pour les avocats, leur ministère est dégagé de toutes fonctions pour les procédures, et restreint à ce qui sera expliqué dans la suite.

Cette même administration de la justice demande aussi d'autres fonctions, comme celles des greffiers, pour écrire et signer les ordonnances, les sentences, les arrêts, et les autres actes judiciaires, et en être les dépositaires; et celles des huissiers et sergens pour l'exécution des ordres de la justice.

On peut mettre dans l'ordre de cette administration de la justice, la manière dont elle se rend volontairement entre les parties par des arbitres qu'on prend pour juges; et ceux qui exercent cette fonction, ont leurs devoirs qui doivent faire partie des matières de ce livre. Sur quoi il faut remarquer que, comme on peut prendre pour arbitres les avocats et autres personnes qui n'aient pas la qualité d'officiers, cette fonction d'arbitres renferme une espèce d'administration de la justice, qui a son autorité dans les lois et dans les ordonnances, qui permettent les arbitrages, les ordonnent même entre certaines personnes, pour de certaines matières. Et c'est par cette raison qu'on a compris dans l'intitulé de ce second livre, les personnes autres qu'officiers, qui participent aux fonctions de la justice, ce qui comprend aussi les juges et consuls des marchands, qui, sans avoir de provision du roi, ni titre d'office, ont, par les ordonnances, le pouvoir de juger les différends qui sont de leur connaissance; et il en est de même de ceux qui exercent des charges municipales, d'échevins, consuls et autres qui ont part à la po

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